Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/953/2024 du 02.12.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1155/2024 ATAS/953/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 2 décembre 2024 Chambre 16 |
En la cause
A______ représenté par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______, né le ______ 1963, sans formation, est arrivé en Suisse en août 1998. Père de trois enfants nés respectivement en 1994, 1996 et 1998 d’une première union, dissoute par le divorce en 2011, il n’a pas exercé d’activité lucrative d’août 1998 jusqu’à fin février 2007, s’occupant principalement de ses enfants tout en bénéficiant de l’aide sociale.
b. Du 1er mars au 21 mai 2007, il a travaillé comme poseur de sols au service de B______, puis dès septembre 2007, comme plongeur dans un restaurant exploité par la société C______. Alors qu’il était en arrêt de travail depuis le 16 février 2008, C______ a résilié son contrat de travail pour le 31 mars 2008. Il n’a plus exercé d’activité professionnelle depuis lors.
c. Après un deuxième mariage conclu en 2013, dissous par le divorce deux ans plus tard, l’assuré s’est remarié en septembre 2017.
B. a. Le 24 novembre 2008, il a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) en indiquant que son incapacité de travail était totale depuis avril 2008.
b. Par avis du 1er mars 2010, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé, sur la base des renseignements médicaux recueillis, qu’une expertise bi-disciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) était indiquée.
c. Les 29 avril et 18 juin 2010, l’assuré s’est rendu respectivement auprès du docteur D______, spécialiste FMH en rhumatologie, et de la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour se soumettre à l’expertise précitée, dont les conclusions ont été rendues le 15 juillet 2010 par le Dr D______ en y incluant l’appréciation de la Dre E______.
Dans son appréciation psychiatrique du 2 juillet 2010, la Dre E______ a posé les diagnostics de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et de dysthymie (F34.1). Selon l’experte, ces diagnostics résumaient certainement la souffrance et l’inconfort mental et social de l’assuré, mais n’entraînaient pas de limitation de sa capacité de travail. Compte tenu des symptômes de souffrance psychologique et tout particulièrement douloureuse, on pouvait néanmoins admettre une diminution de rendement d’environ 20% dans l’activité habituelle depuis 2007, en raison des douleurs et du sentiment de détresse.
Interrogée sur le point de savoir si d’autres activités étaient exigible de la part de l’assuré et, dans l’affirmative, à quels critères celles-ci devaient répondre, l’experte a indiqué qu’il n’y avait pas, sur le plan psychique, de critères médicaux particuliers à observer. Ainsi, la capacité de travail exigible dans une activité adaptée était également de 100% et la diminution de rendement probable de 20%.
Pour sa part, le Dr D______ a estimé sur le plan rhumatologique que l’assuré présentait uniquement les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail suivants :
- lombosciatalgies gauches chroniques non déficitaires en relation avec une discopathie L5-S1 gauche,
- cervicalgies avec céphalées d’origine tensionnelle,
- syndrome douloureux somatoforme persistant,
- dysthymie.
Concernant les douleurs lombaires, l’assuré se plaignait de lombosciatalgies gauches handicapantes souvent intenses, estimées à 8 sur 10. Ces douleurs étaient associées à une irradiation sur la face latérale de la cuisse gauche sans réelle symptomatologie neurologique. Selon les limitations fonctionnelles (importantes) qu’il décrivait, l’assuré pouvait rester debout, mais pas plus de dix minutes, la position assise et le périmètre de marche étaient limités à un quart d’heure et le port de charges à 5-10 kg au maximum en évitant les positions en porte-à-faux. Selon l’expert, il existait en revanche une différence entre ses constatations et les déclarations de l’assuré, concernant tout d’abord la durée de la position assise sans manifestation de douleurs. À l’examen clinique, l’expert se disait par ailleurs frappé par l’attitude démonstrative de l’assuré, ainsi que ses positions antalgiques atypiques, en position debout et à la marche. Sur le plan neurologique, l’expert ne constatait pas de signe d’irritation ni de déficit radiculaire aux membres inférieurs. Les documents d’imagerie donnaient peu d’explications aux douleurs alléguées, mais mettaient en évidence, tout au plus, une discopathie modérée L5-S1 sans signe de conflit disco-radiculaire, justifiant, selon le Dr D______, que l’assuré évite des activités professionnelles trop contraignantes pour le dos (par exemple : manœuvre sur un chantier), comprenant le port de charges lourdes ou des mouvements répétitifs du tronc.
Concernant les douleurs cervicales avec céphalées, l’assuré décrivait des « céphalées en casque » partant de la région cervico-occipitale, pouvant être handicapantes avec des intensités de douleurs allant jusqu’à 10 sur 10. À l’examen clinique, on notait toutefois une mobilité cervicale sans limitation avec une palpation sensible de la musculature sous-occipitale et des insertions des muscles cervico-scapulaires. Ce tableau clinique, qui évoquait avant tout des cervicalgies avec céphalées d’origine tensionnelle, entrait dans le cadre d’un syndrome douloureux chronique sans répercussion sur la capacité de travail.
En synthèse, le Dr D______ a estimé sur la base de ses propres constatations et de celles de la Dre E______ que la capacité de travail de l’assuré dans l’activité habituelle était intacte, l’exercice de celle-ci demeurant exigible à 100% tant d’un point de vue somatique que psychique, sous réserve d’un rendement diminué de 20% en raison des douleurs et du sentiment de détresse. D’un point de vue somatique et psychique, l’assuré avait la possibilité de s’habituer à un rythme de travail, de s’intégrer dans le tissu social et de mobiliser ses ressources. Aussi n’avait-il pas besoin d’un plan de réadaptation spécifique. D’autres activités étaient exigibles de la part de l’assuré. Sur le plan psychiatrique, il n’était pas nécessaire qu’elles répondent à des critères médicaux particuliers. Sur le plan somatique en revanche, elles devaient être adaptées aux limitations fonctionnelles précitées en lien avec la discopathie L5-S1. Même si une telle activité adaptée était exigible à plein temps, il fallait néanmoins s’attendre à une diminution de rendement demeurant à 20% « en raison d’une souffrance subjective par les douleurs ».
d. Par avis du 27 juillet 2010, le SMR a indiqué qu’il se ralliait aux conclusions du rapport d’expertise du 15 juillet 2010. En conséquence, il a retenu que l’atteinte principale à la santé provenait des lombosciatalgies S1 gauches chroniques, non déficitaires, en relation avec une discopathie L5-S1 gauche. Les autres pathologies associées, du ressort de l’AI, prenaient la forme de cervicalgies avec céphalées d’origine tensionnelle, d’hypertension artérielle (I10), d’un trouble somatoforme douloureux persistant (F45.4) et d’une dysthymie (F34.1). Le début de l’incapacité de travail durable (20%) remontait au 1er décembre 2007. Depuis lors, la capacité de travail exigible était de 80% dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Sur le plan somatique,
celles-ci impliquaient une station debout limitée à dix minutes, une limitation du périmètre de marche et de la position assise à quinze minutes, et un port de charges inférieur à 5 kg. Sur le plan psychiatrique, ces limitations concernaient quelques symptômes de tristesse et d’inquiétude, un sentiment de fatigue et de fatigabilité, un manque d’énergie et de motivation.
e. Par projet de décision du 20 juin 2011, l’OAI a envisagé de refuser l’octroi de mesures professionnelles et d’une rente d’invalidité à l’assuré.
f. Le 31 août 2011, l’assuré a été reçu dans les locaux de l’OAI en présence d’un interprète. À cette occasion, il a fait part en substance de son désaccord avec ce projet de décision. De son point de vue, son état de santé était incompatible avec l’exercice de toute activité professionnelle. Sur quoi, l’OAI lui a indiqué qu’il maintiendrait sa position en l’absence d’éléments médicaux nouveaux d’ici au 30 septembre 2011.
g. Par décision du 24 janvier 2012, l’OAI a refusé d'octroyer des mesures professionnelles et une rente à l’assuré, au motif que ses plaintes ne suffisaient pas à remettre en question le projet de décision du 20 juin 2011 en l’absence d’éléments médicaux objectifs nouveaux. Non contestée, cette décision est entrée en force.
C. a. Le 4 mars 2013, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en mentionnant que sa démarche était motivée par des douleurs lombo‑sacrées et une incapacité de travail totale de novembre 2007 à ce jour.
b. Le 26 juin 2013, dans le cadre de l’instruction de cette nouvelle demande, l’OAI a reçu, entre autres, un rapport d’expertise du 10 novembre 2008 du docteur F______, spécialiste FMH en rhumatologie, réalisée à la demande de ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA, assureur maladie perte de gain de C______. Retenant le diagnostic de lombosciatalgie gauche chronique, le Dr F______ a précisé qu’il n’y avait pas de lésions organiques et donc pas de raison somatique justifiant la poursuite de l’arrêt de travail complet de l’assuré, remontant au 16 février 2008.
c. Dans un rapport du 4 avril 2013, la docteure G______, médecin interne auprès du centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée, secteur H______ (ci-après : CAPPI-H______) a indiqué que l’assuré bénéficiait d’un suivi au CAPPI-H______ depuis février 2009. Il présentait actuellement un tableau clinique en faveur d’un épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique (MADRS [Montgomery-Asberg Depression Rating Scale] à 30, le 14 mars 2013). L’assuré décrivait en outre un sentiment de tristesse et de tension interne, ainsi que des troubles du sommeil qu’il attribuait à ses douleurs physiques. D’un point de vue strictement psychiatrique, sa capacité de travail était nulle.
d. Par avis du 12 février 2014, le SMR a estimé qu’afin de déterminer si l’assuré présentait une aggravation objective de son état de santé, une expertise était nécessaire.
e. À la demande de l’OAI, l’assuré s’est rendu, le 15 décembre 2014, auprès du I______ (ci-après : I______), pour se soumettre à une expertise multidisciplinaire (médecine interne, rhumatologie et psychiatrie), réalisée par la docteure J______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie (volet de médecine interne), le docteur K______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne (volet rhumatologique) et la docteure L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (volet psychiatrique). Ces experts ont rendu leurs conclusions le 3 mars 2015.
