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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/825/2024

ATAS/887/2024 du 14.11.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/825/2024 ATAS/887/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 14 novembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Yves MABILLARD, avocat

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 

EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1964, veuve et mère de deux enfants nés en 1998 et 2004, a été engagée, en 2008, par la société B______ (ci-après : l’employeur), afin d’être placée en qualité d’employée de maison chez des particuliers. À ce titre, elle était assurée contre les accidents professionnels et non professionnels par la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 18 août 2017, l’assurée a été victime d’un accident de la circulation au Portugal ; alors qu’elle roulait sur l’autoroute, à plus de 100 km/h, un pneu de son véhicule a éclaté et sa voiture a fait une embardée.

c. L’assurée a présenté une fracture de la colonne vertébrale et bénéficié d’un traitement par corset, avant d’être rapatriée en avion sanitaire le 25 août 2017. Elle a été admise aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), où un bilan radiologique a révélé une fracture A0-A4 avec un éclatement du corps vertébral de L2, une déhiscence au niveau des traits de fracture des plateaux vertébraux et une majoration de l’angle de cyphose bisegmentaire en position debout.

d. Le 29 août 2017, l’assurée a été opérée par le docteur C______, chef de clinique au département de chirurgie des HUG, lequel a réalisé une spondylodèse L1-L3 mini-invasive et une fusion postérieure L1-L3. Le 8 septembre 2017, le docteur D______, médecin adjoint responsable de la chirurgie de la colonne vertébrale, a procédé à une corpectomie de L2 et mis en place une cage intersomatique. Du 13 au 27 septembre 2017, l’assurée a suivi une rééducation intensive à l’unité de médecine physique et réadaptation orthopédique des HUG. Le traitement à la sortie comprenait, notamment, la poursuite de la physiothérapie, à raison de deux séances par semaine.

B.       a. Par décision du 15 mai 2019, la SUVA a déclaré l’assurée pleinement apte à l’emploi dès le 1er mai 2019 et accepté, à titre exceptionnel, de lui verser une indemnité journalière, sur la base d’une incapacité de travail de 50%, jusqu’au
30 juin 2019, compte tenu de la rééducation en cours. Dès lors qu’il n’y avait plus lieu d’attendre du traitement médical une amélioration notable des suites de l’accident, elle a mis fin au paiement des frais médicaux, hormis une à deux consultations médicales de contrôle par année, deux séries de neuf séances de physiothérapie complémentaires pour l’année 2019, ainsi que les éventuels médicaments antalgiques ou anti-inflammatoires à doses modérées. Enfin, une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 20%, correspondant à un montant de CHF 29'640.-, était reconnue.

b. L’assurée a formé opposition le 14 juin 2019 à la décision du 15 mai 2019 et fait valoir qu’elle s’évertuait à travailler au maximum de ses capacités physiques, soit au taux de 50%. Elle n’était pas en mesure de travailler davantage, ce qui avait été attesté par la docteure E______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation. Elle avait donc droit au versement des indemnités journalières versées sur la base d’une incapacité de travail à 50% au-delà du 30 juin 2019. En outre, la continuation du traitement permettrait, selon toute vraisemblance, une amélioration notable de son état de santé, de sorte qu’elle sollicitait la prise en charge des frais médicaux. Enfin, l’IPAI devait à son sens être fixée à 35%.

c. Par courrier du 20 juin 2019, la SUVA a annulé sa décision du 15 mai 2019 et indiqué à l’assurée qu’elle reprendrait le versement des prestations dès le
1er juillet 2019. Toutefois, son service médical estimait qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de la continuation du traitement une amélioration notable des suites de l’accident, de sorte qu’elle mettrait fin au paiement des soins médicaux dès le
31 juillet 2019, sous réserve des consultations médicales, séances de physiothérapie et médicaments antalgiques mentionnés dans sa décision. L’indemnité journalière serait également allouée jusqu’au 31 juillet 2019 sur la base d’une incapacité de travail de 50%. Les conditions pour l’indemnisation d’une éventuelle invalidité partielle seraient examinées dès le 1er août 2019.

