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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/738/2023

ATAS/1015/2024 du 13.12.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/738/2023 ATAS/1015/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 décembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

A______

représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né au Maroc en 1969, de nationalité espagnole, marié, père de trois enfants nés en 2007, 2010 et 2016, a bénéficié, à compter du 25 avril 2018, d’un permis frontalier (livret G) délivré le 8 juillet 2021 par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

b. Le 1er juillet 2019, l’assuré a été engagé pour une durée indéterminée en qualité de responsable technique à 100% par la société B______ (ci-après : l’employeur), entreprise ayant son siège à Madrid. Les rapports de travail étaient gérés par une succursale de la société à Versoix. L’assuré travaillait à C______ (C______), cliente de son employeur.

c. Le 8 juillet 2021, l’assuré s’est vu délivrer par l’OCPM un permis de séjour (livret B) valable jusqu’au 7 juillet 2026.

d. Le 28 juin 2022, l’assuré a été licencié pour le 31 août 2022.

e. Le 24 août 2022, il s’est annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) en indiquant être domicilié route D______. Il demandait à pouvoir bénéficier de prestations d’assurance-chômage à partir du 1er septembre 2022. L’institution qu’il avait choisie pour le versement des indemnités journalières était la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse).

f. Le 21 septembre 2022, la caisse a sollicité de l’OCE une enquête ayant pour objectif de vérifier si l’assuré résidait effectivement à Genève. En effet, il indiquait sous-louer une chambre meublée à Meyrin, mais, selon les pièces versées au dossier, sa femme et ses enfants résidaient en France.

g. Interrogé par l’OCE, l’assuré a répondu par courriel du 13 octobre 2022.

Il indiquait avoir habité rue E______, à Genève, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 et avoir dû quitter cette adresse « car le propriétaire avait voulu récupérer sa chambre ». Depuis le 1er juillet 2022, il résidait route D______.

L’assuré était également colocataire – avec sa femme – d’un bien immobilier sis à F______ (France). Il avait en vain cherché un appartement à Genève pour y vivre avec sa famille. Sa femme et ses enfants voulaient le rejoindre à Genève ou, de façon plus générale, en Suisse, si bien qu’il poursuivait ses recherches. En attendant, son épouse – dont il n’était pas divorcé – il habitait au G______, à F______(France).

Pour sa part, il avait choisi de vivre à Meyrin, notamment pour être à proximité de son lieu de travail, C______.

Il résidait en permanence dans son logement à Meyrin. Il lui arrivait cependant, certains week-ends, de passer du temps en famille, ce qu’il faisait aussi pendant les heures de récupération du temps de travail et les vacances scolaires. La famille se rendait alors en Espagne.

Il payait ses impôts en Suisse et était affilié à une caisse maladie pour l’assurance obligatoire des soins. Il était également membre de la Fondation H______ de Genève et participait, avec sa famille, aux manifestations et sorties organisées par cette fondation. Le centre de ses relations professionnelles était à Meyrin, au C______. Il entretenait toujours de très bonnes relations avec ses anciens collègues de travail et les rencontrait parfois à Meyrin pour prendre un café. Sur le plan personnel, il avait rendez-vous avec des amis presque tous les dimanches matin au centre de Genève pour prendre le café. Il lui arrivait aussi d’aller au restaurant et de faire les courses en famille entre Genève, Nyon et Aubonne, parfois même à Lausanne, ce qui ressortait des relevés de son compte bancaire, qu’il produisait.

h. Le 12 octobre 2022, un enquêteur de l’OCPM a rendu un « rapport d’entraide administrative interdépartementale », faisant suite à un mandat initié par l’OCE.

Il en ressortait en synthèse que l’enquêteur s’était rendu deux fois au domicile allégué de l’assuré, à Meyrin, soit le 11 octobre 2022 à 12h00 et le 12 octobre 2022 à 7h00, sans pouvoir y constater la présence de l’intéressé dans la chambre qu’il louait pour 620.- CHF/mois depuis le 26 juin 2022.

Par ailleurs, selon les informations obtenues par courriel du 11 octobre 2022 de l’administration communale de F______ (France), l’assuré y résidait, au G______, depuis 2017, avec une boîte aux lettres à son nom.

Dans ces conditions, l’enquêteur indiquait n’être pas en mesure de certifier une présence permanente et régulière de l’intéressé sur la commune de Meyrin.

i. Par décision du 17 octobre 2022, l’OCE a nié à l’assuré le droit à l’indemnité dès le premier jour contrôlé, soit dès le 1er septembre 2022, faute de domicile en Suisse.

L’OCE relevait que la femme et les enfants de l’intéressé étant domiciliés en France, il paraissait peu vraisemblable que le centre de ses intérêts ne s’y trouvât pas également. Pour le surplus, l’OCE se référait à l’enquête de l’OCPM pour conclure qu’une résidence effective et permanente en Suisse n’avait pu être démontrée.

j. Le 11 novembre 2022, l’assuré a formé opposition à cette décision.

En substance, il expliquait être arrivé à Genève, en provenance d’Espagne, en juillet 2021 et avoir habité Genève depuis lors.

Il alléguait que, lors des deux visites domiciliaires de l’enquêteur de l’OCPM (mardi 11 octobre 2022 à 12h00 et mercredi 12 octobre 2022 à 7h00), il se trouvait à l’École I______, au Petit-Lancy, le 11 octobre, pour y suivre un cours commençant à 13h30, le 12 octobre, pour participer à un atelier dès 7h30.

