Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/861/2024 du 06.11.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1828/2024 ATAS/861/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 6 novembre 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1987 et est mère d’un enfant né le ______ 2010. Elle est titulaire d’un certificat d’auxiliaire de santé de la Croix-Rouge Suisse obtenu en 2013 ainsi que de certificats WordPress, marketing digital et réseaux sociaux de la Cadschool obtenus en 2022.
B. a. Le 1er novembre 2022, l’assurée a rempli une demande d’inscription à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) dès le même jour, dans laquelle elle a indiqué qu’elle avait fait une demande auprès de l’assurance-invalidité (ci-après : AI).
b. Selon le procès-verbal de son premier entretien de conseil avec sa conseillère en personnel (ci-après : sa conseillère) de l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) du 22 novembre 2022, l’assurée lui a fait part du fait qu’elle avait bénéficié de mesures AI et a donné les coordonnées de la personne qui la suivait auprès de cet office. Les procès-verbaux de tous les entretiens de conseil suivants, soit du 29 novembre et 22 décembre 2022, 6 février, 27 mars, 26 mai, 21 juin, 11 juillet, 3 août et 8 septembre 2023 mentionnent la demande AI en cours. Au fil des mois, la conseillère a eu plusieurs échanges avec l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI).
c. Le 28 novembre 2022, l’assurée a transmis à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) une demande d’indemnité de chômage à partir du 1er décembre 2022, précisant qu’elle avait demandé une indemnité journalière ou une rente auprès de l’assurance-invalidité.
Elle a également produit à l’appui de sa demande plusieurs documents, notamment:
- un certificat médical du 28 octobre 2022 attestant du fait qu’elle avait été en incapacité de travail totale du 1er au 30 novembre 2022 ;
- des décomptes d’indemnités journalières de l’assurance-invalidité concernant la période courant du 26 octobre 2020 au 14 octobre 2022 ;
d. Le 12 décembre 2022, l’assurée a fait parvenir par voie électronique à la caisse afin de compléter son dossier :
- un certificat médical attestant d’une incapacité de travail totale du 16 septembre au 30 novembre 2022 et de 80% dès le 1er décembre 2022 ;
- sa demande de prestations à l’OAI du 13 septembre 2019.
e. Le même jour, elle a déposé plusieurs documents au guichet de la caisse :
- une communication de l’OAI à l’assurée du 8 juillet 2020 concernant l’octroi de l’orientation professionnelle selon l’art. 15 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20) ;
- une communication de l’OAI à l’assurée du 28 octobre 2020 concernant l’octroi de l’orientation professionnelle selon l’art. 15 LAI ;
- une communication de l’OAI à l’assurée du 9 juillet 2021 concernant l’octroi d’une mesure de reclassement selon l’art. 17 LAI ;
- une communication de l’OAI à l’assurée du 20 janvier 2022 concernant l’octroi d’une mesure de reclassement selon l’art. 17 LAI ;
- une communication de l’OAI à l’assurée du 19 août 2022 concernant l’indemnité journalière durant le délai d’attente.
f. Le 19 décembre 2022, la caisse a demandé à l’assurée de lui transmettre une copie de la décision de rente de l’OAI statuant sur un taux d’invalidité.
g. Le même jour, l’assurée a répondu par courriel que l’OAI n’avait pas encore statué sur sa demande, qui était toujours pendante.
h. Le 21 décembre 2022, l’assurée a déposé auprès de la caisse une attestation datée du même jour de l’OAI certifiant qu’elle avait déposé une demande de l’assurance-invalidité le 8 septembre 2017, qu’à ce jour aucune prestation n’était versée et que le dossier était toujours en cours.
i. Dans les formulaires d’indications de la personne assurée (IPA) rempli à l’attention de la caisse de novembre 2022 à octobre 2023, l’assurée a coché la case « non » sous la question 8 « avez-vous revendiqué ou reçu des prestations d’une autre assurance sociale suisse ou étrangère (par exemple : indemnités journalières en cas de maladie, AI, SUVA, prévoyance professionnelle, rente AVS anticipée, APG) ? ».
j. Le 4 janvier 2023, la caisse a demandé à l’OAI, aux fins d’une éventuelle compensation, de lui transmettre une copie de sa décision concernant l’assurée, si elle avait été rendue, ou de la lui transmettre dès sa notification, et de lui indiquer à qui ou à quelle adresse la demande de compensation devait être adressée.
k. Le 28 juillet 2023, l’OAI a envoyé à l’assurée un projet de décision qui lui octroyait une rente d’invalidité à 100% depuis le 1er novembre 2022 et qui précisait qu’une copie était envoyée à l’OCE et à la Caisse de chômage Syna (ci-après : la caisse Syna).
l. Le 10 octobre 2023, la conseillère en personnel de l’assurée lui a adressé un courriel l’informant de l’annulation de son dossier au 29 septembre 2023.
m. L’assurée a demandé à sa conseillère ce qu’il convenait de répondre à l’Hospice général, qui lui demandait pourquoi sa demande était si tardive.