d. Dans un rapport du 28 août 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, médecin d'arrondissement de la SUVA, a mentionné que l’assurée ne pouvait pas exercer l’activité d’employée de maison avec un horaire hebdomadaire de 45 heures par semaine et un rendement complet, compte tenu de la fracture et du traitement chirurgical. En revanche, l’assurée était apte à travailler à 100%, sans baisse de rendement, dans une activité professionnelle adaptée, réalisée, à sa guise, en position assise ou debout, sans accroupissement, sans travail à genoux et sans montée sur une échelle, sans devoir se pencher en avant et avec un port de charge ponctuel, limité à 5 kg.

e. Par décision du 10 septembre 2019, la SUVA a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, au motif que la comparaison des revenus avec invalidité
(CHF 49'813.95) et sans invalidité (CHF 52'533.-) aboutissait à une perte de gain de 5%, insuffisante pour ouvrir le droit à une telle prestation. Si l’état de santé exigeait la reprise du traitement médical, l’intéressée avait la possibilité de l’annoncer et son droit aux prestations serait alors examiné. Enfin, le taux de l’atteinte à l’intégrité était fixé à 20%, conformément à l’appréciation du médecin d’arrondissement.

f. Le 1er octobre 2019, l’assurée a formé opposition à l’encontre de la décision du 10 septembre 2019. Elle a sollicité que la SUVA continue à prendre en charge la totalité de ses frais de traitement, qu’elle revoie son droit à la rente et augmente l’IPAI à un taux de 35%. À défaut, elle requérait la mise en œuvre d’une expertise indépendante et complémentaire. Elle a soutenu qu’elle présentait d’importantes douleurs dorsales depuis l’accident, lesquelles étaient allégées par les séances de physiothérapie prescrites et préconisées par la Dre E______ et le Dr D______. Grâce à ce traitement, qu’elle n’avait jamais interrompu, elle avait été en mesure de reprendre le travail à 50%, malgré les douleurs persistantes. La décision contestée était encore plus restrictive que celle du 15 mai 2019.

g. Par avis du 28 janvier 2020, la docteure G______, spécialiste FMH en neurochirurgie et médecin-conseil de la SUVA, a résumé les pièces communiquées, dont le dossier radiologique, et relevé que la fracture L2 était guérie et les implants étaient correctement en place, selon les contrôles radiologiques et l’évaluation régulière du Dr D______. Sur la base des documents à sa disposition, il n’y avait pas de critères objectifs qui limitaient la capacité de travail de l’assurée, comme des déficits neurologiques ou la nécessité de médicaments forts comme des morphiniques. Une augmentation de ladite capacité pouvait être attendue jusqu’à une normalisation, étant rappelé que l’intéressée prenait des médicaments antalgiques. L’état de santé était stabilisé depuis longtemps et l’exigibilité décrite par le Dr F______ respectait les limitations potentielles qui subsistaient et étaient définies pour une activité professionnelle peu exigeante. La douleur était une estimation subjective sans évolution négative après le contrôle orthopédique à un an et lors du bilan en janvier 2019. En outre, il n’y avait pas d’augmentation relevante des médicaments antalgiques à constater. On pouvait donc s’attendre à une activité professionnelle à 100% sans baisse de rendement comme décrit par le Dr F______. Quant à l’IPAI, l’estimation de 20% était dans les limites supérieures pour des fractures avec un angle de Cobb correspondant et prenant en considération les douleurs persistantes.

h. Par décision sur opposition du 29 janvier 2020, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assurée et confirmé sa décision du 10 septembre 2019. Elle a indiqué que le fait que l’assurée travaillait à 50% en tant qu’employée de maison ne permettait pas de reconnaître une diminution de la capacité de travail dans une activité adaptée. Une employée de maison, même sans activités lourdes, ne pouvait pas changer de position à sa guise et devait se pencher en avant. Le marché du travail offrait de nombreuses activités plus légères qui permettaient à l’assurée de travailler à temps complet. Elle était donc fondée à statuer sans devoir procéder à d’autres mesures d’instruction.

