Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/874/2024 du 31.10.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3272/2023 ATAS/874/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 31 octobre 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ représentée par Me Maria TAVERA ROJAS, avocate
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née en 1977, mère célibataire de l’enfant B______ (ci-après : B______), né en 2019, est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité. Elle partage le logement de sa mère, Madame C______, divorcée, née D______ en 1953.
b. Depuis 2014, l’intéressée bénéficie également de prestations complémentaires fédérales et cantonales (ci-après : PC/ PCF/ PCC) pour elle-même et, depuis 2019, également pour son fils.
c. Le 3 février 2020, B______ a été placé au foyer E______.
d. Le 1er décembre 2021, comme en chaque fin d’année, le SPC a adressé à l’intéressée un courrier-type lui rappelant, entre autres, son obligation de « signaler sans délai les changements dans [sa] situation personnelle et/ou financière. Ceci pour que les éventuelles adaptations de [ses] prestations puissent être effectuées au plus vite ».
e. Par décision du 1er décembre 2021, le SPC a établi qu’à compter du 1er janvier 2022, l’intéressée aurait droit chaque mois, à CHF 3'107.- (CHF 2'009.- de PCF + CHF 1'098.- de PCC), étant précisé qu’il convenait de retrancher de ce montant la part réservée au règlement des primes d’assurance-maladie (CHF 740.-), de sorte que le montant finalement versé sur son compte bancaire chaque mois s’élèverait à CHF 2'367.-.
f. Le 7 juin 2022, sur mesures superprovisionnelles, le Tribunal de protection
de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a suspendu les relations personnelles entre l’intéressée et son fils.
g. En dépit de cela, l’intéressée s’est présentée à plusieurs reprises au foyer E______, sans autorisation, raison pour laquelle le foyer a déposé une plainte pénale à son encontre, notamment pour violation de domicile, ce qui a conduit à l’ouverture d’une procédure pénale (P/15510/2022).
h. Par décision du 6 décembre 2022, le SPC a établi qu’à compter du 1er janvier 2023, l’intéressée aurait droit à CHF 3'179.- (CHF 1'792.- de PCF + CHF 1'387.- de PCC), montant ramené à CHF 2'403.- nets après déduction de la part réservée au règlement des primes d’assurance-maladie (CHF 776.-).
i. Par courrier du 27 février 2023, F______, agissant au nom et pour le compte de l’intéressée, a informé le SPC qu’elle accompagnait sa mandante dans ses démarches administratives et qu’elle souhaitait apporter les précisions suivantes en vue d’une mise à jour du dossier :
- B______ était désormais placé en famille d’accueil et ne devait donc plus être pris en compte dans le calcul du droit aux prestations de l’intéressée ; selon un entretien téléphonique du 16 février 2023 avec le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), celui-ci était en charge de la gestion des frais médicaux depuis le 1er juillet 2022 ; il recevait aussi directement les allocations familiales depuis octobre 2022, ainsi que la rente AI pour enfant depuis novembre 2022 ; il était annoncé qu’une demande individuelle de prestations serait prochainement déposée pour B______ ;
- selon une attestation délivrée le 30 janvier 2023 par l’office cantonal de la détention, produite en annexe, l’intéressée avait été incarcérée du 23 juillet au 1er décembre 2022 à la prison de Champ-Dollon, ce dont elle avait informé l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) par courrier, en février 2023.
j. Par décision incidente du 7 mars 2023 de l’OAI, transmise pour information au SPC, l’OAI a suspendu la rente d’invalidité de l’intéressée du 1er aout au 30 novembre 2022 en raison de son incarcération.
k. Par courrier du 8 mars 2023, l’intéressée a informé le SPC que Madame G______, assistante sociale auprès de F______, l’aidait à « mettre à jour [ses] affaires administratives », raison pour laquelle elle demandait au SPC d’envoyer ses courriers désormais en deux exemplaires, une fois à elle-même et une fois à la personne précitée, « pour faciliter le suivi ».
l. Par décision du 9 mars 2023, l’OAI a confirmé à l’assurée qu’elle n’avait pas droit à sa rente d’invalidité du 1er août au 30 novembre 2022. Lui était réclamée la restitution des montants versés à tort durant cette période, soit CHF 4'904.- (4 x 1'226.-).
m. Par pli du 15 mars 2023, intitulé « remboursement de l’assurance-maladie », l’intéressée, se référant au courrier du 27 février 2023 et à la période de détention d’environ quatre mois y étant mentionnée, a invité le SPC à prendre contact avec le service de probation et d’insertion (ci-après : SPI) pour se faire « rembourser l’assurance-maladie ».
