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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2367/2024

ATAS/56/2025 du 30.01.2025 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2367/2024 ATAS/56/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 janvier 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Mehdi CHRAÏBI, avocat

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1975, père de quatre enfants, a travaillé du 24 janvier au 30 novembre 2022 et du 6 novembre au 8 décembre 2023 pour deux entreprises différentes, en tant qu'installateur sanitaire.

b. Par contrat de travail du 26 décembre 2023, il a été engagé en qualité de coiffeur pour une durée déterminée du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024 par B______ (ci-après : l'employeuse), entreprise constituée sous la forme individuelle et inscrite au registre du commerce le 6 septembre 2023. Le salaire était fixé à CHF 5'600.- brut.

B. a. Le 23 janvier 2024, l'assuré a déposé une demande d'indemnités journalières de chômage auprès de la Caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse).

b. Faisant suite à une demande de cette dernière, l'assuré a indiqué ne pas pouvoir fournir d'extraits démontrant le versement du salaire par l'employeuse pour les mois de décembre 2023 et janvier 2024, dans la mesure où il lui avait été versé en espèces.

c. En réponse à un courrier de la caisse du 8 février 2024 lui réclamant un extrait de son compte bancaire privé et un autre du livre de comptes de la fiduciaire de l'employeuse, l'assuré a transmis les documents comptables de l'employeuse de septembre 2023 à janvier 2024, faisant état d'un chiffre d'affaires plus élevé en janvier 2024, ainsi que ses fiches de salaire pour les mois de décembre 2023 et janvier 2024.

d. Le 15 février 2024, la caisse a réclamé à l'employeuse des extraits du livre de comptes fournis par une fiduciaire attestant le versement du salaire (livre de caisse, pièces comptables, etc.) pour la période d'emploi, une preuve de l'activité de l'assuré dans son salon (copie de la facturation établie par ses soins de décembre 2023 à janvier 2024), des explications au sujet du non-versement des allocations familiales durant la période d'activité et une copie de la déclaration de l'assuré auprès de la caisse de compensation.

e. L'employeuse a répondu que la facturation n'avait pas été établie, que les allocations familiales n'avaient pas été demandées, car l'assuré n’avait travaillé qu’un mois et que l'annonce auprès de la caisse de compensation n'avait pas encore été faite.

f. Par décision du 5 mars 2024, la caisse a rejeté la demande d'indemnités de chômage, au motif que l'assuré n’avait cotisé que durant 11.447 mois pendant le délai-cadre (10.28 mois du 24 janvier au 30 novembre 2022 et 1.167 mois du 6 novembre au 8 décembre 2023). La réalité d’une activité auprès de l'employeuse n'avait pas pu être prouvée, pas plus que le versement d’un salaire, de sorte qu'il n'était pas tenu compte de cet emploi.

g. Par écrit du 4 avril 2024 déposé le lendemain à l'office postal, l'assuré s'est opposé à cette décision en affirmant avoir accumulé plus de douze mois de cotisation durant le délai-cadre. Il estimait avoir fourni toutes les informations requises concernant son emploi auprès de l'employeuse et avait collaboré pour en établir les détails. Un oubli de la part du comptable de l'employeuse était la cause du retard de la délivrance de l'attestation concernant les cotisations auprès de la caisse de compensation.

L'assuré a produit une décision du 14 mars 2024 de la caisse de compensation concernant le versement des allocations, ainsi qu'un formulaire de déclaration des salaires soumis à cotisations en 2023, rempli le 3 avril 2024 par l'employeuse, mentionnant une activité exercée du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024 et une masse salariale constituée uniquement de son salaire.