Les seuls diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail, qui étaient d’ordre rhumatologique, consistaient en une spondylodiscarthrose cervicale (C6-C7) et lombaire (L5-S1), sans signe neurologique (M47.8). Sur le plan de la médecine interne, le syndrome métabolique avec obésité, l’hypertension artérielle (ci-après : HTA), la dyslipidémie, la stéatose hépatique, l’intolérance au glucose (E88.9), le déconditionnement global (Z72.3), l’hypothyroïdie insuffisamment substituée (E03.9), les céphalées mixtes (tensionnelles et cervicogènes probables ; R51), le syndrome d’hyperactivité vésicale traité (N31.9), les troubles digestifs fonctionnels (K59.9) dans le contexte d’un syndrome fibromyalgique (M79.0), le syndrome d’apnée du sommeil (ci-après : SAS) traité (G47.3), le status après ablation d’un pterygium bilatéral en 2000 et 2003 à l’œil droit et l’astigmatisme de l’œil droit (H52.2) étaient sans répercussion sur la capacité de travail. Pour le surplus, il n’y avait pas de diagnostic (incapacitant ou non) sur le plan psychiatrique.
Au plan rhumatologique, les éléments radiologiques montraient une ébauche de dégénérescence discale L5-S1, donnant lieu à une protrusion discale, sous‑ligamentaire, sans signe d’appel neurologique. La situation était identique à celle qui avait été identifiée en novembre 2008 par l’expert F______, et ce dernier n’avait retenu aucune atteinte objective qui aurait contre-indiqué une activité professionnelle. L’expertise du Dr D______ en 2010 ne retenait pas non plus d’affection somatique incapacitante, mais c’était en raison des plaintes subjectives qu’une baisse de rendement de 20% avait été retenue par cet expert et le SMR. Selon les experts somaticiens du I______, l’assuré avait cependant démontré, depuis lors, des aptitudes résiduelles en effectuant des allers-retours entre la Suisse et son pays d’origine (Kosovo) en avion ou en bus, ce qui nécessitait de longues heures en position assise et statique. L’assuré avait fondé, au Kosovo, un nouveau foyer et envisageait d’avoir un autre enfant. Les experts somaticiens avaient discuté avec la Dre L______ de la discordance entre les plaintes, les allégations subjectives, d’une part, et la stabilité de l’examen clinique depuis l’expertise de novembre 2008, d’autre part. De leur point de vue, l’importance du haut niveau de handicap n’était pas plausible si l’on se référait à l’examen clinique, à la confrontation radio-clinique et à l’expérience générale depuis 2008. L’assuré répondait aux critères de la fibromyalgie, mais il existait non seulement une extension de l’allodynie au-delà des zones d’insertion habituelle de la fibromyalgie, mais aussi des contradictions à l’examen clinique, à savoir : des zones douloureuses variables et une alternance de lâchages et de contrepulsions lorsque la force était testée. Cela était corroboré par des signes de discordance et d’amplification des plaintes selon Waddell et Matheson. Il existait en outre une forte kinésiophobie. Tous ces éléments entraient, selon la co-experte psychiatre, non pas dans un diagnostic, mais dans un mode de comportement avec amplification des symptômes. Face aux éléments subjectifs, les experts somaticiens n’avaient pas de critères au plan objectif, que ce soit en faveur d’un rhumatisme inflammatoire axial ou périphérique, d’une maladie systémique ou d’une maladie évolutive de nature oncologique.
Au plan psychiatrique, la Dre L______ a indiqué que l’assuré verbalisait des symptômes dépressifs (humeur dépressive, perte d’intérêt ou de plaisir pour des activités habituellement agréables, un manque d’énergie [non objectivé en observant l’assuré en salle d’attente à son insu]), une diminution de la confiance en soi, un manque d’appétit (en présence d’un poids de 109 kg) et une difficulté à soutenir son attention et à se concentrer (non objectivée). Si l’on se référait aux symptômes relatés, ces derniers pouvaient correspondre à un épisode dépressif moyen. Toutefois, ces symptômes ne pouvaient pas être objectivés. Par ailleurs, ils allaient à l’encontre de certaines descriptions du fonctionnement de l’assuré. En effet, ce dernier se rendait régulièrement au Kosovo, soit en avion, soit en autobus, pour y voir sa femme, épousée en janvier 2013. L’assuré précisait avoir effectué diverses démarches pour la faire venir en Suisse, jusqu’alors refusées par les autorités. Ceci était en contradiction avec d’autres déclarations de l’assuré, selon lesquelles il ne quittait quasiment pas son domicile et ne pouvait pas se faire à manger en raison de vertiges. L’assuré ne présentait pas de détresse émotionnelle ou de conflit psychique majeur et ne provoquait pas d’empathie envers son vis-à-vis, raison pour laquelle la Dre L______ excluait un syndrome douloureux somatoforme. L’assuré adoptait en revanche un comportement d’invalide correspondant à une amplification des symptômes ; or, ceci n’était pas un diagnostic selon la CIM-10. Par ailleurs, l’assuré était vu mensuellement au CAPPI-H______. Ceci allait à l’encontre d’un épisode dépressif sévère ; dans ce cas de figure, les patients étaient vus au moins une fois par semaine, voire hospitalisés, ce qui n’était pas le cas de l’assuré. En outre, lors d’épisodes dépressifs sévères, les gens étaient la plupart du temps alités, ne s’alimentaient plus, présentaient une perte pondérale conséquente, ne s’occupaient plus d’eux-mêmes et étaient dans l’incapacité de se projeter dans le futur. Tel n’était pas le cas non plus de l’assuré. Il s’était remarié début 2013 et souhaitait avoir un quatrième enfant. Au plan somatique, la co-experte J______ avait certes posé le diagnostic de fibromyalgie, mais cette affection ne s’accompagnait pas d’une comorbidité psychiatrique d’acuité et de durée sévère. Au vu de son fonctionnement, l’assuré ne présentait pas de perte d’intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie et il était manifestement en mesure de surmonter ses douleurs. Des bénéfices secondaires étaient présents avec évitement d’un rôle à jouer et mobilisation de l’entourage. Au vu de la compliance très incomplète de l’assuré à sa médication, on ne pouvait pas parler d’échec des traitements. Enfin, la Dre L______ a précisé que sa recherche d’autres diagnostics/symptômes (tels qu’une anxiété généralisée, des attaques de panique, des troubles obsessionnels compulsifs, un état de stress post-traumatique, un trouble affectif bipolaire, une psychose ou un trouble de la personnalité) était négative, de sorte qu’elle ne retenait pas de diagnostic sur le plan psychiatrique et par conséquent aucune limitation sur ce plan, même si le pronostic était mauvais quant à la reprise d’une activité professionnelle, mais pour des raisons sortant du champ médical (absence de formation et de maîtrise de la langue française, démotivation).
En conclusion, les trois experts ont estimé de manière consensuelle que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, qui étaient exclusivement d’ordre physique et impliquaient une activité légère à moyenne (pas d’activités exercées en hauteur, nécessitant l’usage d’échelles ou d’échafaudages, pas d’activités sur sol instable et pas de port de charges de 30 kg et plus « nécessitant un Valsalva »), la capacité de travail de l’assuré était entière (8h30 par jour) au plan somatique et psychiatrique, sans diminution de rendement, ce depuis 2008, y compris dans la dernière activité lucrative exercée (plongeur dans un restaurant).
f. Par avis du 1er avril 2015, le SMR a estimé sur la base du rapport d’expertise du 3 mars 2015 que la capacité de travail de l’assuré était entière depuis novembre 2008 (première expertise du Dr F______) dans son activité habituelle comme dans toute activité n’impliquant ni travail en hauteur (usage d’une échelle ou d’un échafaudage) ni sur sol instable, ni port de charges de 30 kg et plus nécessitant un Valsalva.
g. Par projet de décision du 23 avril 2015, l’OAI a envisagé de ne pas octroyer de prestations à l’assuré.
h. Par pli du 22 mai 2015, l’assuré, assisté d’un avocat, a fait part en substance de son désaccord avec ce projet en y joignant un certificat établi le 21 mai 2015 par les docteurs M______ et N______, respectivement médecin adjointe et médecin interne auprès du service de médecine de premier recours (ci-après : SMPR) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).
Selon ces médecins, le projet de décision du 23 avril 2015 se fondait sur le fait que l’assuré avait retrouvé sa capacité de travail depuis 2008. Ceci n’était pas le cas. En effet, il avait définitivement arrêté toute activité professionnelle depuis le 16 février 2008 en raison de ses problèmes de santé. Il présentait un trouble somatoforme persistant, une dépression récurrente sévère, un SAS, de l’obésité, une hypothyroïdie substituée, un syndrome d’hyperactivité vésicale, de l’HTA et une dyslipidémie. À l’exception des deux derniers diagnostics cités, tous les autres avaient une incidence sur sa capacité fonctionnelle, mais le syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et le trouble dépressif récurrent moyen à sévère (F33.1-2) étaient au premier plan. L’assuré était et restait affecté dans tous les domaines de sa vie, ceci autant pour les aspects cognitifs et affectifs que pour les aspects physiques de la vie quotidienne (déplacements, activité de la vie quotidienne à domicile et sommeil). Il se plaignait de façon récurrente de douleurs musculo-squelettiques, de céphalées, de vertiges, de fatigue, de tristesse et de troubles de la concentration rendant son quotidien difficilement vivable. À ce stade du suivi médical, entamé en 2008, les Drs M______ et N______ ne s’attendaient pas à ce que l’assuré connaisse une amélioration de son état de santé psychique ou physique suffisamment significative pour lui permettre une reprise de son ancienne activité de plongeur en cuisine ou une réadaptation professionnelle. Dans ce sens, une rente d’invalidité leur paraissait justifiée.
i. Par avis du 9 octobre 2015, le SMR a estimé que tous les éléments rapportés dans le certificat du 21 mai 2015 avaient déjà fait l’objet d’une analyse détaillée et d’une discussion motivée par les experts. Aussi a-t-il considéré que les éléments apportés en procédure d’audition n’étaient pas de nature à modifier son précédent avis, du 1er avril 2015.
j. Par décision du 15 octobre 2015, l’OAI a refusé d’octroyer des prestations à l’assuré. Étant donné qu’il avait retrouvé une pleine capacité de travail dans toute activité depuis le 10 novembre 2008, y compris dans sa dernière activité, qui était adaptée, ni les conditions du droit à la rente ni celles du droit aux mesures professionnelles n’étaient remplies. Par ailleurs, les éléments médicaux produits le 22 mai 2015 n’étaient pas de nature à modifier la position exprimée dans le projet de décision. Non contestée, cette décision est entrée en force.