L’intéressée a également joint à son envoi un courrier que le SPI lui avait adressé le 4 novembre 2022, rejetant la demande de prise en charge de ses primes d’assurance-maladie qu’elle avait adressée le 17 août 2022, au motif qu’elle ne remplissait pas tous les critères permettant une telle prise en charge, puisqu’elle bénéficiait des prestations complémentaires, dont le montant était suffisant pour qu’elle continue à assumer elle-même le paiement de ses primes d’assurance-maladie. Il était précisé qu’en revanche, si sa situation financière venait à se détériorer ou qu’elle était amenée à devoir rembourser les prestations perçues depuis le début de son incarcération, elle pourrait adresser au SPI une nouvelle demande de prise en charge de ses primes d’assurance-maladie avec toutes les pièces justificatives y relatives.
n. Par courriel du 15 mars 2023, le SPI a expliqué au SPC avoir refusé de prendre en charge les coûts de l’assurance-maladie de l’intéressée de juillet à décembre 2022, parce que tant les rentes d’invalidité que les prestations complémentaires avaient continué à lui être versées durant cette période. L’intéressée l’avait cependant recontacté récemment pour l’informer « que les rentes avaient été stoppées tardivement » et qu’on lui en réclamait désormais la restitution. Afin de pouvoir confirmer à l’intéressée qu’il prendrait en charge rétroactivement les coûts de l’assurance-maladie, le SPI avait besoin de recevoir une copie de l’éventuelle décision en réclamation des prestations complémentaires (rendue ou à rendre).
o. Par décision du 16 mars 2023, le SPC a interrompu le versement de ses prestations avec effet rétroactif au 31 juillet 2022 et réclamé à l’intéressée la restitution de la somme de CHF 19'044.- (1'269.- CHF/mois de PCF + 1'069.- CHF/mois de PCC du 1er août au 31 décembre 2022 + 1'016.- CHF/mois de PCF + 1'387.- CHF/mois de PCC du 1er janvier au 31 mars 2023 ; copie de cette décision a été communiquée tant au SPI qu’à F______).
p. Par décision du 20 mars 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressée en décembre 2022. Il était précisé que les prestations dues à titre rétroactif pour la période du 1er décembre 2022 au 31 mars 2023, soit CHF 7'624.- au total, seraient affectées au remboursement de la dette de l’intéressée envers le SPC. À cette décision était annexé un bulletin de versement de CHF 12'500.-.
q. Dans une (deuxième) décision du 20 mars 2023 (avec copie au SPI et à F______), le SPC a en outre réclamé à l’intéressée, au nom et pour le compte du service de l’assurance-maladie (SAM), la restitution de CHF 1'080.- de subsides d’assurance-maladie (CHF 168.- pour B______ + CHF 912.- pour l’intéressée, selon courrier du SAM).
r. Par courriel du 20 mars 2023, le SPI a informé le SPC qu’il demanderait au SAM d’octroyer un subside (à la charge du SPI) d’août à novembre 2022. Le SPI prendrait en charge également les coûts de l’assurance-maladie (quotes-parts et franchise) pour la période durant laquelle l’intéressée avait été incarcérée.
s. Par courrier du 17 avril 2023 au SPC, l’intéressée a pris note du fait que lui était réclamée la restitution de la somme de CHF 12'500.-. Elle a annoncé être dans l’impossibilité de rembourser ce montant en une seule fois, expliquant que, durant sa détention, CHF 12'200.- avaient été prélevés sur son compte bancaire depuis un « Bancomat », via une utilisation frauduleuse de sa carte par un(e) inconnu(e), que la police n’avait pu identifier malgré le dépôt d’une plainte pénale.
Elle regrettait par ailleurs de n’avoir pu contacter le SPC aussi rapidement qu’elle l’aurait souhaité pour actualiser sa situation, expliquant qu’en détention provisoire, il lui était difficile d’avoir accès à l’extérieur et que les moyens de communication étaient très limités (téléphone une fois par semaine au maximum moyennant autorisation, pas d’accès à internet ou à un annuaire téléphonique, personne pour gérer les affaires administratives et service social pénitentiaire saturé). Une fois de retour à son domicile, elle avait eu beaucoup de choses à régler en même temps (paiement des factures courantes s’étant accumulées durant son absence, vol de sa carte bancaire, situation de son fils, démarches nécessaires pour ne pas se retrouver expulsée de l’appartement dont les loyers n’avaient pas été réglés durant sa détention). Ces circonstances avaient d’ailleurs abouti au placement sous curatelle de sa mère, qui partageait le même appartement.