h. En réponse aux questions de la caisse, l'employeuse a expliqué, le 23 avril 2024, avoir engagé l'assuré pour une période déterminée, du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024, afin de pallier son indisponibilité durant cette période de forte affluence. L’assuré n'était pas au bénéfice d'un diplôme en coiffure, mais disposait d'une expérience professionnelle dans ce domaine, acquise en Tunisie. Cette expérience pratique, ses compétences techniques et son autonomie avaient été prises en considération pour fixer sa rémunération et avaient justifié un salaire plus élevé que celui prévu par la convention nationale des coiffeurs. Il était en effet essentiel que l’assuré puisse opérer sans supervision directe durant son absence, tout en maintenant un niveau de services élevé. Durant sa période d'activité, l'assuré avait été le seul employé. Il avait été décidé de ne pas recruter d'autres employés en raison de la nature temporaire du remplacement et de la capacité de l'assuré à gérer la charge de travail. Toutes les décisions concernant son embauche avaient été prises dans l'intérêt de l'entreprise et des clients, en vue de maintenir la qualité des services.

i. Interrogé par la caisse, l'assuré a répondu, par courrier du 3 mai 2024, qu'il n'avait aucun lien de parenté avec l'employeuse, qu'il avait acquis son expérience de coiffeur en Tunisie – où il avait travaillé de l'âge de 14 à 19 ans durant les vacances scolaires et les week-ends de manière informelle, comme il était d'usage dans ce pays – , que le salaire qu'il avait reçu de l'employeuse n'avait pas été versé sur un compte bancaire, mais utilisé pour couvrir ses dépenses quotidiennes, qu'il avait été le seul coiffeur au salon durant la période en cause et qu'il n'était plus employé, de sorte qu'il n'avait pas accès aux documents qui pourraient exister concernant cet emploi. Il n'était par ailleurs pas en mesure de fournir des preuves telles que des factures ou des réponses aux clients pour la prise de rendez-vous, le salon fonctionnant sans système de rendez-vous préalable et les factures étant fournies uniquement à la demande des clients.

j. Le 6 juin 2024, l'employeuse a encore précisé qu'elle ne pouvait solliciter sa clientèle afin d'obtenir des preuves d'activité de l'assuré, telles que des confirmations de réservation, des quittances établies par celui-ci ou des témoignages. Les échanges avec l'assuré avaient par ailleurs été principalement téléphoniques, ce qui limitait la disponibilité de documents écrits. Le salon ne tenant pas de liste détaillée et journalière des entrées et sorties de caisse, aucun justificatif ne pouvait être produit pour la période en cause. Enfin, l'assuré avait bien été le seul employé de l'établissement durant son contrat de travail. L'employeuse considérait avoir fourni toutes les informations sollicitées.

k. Par décision du 13 juin 2024, la caisse a rejeté l'opposition.

Elle expliquait avoir instruit plus avant la relation de travail avec l'employeuse parce que les salaires avaient été versés en espèces, que l'assuré avait exercé un métier qui ne correspondait en rien à ses emplois précédents, que le salaire déclaré était largement supérieur au salaire minimum d'un coiffeur, que la société n'avait été fondée qu'en septembre 2023 et que la période de travail avait été très courte. Ni l'assuré ni l'employeuse n'avaient été en mesure d'apporter la preuve de l’activité déployée dans le salon de coiffure ou du versement effectif des salaires. Dans ces circonstances, les conditions permettant de reconnaître l'existence d'une relation de travail (prestation de travail, élément de durée, rapport de subordination et rémunération) ne pouvaient être considérées comme remplies. Même si le salon de coiffure ne possédait aucun système de réservation, même si les clients ne recevaient pas de facture, même si l'employeuse faisait entièrement confiance à l'assuré pour la gestion des affaires et ne demandait pas le détail des services fournis, il aurait fallu au minimum fournir une liste du nombre de clients servis ou des rentrées d'argent journalières et posséder un double des quittances fournies aux clients. Force était de constater que ni la perception effective des salaires ni l'exercice d'une activité suffisamment contrôlable n'avaient pu être prouvées par d'autres éléments que les déclarations de l'assuré ou de l'employeuse. La période du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024 ne pouvait donc pas être prise en considération en tant que période de cotisation. Il en découlait que l'assuré n'atteignait pas les douze mois de cotisation à l'intérieur du délai-cadre, même si le point de départ de celui-ci était repoussé, et en tenant compte d'une autre activité professionnelle débutée fin février 2024.