D. a. Le 23 juin 2021, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations auprès de l’OAI.
b. Dans un rapport du 29 juillet 2021, la docteure O______, médecin interne auprès du SMPR des HUG, a indiqué suivre l’assuré à la consultation du SMPR depuis novembre 2020. Celui-ci était connu pour un syndrome métabolique avec multiples facteurs de risques cardiovasculaires et également des douleurs chroniques primaires au niveau du rachis, des céphalées, un trouble somatoforme « qui s’installe », un trouble dépressif récurrent et une personnalité dépendante. Depuis novembre 2020, les douleurs étaient présentes au quotidien et limitaient les activités de la vie quotidienne au point que l’assuré ne sortait régulièrement pas de chez lui jusqu’à ce que les douleurs (rachialgies et/ou céphalées) passent. À ce jour, il était incapable d’exercer une activité adaptée à son état de santé en raison d’un état dépressif moyen avec trouble somatoforme, conjugué avec une personnalité dépendante qui limitait fortement son engagement et son investissement dans une « activité professionnelle avec responsabilité ».
c. Dans un rapport du 9 août 2021, la docteure P______, médecin interne auprès du CAPPI-H______, a indiqué avoir repris le suivi psychiatrique de l’assuré en novembre 2020. Pour résumer, il s’agissait d’un patient présentant de légers troubles de la mémoire et de la concentration, une symptomatologie dépressive chronique qui se surajoutait à une personnalité dépendante (passivité, peur de la solitude et de l’abandon, difficulté à prendre des décisions, besoin d’être rassuré constamment par son entourage). Dans le contexte du syndrome douloureux somatoforme persistant, on retenait de multiples comorbidités somatiques, dont une composante algique peut-être exacerbée en raison d’une situation socio-familiale et économique difficile. Sur le plan psychiatrique, l’incapacité de travail était totale. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles – qui existaient dans la planification et la structuration des tâches, la flexibilité et la capacité d’adaptation, la capacité de décision et de jugement et la capacité de s’affirmer –, la capacité de travail pouvait être estimée à 20-30% (dans un milieu protégé).
d. Par avis du 8 février 2022, le SMR a estimé, à la lumière des rapports des 29 juillet et 9 août 2021 versés au dossier, qu’en l’absence d’aggravation objective et durable des atteintes déjà mentionnées dans les précédents avis du SMR, les conclusions de ceux-ci restaient valables.
e. Par projet de décision du 11 février 2022, l’OAI a envisagé de refuser d’entrer en matière sur la nouvelle demande.
f. Par courrier du 25 février 2022 à l’OAI, l’assuré a contesté ce projet de décision en faisant valoir que son état de santé avait évolué. Les éléments médicaux attestant de ce changement seraient transmis dès que possible.
g. Le 1er mars 2022, l’OAI a imparti à l’assuré un délai au 18 mars 2022 pour lui faire parvenir les documents médicaux susceptibles de modifier son appréciation.
h. Le 15 mars 2022, l’assuré a complété son opposition au projet de décision du 11 février 2022.
i. Dans un rapport du 18 mars 2022, le docteur Q______, médecin interne auprès du SMPR des HUG, a attesté d’une péjoration par rapport à août 2021, celle-ci prenant la forme de troubles cognitifs « qui ser[aie]nt à investiguer ».
j. Dans un rapport du 13 juillet 2022, le professeur R______ et la docteure S______, respectivement médecin adjoint agrégé et médecin interne auprès du service de neurologie des HUG, ont relaté une consultation médicale cognitive et neurocomportementale du 1er juillet 2022. Selon ces médecins, on retrouvait un « trouble neurocognitif majeur vu l’impact », avec une atteinte dans tous les domaines. Son origine était plurifactorielle, en premier lieu psychiatrique et sur syndrome douloureux chronique (céphalées chroniques et lombalgies), sans oublier un SAS mal appareillé et un certain manque d’effort constaté lors de l’examen (abandon des tâches). Dans la mesure où une IRM cérébrale, réalisée le 27 mai 2022, ne permettait pas d’éliminer une composante neurodégénérative, les Prof. R______ et Dre S______ proposaient de poursuivre les investigations (dosage des biomarqueurs de neuro‑dégénérescence) avant de revoir le patient pour la synthèse.
k. Dans un rapport du 29 décembre 2022, le docteur T______, médecin chef de clinique auprès du service de neurologie des HUG, et la Dre S______ ont relaté une consultation médicale et neurocomportementale du 6 décembre 2022. Évoquant les examens complémentaires réalisés depuis la consultation du 1er juillet 2022, ces médecins ont indiqué que le dosage des biomarqueurs, ainsi que le « PET FDG cérébral » parlaient contre une atteinte de type maladie d’Alzheimer ou du groupe des démences fronto-temporales. On retrouvait néanmoins des éléments anamnestiques pouvant correspondre à un trouble du comportement du sommeil « REM » (rapid eye movements ou sommeil paradoxal), ainsi que des signes parkinsoniens discrets symétriques au status neurologique. Dans ce contexte, un « Dat Scan lr », réalisé le 10 novembre 2022, confirmait une dénervation dopaminergique présynaptique débutante, ce qui parlait en faveur d’une maladie à corps de Lewy débutante.
l. Dans un rapport du 20 mars 2023, relatif à une consultation de suivi des troubles neurocognitifs du 15 mars 2023, le Prof. R______ et le docteur U______, médecin interne auprès du service de neurologie des HUG, ont indiqué que l’assuré présentait un trouble neurocognitif majeur globalement stable depuis la consultation du 6 décembre 2022. L’origine du trouble était multifactorielle, à savoir d’abord psychiatrique (au vu de la problématique dysthymique active), mais aussi favorisée par un SAS mal appareillé et un syndrome douloureux chronique de longue date. En outre, une participation du traitement psychotrope au tableau clinique restait plausible chez cet assuré présentant des signes cliniques (par ex. vertiges récurrents) et paracliniques d’imprégnation médicamenteuse. Dans tous les cas, la normalité du « PET-FDG cérébral » et du « DATSCAN » par rapport à la sévérité de l’atteinte cognitive étaient en défaveur d’une maladie à corps de Lewy. Dans ce contexte, les auteurs du rapport proposaient d’arrêter le traitement procognitif de rivastigmine, tout en relevant que le profil biomarqueur était compatible avec une amyloïdose cérébrale comportant un risque de conversion clinique vers une maladie d’Alzheimer.
m. Par avis du 26 mai 2023, le SMR a estimé au vu du trouble neurocognitif rapporté par le service de neurologie des HUG qu’il était nécessaire de diligenter une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, rhumatologie, neurologie, psychiatrie avec bilan neuropsychologique et tests de validation des symptômes) en vue de déterminer l’évolution globale de l’état de santé de l’assuré depuis la décision du 15 octobre 2015.
n. Entre le 24 juillet et le 3 août 2023, l’assuré s’est rendu au V______ (ci-après : V______) à la demande de l’OAI, pour se soumettre à des examens réalisés respectivement par les docteurs W______, spécialiste FMH en médecine interne générale, X______, spécialiste FMH en neurologie, Y______, spécialiste en rhumatologie, Z______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et Monsieur AA______, neuropsychologue.
Le 6 octobre 2023, au terme d’une évaluation consensuelle, ces experts ont rendu leurs conclusions et retenu en substance que l’état de santé de l’assuré ne s’était pas modifié depuis la décision du 15 octobre 2015. Aussi ont-ils estimé que dans l’activité antérieure de plongeur dans un restaurant, la capacité de travail était entière depuis 2015, avec une baisse de rendement de 20% pour des raisons exclusivement rhumatologiques (douleurs) et que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (n’impliquant ni travail répété ou soutenu en flexion et/ou rotation du tronc, ni port de charges supérieures à 15 kg, ni exposition aux vibrations, ni travail en hauteur, ni marche en terrain irrégulier), la capacité de travail était de 100% sans diminution de rendement, depuis 2015 également.
o. Par avis du 7 novembre 2023, le SMR a estimé à la lumière du rapport d’expertise du V______ que l’état de santé de l’assuré était stationnaire depuis la décision du 15 octobre 2015. Il s’est en conséquence rallié à l’appréciation de la capacité de travail des experts.
p. Le 9 novembre 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 0%.
q. Par projet de décision du 13 novembre 2023, l’OAI a envisagé de n’octroyer ni rente ni mesures professionnelles à l’assuré. Au terme de la nouvelle instruction médicale, on constatait une capacité de travail totale dans l’ancienne activité de plongeur avec une baisse de rendement de 20% depuis 2015 et une capacité de travail totale dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles dès la même date. Compte tenu de la capacité de travail résiduelle et des nouvelles limitations fonctionnelles, le taux d’invalidité dans la sphère professionnelle avait été évalué en procédant à une comparaison du revenu que l’assuré aurait pu obtenir dans son activité lucrative s’il n’était pas atteint dans sa santé (revenu sans invalidité) avec celui qu’il pourrait réaliser malgré cette atteinte (revenu avec invalidité). En l’occurrence, le résultat de cette comparaison révélait une perte de gain nulle qui, exprimée en pourcentage, donnait un degré d’invalidité de 0%, excluant tout droit à une rente d’invalidité. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées dans cette situation.
r. Le 8 décembre 2023, l’assuré, représenté par ASSUAS, a contesté ce projet de décision.
s. Le 13 décembre 2023, une fois en possession du dossier, l’assuré a complété son opposition au projet de décision du 13 novembre 2023 en soutenant en substance que les experts du V______, en particulier l’expert neuropsychologue AA______, n’auraient pas pris en compte la totalité des rapports de consultation du service de neurologie des HUG, notamment ceux de décembre 2022 et mars 2023. Dans la mesure où ces experts n’expliquaient pas les raisons pour lesquelles ils ne retenaient pas les troubles neurocognitifs constatés par le service de neurologie des HUG, leur rapport d’expertise ne pouvait se voir reconnaître valeur probante.
t. Par avis du 23 décembre 2023, le SMR a estimé que l’expert AA______ faisait bien référence à toutes les consultations de l’unité de neurologie générale et cognitive des HUG, si bien que ses précédentes conclusions, du 7 novembre 2023, restaient d’actualité.
u. Dans une note du 4 janvier 2024, relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité, l’OAI a retenu que l’assuré avait un statut d’actif.
v. Le 21 février 2024, l’OAI a rendu une décision de refus de prestations en renvoyant aux motifs exposés dans le projet de décision du 13 novembre 2023 et, au surplus, à l’avis du 23 décembre 2023 du SMR.