L’intéressée indiquait être toujours « en mesures de substitution » et dans l’attente de son jugement (pénal). Même si elle suivait à la lettre les obligations qui lui avaient été imposées, elle risquait de devoir retourner en prison pour les faits qui lui avaient déjà valu une période de détention provisoire.
Invoquant sa bonne foi et le fait que le remboursement réclamé la placerait dans une situation financière difficile, l’intéressée demandait la remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 12'500.-.
À l’appui de sa position, l’intéressée produisait :
- des extraits de son compte à la Banque cantonale de Genève (BCGe), portant sur la période du 28 juillet au 1er décembre 2022 et documentant les cinq retraits frauduleux pour un total de CHF 12'200.- ;
- deux attestations établies le 13 avril 2023 par la police, confirmant que la mère de l’intéressée avait porté plainte au nom de sa fille le 4 novembre 2022 (pour un retrait de CHF 4'000.-), ainsi que le 24 janvier 2023, pour quatre retraits supplémentaires, d’un montant total de CHF 8'200.-.
t. Par décision du 31 août 2023, le SPC a rejeté la demande de remise de l’obligation de restituer.
Il a expliqué à titre liminaire que la dette de CHF 19'044.- ressortant de sa décision du 16 mars 2023 avait été partiellement compensée par les arriérés de prestations dues (mais non versées) à l’intéressée en vertu de la décision du 20 mars 2023 (CHF 7'624.-), la réduisant ainsi à CHF 11'420.-. Ce montant devait cependant être augmenté de CHF 1'080.- correspondant aux subsides d’assurance-maladie ayant fait l’objet de la seconde demande en restitution du 20 mars 2023, ce qui portait le montant encore dû à CHF 12'500.-.
Les décisions de restitution des 16 et 20 mars 2023 s’expliquaient par la perte du droit aux prestations consécutive à la suspension du droit à la rente d’invalidité durant la période de détention. Cela était constitutif d’un changement dans la situation personnelle de l’intéressée, que cette dernière aurait dû signaler plus tôt au SPC, alors qu’elle ne l’avait fait qu’en date du 27 février 2023. L’omission d’informer spontanément le SPC, durant plusieurs mois, d’éléments importants pour le calcul des prestations était constitutive d’une violation par négligence grave de l’obligation d’annoncer et de renseigner, ce qui excluait la bonne foi de l’intéressée et, par voie de conséquence, toute possibilité de remise.
u. Par courrier du 6 septembre 2023, l’intéressée s’est étonnée du montant réclamé, dès lors qu’elle avait demandé au SPI de rembourser au SPC « le paiement de l’assurance-maladie ».
v. Par décision du 19 septembre 2023, le SPC a confirmé celle du 31 août 2023, tout en précisant que l’intéressée pourrait faire une demande d’échelonnement du remboursement. Pour le surplus, il a mentionné, à titre informatif, les courriels du SPI des 15 et 20 mars 2023 en précisant que les éléments en ressortant étaient sans rapport avec le rejet de la demande de remise.
w. Par courriel du 21 septembre 2023 au SPI, le SPC, prenant acte du fait qu’il avait réglé au SAM les subsides d’assurance-maladie versés en faveur de l’intéressée et de son fils durant la période litigieuse, a annoncé qu’il allait annuler la demande en restitution y relative.
B. a. Par courrier du 29 septembre 2023 – adressé au SPC et transmis par celui-ci à la Cour de céans comme objet de sa compétence –, l’intéressée a formé « opposition » à la décision du 19 septembre 2023.
La recourante a fait valoir que le défaut d’annonce de sa détention ne saurait être considéré comme fautif.