C. a. Par acte du 11 juillet 2024, l'assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, principalement, sous suite de frais et dépens, à l’octroi des prestations de l'assurance-chômage à partir du 23 janvier 2024. Selon lui, les certificats de salaire et le témoignage de l'employeuse, qui établissent le versement du salaire en espèces, sont suffisants pour démontrer l'exercice d'une activité soumise à cotisation, ce d'autant plus qu'il est fréquent, dans le domaine de la coiffure, que le salaire soit versé de cette façon.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 9 août 2024, a conclu au rejet du recours. Elle rappelle les raisons qui ont motivé l’instruction menée quant à la relation de travail entre l’assuré et l'employeuse et maintient que ni l'exercice d'une activité, ni la perception effective du salaire – largement supérieur au salaire de base prévu par la convention nationale – n’ont été démontrés. Elle relève en outre des divergences quant aux montants déclarés à titre de salaire.

c. Par écriture du 9 septembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il fait remarquer que les divergences de salaires déclarés sont minimes et ajoute qu’il ne peut être tenu responsable des erreurs de comptabilité commises par son employeuse.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage, singulièrement sur le point de savoir s'il a exercé durant douze mois au moins une activité salariée soumise à cotisation dans les limites du délai-cadre de cotisation couvrant la période du 23 janvier 2022 au 22 janvier 2024.

3.              

3.1 Selon la loi, pour avoir droit à l'indemnité de chômage, l'assuré doit, entre autres conditions, remplir celle relative à la période de cotisation ou en être libéré (art. 8 al. 1 let. e LACI).

Aux termes de l'art. 9 LACI, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la LACI (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).

Selon l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.

En vue de prévenir les abus qui pourraient advenir en cas d'accord fictif entre l'employeur et un travailleur au sujet du salaire que le premier s'engage contractuellement à verser au second, surtout lorsque l'employeur et le travailleur ne sont qu'une seule et même personne, la jurisprudence a indiqué que la réalisation des conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e et art. 13 LACI) présupposait qu'un salaire ait été réellement versé au travailleur (DTA 2001 p. 225 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral C.174/05 du 26 juillet 2006 consid. 1.2).

Dans un arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral a précisé cette jurisprudence en indiquant qu'en ce qui concerne la période de cotisation, la seule condition du droit à l'indemnité de chômage est, en principe, que l'assuré ait exercé une activité soumise à cotisation pendant la période minimale de cotisation. La jurisprudence exposée au DTA 2001 p. 225 (et les arrêts postérieurs) ne doit pas être comprise en ce sens qu'un salaire doit en outre avoir été effectivement versé ; en revanche, la preuve qu'un salaire a bel et bien été payé est un indice important en ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée (ATF 131 V 444 consid. 3 ; 133 V 515 consid. 2.2).

L'exercice d'une activité salariée pendant douze mois au moins est donc une condition à part entière pour la réalisation de la période de cotisation, tandis que le versement d'un salaire effectif n'est pas forcément exigé, mais permet au besoin de rapporter la preuve de cette activité (ATF 133 V 515 consid. 2.3).

Il n'existe pas de prescription de forme pour le paiement du salaire. Celui-ci est habituellement soit acquitté en espèces, soit versé sur un compte bancaire ou postal, dont le titulaire n'est pas nécessairement l'employé (cf. pour l'ensemble des motifs : ATF 131 V 444 consid. 3.3, 2e paragraphe). Le défaut de preuve quant au salaire exact doit cependant être pris en considération dans le calcul du gain assuré déterminant (arrêt du Tribunal fédéral C.183/06 du 16 juillet 2007 consid. 4.4 et la référence).