C.      a. Par acte du 2 mars 2020, la recourante, représentée par un mandataire, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 29 janvier 2020. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à son audition et à celle de la
Dre E______, et à la mise en œuvre d’une expertise visant à déterminer le dies a quo de la stabilisation de son état de santé.

b. Par arrêt du 4 mars 2021 (ATAS/179/2021), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a partiellement admis le recours, annulé la décision sur opposition du 29 janvier 2020 et renvoyé la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le renvoi était justifié par l’absence de valeur probante des appréciations des médecins-conseils de la SUVA.

D. a. La SUVA a repris l’instruction de la cause et a demandé à l’assurée si elle était disposée à accepter un séjour auprès de la Clinique romande de réadaptation de Sion (ci-après : la CRR), ce à quoi cette dernière a répondu, par courrier du 7 mai 2021, qu’elle n’était pas opposée au principe mais que sa fille étant fragile psychologiquement, elle nécessitait sa présence régulière, raison pour laquelle elle ne pouvait pas s’absenter plus d’une semaine. Par courrier du 11 mai 2021, la SUVA a accepté, à titre exceptionnel, de raccourcir le séjour à une semaine.

b. Par courrier du 23 juillet 2021, la SUVA a informé l’assurée qu’au terme d’une nouvelle analyse rigoureuse, le service médical avait considéré qu’un examen radiologique complémentaire et préalable au séjour à la CRR était nécessaire.

c. En date du 24 août 2021, le département diagnostic des HUG a effectué une radiographie de la colonne totale dont il ressortait : une absence de tassement et un bon alignement vertébral ; un status post-spondylodèse L2–L4 par vis transpédiculaire et tiges parallèles postérieure ainsi que corporectomie partielle de L3 ; cage de corporectomie L2-L4 en place d’aspect inchangé ; matériel intègre sans signe de mobilité. Il était également constaté une surélévation de la coupole diaphragmatique droite.

d. Par courrier du 22 septembre 2021, la SUVA a confirmé à l’assurée qu’une instruction complémentaire était nécessaire, suite à l’arrêt rendu par la chambre de céans en date du 4 mars 2021. Compte tenu du fait qu’un séjour à la CRR, d’une durée d’une semaine seulement, semblait avoir un caractère sous-optimal, elle serait convoquée prochainement pour un examen auprès du service médical de la SUVA à Genève.

e. L’assurée a été examinée par le médecin d’arrondissement de la SUVA H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, en date du 27 octobre 2021. En conclusion, le médecin envisageait que la mise en lordose soit douloureuse et ait entraîné sur des éléments anatomiques sains une dégradation objective autre que la mise en tension des articulaires postérieures au niveau du discal en particulier, qui pourrait expliquer la persistance de ces douleurs et limitations fonctionnelles qui sont alléguées, notamment par la Dre E______. Afin d’explorer correctement ces éléments, une radiographie centrée sur l’espace lombo-sacré simple avait été demandée, après quoi une nouvelle analyse de la vraisemblance prépondérante de l’existence de ces douleurs serait effectuée.

f. Par courrier du 21 février 2022, la SUVA a informé l’assurée qu’elle allait confier une mission d’expertise au professeur I______, spécialiste FMH en orthopédie et chirurgie du rachis.

g. Par courrier de son mandataire du 23 mars 2022, l’assurée a proposé des questions complémentaires au projet de mandat d’expertise préparé par la SUVA.

h. Le Prof. I______ a rendu son rapport d’expertise en date du 18 juillet 2022. Il a retenu comme diagnostic : des lombalgies chroniques irradiant vers les hanches sur fracture et tassement du corps vertébral de L2 du 18 août 2017 ; fractures non déplacées des processus transverses L1, L2 et L3 du 18 juillet 2017 ; status après spondylodèse instrumentée postérieure L1–L3 et greffe postérieure du 29 août 2017 ; discopathie débutante L3–L4, L4–L5, L5–S1 ; arthrose facettaire bilatérale L3-L4, L4-L5 et L5-S1.

