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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2939/2024

ATAS/990/2024 du 10.12.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2939/2024 ATAS/990/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 décembre 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______
représentée par le Syndicat SIT, soit pour lui, Me Nora LEHOTZKY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1984, ressortissante d’un pays d’Amérique du Sud et titulaire d’une autorisation de séjour en Suisse, mariée et mère de deux filles nées en 2002 et 2004 et d’un fils né en 2007, employée de nettoyage de profession, licenciée de son dernier emploi avec effet au 31 juillet 2022, s’est inscrite à l’assurance-chômage le 12 août 2022 en vue d’un travail à temps plein.

b. En parallèle, elle a, le 30 septembre 2022, déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci‑après : AI) pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, en raison de problèmes de dos présents depuis 2019, avec mise au courant de l’assurance-chômage.

Néanmoins, son médecin généraliste traitant a, le 17 octobre 2022, attesté qu’elle pouvait reprendre une activité – professionnelle – avec des restrictions : pas de travail comme femme de ménage ou femme de chambre. Le 25 janvier 2023, un rhumatologue a considéré comme possible un taux de 100% dans une activité adaptée dans laquelle le port de charge ne devrait pas dépasser 5 kg, les mouvements répétés du rachis lombaire et les positions en porte-à-faux lombaire de même que les positions statiques devaient être évitées et les changements de positions favorisés, et les échelles et escabeaux ne devaient pas être utilisés.

c. Il ressort des pièces du dossier de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE, l'office ou l'intimé) que l’intéressée a adressé à l’office régional de placement (ci‑après : ORP), à partir d’août 2022, des formulaires de preuve de recherches personnelles d'emploi (ci-après : RPE) remplis.

d. Par le contrat d'objectifs de RPE du 15 février 2023, l’assurée a pris à l’intention de l’ORP l'engagement d’un minimum de 5 recherches par mois, l'activité recherchée étant celle de d’employée de nettoyage, avec la précision que les formulaires de RPE devaient être remis à l’ORP en fin de mois ou au plus tard le 5 du mois suivant, date après laquelle lesdits formulaires ne seraient plus pris en considération. Les recherches devaient être effectuées chaque semaine et réparties sur l’ensemble du mois concernée (et non groupées sur un seul jour ou sur une courte période). En outre, la première inscription dans les agences de placement comptait comme RPE ; par la suite, seule les postulations à des postes spécifiques comptaient comme recherche ; le suivi des postulations auprès des entreprises n’était pas comptabilisé comme RPE. Tout manquement aux obligations envers l’assurance-chômage ainsi qu’aux instructions de l’ORP pouvait entraîner une suspension du droit à l’indemnité – de chômage –, également en cas d’utilisation d’un formulaire de RPE concernant la mauvaise période de contrôle.

e. Par décision de sanction du service juridique de l’office du 3 mars 2023 – non contestée dans le délai d’opposition –, l’intéressée a été sanctionnée de 3 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage pour le fait de ne pas avoir rempli les rubriques du formulaire de RPE de décembre 2022 afin de permettre leur vérification et de les rendre vraisemblables.

f. Du 6 février au 3 mars 2023, elle a suivi un stage d’évaluation « PASS PRO », qui a donné lieu à un rapport établi par PRO Entreprise sociales privée à l’intention de l’OCE.

g. Par décisions de sanction des 9, respectivement 10, 13 et 14 mars 2023 – non contestées dans le délai d’opposition –, l’assurée s’est vue infliger une suspension de son droit à l’indemnité de chômage de 8 jours pour ne pas avoir démontré avoir recherché un emploi en janvier 2023, de 11 jours pour ne pas avoir averti, 48 heures à l’avance, sa conseillère en personnel de l’ORP (ci-après : la conseillère) de son empêchement, dû à une formation – le stage précité –, de participer à l’entretien de conseil du 7 février 2023 auquel elle avait été convoquée par courriel du 9 janvier 2023, de 15 jours pour ne pas avoir vérifié les courriels reçus en début de semaine dont celui du matin du 7 février 2023 qui la convoquait à un entretien de conseil le – mercredi – 8 février 2023 car, selon ses explications, elle était en formation, son absence à cet entretien n’étant dès lors pas justifiée, et de 25 jours pour une absence non justifiée à un entretien de conseil prévu le 15 février 2023 par courriel du 8 février 2023.

h. L’assurée a contresigné un document écrit le 15 mai 2023 par l’ORP, qui conditionnait la continuation du suivi par la conseillère (jusqu’à la fin du délai‑cadre fixé au 11 août 2024) au respect des exigences de transmission des formulaires de RPE dans les délais, de mise au courant de la conseillère d’éventuels changements pertinents dans sa situation ainsi que de disponibilité pour participer aux entretien de conseil fixés par la conseillère, avec devoir de l’avertir en cas d’empêchement.

i. Par décision de sanction du 25 septembre 2023, le service juridique de l'OCE a prononcé à l'encontre de l'assurée une suspension de 17 jours de son droit à l'indemnité de chômage pour ne pas avoir démontré avoir recherché un emploi en mars 2023 (période de contrôle), reproche sur lequel elle ne s'était pas déterminée dans le délai au 1er août 2023 qui lui avait été octroyé par courriel dudit service juridique du 18 juillet 2023.