C’est son épouse et leurs trois enfants qui se déplaçaient à Genève quand il s’agissait de se réunir pour un moment en famille. D’ailleurs, les enfants fréquentaient le J______ de Genève. Aucune vie familiale ou sociale n’était possible à F______, l’appartement consistant en un deux pièces vétuste. Il espérait toujours trouver un logement à Genève pour l’ensemble de sa famille.

L’assuré a produit, entre autres :

-          une « attestation de témoignage » établie le 22 octobre 2022 par Monsieur K______, demeurant route D______, Meyrin, chambre n°13, certifiant que « [l’assuré] habite, séjourne et dort dans son lieu de résidence : D______, Meyrin, Chambre n°11 » ;

-          des extraits de relevés téléphoniques de l’opérateur de téléphonie mobile SUNRISE ;

-          une copie de la police d’assurance responsabilité civile et casco partielle pour un véhicule de type VW Polo immatriculé à son nom à Genève ;

-          une copie d’un courrier du 27 septembre 2022 de la Fondation des parkings, lui adressant un macaron de stationnement pour le véhicule précité ;

-          une copie d’une amende d’ordre de CHF 40.-, pour un stationnement non conforme de cette même voiture à Lancy, le 16 septembre 2022 ;

-          un courriel du 2 juin 2022 d’une agence immobilière genevoise, remerciant l’assuré pour l’intérêt porté à un appartement de 3.5 pièces sis au Grand-Saconnex, pour lequel « une visite groupée » avait déjà eu lieu.

k. Interrogé à nouveau par l’OCE, l’assuré a répondu par courriel du 12 janvier 2023.

L’appartement de F______ faisait l’objet d’un contrat de bail signé le 25 avril 2017 par l’assuré et son épouse. Y habitaient : son épouse et leurs trois enfants, âgés de 7, 13 et 15 ans. Il s’agissait d’un « T3 » d’une surface de 79 m2. Sa famille et lui vivaient séparés car il n’avait toujours « pas réuni les conditions d’emploi et les conditions imposées de logement pour faire venir [sa] femme et [ses] enfants à Genève ». La location d’un appartement pour eux en France était donc un pis-aller.

Interrogé sur la garde des enfants, l’assuré a indiqué que les aînés étaient autonomes et n’avaient donc pas besoin d’une « garde particulière ». Quant au cadet, sa femme se chargeait de l’amener à l’école et de le ramener à la maison, en principe deux fois par jour, sauf lorsque l’enfant prenait son repas de midi à la cantine, les mardis et jeudis ; dans ce cas, elle l’amenait à l’école le matin et revenait le chercher le soir. Son épouse travaillait comme femme de ménage, ce qui lui avait permis d’adapter ses horaires.

Avant qu’il perde son emploi, sa femme venait à Genève avec les trois enfants un à deux soirs par semaine. Ils mangeaient alors au restaurant et elle rentrait le soir en France avec les enfants, qui dormaient là-bas tous les jours de la semaine.

Sa femme et les enfants étaient tous affiliés à la Sécurité sociale française depuis 2017. Cependant, comme il gardait l’espoir de trouver un logement en Suisse, il avait entamé des démarches auprès de son assureur-maladie, qui lui avait envoyé une proposition d’assurance couvrant toute la famille à partir du 1er juillet 2022.

L’assuré a affirmé dormir tous les soirs en Suisse. Ses journées étaient rythmées par ses recherches d’emploi qu’il effectuait parfois « [à] la maison ». Il lui arrivait aussi de solliciter activement son réseau (entretiens, appels téléphoniques, etc.). Pour ces raisons, il n’était pas en mesure de fournir un emploi du temps très précis. Certains week-ends, il se rendait en France et il lui arrivait alors d’y passer la nuit. Selon lui, ces visites visaient à remplir ses devoirs parentaux et n’étaient pas suffisantes pour « centrer l’intérêt de sa vie en France ».

L’assuré a produit une nouvelle fois l’attestation rédigée par M. K______ ainsi qu’une autre, établie le 16 novembre 2022 par Madame L______, domiciliée D______, dans laquelle cette personne confirme que l’assuré est locataire d’une chambre meublée dans l’immeuble dont elle est propriétaire et bailleresse et qu’elle l’y a croisé à de nombreuses reprises, à différentes heures de la journée.

Questionné sur les raisons pour lesquelles ses bulletins de salaire lui avaient été adressés à F______ jusqu’en avril 2022, période à laquelle il avait indiqué être domicilié rue E______, à Genève, l’assuré a répondu qu’il devait s’agir d’une erreur de son employeur ; ses fiches de salaire étant transmises uniquement par courriel, il n’y avait jamais prêté attention. L’assuré a produit un courriel adressé au service des ressources humaines de son employeur le 20 mai 2022, libellé en ces termes : « Voilà ma nouvelle adresse officielle pour la mise à jour : Rue E______, Genève ».

Enfin, l’assuré a transmis à l’OCE des captures d’écran affichant les seuls appels nationaux effectués au moyen de son téléphone portable suisse en septembre, octobre et décembre 2022.

l. Par décision du 23 janvier 2023, l’OCE a rejeté l’opposition, rien ne permettant, selon lui, de retenir l’existence d’un domicile en Suisse.