E. a. Le 8 avril 2024, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation, à l’octroi de prestations d’assurance-invalidité, notamment à une rente. Il a également demandé à titre préalable qu’un délai lui soit accordé pour compléter son recours dès réception du dossier de l’OAI.
b. Par réponse du 18 avril 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours en renvoyant à la décision querellée.
c. Le 22 mai 2024, le recourant a répliqué en produisant notamment :
- un rapport du 12 avril 2024 de la docteure AB______, médecin interne auprès du CAPPI-H______ (sous forme de réponses à un questionnaire d’ASSUAS), retenant les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et de trouble de la personnalité dépendante (F60.7). Son état de santé était stationnaire, sans amélioration depuis le début du suivi au CAPPI-H______ (10 septembre 2009). Interrogée sur la capacité de travail du recourant dans son ancienne activité de plongeur et une activité adaptée, la Dre AB______ a répondu que son patient était en inactivité prolongée depuis environ quinze ans. Il ne s’exprimait pas en français et son intégration dans le pays restait limitée. Il présentait un fléchissement thymique, une fatigabilité accrue, de l’irritabilité, des troubles de mémoire et une résistance physique très restreinte. Par conséquent, le recourant ne pouvait actuellement pas reprendre son ancienne activité ou une activité professionnelle sur le marché ordinaire du travail. Cependant, des mesures de réinsertion professionnelle dans un atelier protégé à un taux diminué (à partir d’environ 20% et à réévaluer ultérieurement) pourraient être envisagées. Cela pourrait mobiliser certaines ressources du recourant et favoriser son rétablissement ;
- un rapport établi le 26 avril 2024 par le Dr T______ et le docteur AC______, médecin interne auprès du service de neurologie des HUG, relatif à une consultation du 18 mars 2024, posant le diagnostic de trouble cognitif majeur multi-domaines d’origine multifactorielle, à savoir psychiatrique (trouble de la personnalité et trouble dépressif), hypoxique (SAS), sans oublier un syndrome douloureux chronique et neurodégénératif débutant sur amyloïdose cérébrale. Selon ces médecins, ce trouble cognitif était stable depuis la première évaluation (juillet 2022). Depuis la dernière entrevue, le fils et l’épouse du recourant rapportaient une péjoration des troubles cognitifs surtout sur le plan mnésique avec troubles de la mémoire à court terme en aggravation. Le recourant décrivait également des difficultés à se concentrer. Il ne rapportait pas de trouble de la marche, mais faisait régulièrement des chutes depuis quelques mois, dont une récemment à la maison, sans conséquences. Sur le plan du « système autonomique », il présenterait un orthostatisme anamnestique sans syncope évidente et de rares épisodes d’incontinence de selles et d’urines depuis environ quatre à cinq mois ;
- un rapport du 29 avril 2024 des Drs T______ et AC______ (sous forme de réponses à un questionnaire d’ASSUAS), retenant une capacité de travail nulle dans l’activité de plongeur et des limitations fonctionnelles prenant la forme de fatigue, d’apathie, d’un trouble cognitif et de la concentration sur des tâches soutenues, de chutes et troubles d’équilibre et d’une double incontinence. Interrogés sur la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée, ces médecins ont répondu que la question relevait d’une contre-expertise multidisciplinaire, compte tenu de la complexité du cas, ainsi que des comorbidités psychiatriques et neurologiques. Invités à dire s’ils étaient d’accord avec les conclusions médicales de l’expertise du V______ sous l’angle de leur spécialité, à savoir les diagnostics, les limitations fonctionnelles et la capacité de travail, les Drs T______ et AC______ ont répondu qu’ils ne pouvaient pas se prononcer sur le contenu de l’expertise, car celui-ci exigeait une relecture supplémentaire « du dossier de l’expertise entier », ainsi qu’une consultation spécialisée prolongée (contre-expertise).
Tirant argument de ces rapports, le recourant a soutenu en substance que l’on peinait à comprendre les raisons pour lesquelles les experts neurologue et neuropsychologue s’écartaient des conclusions des médecins traitants pour établir la capacité de travail du recourant. En faisant siennes les conclusions de l’expertise, l’OAI avait fortement minimisé l’état de santé du recourant et ne pouvait ainsi pas être suivi.
d. Par envoi spontané du 12 juillet 2024, le recourant a produit une attestation du 14 mai 2024 du docteur AD______, médecin interne auprès du SMPR des HUG, estimant impossible la reprise de l’ancienne activité de plongeur et difficilement envisageable l’exercice d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles sur le plan physique et cognitif.
e. Par avis du 12 juillet 2024, le SMR a estimé en synthèse que les rapports produits avec l’écriture du 24 mai 2024 ne lui permettaient pas de revenir sur ses précédentes appréciations qui restaient valables.
f. Par duplique du 18 juillet 2024, l’OAI a soutenu en substance que les critiques du recourant à l’encontre des volets neurologique, psychiatrique et neuropsychologique de l’expertise étaient mal fondées. Il a également renvoyé à l’avis du 12 juillet 2024 du SMR concernant les pièces produites par le recourant. S’agissant enfin d’éventuelles mesures de réadaptation, l’intimé a précisé que la décision litigieuse les refusait à bon droit. En effet, dès lors qu’il ressortait de l’appréciation médicale que le recourant était apte à exercer son activité professionnelle à 100% avec une diminution de rendement de 20%, aucune mesure n’était indiquée. À cela s’ajoutait le fait que l’assuré présentait une capacité de travail qu’il était en mesure de mettre à profit depuis fort longtemps, étant précisé qu’il n’existait aucune justification médicale à l’absence d’activité professionnelle, si ce n’étaient les facteurs étrangers à l’assurance-invalidité relevés par les experts du I______ en 2015 et du V______ en 2023, à savoir : démotivation, manque d’intégration, manque de connaissances linguistiques et déconditionnement.
g. Par avis du 13 août 2024, le SMR a constaté que le rapport du 14 mai 2024 du SMPR attestait une incapacité de travail totale dans toute activité comme par le passé, sans toutefois expliquer ce qui l’amenait à s’écarter des diagnostics et de l’exigibilité retenus par les experts. Enfin, en tant que le Dr AD______ mentionnait le bilan neurocognitif du 26 avril 2024 des Drs T______ et AC______, il convenait de relever que ce bilan faisait état d’une situation stable depuis 2022.
h. Par écriture du 13 août 2024, l’OAI a pris position sur l’écriture du 12 juillet 2024 du recourant. Les limitations fonctionnelles d’ordre somatique avaient été prises en compte dans l’évaluation de la capacité de travail par les experts du V______. Quant aux limitations fonctionnelles d’ordre cognitif, il convenait de rappeler que l’expertise du V______ n’avait mis en évidence aucun diagnostic incapacitant du point de vue neurologique et neuropsychologique. D’autre part, le Dr AD______ rejoignait les experts sur leur aspect difficilement caractérisable. S’agissant enfin de l’appréciation du Dr AD______ concernant les « conclusions hâtives » des experts sur le plan cognitif, l’intimé a remarqué que le bilan neurocognitif du 26 avril 2024 des Drs T______ et AC______ n’avait pas été soumis aux experts, mais qu’en tout état, ce document ne faisait que confirmer la stabilité de la situation neurocognitive depuis juillet 2022, comme l’avait souligné le SMR dans son avis du 13 août 2024.
i. Le 14 août 2024, une copie de cette écriture a été transmise, pour information, au recourant.
j. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
La procédure devant la chambre de céans est ainsi régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).
En l’occurrence, la décision litigieuse a été notifiée au recourant le 22 février 2024 et le délai de recours a couru jusqu’au samedi 23 mars 2024. Compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques – soit du 24 mars au 7 avril 2024 –, le délai de recours a été prorogé jusqu’au lundi 8 avril 2024, par application cumulative des art. 38 al. 3 et 38 al. 4 let. a LPGA (arrêts du Tribunal fédéral 4A_190/2019 du 8 octobre 2019 consid. 1.1 ; 9C_413/2011 du 15 mai 2012 consid. 5.3 ; 5A_144/2007 du 18 octobre 2007 consid. 1). Posté le 8 avril 2024, le recours a été interjeté en temps utile.
1.4 Comme il respecte également les conditions de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. art. 89B LPA), il est recevable.
2. 2.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) et l'art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
2.2 En l’occurrence, l’intimé a envisagé dans un premier temps de ne pas entrer en matière sur la troisième demande du recourant (cf. le projet de décision du 11 février 2022) avant d’estimer, sur la base de l’avis du SMR du 26 mai 2023, qu’il était nécessaire d’ordonner une expertise pluridisciplinaire pour vérifier si la modification de l’état de santé rendue vraisemblable par le recourant (à savoir le trouble cognitif/neurocognitif qui serait apparu en 2022) était effectivement survenue et de nature à entraîner une modification notable de son degré d’invalidité. L’évolution rapportée étant en tout état postérieure au 31 décembre 2021, les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3. Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations d’assurance-invalidité, singulièrement, sur la question de savoir s’il existe une aggravation de son état de santé survenue entre le 15 octobre 2015 et le 21 février 2024, dates auxquelles l’intimé a rejeté la deuxième, respectivement la troisième, demande de prestations d’assurance-invalidité.
4. 4.1 En application de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.
Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 125 V 412 consid. 2b ; 117 V 198 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2018 du 3 septembre 2018 consid. 2.2).
Lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel – soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques – et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Selon la jurisprudence, elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ATF 133 V 108) pour déterminer si une modification notable du taux d'invalidité justifiant la révision du droit en question est intervenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3).
4.2 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).
Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).
Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l’invalidité. C’est pourquoi, par exemple, dans le cadre de la nouvelle évaluation de l’état de santé et de la capacité de travail, un trouble de l’épaule s’ajoutant au tableau clinique existant ne fait pas obstacle à une suppression de la rente
(ATF 141 V 9 consid. 5 et 6).
4.3 En l’espèce, il convient tout d’abord de déterminer si la décision litigieuse compare à juste titre l’état de santé et ses répercussions sur la capacité de gain en février 2024 à la situation qui prévalait à cet égard en 2015, soit en fonction des conclusions du rapport d’expertise du 3 mars 2015 du I______ que l’OAI a fait siennes par décision du 15 octobre 2015.