Par décision de sanction du lendemain 26 septembre 2023, le même service juridique a infligé à l'intéressée une suspension de 22 jours de son droit à l'indemnité de chômage pour ne pas avoir démontré avoir recherché un emploi en avril 2023 (période de contrôle), reproche sur lequel elle ne s'était pas déterminée dans le délai au 1er août 2023 qui lui avait été octroyé par courriel du 18 juillet 2023.

Par courrier daté du 27 septembre 2023, expédié le lendemain à l’adresse de l’office et reçu le 5 octobre 2023 par ce dernier, l’assurée s’est dite surprise par « [sa] décision » et a sollicité sa compréhension compte tenu d’une erreur relative au destinataire du formulaire de RPE ainsi que de problèmes de santé d’elle‑même et de son fils, les décisions de sanction des 25 et 26 septembre 2023 précitées étant jointes.

Par décisions sur opposition rendues – séparément – le 19, respectivement 20 octobre 2023, l’OCE a rejeté l’opposition formée par l’intéressée contre les décisions de sanction des 25 et 26 septembre 2023 précitées. En effet, celle-ci n’avait pas apporté la preuve que ses formulaires avaient été transmis dans les délais fixés conformément au contrat d’objectifs du 15 février 2023, et il y avait dès lors lieu de retenir qu’elle n’avait manifestement pas remis ses RPE de mars, respectivement avril 2023, celles-ci devant être considérées comme manquantes.

Par actes – séparés – du 20 novembre 2023, l’assurée, représentée par un syndicat, a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre ces deux décisions sur opposition.

Le recours contestant la décision sur opposition du 19 octobre 2023 a été enregistré sous le numéro de cause A/3843/2023 et celui contre la décision sur opposition du 20 octobre 2023 sous le numéro de cause A/3845/2023.

Dans le cadre de l’instruction de la procédure de recours, outre un échange d’écritures, une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 19 mars 2024 devant la chambre de céans. Selon l’intimé – par son représentant –, c'était probablement par erreur qu'il était mentionné dans ses décisions sur opposition querellées qu'il y aurait eu une décision de sanction – du 9 mars 2023 – pour RPE insuffisantes avant l'inscription au chômage. En outre, après vérification, dans la mesure où le délai-cadre d'indemnisation avait été reporté par la caisse de chômage au 1er février 2023, les décisions de sanction des 3 mars et 9 mars 2023 portant sur les mois de décembre 2022 et janvier 2023 n'avaient pas pu être exécutées, de sorte qu'il convenait de ne pas en tenir compte dans la quotité des sanctions présentement litigieuses. C'était pourquoi, compte tenu de l'absence de récidive concernant des RPE manquantes mais vu les trois antécédents consistant en des absences aux entretiens de conseil (décisions de sanction des 10, 13 et 14 mars 2023), l’OCE a proposé de réduire la sanction (suspension du droit à l'indemnité de chômage) pour le manquement de mars 2023 à 14 jours (au lieu de 17 jours), et celle pour le manquement d'avril 2023 à 19 jours (au lieu de 22 jours).

Par lettre du 25 mars 2024 répondant à des questions posées le 20 mars 2024 par la chambre des assurances sociales, la caisse de chômage du SIT (ci-après : la caisse de chômage) l’a informée, pièces à l’appui, avoir reçu le 5 mai 2023 un formulaire de RPE, intitulé (sous « mois et année ») « mai 2023 » et daté du 2 mai 2023, et le 7 juillet 2023 un formulaire de RPE, intitulé « juillet 2023 » et daté du 4 juillet 2023. Le 4 avril 2024, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci‑après : CCGC) a écrit ne pas être en mesure de transmettre à la chambre de céans des pièces relatives aux RPE de l’intéressée pour mars et avril 2023. Par pli du 16 avril 2024, la recourante a produit des formulaires de RPE intitulés « mars 2023 », respectivement « avril 2023 ».