L’intéressé n’était pas séparé de son épouse et ses trois enfants mineurs étaient domiciliés et scolarisés en France. L’affirmation selon laquelle il vivait séparé de sa famille en attendant de pouvoir la faire venir à Genève n’emportait pas la conviction. Rien ne l’empêchait de la rejoindre en France. D’ailleurs, l’intéressé avait admis s’y rendre certains week-ends et y passer la nuit. En outre, contrairement aux allégations de l’assuré, l’appartement de F______ n’était pas un « deux pièces vétuste », mais un « T3 (ndlr : donc un quatre pièces) », d’une surface de 79 m2. Dans ces conditions, il n’était pas vraisemblable que l’assuré réside effectivement dans la chambre meublée louée à Mme L______ plutôt qu’à l’appartement familial, qu’il occupait d’ailleurs depuis mai 2017 – ce qui était également en contradiction avec le fait de prétendre être venu directement d’Espagne à Genève en juillet 2021.

Le fait que Mme L______ ait attesté avoir croisé l’assuré à de nombreuses reprises à différentes heures de la journée ne suffisait pas à conclure que ce dernier s’était créé un domicile à Genève, puisque le centre de ses intérêts personnels se trouvait manifestement à F______, auprès de son épouse et de leurs trois enfants.

L’OCE relevait également que les arguments avancés par l’assuré pour justifier ses absences lors des visites domiciliaires des mardi 11 octobre 2022 à 12h00 et mercredi 12 octobre 2022 à 7h00 n’étaient pas convaincants, ses cours ayant lieu les mardis à 13h30 et mercredis à 8h05.

Bien que dûment invité à transmettre les relevés détaillés de ses appels de septembre 2022 à janvier 2023, l’assuré s’était contenté de produire des captures d’écran des résumés des appels nationaux (et non internationaux) effectués en septembre, octobre et décembre 2022, de sorte qu’il n’était pas possible de savoir combien d’appels avaient été passés et reçus depuis la France.

Enfin, il paraissait étonnant, si l’assuré habitait effectivement Genève depuis juillet 2021, qu’il ne se soit jamais aperçu que l’adresse figurant sur ses bulletins de salaire était son adresse française et qu’il ait attendu le 20 mai 2022 pour communiquer à son employeur sa « nouvelle adresse officielle pour la mise à jour ».

m. Par décision du 24 janvier 2023 – annulée et remplacée par une décision du 4 mai 2023 corrigeant simplement la date du début de l’autorisation de séjour mais aboutissant aux mêmes conclusions – l’OCPM a pour sa part prononcé la caducité de l’autorisation de séjour de l’assuré depuis le 9 juillet 2021.

L’OCPM a considéré que l’assuré n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il avait établi et maintenu le centre de ses intérêts et sa résidence effective à Genève depuis son arrivée dans le canton, annoncée le 8 juillet 2021.

Cette décision a été confirmée tant par le Tribunal administratif de première instance (JTAPI/344/2024 du 15 avril 2024) que par la Chambre administrative de la Cour de justice (ATA/1323/2024 du 12 novembre 2024).

B. a. Le 23 février 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans contre la décision de l’OCE du 23 janvier 2023.

Le recourant soutient en substance qu’il réside à Genève avec l’intention de s’y établir et qu’il y a son centre de vie.

Outre les pièces déjà versées au dossier, il produit :

-          un accusé de réception de l’administration française (Direction générale des finances publiques), en réponse à un courriel du 9 juin 2022 de l’assuré annonçant son départ pour la Suisse, le 7 juillet 2021, en précisant que sa femme habitait et travaillait toujours en France ;

-          un courriel du 7 mars 2022 d’une autorité française (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [ci-après : URSSAF]), faisant suite à une demande de l’assuré du 7 mars 2022 concernant son déménagement en Suisse : l’URSSAF indique que les justificatifs produits par l’assuré seront transmis à la Caisse primaire d’assurance-maladie de l’Ain (ci-après : CPAM) et qu’à réception de la confirmation de sa fin de régime frontalier par la CPAM, son compte fera l’objet d’une régularisation ;

-          des extraits du compte bancaire de l’assuré auprès d’UBS du 28 février 2022 à fin janvier 2023, documentant des paiements effectués en grande partie en faveur de commerces suisses et, dans une moindre mesure, français ;

-          un contrat de travail du 15 février 2023, rédigé en espagnol, entre l’entreprise M______, à Madrid, d’une part, et l’assuré, d’autre part, portant sur l’engagement de ce dernier pour une durée de six mois à compter du 6 mars 2023 pour travailler au C______ ;

-          les copies des factures de l’opérateur de téléphonie mobile SUNRISE pour la période d’octobre à décembre 2022, faisant état de 244 communications en octobre (dont 142 en itinérance/roaming, c’est-à-dire pour lesquelles le réseau de l’opérateur du recourant n’était pas disponible), 253 en novembre (dont 177 en itinérance) et 226 en décembre (dont 136 en itinérance) ;

-          des factures de la Fondation H______ de Genève, portant sur la période d’octobre à décembre 2020, adressées au recourant à son adresse française (G______, F______) pour des cours dispensés à l’un de ses enfants par l’École N______ ;

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 28 mars 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimé souligne que les relevés téléphoniques transmis par le recourant sont toujours incomplets et montrent que les durées des communications entrantes et sortantes à l’étranger sont élevées, parfois supérieures aux communications nationales, notamment en novembre 2022.

Il ajoute que le fait que le recourant ait effectué des dépenses à Genève, où il a également passé du temps dans les cafés, restaurants et boulangeries, ne signifie pas encore qu’il y est domicilié. D’ailleurs, certaines dépenses ont également été effectuées en France et il est très vraisemblable que l’assuré possède une carte de crédit française.