L’expert a considéré que, compte tenu de l’évolution clinique et radiologique de 2017 à ce jour, l’état de santé de l’expertisée était vraisemblablement stabilisé depuis le 1er juin 2022.

S’agissant des limitations fonctionnelles dans son activité habituelle d’employée de maison, l’expert a retenu une limitation aux activités légères, soit poussière, serpillère, repassage, à l’exception des activités lourdes ; une limitation à deux étages pour monter et descendre les escaliers et de façon non répétitive et enfin éviter les flexions lombaires, ventrales et latérales et les rotations lombaires répétitives.

Dans une activité adaptée sédentaire, il fallait que cette dernière soit essentiellement en position assise, alternant la position assise avec des positions debout et de courtes marches ; le port de charge était limité à 3 kg, sans flexion et torsion lombaire répétitive. Ce faisant, l’expertisée pouvait atteindre un taux d’activité de 50% par jour, réparti sur la semaine. Enfin, l’expert considérait que les atteintes étaient en lien de causalité avec l’accident du 18 avril 2017 et fondaient une atteinte à l’intégrité de 20%, « comme jugé antérieurement par la SUVA ».

i. Par courrier du 16 septembre 2022, la SUVA a informé le mandataire de l’assurée qu’elle s’étonnait, d’une part, que l’expert retînt une date différente de celle de son médecin-conseil pour la stabilisation de l’état de santé, et d’autre part, qu’il retînt une capacité de travail différente de celle retenue par le médecin-conseil. Compte tenu de ces différences, un complément d’expertise allait être demandé au Prof. I______.

j. Par courrier du 18 octobre 2022, l’assurée s’est étonnée que la SUVA considère nécessaire de requérir un complément d’expertise portant sur des points pour lesquels l’appréciation des médecins-conseils divergeait de celle de l’expert. Elle a demandé que des questions complémentaires soient posées à l’expert, notamment sur le fait qu’il partageait, ou non, l’avis de la Cour de justice tel qu’exprimé dans son arrêt du 4 mars 2021 au sujet des appréciations du médecin-conseil F______ d’une part, et a demandé, d’autre part, à l’expert d’expliquer les raisons pour lesquelles il n’avait pas retenu une IPAI d’une quotité de 25% en lieu et place de 20%.

k. Par complément d’expertise du 28 décembre 2022, l’expert a confirmé ses appréciations concernant, d’une part, la date de stabilisation de l’état de santé de l’assurée et d’autre part, le pourcentage de sa capacité de travail. Il a déclaré ne pas pouvoir répondre aux questions de l’avocat portant sur l’appréciation de la chambre de céans dans son arrêt du 4 mars 2021. En ce qui concernait l’IPAI, l’expert a confirmé le taux de 20% en considérant que la symptomatologie résiduelle ne justifiait pas, à son avis, une majoration de ce taux.

l. Par courrier du 9 février 2023, l’assurée s’est fondée sur le rapport d’expertise et son complément et s’est ralliée aux conclusions de l’expert, y compris pour le pourcentage de 20% de l’IPAI.

m. Par courrier du 30 octobre 2023, la SUVA a demandé à l’assurée de se déterminer, au 13 novembre 2023, sur son intention de mettre en œuvre une nouvelle expertise, sans que les raisons de la mise en œuvre de cette dernière ne soient détaillées.

E. a. Par décision incidente du 6 février 2024, la SUVA a considéré que, malgré le complément d’expertise qui avait été requis, le rapport d’expertise du Prof. I______ du 18 juillet et son complément du 28 décembre 2022 ne pouvaient se voir conférer de valeur probante ; partant, elle entendait mettre en œuvre une nouvelle expertise, auprès d’un expert à définir.