Par arrêt du 15 octobre 2024 (ATAS/801/2024, dans la cause A/3843/2023 [résultant de la jonction des causes nos A/3843/2023 et A/3845/2023]), notifié aux parties ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) le 18 octobre 2024, la chambre de céans a admis partiellement le recours interjeté contre la décision sur opposition rendue le 19 octobre 2023 par l’intimé et réformé celle-ci en ce sens que la durée de la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage était réduite à 14 jours, et a admis entièrement le recours interjeté contre la décision sur opposition rendue le 20 octobre 2023 par l’intimé et annulé celle-ci et la sanction qui y était prononcée. Selon la chambre des assurances sociales, la recourante avait démontré, au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, avoir effectué des RPE en avril 2023 en quantité et qualité suffisantes, et avoir rempli et transmis le formulaire concernant cette période dans le délai requis. Il n’en allait pas de même concernant mars 2023, vu l’absence de RPE démontrées durant ce mois-ci et a fortiori de formulaire. Il était en outre précisé que l’OCE devait être suivi quant à la prise en considération, dans son principe, des circonstances pertinentes indiquées par son représentant à l’appui de sa proposition de réduction de sanctions formulée à l’audience du 19 mars 2024.

j. Entretemps, un « rapport iEmploi » de l’OCE faisant suite à un coaching du 2 octobre au 22 décembre 2023 a noté notamment que l’assurée avait fait de grands progrès en français et était très à l’aise avec les outils informatiques, qu’elle était pleine de ressources et volontaire, et qu’elle avait eu deux entretiens pour des postes en horlogerie avec des agences de placement.

k. Par décision du 26 février 2024 (rendue à la suite d’un projet de décision du 9 janvier 2024), l'office de l'assurance‑invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a rejeté la demande AI déposée le 30 septembre 2022 par l’intéressée, après avoir retenu une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle dès le 2 mai 2022 mais entière dans une activité adaptée à partir du 17 octobre 2022, le statut étant celui d’une personne active professionnellement à 50% et accomplissant ses travaux habituels dans le ménage pour le 50% restant. Le degré d’invalidité, de 8% sur la base notamment d’une comparaison des revenus sans et avec invalidité, était inférieur au minimum de 40% requis pour l’octroi d’une rente d’invalidité, et des mesures professionnelles ne se justifiaient pas.

l. Par le contrat d'objectifs de RPE du 26 mars 2024, l’assurée a pris à l’intention de l’ORP l'engagement d’un minimum de 10 recherches par mois, l'activité recherchée étant celle d’opératrice en horlogerie, le reste de ce document correspondant pour l’essentiel au contenu du contrat d’objectifs du 15 février 2023.

m. La direction juridique de l’OCE ayant reproché le 19 avril 2024 à l’assurée de n’avoir effectué que 6 RPE en mars 2024 au lieu des 10 attendues, celle-ci a répondu par courriel du 30 avril 2024 avoir rencontré des problèmes techniques sur le site de l’office, les recherches effectuées en mars 2024 apparaissant dans la section des recherches de février 2024.

n. Par décision du 10 mai 2024 de sa direction juridique, l’OCE a prononcé l’inaptitude au placement de l’assurée dès le 1er avril 2024, en raison du cumul de sanctions (décisions de sanction des 9, 10, 13 et 14 mars 2023 ainsi que 25 et 26 septembre 2023, plus les RPE insuffisantes – en nombre – en mars 2024).

Le 10 juin 2024, l’intéressée, représentée par le syndicat, a formé opposition contre cette décision d’inaptitude.

Elle n’a, en revanche, pas donné suite à un courrier du 27 juin 2024 de la direction juridique de l’office qui lui demandait de lui remettre, d’ici au 14 juillet 2024, « les justificatifs de vos recherches d’emploi effectuées en mars 2024 (le formulaire de RPE n’est pas un justificatif, veuillez transmettre les emails de postulations ou les réponses des employeurs attestant que les démarches ont été entreprises en mars 2024) ».

Par décision sur opposition rendue le 19 juillet 2024 par sa direction juridique, l’OCE a rejeté l’opposition formée le 10 juin 2024 et a confirmé sa décision du 10 mai 2024. Selon l’office, l’intéressée ne lui avait pas transmis l’intégralité de ses RPE de mars 2024 dans le délai imparti au 5 avril 2024, ni les justificatifs de ses 10 démarches effectuées durant ce mois-ci, malgré sa demande en ce sens. De surcroît, même en cas de réduction de la quotité des deux sanctions précédentes objets de la cause A/3843/2023, le cumul des sanctions dont l’assurée faisait l’objet, y compris les RPE insuffisantes – en nombre – en mars 2024, de même que les faits qu’elle n’avait pas transmis ses RPE de juin 2024 et qu’elle ne s’était pas présentée à l’entretien de conseil fixé au 13 juin 2024 à 11h30 selon le courriel du 18 avril 2024 du nouveau conseiller en personnel de l’ORP en charge du dossier de l’intéressée à partir de juin 2024 (ci-après : le conseiller) démontraient qu’elle n’avait pas modifié son comportement et n’entendait pas respecter ses obligations envers l’assurance-chômage.

o. Le 26 juillet 2024, l’OCE a annulé le dossier de l’assurée au 1er avril 2024.

