Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/882/2024 du 12.11.2024 ( LAMAL ) , SANS OBJET
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/268/2024 ATAS/882/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 12 novembre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
ASSURA-BASIS SA
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1962, est assuré depuis 1996 auprès d’ASSURA-BASIS SA (ci-après : l’assureur) pour l’assurance obligatoire des soins et pour des assurances complémentaires.
b. L’assuré a souffert d’une grave maladie dès 2023 et a été hospitalisé durant de nombreux mois. Il a dès lors mis en place un ordre permanent en vue du paiement de ses primes d’assurance-maladie.
c. Par courrier du 11 octobre 2023, l’assuré a demandé à son assureur de lui fournir notamment toutes les données de son dossier depuis le 1er janvier 2022. Le 28 septembre 2023, l’assureur lui avait adressé un avis de suspension concernant son assurance complémentaire, au motif qu’un montant de CHF 256.10 n’avait pas été payé pour les primes de juillet et d’août 2023, ce qu’il contestait, dans la mesure où il avait payé à deux reprises un montant de CHF 602.55, soit les 30 juin et 31 juillet 2023, pour ses primes d’assurance obligatoire et complémentaire des mois de juillet et août 2023.
d. Par courrier du 23 novembre 2023, l’assuré a requis le prononcé d’une décision et a réitéré sa demande de renseignements. Il avait pu avoir accès à l’application de l’assureur grâce à l’aide d’un ami et indiquait dès lors compenser la facture du 28 septembre 2023 (réf. 2237103047) avec le paiement du même montant (CHF 602.55) qu’il avait fait le 1er novembre 2023.
e. Par courrier du 10 janvier 2024, l’assuré a réitéré sa demande de décision formelle en annonçant qu’il recourrait pour déni de justice à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) en l’absence de réponse au 18 janvier 2024.
f. Par pli daté du 22 janvier 2024, l’assureur a indiqué à son assuré qu’en raison d’un dysfonctionnement interne ses courriers n’avaient pas été transmis au conseiller en protection des données et au responsable du Service juridique. Ces derniers lui présentaient leurs vives excuses et lui indiquaient qu’une réponse lui serait donnée le 15 février 2024.
B. a. Par acte du 24 janvier 2024, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours pour déni de justice.
b. Le 26 janvier 2024, l’assuré a fait parvenir une nouvelle écriture à la chambre de céans dans laquelle il expliquait avoir mis en demeure son assureur à plusieurs reprises de lui expliquer pourquoi ce dernier sollicitait des paiements pourtant déjà effectués. Il avait finalement appris par téléphone que ses paiements n’étaient pas comptabilisés par l’assureur, car ils avaient été faits par ordres permanents. Il sollicitait que son assureur produise toutes les pénalités qu’il lui avait facturées depuis le 1er janvier 2014 pour pouvoir chiffrer ses conclusions en paiement pour enrichissement illégitime.
c. Le 6 février 2024, l’assureur a rendu une décision formelle destinée à son assuré dans laquelle il exposait avoir bien reçu ses paiements par ordres permanents pour le paiement des primes mensuelles. Ceux-ci ayant été faits sur la base d’une unique référence valable une fois pour le premier paiement, les montants crédités par la suite ont été affectés aux créances les plus anciennes (notamment les créances pour le paiement des participations légales à la charge de l’assuré) conformément à la loi (art. 87 al. 1 du Code des obligations). Pour répondre à sa demande, l’assureur avait cependant désormais « ventilé » les montants pour les primes dues et annulé tous les rappels, sommations et frais y afférents. Toutes les primes étaient dès lors à jour jusqu’au 1er mars 2024. En refaisant le décompte des créances, hors primes ouvertes, l’assureur indiquait à l’assuré que ce dernier devait :
Décompte de prestations participation légales dues solde dû
31.01.2023 CHF 133.95 CHF 120.85*
Le montant de CHF 133.95 avait été facturé par l’hôpital de la Tour, et payé par l’assureur alors que la franchise de CHF 700.- n’était pas encore épuisée, de sorte que l’assuré était tenu de rembourser l’assureur à cette hauteur.
*Étant précisé qu’un montant de CHF 13.10 avait été payé par l’assuré le 01.12.2023
01.02.2023 CHF 388.05 CHF 388.05
Un montant de CHF 586.10 avait été payé au fournisseur de soins (hôpital de la Tour) alors que la franchise n’était pas encore épuisée, de sorte que l’assuré devait encore rembourser à son assureur CHF 388.05.
15.02.2023 CHF 674.45 CHF 674.45
Un montant de CHF 7'920.75 avait été payé au fournisseur de soins (hôpital de la Tour) alors que la franchise n’était pas encore épuisée, de sorte que l’assuré devait encore rembourser à son assureur CHF 674.45.