Lorsque la preuve de la perception d'un salaire n'a pas été établie au degré de la vraisemblance prépondérante, cela ne suffit pas pour nier d'emblée l'existence d'une activité soumise à cotisation. Dans de telles circonstances, il incombe à l'assuré qui prétend une indemnité de chômage de démontrer avoir exercé une activité soumise à cotisation. La jurisprudence a précisé à cet égard que pourraient notamment constituer des pièces aptes à démontrer l'exercice d'une telle activité, les documents comptables de l'ancienne société, le contrat de bail commercial ou encore le témoignage d'ex-employés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2018 consid. 6.4 et les références). Selon la doctrine, le contrat de travail, l'attestation d'employeur et les décomptes de salaire suffisent généralement à prouver la période de cotisation (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n. 140).

Le fait que le salaire n'est pas déterminable ne suffit pas à conclure à l'absence d'une activité salariée soumise à cotisation et c'est uniquement lorsque l'assuré a explicitement renoncé à percevoir une rémunération pour le travail effectué – par exemple dans le but de sauver son entreprise – que l'existence d'une telle activité sera niée en raison de l'absence d'un salaire. Un risque de délivrance d'une attestation de salaire de complaisance existe en effet lorsqu'un assuré a été au service d'une entité dans laquelle il occupait une position assimilable à celle d'un employeur (gérant, directeur, actionnaire important, titulaire d'une raison individuelle), raison pour laquelle une telle attestation doit alors être vérifiée de manière stricte (arrêt 8C_466/2018 du 13 août 2019 consid. 6.3 et les références). Dans certains cas où le risque d'abus est important, à savoir dans des situations de proximité avec l'employeur, la preuve du versement effectif d'un salaire devient pratiquement une condition du droit à part entière car, en l'absence de celui-ci ou en cas de déclarations mal documentées, peu crédibles voire contradictoires, le droit à l'indemnité de chômage peut être nié (Boris RUBIN, op. cit., n. 142).

Au surplus, l'art. 13 al. 1 LACI ne présuppose pas que l'employeur ait réellement transféré à la caisse de compensation la cotisation du salarié, en sa qualité d'organe participant à la procédure de perception des cotisations (ATF 113 V 352).

Le versement du salaire par un employeur ne fonde par ailleurs pas, à lui seul, la présomption de fait qu'une activité salariée soumise à cotisation a été exercée. Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l'assuré destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisation pendant la durée d'un rapport de travail. Cela suppose l'exercice effectif d'une activité salariée suffisamment contrôlable. N'exerce ainsi pas une activité soumise à cotisation au sens de l'art. 13 al. 1 LACI celui qui perçoit un salaire en vertu d'un contrat d'emploi temporaire conclu avec l'État essentiellement pour lui permettre d'obtenir l'ouverture d'un (nouveau) délai-cadre d'indemnisation, sans que la rémunération convenue soit liée à l'exercice effectif d'une activité pour l'employeur, et qui ne travaille pas dans les faits (ATF 133 V 515 consid. 2.3 et 2.4).

L'exigence d'une activité salariée suffisamment contrôlable ne suppose pas nécessairement un contrôle temporel par l'employeur, à défaut de quoi l'on priverait tous les salariés travaillant exclusivement à la commission de la couverture d'assurance. Dans ces cas-là, la preuve de la durée minimale de cotisation peut être apportée par le résultat du travail, à savoir par la conclusion de contrats et les décomptes de primes correspondants (ATF 105 V 325 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_323/2015 du 16 juillet 2015 consid. 3.3.2).

3.2 Selon le chiffre B144 de la directive LACI IC (Bulletin LACI IC) établie par le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO), s’agissant de la période de cotisation, non seulement l'assuré doit avoir exercé une activité soumise à cotisation mais il faut encore que le salaire convenu lui ait effectivement été versé. Si la perception effective d'un salaire ne constitue pas en soi une condition du droit à l'indemnité, elle n'en est pas moins déterminante pour reconnaître l'existence d'une activité soumise à cotisation.