B. a. Par acte daté du 10 septembre 2024 et déposé le lendemain au greffe universel, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales, interjeté recours contre ladite décision sur opposition du 19 juillet 2024, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties, au fond, principalement à l’annulation de cette décision sur opposition et à la reconnaissance qu’elle était apte au placement.

b. Par réponse du 8 octobre 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par écriture du 4 novembre 2023, sur question de la chambre de céans, il a considéré que, l’intéressée ayant été avertie à plusieurs reprises que le cumul des sanctions pouvait entraîner l’examen de son aptitude au placement, l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 15 octobre 2024 (ATAS/801/2024 précité), « n’étant d’ailleurs pas encore entré en force », n’était pas susceptible de modifier sa position.

d. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai au 25 novembre 2024 octroyé par la lettre de la chambre de céans du 8 novembre précédent pour consulter les pièces du dossier et présenter d’éventuelles observations et pièces utiles.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours et compte tenu des féries judiciaires – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 4 et 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA ‑ E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé de prononcer l’inaptitude au placement de la recourante dès le 1er avril 2024.

3.              

3.1 L'art. 8 LACI énumère les conditions du droit à l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et ne pas encore avoir atteint l’âge de référence fixé à l’art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10 ; let. d dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2024), remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI ‑ RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le SECO en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI IC.

3.2 La condition de satisfaire aux exigences du contrôle, posée par l'art. 8 al. 1 let. g LACI, renvoie aux devoirs de l'assuré et prescriptions de contrôle prévus par l'art. 17 LACI. Les al. 1 à 3 de cette disposition-ci imposent aux chômeurs des devoirs matériels, qui concernent la recherche et l'acceptation d'un emploi, ainsi que la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires, ainsi que des devoirs formels, qui ont pour objet l'inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014 [ci-après : Commentaire], n. 1 ad art. 17 LACI).

En vertu de l'art. 17 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (al. 1). L’assuré est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé. Il a l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer : aux mesures relatives au marché du travail propres à améliorer son aptitude au placement (let. a) ; aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées visées à l’al. 5 (let. b) ; de fournir les documents permettant de juger s’il est apte au placement ou si le travail proposé est convenable (let. c ; al. 3).

Par ailleurs, les entretiens de conseil et de contrôle sont menés par l'ORP en charge du dossier de l'assuré (Bulletin LACI IC ch. B330). En vertu de l'art. 22 al. 2 OACI, l'office compétent mène un entretien de conseil et de contrôle avec chaque assuré à intervalles pertinents mais au moins tous les deux mois. Lors de cet entretien, il contrôle l'aptitude et la disponibilité au placement de l'assuré. Le Bulletin LACI IC ch. B341 (dans sa version en vigueur dès janvier 2024) précise que ces entretiens visent, d’une part, à établir l’aptitude au placement de l’assuré et à vérifier les recherches d’emploi effectuées et, d’autre part, à encourager une réinsertion rapide et durable.

3.3 La violation des obligations que l'art. 17 LACI impose à l'assuré expose ce dernier à une suspension de son droit à l'indemnité.

En effet, aux termes de l'art. 30 al. 1 LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu entre autres lorsqu'il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Sous l'angle plus précisément de l'art. 30 al. 1 let. c LACI, l'art. 26 OACI, intitulé « recherches personnelles de l'assuré pour trouver du travail », prévoit que l'assuré doit cibler ses recherches d'emploi – RPE –, en règle générale selon les méthodes de postulation ordinaires (al. 1). Il doit remettre la preuve de ses recherches d'emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. À l'expiration de ce délai, et en l'absence d'excuse valable, les recherches d'emploi ne sont plus prises en considération (al. 2). L'office compétent contrôle chaque mois les recherches d'emploi de l'assuré (al. 3).

Conformément à l'art. 30 al. 2 LACI, l'autorité cantonale prononce les suspensions notamment au sens de l'al. 1 let. c et d.

La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l'al. 1 let. g, 25 jours (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3).

3.4 Conformément à l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé – au sens de l'art. 8 al. 1 let. f LACI – le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : le premier est la capacité de travail, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée – sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne ; le deuxième élément est la disposition à accepter immédiatement un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, laquelle implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1 ; 125 V 51 consid. 6a). L'aptitude au placement est évaluée de manière prospective d'après l'état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 146 V 210 consid. 3.2 ; 143 V 168 consid. 2 et les arrêts cités).

Un assuré qui s'efforce de rechercher un emploi dans les domaines où il a des chances d'en trouver un, qui est disposé à accepter tout emploi convenable, qui offre une disponibilité entière, qui dispose d'une faculté de travailler suffisante et qui est disposé à participer aux mesures d'intégration est réputé apte à être placé au sens de l'art. 15 LACI, même si ses efforts pour mettre fin au chômage échouent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_64/2020 du 19 novembre 2020 consid. 5.2.2 ; Boris RUBIN, Commentaire, n. 17 ad art. 15 LACI).