Elle produit à l’appui de sa position :
- un certificat du docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne, du 28 septembre 2023, par lequel ce praticien, médecin traitant de longue date de l’intéressée, atteste que sa patiente a traversé une période particulièrement difficile en lien avec son combat pour avoir le droit de s’occuper de son fils, puis lors de sa détention à la prison de Champ-Dollon, qu’elle était dans un état de détresse et de perturbation émotionnelle sévère qui a nécessité une prise en charge par l’équipe médicale de la prison et qu’elle n’était certainement pas en état de gérer ses affaires et de s’acquitter correctement de ses obligations administratives pendant cette période ;
- une attestation rédigée le 27 septembre 2023 par la docteure I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui suit l’intéressée pour un état anxio-dépressif grave depuis avril 2020, alléguant que sa patiente, déjà affectée par le fait de ne pas pouvoir voir son enfant, ne se rendait pas compte de ce qui était exigé d’elle, que la prison n’avait pas arrangé les choses, que cela expliquait qu’elle avait négligé gravement les questions administratives, d’autant plus qu’elle avait également été « victime d’un vol » d’une somme importante, ce qui ne pouvait que l’affecter davantage et aggraver une situation déjà précaire.
b. Par courrier du 19 octobre 2023, l’intéressée, cette fois assistée d’une avocate, a également formellement interjeté recours auprès de la Cour de céans.
Elle produit, notamment :
- un rapport d’expertise psychiatrique rédigé le 7 juin 2022 par la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie forensique d’enfants et d’adolescents, sur mandat du TPAE, dont il ressort, après évaluation psychologique par Madame K______, psychologue-psychothérapeute FSP et co-experte, que l’intéressée présentait une immaturité affective, une anosognosie, un trouble anxieux et dépressif récurrent, ainsi que des difficultés se manifestant dans les interactions sociales, l’adaptation socio-professionnelle et le sens des responsabilités ; elle était alors dans un état de décompensation psychique, suite à des « passages à l’acte » comprenant le projet d’enlever B______, la diffusion sur les réseaux sociaux d’une fausse annonce de disparition de l’enfant et la falsification de documents ;
- une évaluation psychologique réalisée le 15 mars 2022 par Madame L______, psychologue auprès de l’unité de psychiatrie du développement mental [UPDM], sous la responsabilité médicale du docteur M______, chef de clinique, à la demande des expertes mandatées par le TPAE, dont il ressort que l’examen clinique n’avait permis de retenir chez l’intéressée, ni trouble envahissant du développement (TED), ni syndrome d’Asperger (CIM-10 ; F84.5), ni trouble du spectre de l’autisme (TSA ; DSM-5 ; 299.0) ; les échelles complémentaires suggéraient une possible anxiété, ainsi que des traits de personnalité obsessionnelle/compulsive ;
- un rapport d’expertise psychiatrique pénale du 8 novembre 2022 de la docteure N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, concluant à un « trouble de la personnalité de type paranoïaque, et des symptômes et signes relatifs aux fonctions cognitives, trouble léger à moyen selon la CIM-10 », entraînant une responsabilité pénale moyennement restreinte de l’intéressée au moment de la commission des infractions qui lui étaient reprochées.
La recourante fait valoir en substance qu’au vu de son état psychologique et psychiatrique, elle n’avait absolument pas conscience du fait qu’elle devait informer le SPC de sa détention.
c. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 31 octobre 2023, a conclu au rejet du recours.
d. Le 21 mars 2024, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.
L’intimé a argué que l’intéressée gérait bien ses affaires administratives : elle demandait régulièrement le remboursement de ses frais médicaux et avait été capable non seulement de déposer elle-même une demande de remise de dette, mais encore de faire opposition ; elle avait été également capable de s’adresser à F______ à sa sortie de détention. L’anxiété dont il était fait mention dans l’un des rapports médicaux annexés au recours ne suffisait pas à la priver de ses capacités durant les sept mois qui s’étaient écoulés depuis le 23 juillet 2022, date correspondant au début de sa détention.
La recourante a rétorqué qu’on ne pouvait évaluer la gravité de la négligence qu’on lui reprochait à l’aune d’un simple état d’anxiété, sans tenir compte également des circonstances ayant marqué la fin de sa période de détention : elle a dû faire face à plusieurs procédures (celle ouverte au TPAE suite au retrait de la garde de l’enfant peu après sa naissance, les audiences pénales et enfin, la procédure de mise sous curatelle la concernant elle-même – finalement classée sans suite). Elle a souligné que, si sa mère a été placée sous curatelle, c’est parce qu’elle-même n’a pas été capable d’assumer les paiements et les tâches administratives la concernant. À ces problèmes se sont ajoutés le vol de sa carte bancaire et les retraits frauduleux effectués au moyen de celle-ci, qui ont eu pour conséquence la disparition de l’argent versé par le SPC. Submergée par les problèmes, elle a paré au plus pressé : régler les factures et récupérer son enfant. Le reste est passé au second plan.