L’intimé maintient que le domicile du recourant se trouve à F______, lieu de vie de sa famille et centre de ses intérêts personnels.

c. Dans sa réplique du 24 mai 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il allègue que la chambre qu’il loue à Meyrin est située à 1300 mètres de la frontière et que, dans cette zone, il est possible d’avoir du réseau suisse et/ou français.

Il rappelle qu’il a travaillé au C______ pendant plus de sept ans et que « l’ensemble de ses contacts et réseau s’y trouve », c’est-à-dire dans un bâtiment situé à moins de 1 km de la frontière, ce qui accentue le problème de réseau téléphonique évoqué.

Il argue que le fait que certaines dépenses, concernant avant tout l’achat d’aliments, aient été effectuées en France ne permet pas de retenir un domicile dans ce pays.

Le recourant allègue que, plongé dans une situation financière difficile après la perte de son emploi et le non-paiement des indemnités d’assurance-chômage, il a effectué, le 8 mars 2023 des démarches auprès de l’Hospice général. Dans ce contexte, il a reçu, le surlendemain, la visite d’un contrôleur, dépêché par cette institution, à Meyrin. Le rapport de contrôle établi en date du 24 mai 2023 mentionne :

« la chambre, située au rez-de-chaussée, est composée d’un lit simple, d’un réfrigérateur contenant plusieurs aliments, d’un bureau avec un ordinateur et d’une armoire. Plusieurs vestes, sous-vêtements, pantalons, ainsi que des pulls et t-shirts du bénéficiaire sont également constatés au sein de l’armoire de la pièce. La visite domiciliaire corrobore les déclarations de l’intéressé ».

Le recourant fait remarquer que si l’Hospice général lui a finalement refusé l’octroi de prestations par décision du 18 avril 2023, c’est au motif que sa fortune dépassait le montant admis par les barèmes.

Enfin, afin de démontrer qu’il poursuit ses recherches de logement pour sa famille, le recourant produit un courrier que lui a adressé la Fondation Nouveau Meyrin le 3 avril 2023, confirmant « avoir enregistré [son] dossier d’inscription pour un logement de 5 pièces ».

d. Par courrier du 11 juillet 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

e. Entendu le 22 février 2024 par la Cour de céans, le recourant a répété que son projet n’a jamais été de vivre en France avec sa famille, mais bien de rapatrier celle-ci à Genève auprès de lui.

f. Interrogé en qualité de témoin, Monsieur O_____, gérant du restaurant P_____, à Genève, a confirmé que le recourant fréquentait son restaurant depuis deux à quatre mois, deux fois par semaine, seul, avec des collègues ou avec ses enfants. Leurs échanges se limitaient à : « Bonjour. Au revoir ». M. O_____ a ajouté qu’il n’était pas toujours au restaurant. Il y était à midi et le soir. Lorsque le recourant lui avait demandé de signer une attestation, il l’avait fait parce qu’il pensait qu’il s’agissait du « panier » qu’utilisaient les ouvriers de la construction pour se faire dédommager par leur employeur. Il ignorait qu’il s’agissait d’une attestation pour le chômage.

g. Monsieur Q______, également entendu comme témoin, a indiqué avoir rencontré le recourant sur son lieu de travail, au C______, en 2019. Il supervisait les activités dans lesquelles le recourant était appelé à intervenir pour de la maintenance ou des améliorations. Dans ce cadre, il l’avait rencontré quasiment tous les jours. Au fil du temps, leur relation est devenue amicale et ils se sont donc rencontrés aussi en dehors du cadre du travail, à plusieurs reprises, au restaurant, à Meyrin, à midi ou en soirée. Il lui est arrivé de rencontrer les enfants du recourant, sans faire plus ample connaissance. Il sait que le recourant est marié, que sa famille vit en France et qu’il cherche à la ramener à Genève, son désir étant de vivre et s’établir à Genève. Il sait également que le recourant a un appartement à Meyrin, dont il ne connaît pas l’adresse exacte.

h. Madame R______, également citée par le recourant, a confirmé que celui-ci était client de la boulangerie dans laquelle elle travaille depuis plus d’une année. Il vient y prendre le petit-déjeuner à raison d’environ deux-trois fois par semaine, parfois avec ses enfants, étant précisé qu’elle ne travaille pas tous les matins.