Le chiffre B145 de cette directive mentionne que pour les personnes qui, avant leur chômage, n'avaient pas une position comparable à celle d'un employeur, l'attestation de l'employeur ainsi que les décomptes de salaire suffisent en règle générale à prouver la perception effective du salaire et, par conséquent, l'existence d'une activité soumise à cotisation. Le fait que l’employeur ait ou non viré les cotisations destinées aux assurances sociales à la caisse de compensation est par contre indifférent. Si la caisse a toutefois des doutes quant à l’exactitude de l'attestation établie par l’employeur ou quant à l’existence même d’un rapport de travail, elle doit alors exiger des éléments de preuve complémentaires. Il peut y avoir notamment un doute fondé en présence de rapports de travail entre proches parents.

Selon le chiffre B148, s’agissant des personnes qui occupent une position comparable à celle d'un employeur, lorsque le salaire a été perçu en espèces, une déclaration d'impôt accompagnée de certificats de salaire obtenus auprès de l'administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire. Si les montants figurant sur les documents divergent, le plus petit est déterminant pour le gain assuré. Il n'est pas exclu que l'assuré arrive à démontrer par d'autres moyens de preuve la perception effective de son salaire. La perception du salaire ne peut pas être prouvée au seul moyen d'un décompte de salaire, d'une quittance de salaire, d'un contrat de travail, d'une confirmation de licenciement ou d'une production dans une faillite. Ces documents ne sont que de simples allégués de partie dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de l'assuré lui‑même.

Les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références).

La Cour de céans a déjà eu l'occasion de dire qu'en exigeant qu'un salaire soit effectivement versé à l'assuré et en y subordonnant la reconnaissance de l'exercice d'une activité soumise à cotisation, la circulaire du SECO relative à l'indemnité de chômage (les chiffres B144 à B148 de cette circulaire ont été repris aux chiffres B144 à B148 de la directive LACI IC) prévoit une condition qui ne figure pas dans la loi et dont le Tribunal fédéral a à plusieurs reprises rappelé qu'elle n'était pas essentielle pour ouvrir le droit à des indemnités de chômage (ATAS/623/20210 du 31 mai 2010 ; ATAS/1293/2014 du 16 décembre 2014 consid. 8 ; ATAS/916/2023 du 23 novembre 2023 consid. 7.3).

3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 ; 138 V 218 consid. 6). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

4.              

4.1 En l'espèce, la question litigieuse est celle de savoir si l'activité que le recourant allègue avoir effectuée en tant que coiffeur en décembre 2023 et janvier 2024 doit être prise en considération en tant qu'activité soumise à cotisation. Il est en effet admis que, sans cette activité, la durée minimale de cotisation de douze mois durant le délai-cadre courant du 23 janvier 2022 au 22 janvier 2024 n'est pas atteinte, le recourant ne totalisant que 11.447 mois sur la base de ses deux emplois d'installateur sanitaire. Il n'est également pas contesté qu'il n'atteint pas non plus la période minimale de cotisation pour des délais-cadre d'indemnisation qui débuteraient postérieurement, jusqu'à la date de contrôle de l'autorité, le 1er mai 2024. Les calculs de l'intimée à cet égard doivent en effet être confirmés au vu des pièces versées à la procédure.

4.2 L'intimée invoque plusieurs éléments l'ayant conduite à instruire la relation de travail entre le recourant et l'employeuse (salaires versés en espèces, métier de coiffeur qui ne correspond pas aux précédents emplois, salaire déclaré largement supérieur au salaire minimum, société fondée récemment et travail sur une très courte période) et considère que ni la perception effective des salaires, ni l'exercice d'une activité suffisamment contrôlable, n'ont pu être prouvées par d'autres éléments que leurs déclarations. Elle rajoute que la perception effective d'un salaire est déterminante pour reconnaître l'existence d'une activité soumise à cotisation.