L’intimé a maintenu que la recourante était capable de discernement puisqu’elle avait demandé à sa mère de payer ses factures et de déposer plainte pénale en son nom. Elle avait également été capable de lui adresser, en date du 15 novembre 2022 – durant sa détention – un courrier rédigé en ces termes : « Étant toujours à l’assurance-invalidité, je ne perçois aucun revenu de votre service ou de l’AI depuis peu. J’aimerais en connaître la raison afin de remédier au problème » (pce 9 intimé).
Par ailleurs, l’intimé a indiqué avoir reçu, une fois la décision litigieuse rendue, le remboursement de CHF 1'080.- correspondant aux subsides d’assurance-maladie, à déduire du montant à réclamer à la recourante, lequel ne s’élève donc plus qu’à CHF 11'420.-.
e. Le 25 mars 2024, à la demande de la Cour de céans, la recourante a encore produit l’ordonnance rendue le 7 juillet 2023 par le TPAE concernant sa mère. Il en ressort notamment que c’est elle qui gérait les affaires administratives de sa mère jusqu’à sa détention. Une mesure de curatelle en faveur de la mère – incapable de gérer ses affaires administratives et financières seule et détentrice d’une fortune d’environ CHF 100'000.- – a été jugée nécessaire.
f. Par écriture du 9 avril 2024, le SPC s’est déterminé. De l’ordonnance du TPAE, il tire la conclusion que la recourante se chargeait donc habituellement des tâches administratives concernant sa mère, vraisemblablement en sus de celles la concernant elle-même, et que seule sa détention l’a empêchée de continuer. Le fait que la recourante lui ait adressé le courrier du 15 novembre 2022 démontre qu’elle aurait été en mesure de le prévenir de sa situation, même durant sa détention, qu’elle n’a cependant pas mentionnée dans ledit courrier. Le fait qu’elle ait attendu le 27 février 2023 pour annoncer un changement de situation personnelle aussi important qu’une période de détention de plusieurs mois exclut d’admettre que la condition relative à la bonne foi est remplie.
g. Par écriture du 23 avril 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions et arguments.
h. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en
droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC – RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l’art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l’art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC – J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).
1.3 Quoique succinct, le courrier du 29 septembre 2023 de l’intéressée permet de comprendre quelle est la décision attaquée. De même, il comporte un exposé des faits et énonce les motifs du désaccord. On comprend en outre que l’intéressée demande l’annulation de la décision litigieuse, de sorte que son courrier respecte les formes prescrites pour un acte de recours (art. 61 let. b LPGA). Bien que cet acte ait été adressé, le 29 septembre 2023, à une autorité incompétente, le recours est réputé avoir été formé en temps utile (art. 39 al. 2 et 60 LPGA ; art. 64 al. 2 LPA), de sorte qu’il est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé du rejet de la demande de remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 11'420.-.
3. L’art. 21 al. 5 LPGA permet à l’administration de suspendre partiellement ou totalement le paiement des prestations pour perte de gain si l’assuré exécute une peine ou une mesure. Cette disposition a pour but de garantir une égalité de traitement entre personnes invalides et valides, les valides étant, dans l’optique du législateur, les personnes subissant une perte de revenu du fait de leur détention,
y compris lorsque cette détention est « préventive » (ATF 133 V 1), c’est-à-dire « provisoire » selon la terminologie du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, en vigueur depuis le 1er janvier 2011 (CPP – RS 312.0 ; cf. aussi le ch. 3.6.2.1.01 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC)).
Malgré sa formulation potestative, l’art. 21 al. 5 LPGA laisse en réalité uniquement à l’administration la faculté de tenir compte de ce que certaines mesures ou certaines formes de détention permettent de réaliser un gain pendant leur exécution (cf. Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 74 ad art. 21).
Les « prestations pour perte de gain » au sens de l’art. 21 al. 5 LPGA incluent notamment les indemnités journalières, les rentes d’invalidité et les prestations complémentaires qui s’y rattachent, mais non les rentes de vieillesse et les prestations qui les complètent (cf. Ueli KIESER, op. cit., n. 166 et 175 ad art. 21 LPGA).