La chambre de céans constate que le rapport d’expertise du 15 juillet 2010 concluait, sur la base d’une appréciation rhumato-psychiatrique du cas, que la capacité de travail du recourant était de 80% (soit 100% avec une diminution de rendement de 20% « en raison d’une souffrance subjective par les douleurs ») dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée. Dans le cadre de la deuxième demande de prestations, le rapport d’expertise du 3 mars 2015 concluait en revanche à une capacité de travail de 100% sans diminution de rendement
dans toute activité depuis 2008, malgré la stabilité de l’examen clinique depuis l’expertise du Dr F______ de novembre 2008. La décision litigieuse retient quant à elle, sur la base du rapport d’expertise du 6 octobre 2023 qu’il existe une capacité de travail entière dans une activité habituelle avec une baisse de rendement de 20% depuis 2015 et une capacité de travail entière sans baisse de rendement dans une activité adaptée.
Or, si le rapport d’expertise du 3 mars 2015 ne reconnaissait aucune diminution de rendement à l’assuré, malgré la stabilité depuis 2008 évoquée, on peut être tenté d’objecter que le rapport d’expertise du 3 mars 2015 se bornait à faire une interprétation différente du même état de fait déjà soumis aux experts D______ et E______ en 2010, si bien que la comparaison des circonstances existant au moment de la décision litigieuse devrait se faire, cas échéant, avec celles qui prévalaient au moment de la décision du 24 janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_235/2020 du 8 juillet 2020 consid. 3.1).
On constate toutefois qu’à la différence de l’expertise de 2010, celle réalisée par le I______ en 2015 comportait un champ d’examen non limité à la rhumatologie et à la psychiatrie, mais élargi à la médecine interne et qu’ainsi, d’autres diagnostics (de médecine interne) ont été pris en compte dans l’évaluation consensuelle des experts en 2015. Par ailleurs, ces experts se sont prononcés sur les expertises antérieures de 2008 et 2010 et ont expliqué que la baisse de rendement de 20% retenue par leurs prédécesseurs en 2010 reposait sur la prise en compte de « plaintes subjectives », mais que depuis lors, des changements étaient intervenus (allers-retours au Kosovo en avion ou en bus, nécessitant de longues heures en position assise, etc.). Enfin et surtout, il aurait incombé à l’assuré de contester la décision du 15 octobre 2015 en cas de désaccord avec la reconnaissance d’une pleine capacité de travail sans diminution de rendement. Comme l’assuré s’en est abstenu, la capacité de travail reconnue par les experts du I______ en mars 2015 a force de chose décidée, jusqu’au 15 octobre 2015 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2017 du 26 octobre 2017 consid. 3.3 pour un cas et une problématique similaire).
Dans ces conditions, la décision litigieuse prend à juste titre pour point de comparaison les circonstances qui existaient au moment de la décision du 15 octobre 2015. Ce point n’est au demeurant pas contesté par le recourant.
5. 5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
5.1.1 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
5.1.2 On précisera également que le « marché du travail équilibré », auquel se réfèrent les art. 7 et 16 LPGA, est une notion théorique et abstraite, qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l’assurance-chômage et ceux qui relèvent de l’assurance-invalidité. Elle implique, d’une part, un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et, d’autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu’il offre un éventail d’emplois diversifiés
(ATF 110 V 273 consid. 4b). Il s’ensuit que pour l’évaluation de l’invalidité, il n’y a pas lieu d’examiner si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s’il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité de travail résiduelle lorsque les places de travail disponibles correspondent à l’offre de main-d’œuvre (VSI 1998 p. 293 consid. 3b ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], Commentaire thématique,
p. 563-564, n. 2112).
5.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
5.2.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle que la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ; ATF 143 V 409
consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
5.2.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité
de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé, la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, d’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, d’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, de plaintes très démonstratives laissant insensible l’expert, ainsi qu’en cas d’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ;
132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
5.2.3 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).
5.2.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources ; ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
5.2.5 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).
6. 6.1 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
6.2 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (al. 4).
La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à
l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).
7. 7.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).
7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
7.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.
7.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
7.3.2 Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d’intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L’évaluation globale et définitive de l’état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu’elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l’expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s’additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s’écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).
7.3.3 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
7.3.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
7.3.5 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1 in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).
8. Selon la jurisprudence, tant dans les cas de tableaux cliniques objectivables que non objectivables, le droit aux prestations de l’assurance-invalidité présuppose de la même manière une appréciation médicale compréhensible des effets de l’atteinte à la santé sur la capacité de travail et de gain. Des difficultés à clarifier des faits ou à fournir des preuves peuvent nécessiter la prise en compte – au besoin en se procurant des informations étrangères à l’anamnèse – d’autres domaines de la vie comme des comportements durant les loisirs ou des engagements familiaux. Si les effets d’une symptomatologie douloureuse objectivable ou non objectivable (par imagerie médicale) sur la capacité de travail restent vagues et indéterminés malgré des investigations consciencieuses et complètes et si les limitations ne peuvent pas être justifiées autrement que par les données subjectives fournies par la personne assurée, la preuve du fondement de la prétention n’est pas apportée et n’est pas rapportable. L’absence de preuve correspondante doit être supportée par la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_27/2015 du 26 août 2015 consid. 6.1).
9. 9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
9.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).
10. 10.1 Conformément aux considérants qui précèdent (cf. ci-dessus : consid. 4.3), il convient en l’espèce de comparer la situation telle qu’elle se présentait lors de la décision du 15 octobre 2015 avec celle existant au moment de la décision litigieuse, du 21 février 2024, pour apprécier le bien-fondé d’une éventuelle révision à opérer en application de l’art. 17 LPGA.
Par avis du 1er avril 2015, consécutif au rapport d’expertise du 3 mars 2015, le SMR a retenu que le seul diagnostic incapacitant était d’ordre rhumatologique
– spondylarthrose cervicale (C6-C7) et lombaire (L5-S1) – mais que depuis l’expertise du Dr F______ du 10 novembre 2008, celui-ci n’empêchait pas, l’exercice à plein temps et sans diminution de rendement d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (pas d’activités exercées en hauteur, nécessitant l’usage d’échelles ou d’échafaudages, pas d’activités sur sol instable et pas port de charges de 30 kg et plus « nécessitant un Valsalva ») ou de la dernière activité exercée par l’intéressé (plongeur dans un restaurant) qui était adaptée à ces limitations.
Faisant sien l’avis du 1er avril 2015 du SMR, l’OAI a, par la décision du 15 octobre 2015, refusé toute prestation à l’assuré, dans la mesure où celui-ci avait retrouvé une pleine capacité de travail dans toute activité depuis le 10 novembre 2008.
À la suite du dépôt d’une nouvelle demande de prestations le 23 juin 2021, plus particulièrement après que le service de neurologie des HUG a fait état, dès 2022, d’un trouble neurocognitif, l’OAI a confié au V______ une nouvelle expertise pluridisciplinaire.
D’un point de vue rhumatologique, l’expert Y______ a posé les diagnostics de lombalgies chroniques sur discopathie L5-S1 sans syndrome radiculaire et de cervicalgies chroniques sans syndrome radiculaire. Les plaintes de l’appareil locomoteur, qui étaient difficiles à faire préciser par l’assuré, semblaient prédominer sur le rachis lombaire, à un moindre degré cervical, avec une irradiation en casque sur le crâne. S’y associaient des paresthésies dans les deux chevilles, mais sans syndrome radiculaire franc. La symptomatologie, plutôt mécanique, était bien soulagée par la prise épisodique de Co-Dafalgan. Il existait cependant une nette discordance entre l’importance et l’ancienneté des plaintes, en particulier lombaires, évoluant depuis plus d’une quinzaine d’années, et la normalité de l’examen clinique.
D’un point de vue neurologique, l’experte X______ a retenu les diagnostics (non incapacitants) de céphalées mixtes et de fléchissement cognitif iatrogène sur traitement psychotrope sédatif et dans un contexte de douleurs chroniques. L’assuré avait bénéficié d’un bilan paraclinique extensif aux HUG pour investiguer l’hypothèse de troubles cognitifs d’origine dégénérative. Remontant au 4 août 2022, ce bilan était négatif à l’exception d’un taux de protéine Aß42 amyloïde à la limite inférieure de la norme, ce qui représentait le seul biomarqueur permettant d’évoquer un processus dégénératif tout débutant qui était alors sans traduction clinique. L’experte X______ a précisé qu’elle ne retenait pas le diagnostic de trouble neurocognitif majeur en raison d’une impossibilité à évaluer les difficultés cognitives réelles et leur évolution, compte tenu de la majoration systématique lors des examens. De même, il était difficile d’évaluer les répercussions de ces difficultés sur les tâches du quotidien, l’assuré bénéficiant d’une aide pour l’ensemble de ces dernières. C’était la raison pour laquelle seul un fléchissement cognitif iatrogène sur traitement psychotrope sédatif pouvait être évoqué.
Sur le plan de la médecine interne, l’expert W______ a indiqué que l’assuré présentait toujours, sans changement depuis 2015, les diagnostics de syndrome métabolique (avec obésité sévère [BMI à 39 kg/m2], HTA et dyslipidémie), déconditionnement global (Z72.3), hypothyroïdie substituée, SAS (appareillé par CPAP), status après ablation du ptérygion bilatéral en 2000 et 2003 et vision monoculaire « (droite ? gauche ?) ». Le Dr W______ a précisé qu’aux dires de l’assuré, l’ablation bilatérale du ptérygion avait provoqué une vision quasi monoculaire, mais que sur question de l’expert, il n’arrivait pas à préciser de quel côté, annonçant une nette diminution de la vision d’abord du côté gauche (en le montrant), puis, quelques instants plus tard, du côté droit. Il apparaissait complètement déconditionné, passait ses journées sur le canapé, marchait le moins possible et ne participait pas aux tâches ménagères. Concernant les limitations fonctionnelles, il convenait – par prudence, au vu de la présence de vertiges probablement d’origine orthostatique, mais aussi d’une vision annoncée quasiment monoculaire (sans que l’on sache réellement de quel côté) – d’éviter les activités sur sol instable et/ou en hauteur, nécessitant l’usage d’échelles ou d’échafaudages. Au total, l’expert W______ ne notait pas d’aggravation significative depuis l’expertise du I______ en 2015 et rejoignait ainsi globalement l’appréciation faite par les précédents experts.