i. Entendue à son tour le 18 avril 2024, Mme L______ a confirmé avoir loué une chambre au recourant dans l’ancien hôtel dont elle est propriétaire depuis 2012. Le bâtiment comporte deux parties : l’hôtel, comprenant sept chambres meublées, et l’ancien restaurant. Avant de se séparer de son mari, elle habitait dans l’ancien restaurant avec lui. Les chambres étaient louées pour contribuer au paiement des charges. La location d’une de ces chambres au recourant, à compter du 1er juillet 2022, a fait suite à la parution d’une petite annonce à laquelle ce dernier a répondu. Elle l’a croisé régulièrement sur les lieux, un peu moins souvent à compter de novembre 2022, période à laquelle elle s’est séparée de son mari et est allée vivre ailleurs. Elle revenait néanmoins régulièrement voir sa fille et croisait le recourant à ces occasions, car sa chambre se trouvait au rez-de-chaussée. Elle avait également affaire à lui lorsqu’il venait lui poser des questions ou qu’il devait redistribuer le courrier mal acheminé. Qui plus est, les toilettes se trouvent sur le palier. Elle n’a pas véritablement discuté avec le recourant de sa situation personnelle, mais suppose qu’il rencontre des difficultés financières parce qu’à partir de février 2023, il a eu un loyer de retard et que cela a duré jusqu’à son départ, en juin 2023. Elle est passée une fois à sa chambre – à une date dont elle ne se souvenait pas – pour évoquer la situation, mais ne l’a pas trouvé. Depuis novembre 2022, elle croisait moins le recourant, sans pouvoir dire si cela était dû au fait qu’elle était elle-même moins présente suite à sa séparation. Selon ses souvenirs, le recourant lui a indiqué que sa famille était en France, qu’il recherchait un logement plus grand pour pouvoir la faire venir et qu’il avait pris cette chambre en attendant de trouver un logement adéquat. Il est vrai que les chambres proposées sont par définition une solution provisoire, puisqu’elles ne disposent pas de cuisine. Le recourant a ainsi racheté au précédent locataire un frigo et un micro-ondes pour pouvoir s’organiser. Elle n’a pas souvenir d’avoir rencontré la femme et les enfants du recourant. Elle a cru comprendre qu’il allait leur rendre visite de temps en temps en France.

j. Le 29 juin 2023, le recourant a encore produit :

- une copie d’un courriel adressé le 20 juin 2023 à son avocat, dans lequel il explique avoir déposé le même jour une demande d’autorisation de séjour auprès de l’OCPM pour sa femme et son fils cadet et avoir demandé au consulat d’Espagne à Genève, deux inscriptions en qualité de résidents, l’une en faveur de sa femme, l’autre en faveur de S______ ; l’assuré explique que s’il n’a effectué ces démarches que pour son épouse et son cadet, c’est parce que l’appartement qu’il a pu trouver à Meyrin, à compter du 1er juillet 2023, est un trois pièces, trop petit pour accueillir ses deux autres enfants ; il ajoute qu’il poursuit ses recherches de logement et qu’il fera une demande d’attestation de résidence pour S______, afin de pouvoir l’inscrire à l’école ;

- une copie des demandes d’autorisation de séjour du 20 juin 2023;

- une copie des demandes d’inscription en qualité de résidents déposées au consulat d’Espagne à Genève ;

- une copie d’un contrat de bail conclu le 14 juin 2023 par le recourant pour un appartement de trois pièces meublé, sis rue T______, à Meyrin, pour une durée déterminée de six mois à compter du 1er juillet 2023.

k. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI – RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56ss LPGA et 62ss LPA).

2.             L’objet du litige porte sur le droit du recourant aux indemnités de chômage à compter du 1er septembre 2022, plus particulièrement sur la question de savoir s’il a été domicilié en Suisse entre septembre 2022 et le 23 janvier 2023, date de la décision litigieuse.

3.             En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit un certain nombre de conditions cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2), au nombre desquelles figure le fait d’être domicilié en Suisse (art. 8 al. 1 let. c).

4.              

4.1 Selon la jurisprudence, la notion de domicile au sens de la LACI ne correspond pas à celle du droit civil (art. 23ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; CC – RS 210), mais bien plutôt à celle de la résidence habituelle (cf. bulletin du SECO sur l’indemnité de chômage [IC], état juillet 2013, B 136 ; voir aussi les textes allemands et italien de l’art. 8 al. 1 let. c LACI : « in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera » ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2007, consid. 2.1). Sont ainsi exigées, selon cette disposition légale, la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 469 consid. 5).

L’entrée en vigueur de la LPGA n’a pas modifié cette pratique, dès lors que la notion de domicile inscrite à l’art. 13 al. 1er LPGA ne trouve pas application en matière d’assurance-chômage et ce, même si la LACI ne contient de dérogation expresse qu’à l’égard des étrangers habitant en Suisse (cf. ATAS/726/2008 du 19 juin 2008, consid. 4). En particulier, le principe prévu par l’art. 24 al. 1er CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau, n’entre pas en ligne de compte pour l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral C 121/02 du 9 avril 2003, consid. 2.2).

Pour avoir droit à l’indemnité, l’assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse, non seulement à l’ouverture du délai-cadre, mais pendant tout le temps où il touche l’indemnité (Gustavo SCARTAZZINI, Marc HURZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 4ème éd. 2012, p. 599, n° 59 et les réf. citées). Cette exigence essentielle est l’expression de l’interdiction de l’exportation des indemnités de chômage, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l’existence d’une situation de chômage, est rendue plus difficile lorsque l’assuré réside à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003 consid. 1.1; Thomas NUSSBAUMER, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 3ème éd. 2016 p. 2319, n. 180).

4.2 Dans la mesure où la résidence suppose un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits (arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2015 du 11 septembre 2015), l’occupation d’un studio une à deux fois par semaine – le reste du temps étant passé à l’étranger – ne suffit pas à établir une résidence effective en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage, 2ème éd. 2006, p. 173). De même, un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard, ainsi qu’un pied-à-terre destiné uniquement à la recherche d’un emploi, ne sont pas assimilables à une résidence. Cela étant, un séjour prolongé et permanent n’est pas indispensable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2007, consid. 2.2 et 3.1). Si tel n’était pas le cas, certaines personnes se trouveraient dépourvues de résidence et, partant, privées de domicile (Boris RUBIN, ibidem). Ainsi, en cas de séjour, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, la résidence est là où les liens sont les plus forts (ATF 87 II 7 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 153/03 du 22 septembre 2003). En revanche, la présence de seules relations professionnelles, même intenses, avec la Suisse ne suffit pas (arrêt du tribunal fédéral 8C_326/2020 du 4 août 2020 consid. 3). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure
à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (cf. arrêt du Tribunal fédéral
C 149/01 du 13 mars 2002, consid. 3).

Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que l’assuré, qui loge une partie de la semaine à Genève dans un pied-à-terre de dimensions modestes ne lui permettant pas d’accueillir sa famille, afin de conserver une adresse en Suisse pour bénéficier de la qualité de résident sur territoire helvétique, mais réside la plupart du temps en France voisine avec ses trois enfants qui y sont régulièrement scolarisés, dont il a la garde et sur lesquels il exerce l’autorité parentale, a le centre de ses intérêts personnels en France dès lors qu’il y bénéficie de diverses prestations sociales (revenu minimum d’insertion, allocation de soutien familial, aide au logement; arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2010 du 20 juin 2011).

Dans un arrêt 8C_186/2017 du 1er septembre 2017, qui concernait un demandeur d’emploi partageant un appartement de 2.5 pièces avec son frère à Lugano (TI), possédant un véhicule sans l’avoir dédouané, et retournant en Italie (où vivaient ses parents) durant les week-ends, le Tribunal fédéral a considéré que la proximité du domicile avec la frontière, en particulier dans la région du Sottoceneri, exigeait une plus grande rigueur dans l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI, afin de s’assurer que l’assuré avait effectivement le centre de ses relations personnelles en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2017 du 1er septembre 2017 consid. 5.3 ; cf. aussi l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_440/2022 du 23 février 2023 consid. 4.1).

5.              

5.1 Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

5.2 La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge, mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer
à l’instruction de l’affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 130 I 183 consid. 3.2 ; 125 V 195 consid. 2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

5.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.              

6.1 En l’espèce, le recourant allègue en substance être domicilié à Genève depuis juillet 2021 et l’avoir donc déjà été à l’ouverture du délai-cadre d’indemnisation le 1er septembre 2022.

Le recourant considère avoir démontré qu’il résidait à Genève avec l’intention de s’y établir et y avoir son centre de vie. En témoigneraient, selon lui, la location d’une chambre à Genève, d’abord à la rue E______, puis à la route D______, ses demandes de logement dans le canton pour lui et sa famille, son inscription à une formation complémentaire dans le canton, l’inscription d’un de ses fils à des cours d’arabe à Genève, le fait d’avoir passé « l’essentiel de son temps » dans des cafés, restaurants, boulangeries du canton et d’y avoir procédé à de nombreux achats, d’avoir acheté un véhicule immatriculé à Genève et bénéficiant d’un macaron de stationnement, d’avoir passé l’essentiel de ses appels téléphoniques en Suisse et d’être affilié à l’assurance obligatoire des soins.

L’intimé considère pour sa part que le recourant n’a à aucun moment été domicilié en Suisse, de son inscription au chômage à la décision litigieuse.

6.2 à titre liminaire, la Cour de céans constate que, contrairement à ce que le recourant allègue dans son opposition à la décision (initiale) du 17 octobre 2022, il n’est pas « venu d’Espagne [s]’établir dans le canton de Genève le 2 juillet 2021 ». Il ressort au contraire du contrat de bail produit (pièce 44 intimé) et d’un courriel du 11 octobre 2022 de la Mairie de F______ à l’OCPM (pièce 25 intimé) que l’intéressé et son épouse sont locataires depuis mai 2017 d’un T3 (cf. recours p. 8) de 79 m2 dans cette commune, située non loin du C______ et de la frontière suisse. Au surplus, il ne s’agit pas d’un « deux pièces vétuste » dans lequel « aucune vie familiale ou sociale [ne serait] possible » (cf. opposition du 11 novembre 2022, p. 2), mais d’un appartement équivalent à un quatre pièces genevois. On ajoutera que, le 11 octobre 2022, date du courriel émanant de la Mairie de F______, le recourant résidait toujours à la même adresse (G______), où une boîte aux lettres portait son nom et où habitent toujours sa femme et leurs trois enfants, lui-même se contentant de les y rejoindre « certains week-ends » et d’y passer alors la nuit, pour remplir ses devoirs parentaux (cf. courriel du recourant du 12 janvier 2023 à l’OCE).

On constate par ailleurs à la lecture des informations du registre informatisé de l’OCPM que le recourant a travaillé à Genève depuis le 2 avril 2018, d’abord au bénéfice d’un livret G pour travailleurs frontaliers. Le permis de séjour (livret B), ne lui a été délivré qu’en juillet 2021, date coïncidant avec la première location d’une chambre meublée dans le canton. C’est donc à la lumière des démarches engagées auprès de l’OCPM pour obtenir la délivrance d’un permis de séjour que s’expliquent, entre autres, la fin de son assujettissement à l’assurance-maladie en France (pièce 16 recourant) et le début de son affiliation à l’assurance obligatoire des soins en Suisse (sa femme et leurs trois enfants étant restés assurés en France ; pièce 44 intimé), l’immatriculation à Genève d’un véhicule acheté en mai 2022 et la délivrance d’un macaron de stationnement (cf. pièce 7 recourant).