Lorsque les recherches d'emploi sont continuellement insuffisantes, l'aptitude au placement (art. 15 LACI) peut être niée (ATF 123 V 214 consid. 3). En vertu du principe de proportionnalité, l'insuffisance de recherches d'emploi doit cependant être sanctionnée, en premier lieu, par une suspension du droit à l'indemnité. Pour admettre une inaptitude au placement en raison de recherches insuffisantes, il faut que l'on se trouve en présence de circonstances tout à fait particulières. C'est le cas, notamment, si l'assuré, malgré une suspension antérieure de son droit à l'indemnité, persiste à n'entreprendre aucune recherche ou lorsque, nonobstant les apparences extérieures, on peut mettre en doute sa volonté réelle de trouver du travail. Il en va de même lorsque l'assuré n'entreprend aucune démarche pendant une longue période ou que ses recherches sont à ce point insuffisantes ou dépourvues de tout contenu qualitatif qu'elles sont inutilisables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_490/2010 du 23 février 2011 consid. 5.2 ; DTA 2006 p. 225 consid. 4.1, C 6/05, et les références).

De manière générale, lorsque le chômeur se soustrait à ses devoirs d'assuré, il n'est en principe pas d'emblée privé de prestations. Le droit de l'assuré à l'indemnité est d'abord suspendu (art. 30 al. 1 LACI et art. 44 s. OACI) puis, en cas de réitération, l'assuré est déclaré inapte au placement (ATF 112 V 215 consid. 1b). En vertu du principe de la proportionnalité, l'aptitude au placement ne peut être niée qu'en présence de manquements répétés et au terme d'un processus de sanctions de plus en plus longues, et pour autant que les fautes aient été commises en quelques semaines, voire en quelques mois. Il faut qu'un ou plusieurs manquements au moins correspondent à des fautes moyennes ou graves. Il n'est pas possible de constater l'inaptitude au placement seulement si quelques fautes légères ont été commises. L'assuré doit pouvoir se rendre compte, au vu de la gradation des sanctions endurées, que son comportement compromet de plus en plus son droit à l'indemnité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_146/2023 du 30 août 2023 consid. 4.3 ; 8C_65/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.2 ; 8C_64/2020 précité consid. 4.3 ; 8C_816/2018 du 5 décembre 2019 consid. 6.1 et les arrêts cités).

En cas de cumul de manquements sanctionnés, l'inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l'inaptitude au placement (arrêts du Tribunal fédéral 8C_64/2020 précité consid. 4.3 ; 8C_816/2018 précité consid. 6.1).

3.5 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

4.              

4.1 En l’espèce, pour ce qui est du reproche de RPE insuffisantes en nombre en mars 2024, il convient de considérer ce qui suit.

4.1.1 Il ressort du dossier de l’office (pièce 73) que : le formulaire de RPE de février 2024, dans sa version avec la date de réception du 28 février 2024, énumère 12 postulations au total, soit 4 sauvegardées le 8 février (sous les dates en gras des 2, 5 et 6 février), 3 le 17 février (sous les dates en gras des 9, 12 et 16 février), 3 le 22 février (sous les dates en gras des 19 et 21 février) et 2 le 28 février (même date en gras) ; le formulaire de RPE de février 2024, dans sa version avec la date de réception du 30 mars 2024, ajoute, de manière mélangée avec la seconde candidature sauvegardée le 28 février, 5 recherches sauvegardées le 29 mars (sous les dates en gras des 28 et 29 février), ce qui fait un total de 17 postulations ; le formulaire de RPE de février 2024, dans sa version avec la date de réception du 31 mars 2024, ajoute encore, de manière mélangée avec les candidatures sauvegardées le 29 mars, 2 postulations sauvegardées le 30 mars (également sous la date en gras du 29 février), soit 19 recherches au total.

Le formulaire de RPE de mars 2024, avec la date de réception du 6 avril 2024 (pièce 75 du dossier de l’OCE), mentionne quant à lui 6 postulations, à savoir 2 sauvegardées le 5 mars (sous les dates en gras des 4 et 5 mars), 3 le 16 mars (chacune sous la même date en gras) et 1 le 20 mars (sous la même date en gras). Ces recherches portent sur des postes assez similaires à ceux objets des candidatures sauvegardées durant le mois de février 2024 dans le formulaire de RPE y afférent, à l’exception d’une postulation adressée à B______ (« opérateur montage H/F ») qui ne figure pas du tout dans ce formulaire de février 2024 (y compris dans sa version avec la date de réception du 31 mars 2024). Par rapport aux recherches sauvegardées les 29 et 30 mars 2024, la postulation du 5 mars 2024 à un poste d’« opérateurs en horlogerie H/F » auprès de C______ – industrie apparaît très similaire, voire identique, à celle sauvegardée le 29 mars 2024 dans le formulaire de RPE de février 2024 sous « opératrice en horlogerie » à l’intention de de C______ – industrie ; la candidature du 20 mars 2024 au poste d’« opérateur/opératrice de production en horlogerie » de ValJob Genève apparaît proche, sans être strictement identique, de celle sauvegardée le 30 mars 2024 sous « opératrice de production » pour ValJob Genève.