n. La conseillère a répliqué que comme elle l’avait expliqué lors de leur entretien téléphonique du même jour, la décision de l’OAI était entrée en force à fin septembre 2023 et que, de ce fait, il n’était pas possible de maintenir l’inscription à l’ORP.
o. L’assurée a contesté le fait que la décision de l’OAI serait entrée en force à fin septembre 2023 et a affirmé en avoir informé sa conseillère dès réception de la réponse de l’OAI, à fin juillet, voire maximum début août. Sa conseillère ne lui avait jamais parlé de l’Hospice général, mais lui avait dit que l’OCE entrerait en matière jusqu’à son indemnisation par l’OAI.
p. La conseillère a répondu que le délai de recours avait pris fin en septembre 2023 et que la décision était entrée en force à ce moment-là.
q. Le 10 octobre 2023, l’assurée a envoyé un courriel à l’adresse générale de l’OCE intitulé « faute grave ! » indiquant qu’elle était dans l’attente d’une rente d’invalidité et que son dossier était un peu particulier. Un rendez-vous téléphonique avait été convenu avec sa conseillère en date du 26 septembre 2023, mais celle-ci ne l’avait jamais appelée, malgré que l’assurée ait tenté de la joindre par mail et téléphone. Sa conseillère lui avait téléphoné ce jour et lui avait dit de s’inscrire à l’Hospice général, car elle n’avait plus le droit au chômage dès octobre. L’assurée critiquait la manière de travailler de sa conseillère du fait qu’il était déjà le 10 du mois et qu’elle n’était pas sûre que l’Hospice général entre en matière à temps sur sa demande, alors qu’elle avait deux enfants à charge.
r. Par courrier du 11 octobre 2023, l’assurée a écrit à l’OCE et indiqué que le projet de décision de l’OAI avait été transmis à sa conseillère immédiatement, c’est-à-dire fin juillet 2023. Si cette dernière l’avait informée aussitôt du fait qu’elle n’aurait plus le droit aux indemnités chômage, elle aurait eu le temps de s’inscrire à l’Hospice général. De la faute de la conseillère, elle se retrouvait sans revenu pour le mois d’octobre 2023.
s. Par courriel du 12 octobre 2023 adressé à l’Hospice général, la conseillère a indiqué que l’assurée n’avait appris que le 10 octobre 2023 la clôture de son suivi ORP.
t. Le 24 octobre 2023, la caisse a demandé à la conseillère de l’assurée pourquoi elle avait fermé le dossier de l’assurée au 29 septembre 2023 alors que selon l’IPA d’octobre rempli par l’assurée, cette dernière était toujours au chômage.
u. La conseillère a répondu le 26 octobre 2023 que selon le projet de décision de l’OAI du 28 juillet 2023, qui était joint à son message, l’assurée était considérée comme incapable de travailler dans toute activité depuis le 24 janvier 2023. De ce fait, le suivi ORP avait été clôturé au 29 septembre 2023, une fois le délai de recours dépassé.
v. Le 6 novembre 2023, l’OAI a rendu deux décisions. La première octroyait à l’assurée une rente d’invalidité mensuelle de CHF 3'321.- (y compris une rente complémentaire pour enfant) à partir du 1er mai 2023, avec un paiement rétroactif de CHF 19'926.- au total. Une compensation externe sur le paiement rétroactif de CHF 472.05 était faite en faveur de la caisse de compensation, de sorte que le solde du paiement rétroactif était de CHF 19'453.-.
S’agissant de la rente pour novembre 2023, il y avait une compensation externe de CHF 3'294.- en faveur de l’Hospice général du 1er au 30 novembre 2023, et un versement de CHF 19'480.95 en faveur de l’assurée.
w. La seconde décision du 6 novembre 2023 prévoyait un versement rétroactif de CHF 19'762.- pour la rente d’invalidité de l’assurée et la rente complémentaire pour enfant, du 1er novembre 2022 au 30 avril 2023.
x. Par décision du 5 février 2024, la caisse a demandé à l’assurée le remboursement de la somme de CHF 36'367.- correspondant aux indemnités perçues indûment pour la période allant du 1er novembre 2022 au 30 septembre 2023. En date du 26 octobre 2023, la caisse avait reçu la copie du projet de décision du 28 juillet 2023 ainsi que les deux décisions de l’OAI du 6 novembre 2023. Dès lors que la communication de la décision de sa rente d’invalidité à 100% lui était parvenue après qu’elle avait indemnisé l’assurée et que le concours de deux assurances ne pouvait donner lieu à une surindemnisation, il en résultait que l’assurée avait perçu à tort la somme de CHF 36'367.-.
y. L’assurée n’a pas fait opposition à la décision du 5 février 2024, de sorte que celle-ci est entrée en force.