Le recourant a déclaré à l’intimé ne pas être divorcé et garder l’espoir de trouver un logement en Suisse pour y vivre avec sa famille (cf. pièce 24 intimé). Cela étant, ni la première chambre qu’il a louée, ni la seconde ne permettaient d’accueillir sa famille, dont il est resté très proche. Dès lors, l’établissement
de son épouse et de leurs enfants à F______ joue un rôle important pour localiser le centre des intérêts personnels de l’assuré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2010 du 20 juin 2011 consid. 3.3 et le renvoi à l’arrêt du Tribunal fédéral 4C.4/2005 du 16 juin 2005 consid. 4.1).

Il est vrai que certains éléments (permis de séjour, assujettissement à l’assurance obligatoire des soins en Suisse, immatriculation d’une voiture dans le canton) constituent des indices en faveur d’un domicile en Suisse. Cependant, d’autres laissent planer un doute à ce sujet ou n’ont pas le poids que le recourant leur attribue : alors que ce dernier a déclaré résider « en permanence dans [son] logement à Meyrin », à tout le moins la semaine (cf. pièce 24 intimé), force est de constater que l’enquêteur de l’OCPM ne l’y a trouvé ni le mardi 11 octobre 2022 à 12h00, ni le mercredi 12 octobre 2022 à 7h00. Certes, le recourant a tenté de justifier son absence par le fait qu’il suivait des cours à l’École I______, au Petit-Lancy, conformément à l’horaire des cours versé au dossier (cf. pièces 29 intimé et 20 recourant). On relève néanmoins que, contrairement à ce que l’intéressé affirmait dans son courrier d’opposition, l’atelier du mercredi ne commençait pas à 7h30, mais à 8h05, selon l’horaire précité. Sachant en outre que l’intéressé est motorisé et que tant le domicile allégué que l’école – guère éloignée et aisément accessible depuis Meyrin – sont desservis par les transports publics, les motifs invoqués par le recourant pour expliquer son absence lors des deux visites non annoncées de l’enquêteur apparaissent peu convaincants, dès lors que cela impliquerait un temps de parcours d’au moins 1h30 le mardi (pour le cours de 13h30) et d’au moins 1h05 le mercredi, pour l’atelier commençant à 8h05. À l’examen d’autres pièces, il est d’ailleurs troublant de constater que le jour de la première visite de l’enquêteur, le recourant se trouvait apparemment à l’agence du Crédit Agricole de Saint-Genis Pouilly pour y effectuer, à 16h22 précises, un versement de EUR 300.- sur son compte, et que le lundi 10 octobre 2022, la carte bancaire liée à ce compte a servi à régler des achats dans des commerces situés en France (« Le Pharo », à Péron, et Intermarché, à Saint-Genis Pouilly ; cf. le relevé de compte du 3 novembre 2022 du Crédit Agricole, envoyé au recourant à son adresse en France ; pièce 44 intimé). Dans la mesure où de tels éléments, associés au volume important de communications téléphoniques en itinérance (cf. pièce 19 recourant) livrent des indices sur une présence du recourant en France qui serait plus importante que celle prétendument limitée à « certains week-ends » (cf. pièce 44 intimé), les explications tardives du recourant – données au stade de la réplique – sur le réseau de téléphonie mobile français qui interférerait avec le réseau suisse sur sol suisse ne convainquent pas non plus.

Cela étant, on ne saurait nier, sur la base des dires de son voisin de chambre et de sa logeuse, Mme L______, que le recourant a été vu à l’ancien hôtel où il loue une chambre. Il ressort en outre du rapport de contrôle de l’Hospice général, daté du 24 mars 2023, que le recourant occupe effectivement cette chambre et que celle-ci est équipée d’un frigo et d’un four à micro-ondes (cf. pièce 4 du bordereau du 24 mai 2023). Bien que ce rapport soit postérieur à la décision litigieuse et se réfère à une période où le recourant venait de reprendre, le 6 mars 2023, une activité lucrative au C______ via un nouvel employeur (M______), il ressort de l’audition de Mme L______ que l’intéressé les a rachetés à d’anciens locataires et qu’il s’agit donc d’acquisitions plus anciennes. En toute hypothèse, ces équipements, pour le moins sommaires, ne remplacent pas une cuisine, dont la chambre est dépourvue. Décrite comme étant une « solution provisoire » par Mme L______, cette chambre ne comporte pas non plus de WC, ceux-ci étant situés sur le palier. Aussi ne fait-il guère de doute que ce lieu n’est qu’un simple pied-à-terre, dont le but principal a été décrit le 13 octobre 2022 par le recourant lui-même en lien avec son ancienne activité pour B______ : disposer d’un lieu à trois minutes de son lieu de travail, notamment durant le service de piquet de nuit (« de 17h00 à 8h00 du matin »), et éviter d’éventuels problèmes au passage de la frontière franco-suisse, du fait des restrictions qui étaient en vigueur pendant la période du COVID (cf. pièce 24 intimé). Au regard de la jurisprudence citée (cf. ci-dessus : consid. 4.2), cela ne saurait toutefois suffire pour faire du lieu de situation de cette chambre le centre des relations personnelles de l’intéressé, eu égard en particulier à la jouissance, en parallèle, d’un appartement de 79 m2, situé également non loin du C______, mais de l’autre côté de la frontière, où habitent son épouse et leurs enfants.