24.03.2023 CHF 13.70 CHF 13.70
Un montant de CHF 137.10 avait été payé au fournisseur de soins (hôpital de la Tour). La quote-part de CHF 13.70 restait à la charge de l’assuré qui devait dès lors rembourser à son assureur CHF 13.70.
En outre, une participation légale de CHF 304.05 (facture des HUG et de l’hôpital de la Tour d’un montant total de CHF 13'941.65 sur lequel la participation de l’assuré était de CHF 135.- pour la contribution hospitalière et de CHF 169.05 pour la franchise) avait fait l’objet d’un décompte du 23 janvier 2024 et était payable au 21 février 2024.
Au 26 janvier 2024, les créances suivantes restaient à être payées CHF 120.85, CHF 388.05, CHF 674.45, CHF 13.70, soit CHF 1'197.05 payable au 25 février 2024.
Quant à la demande de renseignements, les pièces parviendraient à l’assuré par courrier séparé d’ici le 15 février 2024.
d. Les 6 et 20 février 2024, l’assuré a encore adressé des écritures à la chambre de céans dans lesquelles il rappelait être toujours hospitalisé après avoir subi une lourde opération de la gorge.
e. Par acte du 23 février 2024, l’assureur a fait parvenir sa réponse en exposant avoir rendu une décision le 6 février 2024 et avoir accepté de donner l’accès complet au dossier de son assuré, ce qui rendait sans objet le recours de ce dernier.
f. L’assuré a fait opposition à cette décision le 6 mars 2024.
g. Par lignes du 19 mars 2024, l’assuré a maintenu son recours.
h. Le 12 avril 2024, l’assureur a constaté que le recours pour déni de justice n’avait plus d’objet depuis le prononcé de la décision du 6 février 2024 que l’assuré contestait par voie d’opposition.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).
Selon la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA-GE). Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’article 4 alinéa 4 (art. 62 al. 6 LPA).
1.3 En l’espèce, le recours pour déni de justice, interjeté par-devant l’autorité compétente (art. 58 al. 1 LPGA), est recevable.
2. Lorsqu’il existe un intérêt actuel au recours au moment où celui-ci est formé, mais qu’il tombe ultérieurement en cours de procédure, le recours pour déni de justice doit être déclaré sans objet et rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1).
3. Lorsqu’un procès devient sans objet, il s’impose de statuer néanmoins sur les frais afférents à la procédure engagée, par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l’état de fait existant avant l’événement mettant fin au litige et de l’issue probable de celui-ci (cf. ATF 125 V 373 consid. 2a). Les frais et dépens sont supportés en premier lieu par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui sont intervenues les causes qui ont conduit à ce que cette procédure devienne sans objet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_773/2011 du 30 juillet 2012 consid. 4 et les références). En particulier, des dépens sont dus, en principe, si le grief d’un retard injustifié est avéré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014 consid. 3).
4. En l’occurrence, au vu de la décision rendue le 6 février 2024 par l’intimée, le recours pour déni de justice est devenu sans objet, de sorte qu’il convient de rayer la cause du rôle. En effet, les arguments du recourant quant à la non-prise en compte initiale de ses paiements de primes faits par ordres permanents et aux frais que l’assureur lui aurait éventuellement facturés pour son retard font l’objet de la procédure de recours dans la cause A/1965/2024.
Le litige porte ainsi uniquement sur le droit du recourant, représenté par un ami juriste, à des dépens pour la procédure qu’il a initiée, en déterminant si l’intimée a fait preuve d’un retard injustifié.
4.1 Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b) –, est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).
Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes, mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2; ATF 125 V 188 consid. 2a). À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure ; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références). Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133 ; ATF 117 Ia 117 consid. 3a et 197 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 et C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).
À titre d’exemple, un déni de justice a été admis par la chambre de céans ou antérieurement par le tribunal cantonal des assurances sociales dans un cas où :
- aucune décision formelle n’avait été rendue neuf mois après la demande en ce sens de l’assuré, faute de mesures d’instruction durant six mois (ATAS/711/2015 du 23 septembre 2015) ;
- neuf mois après réception d’un arrêt lui ordonnant de mettre en place une expertise, l’OAI n’avait pas entrepris de démarche à cet effet (ATAS/430/2005 du 10 mai 2005).
4.2 En l’occurrence, en rendant une décision le 6 février 2024, soit moins de quatre mois après avoir reçu la demande du recourant de lui adresser son dossier, respectivement moins de deux mois après la demande de décision formelle de l’intéressé, l’intimée n’a pas, au regard de la jurisprudence en la matière, commis de déni de justice qui justifierait l’octroi de dépens.
4.3 Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré sans objet.
4.4 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
1. Déclare le recours sans objet.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le