D’un point de vue psychiatrique, l’experte Z______ n’a pas retenu de diagnostic, en dehors d’une très probable majoration des symptômes. Au total, elle n’a identifié aucun syndrome (positif ou négatif ; de désorganisation ; de dépendance ; suicidaire ; catatonique ; d’agitation). Elle a en revanche constaté une tendance hypothymique, chronicisée sur des troubles cognitifs apparents avec ralentissement psychomoteur, lesquels étaient à préciser d’un point de vue neuropsychologique. Elle a précisé enfin qu’en l’absence de diagnostic incapacitant, aucun suivi ni aucun traitement n’était exigible.
Sur le plan neuropsychologique, M. AA______ a indiqué que la tentative de bilan neuropsychologique s’était avérée à peu près impossible du fait que l’assuré ne comprenait apparemment pas la quasi-totalité des tâches proposées et qu’il répondait fréquemment par « je ne sais pas » aux autres questions. Par ailleurs, il y avait des incohérences, comme le fait de ne pas parvenir à répéter deux chiffres à l’endroit, mais de réussir mieux des items plus complexes que d’autres (dans les rares tâches plus ou moins menées à bien), de parvenir à expliquer des événements de vie, même récents, mais d’être incapable d’indiquer notamment son âge et sa date de naissance. D’autre part, deux tâches spécifiques de validation de performance s’étaient soldées par un échec avec, à l’une d’entre elles, un score en dessous du niveau du hasard – qui correspondait, selon les concepteurs du test, à une simulation pure et simple. Par ailleurs, les troubles apparents avaient une intensité telle que l’expert neuropsychologue imaginait mal, s’ils étaient réels, que l’assuré puisse maintenir le niveau d’autonomie qui était le sien, même s’il était faible. Enfin, le recourant avait « grossièrement échoué » lors de deux tâches de validation de performances. Au vu de ces incohérences, l’expert n’a pas retenu de diagnostic neuropsychologique, mais une majoration de symptômes en lieu et place.
En conclusion, les experts ont estimé de manière consensuelle que l’état de santé de l’assuré ne s’était pas modifié depuis la décision du 15 octobre 2015. Aussi ont-ils estimé que dans l’activité antérieure de plongeur dans un restaurant, la capacité de travail était entière depuis 2015, avec une baisse de rendement de 20% pour des raisons rhumatologiques (douleurs) et que dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (n’impliquant ni travail répété ou soutenu en flexion et/ou rotation du tronc, ni port de charges supérieures à 15 kg, ni exposition aux vibrations, ni travail en hauteur, ni marche en terrain irrégulier), la capacité de travail était de 100% sans diminution de rendement, depuis 2015 également.
La chambre de céans constate que malgré l’absence de modification de l’état de santé qu’ils retiennent depuis 2015, les experts du V______ s’écartent néanmoins légèrement des conclusions des experts du I______, que ce soit sur le plan de la diminution de rendement de 20% dans l’activité habituelle ou des limitations fonctionnelles auxquelles devrait répondre une activité adaptée. Se pose donc la question de savoir si les experts du V______ ne procèdent pas par ce biais à une appréciation différente d’un même état de fait – non pertinente et justifiant dès lors que l’on s’en tienne à la précédente appréciation médicale sur laquelle se fonde la dernière décision entrée en force (cf. ci-dessus : consid. 4.2 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_235/2020 du 8 juillet 2020).
S’agissant de la diminution de rendement, l’expert rhumatologue Y______ indique qu’au regard de l’insuffisance discale, du morphotype de l’assuré, de l’hyperlordose et de l’hypotonie de la sangle abdominale, l’exigibilité de l’activité habituelle est entière avec une baisse de rendement de 20% « du fait des douleurs comme antérieurement accordée » (cf. dossier OAI, doc. 162, p. 813). Ce faisant, cet expert omet de préciser que la diminution de rendement en question a été accordée par les experts D______ et E______ en 2010 et qu’elle se situe donc hors du champ de comparaison déterminant pour apprécier le bien-fondé d’une éventuelle révision opérée en application de l’art. 17 LPGA (cf. ci-dessus : consid. 4.3). En tout état, la question de savoir si la diminution de rendement de 20% dans l’activité habituelle doit être reconnue malgré l’absence de modification de l’état de santé retenue depuis la décision du 15 octobre 2015 peut rester indécise, dans la mesure où il ressort des considérants qui suivent (cf. ci-après : consid. 12.1.1 et 12.1.2 et 13) qu’un rendement diminué de 20% dans l’activité habituelle serait de toute manière sans effet sur le droit aux prestations litigieuses, quand bien même il reposerait sur un changement déterminant des circonstances
– in casu non décrit par les experts – depuis le 15 octobre 2015.
S’agissant des limitations fonctionnelles, l’expert rhumatologue Y______ mentionne que « les limitations fonctionnelles restent inchangées, à savoir l’absence de travaux répétés ou soutenus en flexion et en rotation du tronc, le soulèvement de charges excédant 15 kg et travaux sur ou avec objets vibrants » (cf. dossier AI, doc. 162, p. 813). S’agissant du caractère « inchangé » des limitations fonctionnelles depuis 2015, la chambre de céans constate qu’à la suite de l’expertise du I______, le SMR avait retenu dans son avis du 1er avril 2015 que les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : « pas d’activité en hauteur nécessitant l’usage d’échelle[s], d’échafaudage[s], ou sur sols instables ainsi que le port de charges de 30 kg et plus nécessitant un Valsalva ». Cet avis était effectivement calqué sur les limitations indiquées par les experts du I______ en réponses aux questions de l’OAI (cf. dossier OAI, doc. 104, p. 456). Cependant, sous la section « appréciation [...] médico-assécurologique commune », ces mêmes experts retenaient des limitations fonctionnelles plus importantes, à savoir que l’assuré « ne pourrait plus travailler dans le bâtiment, ce qui nécessit[ait] le port de lourdes charges, l’utilisation d’échelles [ou] d’escabeau[x]. Dans un travail léger à moyen, avec des charges répétitives d’une dizaine de kg et occasionnelles d’une quinzaine de kg, évitant les échelles, les escabeaux, les surfaces instables, il [existait] une pleine exigibilité » (cf. dossier OAI, doc. 104,
p. 450-451). Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les limitations fonctionnelles retenues de manière consensuelle par les experts du V______ n’ont pas véritablement changé depuis la précédente appréciation du I______ et qu’ils ne se livrent donc pas à une appréciation différente d’un même état de fait.
La chambre de céans constate pour le surplus que même si le volet psychiatrique de l’expertise du V______ ne s’en tient pas rigoureusement à la grille d’analyse prescrite par l’ATF 141 V 281 et oblige le lecteur à rechercher les indicateurs déterminants et à en faire la synthèse lui-même, cette informalité ne prête pas le flanc à la critique en l’absence de diagnostic psychiatrique retenu par l’experte Z______ (cf. ci-dessus : consid. 5.2.5 in fine).
Pour le reste, la chambre de céans constate que le rapport d’expertise du V______ a été rendu en pleine connaissance du dossier, qu’il comporte une anamnèse et un statut fouillé dans chaque spécialité médicale concernée, qu’il tient compte des plaintes de l’assuré et que les diagnostics et les conclusions sont bien motivés. Aussi convient-il en principe d’en reconnaître la valeur probante.
10.2 D’avis contraire, le recourant fait valoir en substance que ses médecins traitants auprès du SMPR – soit la Dre O______ (rapport du 29 juillet 2021) –, et du CAPPI-H______ – soit la Dre P______ (rapport du 9 août 2021) et la Dre AB______ (rapport du 12 avril 2024) – retiennent pour leur part des diagnostics psychiatriques incapacitants et qu’au vu des avis totalement contradictoires à ce sujet, le volet psychiatrique de l’expertise, insuffisamment motivé, ne saurait se voir reconnaître de valeur probante.
S’agissant des rapports des Dres O______ et P______ précités, qui sont antérieurs à l’expertise de la Dre Z______, la chambre de céans constate que les diagnostics de trouble dépressif récurrent, trouble somatoforme douloureux persistant et trouble de personnalité dépendante qu’ils posent ont déjà été infirmés lors de la dernière expertise psychiatrique de la Dre L______, laquelle ne retenait déjà aucun diagnostic sur le plan psychique et par conséquent aucune limitation en 2015 (cf. dossier OAI, doc. 2014, p. 453-454). Or, les Drs O______ et P______ n’expliquent pas en quoi la situation aurait changé depuis 2015.
Force est par ailleurs de constater que dans son rapport du 12 avril 2024 – qui est postérieur à l’expertise de la Dre Z______ –, la Dre AB______ indique que le recourant est suivi depuis le 10 septembre 2009 au CAPPI-H______ pour les mêmes diagnostics qu’alors, à savoir un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et un trouble de la personnalité dépendante (F60.7 ; cf. pièce 9 recourant). La Dre AB______ reste cependant muette sur les éventuels motifs de son désaccord avec l’experte Z______. Ce faisant, elle se contente de maintenir l’appréciation diagnostique des médecins traitants successifs du CAPPI-H______, constante depuis quinze ans. Or, il importe de souligner que l'experte Z______ retenait, en 2023, que « [la] présentation [du recourant] ce jour [semblait] très superposable [à] celle décrite dans le volet psychiatrique de l’expertise pluridisciplinaire de 2015 » et qu’à l’exception d’une très probable majoration des symptômes, elle ne voyait « pas d’aggravation nette depuis cette date où une absence de diagnostic psychiatrique avait été retenue » (cf. dossier OAI, doc. 162, p. 785).
Il s’ensuit que les psychiatres traitants successifs ont effectivement un avis divergent, ce qui ne suffit cependant pas à mettre en doute les conclusions du volet psychiatrique de l’expertise du V______ en l’absence d’éléments objectivement vérifiables et suffisamment pertinents qui auraient été ignorés par l’experte (cf. ci-dessus : consid. 7.3.5) et qui seraient de nature à démontrer une aggravation de l’état de santé psychique de l’intéressé, survenue entre la décision du 15 octobre 2015 et la date de la décision litigieuse.