4.1.2 La direction juridique de l’OCE ayant reproché le 19 avril 2024 à l’assurée de n’avoir effectué que 6 RPE en mars 2024 au lieu des 10 attendues, celle-ci a répondu par courriel du 30 avril 2024 avoir rencontré des problèmes techniques sur le site de l’office « Job-Room », les recherches effectuées en mars 2024 apparaissant dans la section des recherches de février 2024.

Dans sa décision d’inaptitude au placement du 10 mai 2024, l’intimé a refusé de prendre en considération ces explications de la recourante au motif que cette dernière n’avait pas remis des justificatifs attestant que les recherches mentionnées dans le formulaire de RPE de février 2024 avaient en réalité été effectuées en mars 2024.

Dans son opposition, l’intéressée a fait valoir avoir effectué au total 14 RPE en mars 2024 et en avoir les justificatifs.

Elle n’a toutefois pas donné suite au courrier du 27 juin 2024 de la direction juridique de l’office qui lui demandait de lui remettre, d’ici au 14 juillet 2024, « les justificatifs de vos recherches d’emploi effectuées en mars 2024 (le formulaire de RPE n’est pas un justificatif, veuillez transmettre les emails de postulations ou les réponses des employeurs attestant que les démarches ont été entreprises en mars 2024) ».

Dans sa décision sur opposition rendue le 19 juillet 2024, l’OCE a considéré que l’assurée ne s’était pas conformée à ses obligations envers l’assurance-chômage en ne lui transmettant pas l’intégralité de ses RPE de mars 2024 dans le délai imparti au 5 avril 2024 et en ne prenant pas toutes les dispositions nécessaires à cette fin, y compris en cas de problème avec la plateforme « Job-Room », alors qu’il lui incombait dans ce cas de lui adresser ses recherches par courrier postal, par dépôt à la réception de l’office ou d’en informer sans délai l’ORP, ce qu’elle n’avait pas fait. De surcroît, elle ne lui avait pas transmis les justificatifs de ses 10 démarches effectuées en mars 2024, malgré sa demande en ce sens.

Dans son acte de recours, la recourante allègue avoir effectué 13 RPE en mars 2024, dont les dates d’enregistrement ont selon elle été sauvegardées dans la plateforme « Job-Room ». D’après elle, les liens vers les annonces en ligne auxquelles elle a répondu pour chaque RPE effectuée étaient précisément indiqués dans les formulaire de RPE de février et mars 2024. Il convient en outre de tenir compte de sa situation et de son parcours auprès de l’assurance-chômage, en particulier du fait qu’elle est une personne ayant des compétences limitées en français et en informatique mais d’autres excellentes compétences, ce dont l’intimé n’aurait aucunement tenu compte.

4.1.3 Selon la jurisprudence, compte tenu du manque de fiabilité du trafic électronique en général, il appartenait à l’assurée de prendre des précautions en contrôlant la confirmation de l’enregistrement de ses recherches dans le système de « Job-Room » et en vérifiant l’envoi de ses preuves de RPE de manière à s’assurer que ces dernières avaient bien été transmises à travers la plateforme « Job-Room », avant l’échéance du cinq du mois suivant. En l’absence d’assurances sur ce point, il lui appartenait de déposer son pli auprès de la Poste ou à la réception de l’office avant l’échéance du délai (cf. ATAS/597/2023 du 11 août 2023 consid. 4.1 ; ATAS/726/2021 du 30 juin 2021 consid. 7). Elle aurait à tout le moins dû contacter la conseillère pour lui signaler le problème (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_313/2021 du 3 août 2021).

Or, dans le cas présent, la recourante n’a pas pris de telles mesures de diligence requises.

Certes, dans les formulaires de RPE de février et mars 2024, il y a bien les liens vers les annonces, mais celles-ci ne constituent pas encore des justificatifs de réelles postulations. L’intéressée n’a cependant pas présenté ces justificatifs, alors que l’office les lui avait expressément demandés par pli du 27 juin 2024. Elle n’a ainsi ni respecté son devoir de collaboration, ni prouvé la réalité de plus de 6 RPE en mars 2024.

Un manquement de la part de la recourante en lien avec un nombre insuffisant de RPE en mars 2024 doit en conséquence être reconnu.

S’il avait, indépendamment des autres types de manquements, été commis pour la première fois ou même la deuxième fois, ledit manquement aurait été qualifié de faute légère (cf. Bulletin LACI IC ch. D79 1.C ; aussi ATAS/597/2023 précité consid. 4.2 ; ATAS/726/2021 précité consid. 8).