Sous l’angle de l’invalidité, l’exécution d’une peine ou d’une mesure ne constitue pas un motif de révision, mais de suspension de la rente, ce qui était déjà le cas sous l’empire de la jurisprudence antérieure à la LPGA (cf. ATF 113 V 273). Puisque l’éventualité considérée entraîne une suspension de la rente, cette dernière doit être servie dans son intégralité pour le mois durant lequel l’exécution de la peine ou de la mesure débute. Une fois cette durée d’exécution accomplie, la rente est à nouveau servie pour le mois entier au cours duquel la sortie de prison a lieu (cf. ATF 114 V 143 consid. 3 ; Ueli KIESER, op. cit., n. 168 ad art. 21 LPGA). En revanche, lorsque la personne assurée est incarcérée sous le régime de la détention provisoire, la suspension des rentes d’invalidité n’est justifiée qu’à partir du moment où cette détention a duré trois mois, en application par analogie de l’art. 88a al. 1, 2ème phrase et al. 2, 1ère phrase du règlement de l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; ATF 138 V 281 consid. 3.3 ATF 133 V 1 consid. 4.2.4.2 ; Anne-Sylvie DUPONT, op. cit., n. 81 ad art. 21).
En l’occurrence, il n’est ni contesté ni contestable que les prestations complémentaires versées à la recourante d’août à novembre 2022 l’ont été à tort.
4.
4.1 Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.
Selon l’art. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA – RS 830.11), la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard trente jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l’objet d’une décision (al. 5).
Le délai de 30 jours prévu par l’art. 4 al. 4 OPGA pour le dépôt de la demande
de remise est un délai d’ordre et non un délai de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3).
À teneur de l’art. 24 LPCC, les prestations cantonales indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).
L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI – J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile.
4.2 Au regard de la jurisprudence relative à l’art. 25 LPGA, la procédure de restitution des prestations implique trois étapes en principe distinctes : une première décision sur le caractère indu des prestations, soit sur le point de savoir si les conditions d’une reconsidération ou d’une révision procédurale de la décision par laquelle celles-ci ont été allouées sont réalisées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 207/04 du 20 janvier 2006 consid. 4) ; une seconde décision sur la restitution en tant que telle des prestations, qui comprend en particulier l’examen des effets rétroactifs ou non de la correction à opérer en raison du caractère indu des prestations, à la lumière de l’art. 25 al. 1, 1ère phrase LPGA et des dispositions particulières et, le cas échéant, une troisième décision sur la remise de l’obligation de restituer au sens de l’art. 25 al. 1,
2ème phrase LPGA (cf. art. 3 et 4 OPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 5.1.1 et 5.2).
5.
5.1 Selon l’art. 31 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l’obligation d’informer l’assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l’octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).
Aux termes de l’art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301), l’ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l’autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l’organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l’ayant droit.
À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.
5.2 La réalisation de la condition de la bonne foi, présumée en règle générale
(art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [CC] – RS 210), doit être examinée dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).
La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d’emblée lorsque les faits qui conduisent à l’obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l’assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l’acte ou l’omission fautifs ne constituent qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).
On parlera de négligence grave lorsque l’ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d’une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l’attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, sans que l’on puisse occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (capacité de discernement, état de santé, niveau de formation, etc. ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de sa part qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d’un assuré qu’il décèle des erreurs manifestes et qu’il en fasse l’annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).
En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 4ème éd. 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).
5.3 En vertu du devoir d’information qui lui incombe (cf. art. 31 al. 1 LPGA), la personne assurée doit informer spontanément les assureurs sociaux du fait qu’elle doit exécuter une mesure ou une peine privative de liberté. À défaut, elle ne pourra se prévaloir de sa bonne foi au moment où elle se verra notifier une demande de restitution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 622/05 du 14 août 2006 consid. 4.4 ; Anne-Sylvie DUPONT, op. cit., n. 82 ad art. 21 LPGA).
En matière de détention provisoire, on ne parlera de négligence grave que lorsque cette détention n’est pas annoncée à l’assureur alors même qu’elle s’est prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que l’intéressé(e) aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – sur le maintien de son droit (ATF 110 V 284 consid. 4b). En référence à l’ATF 133 V 1 cité supra (consid. 3), les commentateurs de la LPC rappellent que le droit à la rente d’une personne en détention « préventive » (« provisoire » selon la terminologie du CPP) doit être en principe suspendu, puisque même une personne valide subirait en principe aussi une perte de gain durant cette période. Toutefois, une telle suspension ne s’applique que si la détention provisoire est d’une certaine durée. La durée de la détention provisoire durant laquelle la rente continue d’être servie peut s’étendre jusqu’à trois mois (cf. Urs MÜLLER in Hans-Ulrich STAUFFER/ Basile CARDINAUX [éditeurs], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd., 2015, p. 381, n. 78). Cette durée de trois mois, durant laquelle la rente continue d’être servie, ne se confond cependant pas nécessairement avec le « laps de temps suffisamment long », mentionné à l’ATF 110 V 284 consid. 4b précité, à partir duquel l’assuré doit annoncer sa détention provisoire pour ne pas encourir, le cas échéant, le reproche d’avoir violé par négligence grave son obligation d’annoncer ce fait à l’autorité.