10.3 Le recourant soutient en outre que les atteintes dégénératives retenues par les médecins du service de neurologie des HUG ne seraient relevées ni par l’experte neurologue X______ ni par l’expert neuropsychologue AA______, ce qui témoignerait d’une méconnaissance d’éléments importants du dossier, puisque les Drs T______ et S______ suspectaient une maladie à corps de Lewy en décembre 2022 et qu’en mars 2020, les Drs R______ et U______ retenaient un profil biomarqueur compatible avec une amyloïdose cérébrale, impliquant un risque de conversion clinique vers une maladie d’Alzheimer.
Ces objections ne sauraient être suivies. La chambre de céans relève en premier lieu que même si les médecins du service de neurologie des HUG ont effectivement fait mention d’un trouble neurocognitif majeur dès le début des consultations en juillet 2022, ils n’en ont pas moins indiqué en substance que l’origine plurifactorielle de ce trouble et son caractère « majeur vu l’impact » étaient parasités par « un certain manque d’effort lors de l’examen (abandon des tâches) » (cf. rapport du 13 juillet 2022 des Drs R______ et S______) et qu’en outre, une participation du traitement psychotrope – lequel était contre‑indiqué (cf. rapport du 26 avril 2024 des Drs T______ et AC______ ; pièce 10 recourant, p. 4) – au tableau clinique restait plausible chez ce patient présentant des « signes cliniques et paracliniques d’imprégnation médicamenteuse » (cf. rapport du 20 mars 2023 des Drs R______ et U______ ; pièce 4 recourant, p. 2). En second lieu, les Drs R______ et U______ ont retenu, en mars 2020, que la normalité du « PET-FDG-Cérébral » et du « DATSCAN » par rapport à la sévérité de l’atteinte cognitive étaient en défaveur d’une maladie à corps de Lewy. Enfin, dans leur rapport du 26 avril 2024 – qui est postérieur à l’expertise –, les Drs T______ et AC______ ont mentionné que la situation était stable depuis la première évaluation de juillet 2022. Or, celle-ci était connue des experts.
Concernant à présent les critiques visant la prétendue méconnaissance du dossier par les experts, la chambre de céans constate que les divers rapports du service de neurologie des HUG, disponibles au moment de l’expertise du V______, sont mentionnés à la fois par l’experte neurologue (cf. dossier OAI, doc. 162, p. 718‑720) et l’expert neuropsychologue (cf. dossier OAI, doc. 162, p. 744-746) et que ceux-ci prennent expressément position à leur sujet. L’experte neurologue relève notamment « qu’en 2022 dans le contexte du suivi psychique aux HUG, des troubles cognitifs ont été annoncés. Spontanément et sur questionnement, [le recourant] ne rapporte cependant que quelques épisodes de désorientation topographique, très peu spécifiques. Il ne se plaint pas spontanément de troubles cognitifs avec l’expert neurologue et témoignera lors de l’entretien neurologique de réponses précises aux questions, ce qui contraste avec la difficulté à mener les entretiens lors des autres parties de l’expertise. Cette incohérence, associée à celles rapportées dans l’évaluation neuropsychologique, évoque une majoration des symptômes » (cf. dossier OAI, doc. 162, p. 726-727). Par ailleurs, l’experte neurologue complète ses observations en relevant que le recourant a bénéficié d’un bilan paraclinique extensif, organisé par les HUG dans l’hypothèse de troubles cognitifs d’origine dégénérative et que ce bilan est négatif, à l’exception d’un biomarqueur pouvant suggérer un processus dégénératif tout débutant, mais sans traduction clinique à l’heure actuelle. Enfin, l’experte X______ motive de façon cohérente et convaincante pourquoi elle ne retient pas le diagnostic de trouble neurocognitif majeur posé par les médecins du service de neurologie des HUG, mais un fléchissement cognitif iatrogène sur traitement psychotrope sédatif.
Sur le plan neuropsychologique, la chambre de céans constate que l’expert AA______ intègre également de façon convaincante les rapports du service de neurologie des HUG au raisonnement qui lui permet de conclure à l’absence de diagnostic neuropsychologique : « il ne fait guère de doute que les compétences cognitives [du recourant] sont pauvres depuis toujours. Il a été très peu scolarisé, il est illettré en albanais, il n’a pas appris le français malgré plusieurs années de séjour en Suisse, il est possible qu’il comprenne assez mal la situation d’expertise, etc., mais ce qu’il produit dans l’examen neuropsychologique n’est même pas au niveau de ce que l’on peut attendre d’une personne de son niveau d’efficience cognitive, et cela alors même que nous n’avons aucune preuve d’une atteinte dégénérative qui pourrait expliquer ces troubles supplémentaires, d’une part, parce qu’aucun des examens spécialisés menés à ce jour [au service de neurologie des HUG] à ce que nous comprenons, n’a abouti à un diagnostic, ni de maladie de Lewy, ni de maladie d’Alzheimer, pas plus que de démence fronto-temporale, et, d’autre part, du fait des incohérences relevées ci-dessus. En d’autres termes, même si les compétences cognitives sont très pauvres, elles ont été suffisantes pour que l’assuré parvienne à travailler dans des activités simples et répétitives, et l’on doit considérer que c’est toujours le cas puisque nous ne pouvons retenir aucun diagnostic neuropsychologique clair ».
On soulignera enfin que sur question d’ASSUAS, les médecins du service de neurologie des HUG n’ont pas répondu à la question de savoir s’ils étaient d’accord avec les conclusions du rapport d’expertise du V______ (et s’ils en reconnaissaient la valeur probante), mais qu’ils se sont limités à dire que cela nécessitait une relecture supplémentaire du dossier et une consultation spécialisée prolongée (contre-expertise ; cf. rapport du 29 avril 2024 des Drs T______ et AC______ ; pièce 11 recourant, p. 2). Cela signifie en d’autres termes que ces médecins ne font état d’aucun élément objectivement vérifiable qui aurait été ignoré par les experts et qui serait de nature à remettre en cause leurs conclusions.
10.4 Se fondant sur le rapport du 14 mai 2024 du Dr AD______ (pièce 12 recourant), le recourant fait valoir, enfin, qu’il présenterait une altération significative des fonctions cognitives se manifestant par des difficultés de la mémoire à court terme, des problèmes de concentration et de jugement.
La chambre de céans constate toutefois que sur ce plan, le Dr AD______ se réfère avant tout aux dires du recourant. Pour le surplus, ce médecin estime qu’il existe des incohérences dans l’expertise du V______, notamment sur l’aggravation des troubles cognitifs, en tant qu’il y est mentionné qu’il est difficile de retenir un diagnostic neurologique incapacitant et que seul un fléchissement cognitif iatrogène sur traitements psychotropes sédatifs et sur douleurs chroniques peut être évoqué. Le Dr AD______ ajoute qu’il est toutefois mentionné à la fin du rapport d’expertise (neurologique) qu’il n’est pas possible de se prononcer sur l’existence de troubles supplémentaires pouvant justifier une incapacité de travail. Or, selon le Dr AD______, il conviendrait de se référer au rapport (précité) du
26 avril 2024 des Drs T______ et AC______, annonçant de prochaines investigations à la recherche d’une maladie neurodégénérative, de sorte que les appréciations et les conclusions de l’expertise seraient hâtives.
Ces critiques du Dr AD______ ne sont pas pertinentes. En effet, dans leur rapport du 26 avril 2024 précité, les Drs T______ et AC______ précisent que le trouble cognitif majeur qu’ils retiennent est stable depuis la première évaluation de juillet 2022. Il s’ensuit qu’ils ne font état d’aucun élément factuel qui n’aurait pas déjà été soumis à l’appréciation des experts du V______. Les Drs T______ et AC______ ajoutent certes dans ce même rapport « qu’afin d’apporter un argument on espère plus solide à l’hypothèse neurodégénérative, nous allons réaliser une scintigraphie myocardique au MIBG à la recherche d’une dénervation noradrénergique ». Il sied toutefois de rappeler qu’indépendamment du résultat de ces investigations, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). En conséquence, il n’y a pas lieu de tenir compte de ces investigations futures dont l’annonce a été faite le 26 avril 2024, soit postérieurement à la décision litigieuse.
10.5 Compte tenu des éléments qui précèdent, on ne saurait suivre le recourant en tant qu’il conteste la valeur probante de l’expertise du V______. Partant, le SMR et, à sa suite, l’intimé, étaient fondés à considérer, sur la base de cette expertise, que l’état de santé du recourant était stationnaire depuis 2015 et sa capacité de travail entière dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par les experts.
11. Il reste à examiner le degré d’invalidité retenu par l’intimé.
11.1 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).
Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de
l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a).
11.2 L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son
al. 1, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable
sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).
Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).
Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) de l’Office fédéral de la statistique (ci-après : OFS) font foi. D’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l’ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l’âge et tiennent compte du sexe (art. 25 al. 3 RAI). Les valeurs statistiques sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l’entreprise selon la division économique ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux (art. 25 al. 4 RAI).
11.3 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).
Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174).
11.4 Selon l’art. 26 RAI, le revenu sans invalidité (art. 16 LPGA) est déterminé en fonction du dernier revenu de l’activité lucrative effectivement réalisé avant la survenance de l’invalidité. Si le revenu réalisé au cours des dernières années précédant la survenance de l’invalidité a subi de fortes variations, il convient de se baser sur un revenu moyen équitable (al. 1).
Si le revenu effectivement réalisé ne peut pas être déterminé ou ne peut pas l’être avec suffisamment de précision, le revenu sans invalidité est déterminé sur la base des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI pour une personne ayant la même formation et une situation professionnelle correspondante (art. 26 al. 4 RAI).
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un tel cas d'exception se présente par exemple lorsque le poste de travail que l'assuré occupait avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment de l'évaluation de l'invalidité, lorsqu'il n'aurait pas pu conserver son poste en raison des difficultés économiques, en cas de faillite ou de restructuration de l'entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2023 du 7 juin 2024 consid. 4.3 et les références).
Tel sera le cas également lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé (arrêts du Tribunal fédéral I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2) ou lorsque l’assuré a quitté son emploi pour d’autres motifs que son état de santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_537/2023 du 17 avril 2024 consid. 4.2.3 et 5.1 et les références), ou dans les cas où le temps écoulé depuis l'obtention du dernier salaire et la naissance éventuelle du droit à la rente est important (par exemple huit ans : arrêt du Tribunal fédéral 9C_504/2023 du 28 février 2024 consid. 5.1.2 et la référence).