4.2 Il y a ainsi lieu d’examiner si les conditions d’une inaptitude au placement sont ou non réalisées.

4.2.1 Avant le manquement reproché à l’intéressée en dernier lieu, à savoir des RPE insuffisantes en nombre en mars 2024, il y a eu les quatre sanctions suivantes qui doivent être prises en considération, donc pas toutes les sanctions initialement infligées vu la proposition du représentant de l’OCE à l’audience du 19 mars 2024 et l’ATAS/801/2024 précité : 1. par décision du 10 mars 2023, suspension du droit à l’indemnité de chômage de 11 jours pour ne pas avoir averti, 48 heures à l’avance, la conseillère de son empêchement, dû à une formation – le stage d’évaluation « PASS PRO » précité –, de participer à l’entretien de conseil du 7 février 2023 auquel elle avait été convoquée par courriel du 9 janvier 2023 ; 2. par décision du 13 mars 2023, suspension de 15 jours pour ne pas avoir vérifié les courriels reçus en début de semaine dont celui du matin du 7 février 2023 qui la convoquait à l’entretien de conseil le – mercredi – 8 février 2023 car, selon ses explications, elle était en formation, son absence à cet entretien n’étant dès lors pas justifié ; 3. par décision du 13 mars 2023, suspension de 25 jours pour une absence non justifiée à l’entretien de conseil prévu le 15 février 2023 par courriel du 8 février 2023 ; 4. par décision du 25 septembre 2023 et décision sur opposition du 19 octobre 2023 réformée par l’ATAS/801/2024 précité, suspension de 14 jours pour l’absence de RPE en mars 2024.

4.2.2 Selon le Bulletin LACI IC (D63 à D64), si la personne assurée est suspendue durant la période d'observation de deux ans pour la même raison (le même état de fait), les autorités cantonales et/ou ORP prolongent la durée de suspension en suivant la grille de suspension (D63c). S’agissant de suspensions répétées pour un fait différent, pour prolonger la durée de suspension en conséquence, les autorités cantonales et/ou ORP ne prennent en compte que les suspensions décidées par les autorités cantonales et/ou ORP. Si la personne assurée est à nouveau suspendue durant la période d'observation de deux ans, la durée de suspension doit être prolongée en conséquence, tout en tenant compte du comportement général de la personne assurée. Les autorités cantonales et/ou ORP sont responsables de prolonger la durée de suspension selon leur appréciation et de justifier leur choix dans la décision. De la même manière, s'ils renoncent à prolonger la période de suspension, ils doivent le justifier dans leur décision (D63d). Ces principes sont conformes à la jurisprudence, d’après laquelle l’art. 45 al. 5 OACI (ancien art. 45 al. 2bis) prescrit de sanctionner plus sévèrement un assuré qui a déjà fait l'objet d'une sanction antérieure sans égard à la nature des motifs de sanction retenus (arrêt du Tribunal fédéral 8C_518/2009 du 4 mai 2010 consid. 5 ; ATAS/1230/2018 du 27 décembre 2018 consid. 7a). Plus le premier manquement est grave et récent, plus le nombre de jours à ajouter pour la dernière faute commise doit être élevé (Boris RUBIN, Commentaire, n. 126 ad art. 30 LACI).

4.2.3 En l’occurrence, le premier manquement susmentionné constituait une faute légère (cf. Bulletin LACI IC ch. D79 3.A), le deuxième également une faute légère (cf. ch. D79 3.A), le troisième une faute moyenne à grave vu la réitération du même type de manquement (cf. ch. D79 3.A), le quatrième une faute légère s’il était considéré isolément (cf. ch. D79 1.D ; aussi ATAS/801/2024 précité consid. 4.3).

Certes, comme le souligne l’intimé, à la fin des décisions de sanction pour chacun de ces quatre manquements, il était écrit en gras : « Avertissement : [À la ligne] Le cumul de sanctions constitue un motif de négation de l’aptitude au placement ayant pour conséquence l’arrêt total du versement des indemnités de chômage ».

Il convient toutefois de relever que les trois premiers manquements ont été commis entre le 5 et le 15 février 2023, donc dans un très court laps de temps (absence non excusée à trois entretiens de conseil de suite), et sans qu’il y ait eu une sanction après le premier ou même deuxième manquement.

Par ailleurs, le manquement des RPE insuffisantes en nombre en mars 2024 a fait suite à une période sans manquement relativement longue, de onze mois (du 1er avril au 29 février 2024).

Enfin, le cinquième manquement, présentement litigieux – RPE insuffisantes en nombre en mars 2024 –, ne montre pas forcément, compte tenu des circonstances particulières, une absence de volonté réelle de l’intéressée de trouver un emploi. Rien ne permet de penser que l’intéressée n’avait pas, durant le premier semestre 2024, la volonté de trouver un emploi et d’accepter tout travail convenable. Au contraire, le « rapport iEmploi » de l’OCE faisant suite à un coaching du 2 octobre au 22 décembre 2023 note notamment que l’assurée a fait de grands progrès en français et est très à l’aise avec les outils informatiques, qu’elle est pleine de ressources et volontaire, et qu’elle a eu deux entretiens pour des postes en horlogerie avec des agences de placement. Il ressort au surplus du journal de l’ORP « PV – Entretiens de conseil » qu’en décembre 2023, l’intéressée a eu un entretien avec une « conseillère coach » de RÉALISE, active notamment dans la formation et le placement professionnels, et a effectué un test, positif, auprès d’une agence de placement, et qu’en janvier ou février 2024, elle a accompli une petite formation d’assemblage en horlogerie pendant une semaine auprès de cette agence au placement. Au demeurant, l’office n’émet pas de critiques concernant les RPE de mars 2024 au plan qualitatif, et il est relevé que le contrat d'objectifs de RPE du 26 mars 2024 précise que l'activité recherchée est celle de d’opératrice en horlogerie.