Le recourant fait encore valoir, relevés bancaires et témoignages à l’appui, qu’il a ses habitudes dans les commerces et cafés genevois. Cet élément n’a toutefois pas le poids que le recourant lui attribue, sachant qu’il est commun à bon nombre de travailleurs frontaliers. Quant à la participation du recourant et de sa famille à des activités organisées par la Fondation H______ de Genève, son importance pour localiser le centre des relations personnelles doit être relativisée. En effet, au vu de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2017 précité – dont le considérant 5.3 sur la région du Sottoceneri, peut être repris pour l’agglomération transfrontalière du Grand Genève –, la proximité du domicile avec la frontière exige une plus grande rigueur dans l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI pour s’assurer qu’un assuré a effectivement le centre de ses relations personnelles en Suisse. En conséquence, on ne saurait en l’espèce accorder qu’une importance très mesurée au fait que le recourant se rende ponctuellement à Genève avec sa famille pour prendre part aux activités qu’il décrit (cours d’arabe, fréquentation du J______ par ses enfants, etc. ; cf. pièce 29 intimé), sachant qu’elles ne sont selon toute vraisemblance pas proposées à F______ (1______ habitants selon Wikipedia), vu leurs spécificités. Cela étant, elles ne sauraient définir de manière décisive le lieu où se déroule la vie de famille, celui-ci étant un appartement situé dans cette localité. On soulignera à cet égard que les trois enfants sont scolarisés en France et que l’épouse du recourant travaille dans ce pays.

Qui plus est, le témoin O_____, entendu le 22 février 2024, a précisé que cela faisait seulement deux à quatre mois que le recourant fréquentait son restaurant. Cet élément, ainsi que la prise à bail, par le recourant, d’un appartement à Meyrin (pour lui-même, son épouse et son fils cadet) à partir du 1er juillet 2023, ne sont donc pas pertinents pour apprécier les faits tels qu’ils se présentaient jusqu’au moment de la décision litigieuse.

Il résulte de ce qui précède que le recourant n’était pas domicilié en Suisse entre le moment de son inscription au chômage et la date de la décision litigieuse, si bien qu’il ne saurait prétendre des indemnités de chômage.

7.             Il convient encore d’examiner si le recourant, ressortissant espagnol ayant travaillé en Suisse, peut déduire un droit aux prestations des règles de coordination européenne en matière d’assurance-chômage.

7.1 Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681), appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (ci-après: règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale, modifié par le Règlement CE n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009. Le règlement n° 883/2004 (RS 0.831.109.268.1) – qui a donc remplacé le règlement n° 1408/71 – n’ouvre toutefois aucun droit pour la période antérieure à la date de son application (ATF 138 V 392 consid. 4.1.3) et l’examen du juge se limite (au plus tard) à la période précédant la décision sur opposition (ATF 128 V 315). Le présent litige doit donc être examiné à la lumière du règlement n° 883/2004.

7.2 Selon l’art. 1 let. f du règlement no 883/2004, le terme « travailleur frontalier » désigne toute personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre et qui réside dans un autre État membre où elle retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine.

Les personnes auxquelles le règlement no 883/2004 est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre (art. 11 par. 1 du règlement
no 883/2004). Selon l’art. 11 par. 3 let. c du règlement no 883/2004, la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de
l’art. 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre.

En vertu de l’art. 65 du règlement no 883/2004, la personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à disposition des services de l’emploi de l’État membre de résidence. Sans préjudice de l’art. 64, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État membre où elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée. Une personne en chômage, autre qu’un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l’État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l’emploi de l’État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu (par. 2). Le chômeur visé au paragraphe 2, 1ère et 2ème phrases, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l’État membre de résidence, comme s’il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence (par. 5 let. a). En outre, l’État d’emploi rembourse la totalité du montant des prestations servies durant les trois premiers mois d’indemnisation. Ce remboursement est toutefois limité au montant des prestations qu’il aurait servi sur son territoire (par. 6 1ère et 2ème phrases).

Il convient également de se référer au règlement n° 987/2009 qui prévoit, en son considérant 13, des mesures et des procédures destinées à favoriser la mobilité des travailleurs et des chômeurs. Les travailleurs frontaliers se trouvant au chômage complet peuvent se mettre à la disposition du service de l’emploi tant de leur pays de résidence que du pays où ils ont travaillé en dernier lieu. Toutefois, ils ne devraient avoir droit qu’aux prestations servies par l’État membre de résidence.

7.3 Dans un arrêt du 11 avril 2013 (C-443/11), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que, par suite de l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004 CE, les dispositions applicables en matière d’assurance-chômage (art. 65) ne devaient pas être interprétées à la lumière de l’arrêt Miethe (exceptionnellement, le travailleur frontalier au chômage complet peut également faire valoir son droit à des indemnités de chômage dans l’État où il a exercé sa dernière activité professionnelle, à condition qu’il ait conservé dans l’État du dernier emploi à la fois des liens personnels et des liens professionnels propres à lui donner les meilleures chances de réinsertion dans ce pays). S’agissant d’un travailleur frontalier se trouvant au chômage complet, qui a conservé avec l’État membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu’il dispose dans cet État des meilleures chances de réinsertion professionnelle, l’art. 65 doit être compris en ce sens qu’il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l’emploi dudit État non pas en vue d’obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d’y bénéficier des services de reclassement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2013 du 23 avril 2014 consid. 3.2.4; ATAS/909/2013).

7.4 En application de la jurisprudence précitée, quand bien même le recourant aurait conservé avec la Suisse des liens personnels et professionnels tels qu’il disposerait dans cet État de meilleures chances de réinsertion professionnelle, c’est son pays de résidence, la France, qui doit lui verser des indemnités de chômage.

8.             Partant, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

***

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le