b. Par acte de son mandataire, daté du 8 mars 2024, l’assurée a recouru contre la décision incidente du 6 février 2024 auprès de la chambre de céans. Elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise et à ce qu’il soit dit et constaté que l’expertise du Prof. I______ avait une pleine valeur probante, le tout sous suite de frais et dépens. Selon la recourante, l’expertise du Prof. I______ était probante et il n’était pas nécessaire d’en mettre en œuvre une nouvelle. Elle alléguait que cette décision était motivée par le fait que les conclusions de l’expert s’éloignaient de celles du médecin-conseil de la SUVA qui n’avaient aucune valeur, contrairement à celles de l’expert.

c. Par mémoire de réponse du 19 mars 2024, la SUVA a conclu au rejet du recours pour les raisons qu’elle avait déjà exposées dans sa décision, soit que le rapport d’expertise du Prof. I______ ne présentait pas de valeur probante.

d. Par réplique du 27 mai 2024, la recourante a contesté les griefs de la SUVA et a persisté dans ses conclusions.

e. Par courrier du 12 juin 2024, la SUVA a informé la chambre de céans qu’elle renonçait à déposer une duplique.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 et 60 LPGA).

2.2 Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Ces dernières visent les décisions incidentes que le législateur a soustraites à la procédure d'opposition, afin d'éviter des retards excessifs dans le déroulement de la procédure (ATF 131 V 42 consid. 2.1).

2.3 Lorsqu'il y a désaccord quant à l'expertise telle qu'envisagée par l'assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Il s'agit d'une décision d'ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l'opposition n'est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. ATF 131 V 42 consid. 2.1) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances, respectivement devant le Tribunal administratif fédéral (art. 56 al. 1 LPGA ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7). Postérieurement à l'ATF 137 V 210 précité, le Tribunal fédéral a précisé que dans le domaine de l'assurance-accidents également, il fallait ordonner une expertise en cas de désaccord, par le biais d'une décision incidente sujette à recours auprès du tribunal cantonal, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (ATF 138 V 318 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.4.1).

2.4 Le recours contre les décisions incidentes n’est admis qu’à des conditions restrictives pour éviter qu’une multiplication de recours ne ralentisse excessivement le déroulement d’une procédure. Ces conditions reposent sur des motifs d’économie de procédure ou, en cas de risque de préjudice irréparable, sur la nécessité de garantir des voies de droit effectives conformément à l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ‑ RS 101). Dans tous les cas, le recours contre la décision incidente rendue séparément n’est recevable qu’à la condition que le recours soit ouvert contre la décision finale à rendre ultérieurement (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 28 ad art. 56 LPGA et les références citées).

2.5 En vertu de l’art. 45 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les décisions incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur une demande de récusation – au sens de l’art. 10 al. 1 PA, respectivement 36 al. 1 LPGA – peuvent faire l’objet d’un recours (ATAS/270/2022 du 22 mars 2022 consid. 4.2.1 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 31 ad art. 56 LPGA). Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement (art. 45 al. 2 PA). Selon l’art. 46 al. 1 PA, par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les autres décisions incidentes notifiées séparément peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).

Dans un arrêt de principe portant notamment sur les droits de participation des assurés lors de la désignation d'un expert, le Tribunal fédéral a admis que selon une interprétation conforme à la Constitution fédérale et à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) de la notion de préjudice irréparable en tant que condition de recevabilité d'un recours, cette condition doit être considérée comme réalisée s'agissant d'une décision incidente portant sur une expertise (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7). Cet arrêt porte certes sur les expertises pluridisciplinaires confiées à des centres d’observation médicale de l’AI. Les exigences qui s'en dégagent sont toutefois également applicables aux expertises mono- ou bidisciplinaires (Ulrich KIESER, ATSG‑Kommentar, 3ème éd. 2015, n. 29 ad art. 44 LPGA ; ATF 139 V 349 consid. 3 à 5 ; ATAS/444/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

2.6 En l'occurrence, le recours contre la décision incidente du 6 février 2024, portant sur la mise en œuvre d'une nouvelle expertise, a été interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi. La recourante satisfait par ailleurs à la condition du préjudice irréparable (dans ce sens : ATAS/444/2019 précité consid. 2 ; ATAS/489/2016 du 16 juin 2016 consid. 3).

Partant, le recours est recevable.