Quant au recourant, il fait valoir que le paiement du salaire en espèces est une pratique courante dans le domaine de la coiffure, que le versement du salaire est en l'occurrence établi par les certificats de salaire et corroboré par le témoignage de l'employeuse et que l'intimée ajoute une condition qui ne ressort pas de la loi en exigeant que l'assuré apporte la preuve de la perception effective du salaire.

4.3 Comme le soutient le recourant, il est exact que le versement effectif du salaire n'est pas une condition légale de l'art. 13 al. 1 LACI. L'affirmation de l'intimée selon laquelle la perception effective du salaire est déterminante pour reconnaître l'existence d'une activité soumise à cotisation ne peut ainsi être comprise comme signifiant que seul le versement effectif du salaire permet de prouver l'exercice d'une activité salariée. Si la perception du salaire est certes un moyen de preuve privilégié pour démontrer l'existence d'une relation de travail, cet élément n'est pas exclusif, ni même suffisant, selon la jurisprudence, pour attester, en toutes circonstances, de l'exercice d'une activité soumise à cotisation. La condition de l'exercice concret d'une telle activité est en définitive la seule pertinente dans le cadre de l'art. 13 al. 1 LACI.

En l'occurrence, au vu de l'impossibilité du recourant à prouver la perception de d'un salaire pour les mois de décembre 2023 et janvier 2024 puisqu’il a, selon ses dires, été payé en espèces et a dépensé son salaire pour ses besoins courants sans le reverser sur son compte bancaire, l'intimée était fondée à solliciter des explications et des justificatifs complémentaires au sujet de la relation de travail avec l'employeuse. Une instruction complémentaire se justifiait d’autant plus que cet emploi différait de ceux préalablement exercés par le recourant. La question de savoir si, comme l'avance le recourant, le versement en espèces du salaire est une pratique courante dans le domaine de la coiffure, à l'instar de ce qui se pratique dans la restauration, peut rester ouverte, étant relevé que, dans la jurisprudence qu'il invoque, cet élément était attesté par une fiduciaire spécialiste en gastronomie et en hôtellerie et n'avait par ailleurs pas fondé le raisonnement de la Cour de céans (ATAS/557/2023 du 11 juillet 2023, partie en fait, let. j et consid. 8).

Il y a lieu de déterminer si, au vu de toutes les pièces et explications récoltées par l'intimée dans le cadre de l'instruction de la demande, la décision de refus de l'indemnité journalière peut être maintenue.

D'emblée, il peut être relevé que le cas d'espèce ne constitue pas l'une des situations typiques dans lesquelles la jurisprudence et les directives du SECO voient un risque d'abus (ch. B145 et B146ss de la directive LACI IC). Le recourant n'occupait en effet pas une position comparable à celle d'un employeur dans l'entreprise et n'a pas de relation de famille avec l'employeuse, selon ce qui a été exposé de manière concordante par les deux intéressés.

Si l’intimée pouvait légitimement nourrir des doutes raisonnables au sujet de la relation de travail, compte tenu des circonstances particulières, le recourant et l'employeuse ont cependant répondu sur les points soulevés et ont fourni des explications plausibles. Tous deux ont effet indiqué que le recourant avait une expérience en coiffure, acquise en Tunisie. L'employeuse a en outre précisé que la rémunération du recourant avait été fixée au vu de son expérience et compte tenu qu'il devait gérer seul le salon durant sa période d'activité. Le fait que le recourant ait été engagé à très brève échéance, par contrat de travail du 26 décembre 2023 pour une prise de fonction le jour suivant, peut aussi expliquer une rémunération plus élevée, tout comme la durée déterminée – moins d'un mois – du rapport de travail. La récente création de l'employeuse, en septembre 2023, ne constitue par ailleurs pas un élément en lui-même suspect et pouvait aussi expliquer l'impératif de maintenir le salon ouvert durant les fêtes de fin d'année, après quelques mois d'exploitation. Enfin, le versement du salaire en espèces n'est pas interdit selon le droit du travail et ne constitue pas non plus un obstacle à la reconnaissance de l'exercice d'une activité lucrative sous l'angle de la LACI.