En cas de détermination du revenu sans invalidité au moyen des salaires statistiques, il convient de se fonder, en règle générale, sur les valeurs médianes indiquées dans la table ESS TA1_tirage_skill_level. Il y a lieu de déterminer d’abord si ce sont les valeurs pour un secteur économique donné (branche) ou celles de l’ensemble des secteurs économiques qui reflètent le mieux la situation de l’assuré. Pour cela, il faut prendre en considération la formation professionnelle de l’assuré, sauf si ce dernier n'a jamais exercé la profession concernée ou ne l’a plus fait depuis de nombreuses années. En revanche, si, en raison de sa formation ou de son expérience professionnelle, l’assuré peut avoir accès à l’ensemble du marché du travail, les valeurs totales du tableau peuvent être utilisées. Puis, il convient de définir le niveau de compétences applicable en fonction de la formation, de l’expérience et de la situation professionnelles de l’assuré. Le salaire, indépendant de l’âge et tenant compte du sexe (ATF 129 V 408 consid. 3.1.2), doit être adapté au temps de travail usuel dans les entreprises de la division économique concernée et, le cas échéant, indexé selon l’évolution de l’indice suisse des salaires nominaux au sein de la branche pour l’année déterminante (art. 25 al. 3 et 4 et 26 al. 4 RAI ; Office fédéral des assurances sociales [ci-après : OFAS], Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité [ci-après : CIRAI], ch. 3207 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_276/2021 du 2 novembre 2021). Si l’on ne tient pas compte d’une branche en particulier, le total de la durée normale du travail dans les entreprises ou l’évolution des salaires nominaux de toutes les divisions économiques est déterminant (CIRAI, ch. 3212 et 3213).
Depuis la 10e édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'OFS par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction des niveaux et de la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession, et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 et les références). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules. L'application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières. L'accent est donc mis sur le type de tâches que l'assuré est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes. Il faut encore préciser que l'expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré – sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l'exercice de la profession – ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2023 du 14 juin 2024 consid. 6.1 et les références, destiné à la publication).
11.4.1 Si l’assuré réalise un revenu après la survenance de l’invalidité, le revenu avec invalidité (art. 16 LPGA) correspond à ce revenu, à condition que l’assuré exploite autant que possible sa capacité fonctionnelle résiduelle en exerçant une activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 26bis al. 1 RAI).
Si l’assuré ne réalise pas de revenu déterminant, le revenu avec invalidité est déterminé en fonction des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI (art. 26bis al. 2 RAI). Il y a lieu de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur
privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).
11.4.2 Selon l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique.
Le 1er janvier 2024, la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI du 18 octobre 2023 (RO 2023 635) est entrée en vigueur. Selon sa nouvelle teneur, l’art. 26bis al. 3 RAI prévoit désormais qu’une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49 al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction de 20% est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.
Dans un arrêt de principe (8C_823/2023 du 8 juillet 2024, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques des ESS, tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), n’était pas compatible avec le droit fédéral. Le Tribunal fédéral a relevé notamment qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée (consid. 9.4.2). Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie (consid. 9.4.3). Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis
al. 3 RAI, il y a lieu recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (consid. 10.6).
Selon cette jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 ss et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).
11.5 Selon la jurisprudence, il est possible de fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité. L'application de cette méthode se justifie lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).
Une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6).
12. 12.1 En l’espèce, l’intimé a fixé le degré d’invalidité du recourant à 0% sur la base du raisonnement et des calculs suivants : il convenait de déterminer le revenu avec invalidité sur la base de l’ESS et d’établir la comparaison suivante : en se référant au tableau TA1 (tirage « skill level »), secteur privé, ligne « total », un homme pouvait réaliser, dans une activité de niveau 1, un revenu mensuel de CHF 5’340.- selon l’ESS 2016, soit CHF 64’080.- par année. En tenant compte de la durée normale de travail s’élevant à 41.7 heures, le revenu avec invalidité se montait à CHF 5’567.- (soit CHF 66’806.- par année). En comparant ce dernier montant au revenu statistique que le recourant aurait réalisé en 2016 dans le domaine de la restauration sans atteinte à la santé (CHF 3’935.- par mois ou CHF 47’220.- par année selon le tableau TA1 (tirage « skill level »), secteur privé, ligne 55-56 (hébergement et restauration), soit CHF 4'172.- par mois, respectivement CHF 50'062.- par année en tenant compte de la durée normale de travail s’élevant à 42.4 heures dans cette branche, la perte de gain était nulle et le degré d’invalidité ne l’était pas moins.
12.1.1 Ce calcul ne prête pas le flanc à la critique, indépendamment du fait que le droit éventuel à la rente n’aurait pas pu naître en 2016 puisque l’aggravation de l’état de santé – rendue plausible par l’assuré et ayant motivé la mise en œuvre de l’expertise du V______ – remonte au mieux à 2022 et qu’il existait des statistiques plus récentes que l’ESS 2016 au moment de la naissance éventuelle du droit à la rente qui aurait fait suite à cette aggravation. Ce point ne remet cependant pas en question de manière décisive les fondements du calcul effectué, en particulier la détermination du revenu sans invalidité au moyen de l’ESS. On constate en effet que dans le cadre de sa dernière activité – plongeur dans la restauration –, arrêtée pour raisons de santé, le recourant réalisait un revenu de CHF 3'400.- par mois en 2008, soit CHF 40'800.- par année. Même si ce dernier avait été indexé jusqu’à l’année retenue par l’intimé pour l’éventuelle naissance d’une rente d’invalidité (2016), il n’en serait pas moins inférieur au revenu statistique de l’ESS 2016, l’indice des salaire nominaux (ISS) du tableau T39 étant passé de 2’092 à 2'239 points entre 2008 et 2016, ce qui correspondrait à une augmentation à hauteur de CHF 2'867.- (si le recourant avait conservé son emploi sur ce laps de temps), soit à un revenu de CHF 43'667.- en 2016 (40'800 x 2'239 / 2'092 = 43'667), moins favorable que les CHF 50'062.- retenus. En outre, le choix de déterminer le revenu sans invalidité au moyen de l’ESS n’apparaît pas contestable, compte tenu des nombreuses années écoulées entre l'obtention du dernier salaire et la naissance éventuelle du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_504/2023 précité consid. 5.1.2).
S’agissant du revenu d’invalide, on peut se rallier aux données résultant de l’application du tableau TA1 pour une activité de niveau 1, celles-ci recouvrant un large éventail d'activités légères variées et non qualifiées n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec les limitations fonctionnelles (peu contraignantes) du recourant. On constate toutefois que l’intimé n’a pas opéré d’abattement sur le revenu d’invalide. La question de savoir dans quelle mesure une telle réduction se justifie peut cependant rester ouverte. Il s’avère en effet que même en tenant compte d’un abattement maximal de 25% sur le revenu avec invalidité de CHF 66'806.-, ce dernier se monterait encore à CHF 50'105.-, soit un montant légèrement supérieur au revenu sans invalidité de CHF 50'062.-, si bien que la perte de gain resterait nulle et le degré d’invalidité également.
12.1.2 Comme indiqué plus haut (cf. consid. 10.1 ci-dessus), si l’on opte pour le point de vue selon lequel l’état de santé – qualifié de stationnaire depuis 2015 par les experts du V______ – n’aurait pas dû conduire à la reconnaissance d’une diminution de rendement de 20% dans l’activité habituelle mais au maintien de l’appréciation de la capacité de travail faite en 2015 (capacité de travail de 100%, sans diminution de rendement, dans toute activité adaptée, y compris l’activité habituelle), il serait possible de fixer la perte de gain du recourant directement sur la base de son incapacité de travail (comparaison en pour-cent ; consid. 11.6 ci-dessus), ce qui aboutirait donc également à un degré d’invalidité de 0%. C’est par conséquent à bon droit que le droit du recourant à une rente d’invalidité a été nié.
13. Reste à examiner le droit du recourant à des mesures d’ordre professionnel.
13.1 Selon l’art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d’invalidité ont droit à des mesures de réadaptation pour autant :
- que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) ;
- que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b).
Il découle de la systématique légale et de l’art. 8 al. 1 let. b LAI qu’en tant que mesures de réadaptation, les mesures d’ordre professionnel (art. 15 ss LAI) ne sont pas seulement soumises aux conditions qui leur sont spécifiques mais aussi aux conditions générales de la règle de base de l’art. 8 LAI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2021 du 23 décembre 2021 consid. 5.2).
Lorsqu’une absence de réadaptation professionnelle n’est pas due à des difficultés de recherches d’emploi elles-mêmes liées à l’état de santé, mais à des problèmes étrangers à l’invalidité (difficultés linguistiques par ex.), les conditions pour des mesures de réadaptation ne sont pas remplies au regard de l’art. 8 al. 1 let. a LAI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2021 précité consid. 5.4 et la référence).
13.2 En l’occurrence, un droit à une mesure d’ordre professionnel doit être nié puisqu’il est établi, d’un point de vue médical, que l’état de santé du recourant
ne l’empêche pas d’exercer à plein temps une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles (n’impliquant ni travail répété ou soutenu en flexion et/ou rotation du tronc, ni port de charges supérieures à 15 kg, ni exposition aux vibrations, ni travail en hauteur, ni marche en terrain irrégulier), y compris la dernière activité de plongeur dans la restauration. Par ailleurs, la diminution de rendement de 20%, qui n’existe qu’en lien avec cette dernière activité – et pour peu qu’il faille en tenir compte (consid. 10.1 ci-dessus) –, ne change rien à l’absence de droit à une mesure d’ordre professionnel. En effet, selon la jurisprudence, les postes de travailleurs auxiliaires, n'impliquant pas de formation particulière, qui tiennent compte de limitations fonctionnelles comparables à celles ici en cause sont disponibles en nombre suffisant sur le « marché équilibré du travail » (consid. 5.1.2 ci-dessus) et ce indépendamment de l’âge, si bien que la question du caractère exploitable de la capacité de travail résiduelle du recourant ne se pose pas (arrêts du Tribunal fédéral 8C_485/2021 précité consid. 5.3 et 8C_73/2016 du 25 avril 2016 consid. 5.2.1).
14. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.
15. Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d’assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu en l’espèce de renoncer à la perception d’un émolument, le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).
*****
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Renonce à la perception d’un émolument.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Justine BALZLI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le