3.             Le litige, tel que circonscrit par la décision incidente querellée, porte uniquement sur le bien-fondé de la décision de l'intimée de mettre en oeuvre une nouvelle expertise.

4.              

4.1 L'art. 43 LPGA dispose que l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux‑ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

4.2 Cette disposition n'a pas pour but d'examiner la faisabilité d'une mesure médicale en obtenant un second avis, mais de déterminer l'ampleur des investigations nécessaires afin d'établir l'état de fait déterminant au degré de la vraisemblance prépondérante. Dans ce contexte, la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise résulte de la réponse à la question de savoir si les expertises déjà versées au dossier satisfont aux exigences que doivent revêtir de tels rapports en matière de contenu et de valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral U.571/06 du 29 mai 2007 consid. 4.2 in SVR 2007 UV n° 33 p. 111). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

4.3 Le devoir de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires à l'appréciation du cas au sens de l'art. 43 al. 1 LPGA ne comprend pas le droit de l'assureur de recueillir un second avis médical (second opinion) sur les faits déjà établis par une expertise lorsque celle-ci ne lui convient pas. L'assuré ne dispose d'ailleurs pas non plus d'une telle possibilité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_499/2013 du 20 février 2014 consid. 6.4.2.1).

5.              

5.1 En l'espèce, l’expert se prononce clairement pour un état de santé stabilisé depuis le 1er juin 2022 (expertise, p. 17. ch. 4). En revanche, il n’explique pas les raisons pour lesquelles il s’écarte de la date de stabilisation retenue par le Dr F______, alors même qu’il dispose d’une IRM lombaire du 2 novembre 2021, dont il ne tire apparemment aucune conséquence sur la stabilisation de l’état de santé (expertise, p. 11), ainsi que d’une radio fonctionnelle de la colonne lombaire du 1er juin 2022 qu’il décrit, sans toutefois se déterminer sur une stabilisation, ou non, de l’état de santé (expertise, p. 11). Interpellé dans le cadre du mandat de complément d’expertise, la réponse fournie par l’expert dans le complément d’expertise du 28 décembre 2022 n’est pas acceptable, dès lors que l’on peut attendre de l’expert qu’il s’exprime sur l’évolution de l’état de santé entre 2019 et le 1er juin 2022, sur la base des rapports médicaux et de l’imagerie médicale présents au dossier. Pour cette raison déjà, une nouvelle expertise se justifie.

5.2 S’agissant de la réponse à la question de l’estimation de la capacité de travail, le complément d’expertise du 28 décembre 2022 ne fait que reprendre l’estimation retenue dans l’expertise du 18 juillet 2022 sans plus d’explications. Dans cette dernière, l’expert (expertise, p. 18, let. c) se contente de dire qu’en respectant les limitations fonctionnelles, l’expertisée « pourrait atteindre un taux d’activité de 50% par jour, réparti sur la semaine » sans fournir suffisamment de détails sur la manière dont ce pourcentage de 50% est atteint et sans expliquer les raisons pour lesquelles il s’écarte de l’estimation des médecins-conseils de la SUVA, alors même qu’il a décrit (expertise, p. 6), que la reprise du travail à 50% depuis janvier 2019 se passait bien et que depuis le début de l’année 2021, l’assurée avait repris son activité d’employée de maison à 100%. Face à ces éléments objectifs, il est indispensable d’expliquer en détail les raisons pour lesquelles l’expert ne retient qu’une capacité de travail de 50%.

Cette seconde lacune de l’expert s’ajoute à la première retenue supra pour justifier la mise en œuvre d’une nouvelle expertise, comme décidé par la SUVA.

Contrairement à ce que semble penser la recourante, ce n’est pas tant la contrariété de l’appréciation de l’expert avec celle des médecins-conseil qui pose problème, étant rappelé que la chambre de céans a considéré que lesdites appréciations des médecins-conseils n’avaient pas de valeur probante suffisante.

L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical est, notamment, que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3), conditions non remplies en l’espèce, comme exposé supra.

6.              

6.1 Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

6.2 La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

6.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur incident

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le