En outre, plusieurs pièces au dossier font état de la relation de travail entre le recourant et l'employeuse : le contrat de travail signé par les deux parties, les certificats de travail 2023 et 2024 signés par l'employeuse, une attestation signée par l'employeuse à l'attention de l'assurance-chômage, les fiches de salaire des mois de décembre 2023 et janvier 2024 (deux versions, dont l'une signée), ainsi que le compte de pertes et profits de l'employeuse de septembre 2023 à janvier 2024, document lui aussi signé. Dans le cadre de son opposition, le recourant a aussi produit une décision d'octroi d'allocations familiales du 14 mars 2024, ainsi que le formulaire de déclaration des salaires 2023 rempli par l'employeuse à l'attention de la caisse de compensation, dans lequel il apparaît comme étant le seul employé en 2023.

Au vu de l'ensemble des éléments de la procédure, la Cour de céans estime qu'il est établi, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que le recourant a exercé une activité lucrative en faveur de l'employeuse en décembre 2023 et janvier 2024. Le contraire reviendrait en effet à dire que les diverses pièces remises à l'intimée, y compris la comptabilité interne de l'intimée, contiennent des renseignements volontairement inexacts. Or, dans la mesure où l'instruction n'a pas mis en évidence que le recourant aurait un lien de parenté ou économique avec l'employeuse, il ne peut être admis que cette dernière aurait sciemment menti sur la relation de travail nouée, à défaut de toute autre indication permettant de le penser. Il est par ailleurs difficilement concevable que l'employeuse ait annoncé le salaire à la caisse de compensation et payé des cotisations sociales en faveur du recourant si celui-ci n'avait pas réellement travaillé en sa faveur. L'éventualité que le recourant n'ait pas, dans les faits, fourni une prestation de travail en faveur de l'employeuse paraît en tout état moins vraisemblable que le contraire, de sorte que la réalisation de cette condition doit être admise sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.

En exigeant du recourant qu'il transmette d'autres justificatifs attestant du travail qu'il a fourni, tels que la liste du nombre de clients servis ou des entrées journalières et des doubles des quittances délivrées aux clients, l'intimée requiert des pièces qui excèdent celles généralement prises en considération pour juger de l'existence d’une activité lucrative soumise à cotisation. Les renseignements donnés par le recourant et l'employeuse ont du reste souligné que la communication entre eux était essentiellement orale. Il sied par ailleurs de rappeler que la jurisprudence a déjà jugé que l'exigence d'une activité salariée suffisamment contrôlable ne suppose pas nécessairement un contrôle temporel permanent de l'employeur.

Au surplus, s'il est certes exact que les divers documents ne répertorient pas tous exactement les mêmes montants de salaire, cet élément n'est cependant pas déterminant au stade de l'analyse de l'exercice d'une activité lucrative, mais doit être éclairci lors de l'évaluation du gain déterminant.

Il sied par ailleurs de constater que, pour les justificatifs qui le mentionnent, la période d'activité est uniformément décrite comme s'étant déroulée du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024, de sorte que ces dates de début et fin d'emploi peuvent être admises.

Compte tenu de l'admission de l'exercice d'une activité soumise à cotisation du 27 décembre 2023 au 22 janvier 2024, il faut ainsi constater que le recourant remplit la condition d'une durée minimale de cotisation de douze mois durant le délai-cadre. Il atteint en effet 12.334 mois de cotisation durant la période du 23 janvier 2022 au 22 janvier 2024.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est admis, la décision sur opposition du 13 juin 2024 annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour examen des autres conditions du droit aux prestations, et nouvelle décision.

Le recourant, représenté, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens, fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l'intimée du 13 juin 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimée au sens des considérants.

5.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le