4.2.4 Au regard de l’ensemble de ces circonstances particulières, le prononcé de l’inaptitude au placement querellée apparaît contraire au principe de la proportionnalité.

4.3 À teneur de la décision sur opposition attaquée, même en cas de réduction de la quotité des deux sanctions objets de la cause A/3843/2023, le cumul des sanctions dont l’assurée a fait l’objet, y compris les RPE insuffisantes en nombre en mars 2024, de même que les faits qu’elle n’a pas transmis ses RPE de juin 2024 et qu’elle ne s’est pas présentée à l’entretien de conseil fixé au 13 juin 2024 à 11h30 selon le courriel du 18 avril 2024 du conseiller démontreraient qu’elle n’a pas modifié son comportement et n’entend pas respecter ses obligations envers l’assurance-chômage.

4.3.1 Il pourrait cependant être problématique que des circonstances postérieures à la prise d’effet de l’inaptitude au placement – au 1er avril 2024 – soient prises en considération pour l’examen des conditions de l’aptitude ou inaptitude, étant donné que, selon la jurisprudence citée plus haut, en cas de cumul de manquements sanctionnés, l'inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l'inaptitude au placement.

4.3.2 Quoi qu’il en soit, la prise en considération ici de l’absence éventuelle de transmission des RPE de juin 2024 et de l’éventuelle non-présentation à l’entretien de conseil fixé au 13 juin 2024 apparaîtrait incompatible avec le respect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Ce droit fondamental comprend notamment le droit pour la personne intéressée de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 143 V 71 consid. 4.1). Il inclut ainsi le droit pour les parties de participer à la procédure et d'influer sur le processus conduisant à la prise de décision, avec pour corollaire que l'autorité, avant de rendre une décision touchant la situation juridique d'une partie, doit en informer cette dernière et lui donner l'occasion de s'exprimer préalablement sur le sujet (ATF 126 V 130 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_181/2013 du 20 août 2013 consid. 3.3).

Or, dans le cas présent, avant le prononcé de la décision sur opposition querellée, l’intimé n’a aucunement laissé à la recourante la possibilité de s’exprimer au sujet de ces deux reproches de manquements qui auraient été commis en juin 2024.

Un tel vice, grave, ne serait en tout état de cause pas guérissable (cf. à ce sujet notamment ATF 147 IV 340 consid. 4.11.3 ; 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_21/2024 du 24 juin 2024 consid. 3.2.2 ; 9C_776/2020 du 7 juillet 2020 consid. 2.2), vu les graves conséquences – inaptitude au placement – qui seraient tirées desdites faits qui seraient survenus en juin 2024.

Au demeurant, on ne peut en l’état pas exclure que de tels manquement, s’ils étaient établis – ce qu’il n’y pas lieu de trancher ici –, auraient pu le cas échéant être commis comme suites du prononcé de l’inaptitude au placement présentement contesté, par exemple dans l’hypothèse où l’assurée n’aurait pas été – fautivement ou non – au clair quant à ses droits et obligations dans le cadre de cette inaptitude. À cet égard, le conseiller a noté le 13 juin 2024 (date de l’entretien de conseil qui aurait été manqué) dans le journal de l’ORP « PV – Entretiens de conseil » : « Pas apparue – car non soumis car inaptitude au placement prononcée le 1.4.24. Opposition en cours ».

4.3.3 On ne saurait donc considérer que la recourante n’entendrait pas respecter ses obligations envers l’assurance-chômage.

4.4 Vu ce qui précède, l’intimé n’était pas fondé à prononcer l’inaptitude au placement de la recourante dès le 1er avril 2024, une comparution personnelle des parties étant ainsi inutile par appréciation anticipée des preuves (cf. à ce sujet notamment ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

L’assurée est néanmoins rendue attentive à son devoir de respecter de manière stricte et diligente ses obligations envers l’assurance-chômage.

5.             En conséquence, le recours sera admis et la décision sur opposition querellée sera annulée, ce qui inclut l’annulation du prononcé de l’inaptitude au placement dès le 1er avril 2024.

6.             La recourante, qui obtient gain de cause, est représentée par un syndicat, mandataire professionnellement qualifié, de sorte qu’une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition rendue le 19 juillet 2024 par l’intimé et l’inaptitude au placement prononcée avec effet dès le 1er avril 2024.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.-, à charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le