Ce dernier point ressort notamment de la casuistique résumée ci-après :
- Dans l’ATF 110 V 284, qui concernait un rentier AI, arrêté et maintenu en détention provisoire du 11 janvier au 14 mai 1982 – puis remis en liberté provisoire jusqu’au 14 juin 1982, jour de son jugement le condamnant à une peine de réclusion de 27 mois. L’assuré n’avait pas annoncé (du tout) à la caisse de compensation le changement de situation personnelle que constituait pour lui son entrée en détention provisoire, ainsi que son incarcération ultérieure. Le Tribunal fédéral a jugé que s’il y avait certes lieu d’admettre l’existence d’un comportement fautif de l’assuré à partir du jour où il avait commencé à purger la peine prononcée contre lui par le Tribunal correctionnel (il était à ce moment-là définitivement fixé sur son sort et pouvait raisonnablement penser que son incarcération – d’une durée relativement longue – n’était pas sans incidence sur son droit à la rente), il en allait différemment en ce qui concernait la détention provisoire : il n’était pas manifeste, a priori, que le droit d’un rentier de l’assurance-invalidité ne subsiste pas en pareille circonstance. On ne pouvait dès lors pas faire grief à l’assuré de n’avoir pas saisi immédiatement que son arrestation pouvait entraîner des conséquences sur les prestations en cours. D’autre part, cette détention provisoire ne s’était pas prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que l’assuré aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – quant au maintien de son droit. Il s’ensuivait que la rente de l’assuré ne pouvait être supprimée rétroactivement qu’à partir du 1er juillet 1982.
- Dans un arrêt 8C_759/2008 du 26 novembre 2008, qui concernait un rentier AI au bénéfice de prestations complémentaires depuis juillet 1998 (avec quelques interruptions), en détention provisoire du 30 juin 2003 au 10 février 2004, puis immédiatement après en exécution anticipée de mesures avant jugement, le Tribunal fédéral a constaté à titre liminaire que l’intéressé avait déjà été condamné une première fois le 14 juillet 1996 à une peine de quatorze mois d’emprisonnement avec sursis et délai de mise à l’épreuve de trois ans pour des actes d’ordre sexuel avec des enfants. Le 30 décembre 1996, l’intéressé avait été dénoncé pour des agissements de même nature, auxquels s’ajoutaient des voies de fait (éventuellement des lésions corporelles) et placé en détention provisoire le 30 juin 2003 avant son transfert à l’établissement d’exécution de mesures X, le 11 février 2024. Selon le Tribunal fédéral, même si l’exécution d’une peine d’emprisonnement ou de réclusion ou le séjour dans un établissement d’exécution des mesures n’étaient pas explicitement mentionnés comme faits à annoncer dans les décisions en matière de prestations complémentaires, ils n’en constituaient pas moins, sans aucun doute, une modification de la situation personnelle à annoncer (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 622/05 du 14 août 2005 consid. 4.4). Contrairement à l’état de fait jugé dans l’ATF 110 V 284 précité, la détention provisoire ne pouvait être qualifiée, dans le cas qui lui était soumis, de situation incertaine pour l’intéressé : celui-ci ayant des antécédents judiciaires, il devait déjà s’attendre, dans le cadre de cette détention provisoire, à purger sa peine d’emprisonnement de quatorze mois (assortie d’un délai d’épreuve de trois ans) ; d’ailleurs, son avocat avait déjà annoncé, le 10 septembre 2003, qu’il approuvait une mesure stationnaire. De plus, sa détention provisoire avait duré suffisamment longtemps pour qu’il ait des doutes sérieux quant au maintien de son droit. Dans ces circonstances, l’intéressé savait dès le début de sa détention provisoire qu’il y aurait une incarcération d’une durée relativement longue, ce dont il était conscient puisqu’il avait menacé ses victimes pour qu’elles gardent le silence. Dès lors, au plus tard à son entrée dans l’établissement d’exécution des mesures, l’intéressé aurait dû se rendre compte que les prestations complémentaires dont il bénéficiait pouvaient ne pas lui être dues. Dans ces circonstances, on pouvait lui reprocher une négligence grave, raison pour laquelle la bonne foi devait être niée et le droit à une remise de l’obligation de restituer également.
6. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
7.
7.1 En l’espèce, il est constant que l’intéressée, rentière AI, a continué de recevoir sa rente d’invalidité et les prestations complémentaires durant sa détention provisoire, qui a duré du 23 juillet au 1er décembre 2022.
L’intimé considère que la remise de rembourser la somme de CHF 12'500.- (désormais réduite à CHF 11'420.- du fait de la prise en charge des subsides d’assurance-maladie par le SPI) ne peut être accordée, dès lors que la recourante a omis de lui annoncer durant plusieurs mois des éléments importants pour le calcul des prestations. Selon l’intimé, cette omission est constitutive d’une violation par négligence grave de l’obligation d’annoncer et de renseigner, ce qui exclut la reconnaissance de la bonne foi de l’assurée.
La recourante fait valoir en substance qu’elle n’était pas du tout en état de se rendre compte qu’elle devait annoncer sa détention provisoire au SPC, ni d’ailleurs à l’OAI, et qu’en l’absence d’une violation par négligence grave de l’obligation d’annoncer ou de renseigner, sa bonne foi doit être admise.
7.2 La Cour de céans constate pour sa part qu’il ne ressort pas du dossier que l’intéressée aurait eu des antécédents pénaux qui auraient précédé les agissements qui lui ont valu d’être placée en détention provisoire du 23 juillet au 1er décembre 2022. À la différence du cas visé à l’arrêt 8C_759/2008 précité, où le bénéficiaire des prestations était un récidiviste et devait, partant, s’attendre, dès son entrée en détention provisoire, à devoir purger la longue peine d’emprisonnement à laquelle il avait été précédemment condamné avec sursis, on ne saurait considérer que la recourante pouvait s’attendre d’emblée, au moment de son entrée en détention provisoire, à ce que son droit à une rente d’invalidité et, par extension, son droit aux prestations complémentaires puisse être suspendu. À l’instar de ce que le Tribunal fédéral a admis dans l’ATF 110 V 284 précité, on ne saurait lui faire grief de n’avoir pas saisi immédiatement que sa détention provisoire pourrait avoir des conséquences sur les prestations en cours. De plus, en tant qu’elle n’a duré que quatre mois et quelques jours (à l’image du cas ayant fait l’objet de l’ATF 110 V 284 déjà cité), cette détention ne s’est pas prolongée durant un laps de temps suffisamment long pour que l’on puisse considérer que la recourante aurait dû avoir des doutes – à tout le moins sérieux – quant au maintien de son droit. Étant donné qu’en pareilles circonstances, l’absence d’annonce d’une détention provisoire d’environ quatre mois n’est pas constitutive d’une négligence (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 622/05 du 14 août 2006 consid. 4.4) ou à tout le moins pas d’une négligence grave – malgré les communications annuelles invitant les bénéficiaires de prestations complémentaires à signaler sans retard tout changement dans leur situation personnelle et/ou financière –, cela est a fortiori le cas lorsque l’annonce de la détention provisoire au SPC n’est pas purement et simplement omise (comme dans la casuistique citée ci-dessus), mais qu’elle intervient trois mois après la remise en liberté, comme en l’espèce.
Il s’ensuit que la bonne foi de la recourante doit être reconnue.
Dans ces circonstances, la Cour de céans se dispensera d’examiner si les facteurs personnels invoqués (responsabilité restreinte sur le plan pénal, état de santé psychique, etc.) ont objectivement diminué la capacité de la recourante à faire face à ses obligations, l’existence d’une négligence grave devant quoi qu’il en soit être écartée.
8. En conséquence, le recours est partiellement admis au sens des considérants, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée au SPC afin qu’il examine la seconde condition cumulative de la remise de l’obligation de restituer (situation difficile) et rende une nouvelle décision.
Étant donné que l’intéressée obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA ; RS E 5 10.03).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement au sens des considérants.
3. Annule la décision sur opposition du 19 septembre 2023.
4. Renvoie la cause au SPC pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
5. Condamne le SPC à verser à la recourante une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le