C. a. Le 8 mars 2024, l’assurée a déposé auprès de la caisse une demande de remise s’agissant de la somme de CHF 36'367.-. Elle avait été de bonne foi, ne pensant pas à avoir à rembourser la somme perçue par l’assurance-invalidité. Sa situation financière ne lui permettait pas de rembourser la caisse, ayant énormément de dettes.
b. Par décision du 25 avril 2024, l’OCE n’a pas accordé la remise de CHF 36'367.- à l’assurée, au motif que la condition de la bonne foi n’était pas remplie puisque l’assurée avait, dans tous ses formulaires mensuels d’IPA de novembre 2022 à septembre 2023, répondu par la négative à la question de savoir si elle avait revendiqué ou reçu des prestations d’une autre assurance sociale suisse ou étrangère (notamment l’AI), que l’intéressée savait avoir déposé une demande de prestations auprès de l’OAI et qu’elle savait, ou devait savoir, qu’en cas de double indemnisation, elle devrait rembourser les indemnités perçues en trop à sa caisse de chômage. Si l’assurée avait correctement informé sa caisse de sa demande de prestations à l’OAI, il aurait été possible à la caisse de se subroger en cas de versement rétroactif des prestations.
c. Le 29 avril 2024, l’intéressée a formé opposition à la décision précitée, faisant valoir que lorsqu’elle avait reçu la décision de l’OAI, il était convenu que ladite assurance rembourse tous les organismes qui lui avaient avancé de l’argent, raison pour laquelle elle ne s’était pas préoccupée de cette question. C’était leur façon de procéder, selon ce qui lui avait été dit. Elle n’avait plus la somme versée par l’OAI, au vu de ses dettes, de son loyer élevé et de ses deux enfants à charge. Elle transmettait en copie le projet de décision de l’AI du 28 juillet 2023, à la fin duquel elle avait ajouté à la main que ce n’était en effet pas la bonne caisse qui était mentionnée, mais que ce n’était pas de sa faute, mais celle de l’AI, et une copie des décisions de l’AI du 6 novembre 2023.
d. Par courriel du 30 avril 2024, l’OCE a demandé à la caisse de chômage Syna si elle avait reçu le projet de décision du 28 juillet 2023 et si elle l’avait transmis à la caisse.
e. Le 3 mai 2024, la caisse de chômage Syna a répondu qu’elle avait bien reçu ledit projet et qu’elle ne l’avait pas transmis.
f. Par décision sur opposition du 14 mai 2024, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assurée et confirmé la décision du 25 avril 2024. La bonne foi de l’assurée ne pouvait être retenue, car elle n’avait pas informé la caisse, via ses formulaires mensuels IPA, du fait qu’elle avait demandé les prestations de l’OAI. De plus, lorsque l’OAI lui avait notifié son projet de décision du 28 juillet 2023 qui lui octroyait une rente d’invalidité, l’assurée n’avait pas informé la caisse dudit projet, quand bien même l’OAI s’était trompé en adressant le projet à la mauvaise caisse de chômage. Elle avait par ailleurs continué à répondre par la négative à la question 8 précitée dans ses formulaires IPA des mois d’août à octobre 2023, alors qu’elle savait qu’elle recevrait une rente de l’OAI rétroactivement au 1er novembre 2022, date à laquelle elle émargeait à l’assurance-chômage. Enfin, lorsque l’assurée avait reçu les décisions de l’OAI du 6 novembre 2023, elle n’avait pas demandé à la caisse comment le rétroactif des paiements serait pris en compte pour la période pendant laquelle elle avait reçu les indemnités de chômage, s’accommodant du fait que lesdits instituts compenseraient entre eux les montants versés quand bien même aucune information à ce propos n’apparaissait des décisions du 6 novembre 2023.
D. a. Par acte du 24 mai 2024, l’assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 14 mai 2024 auprès de l’OCE, qui l’a transmis pour raison de compétence à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 28 mai 2024. Elle faisait valoir avoir demandé de l’aide à sa conseillère afin de remplir le formulaire IPA, laquelle n’avait pas su lui expliquer correctement comment faire et aujourd’hui c’était elle qui était pénalisée. Or, elle avait CHF 140'000.- de dettes, était en saisie à l’office des poursuites et n’avait aucun moyen de rembourser. Elle demandait à être mise aux poursuites ou à pouvoir payer CHF 50.- par mois.
b. Le 14 juin 2024, l’OCE a demandé par courriel à la caisse à quelle date elle avait reçu le projet du 28 juillet 2023 et par qui.
c. La caisse a répondu le 17 juin 2024 que le projet lui avait été envoyé par la conseillère de l’assurée le 26 octobre 2023.
d. Par réponse du 25 juin 2024, l’OCE a persisté dans les conclusions de sa décision du 14 mai 2024. Par courriel du 17 juin 2023, la caisse avait confirmé qu’elle n’avait jamais, avant le courriel du 26 octobre 2023 de l’ORP, été informée du projet de décision du 28 juillet 2023 de l’OAI concernant la recourante. Cette dernière n’avait ainsi jamais informé sa caisse qu’une demande auprès de l’AI était en cours ni qu’une décision avait été rendue, décision qui, selon le projet susmentionné, lui reconnaissait le droit rétroactivement dès le 1er novembre 2022 à une rente d’invalidité.
e. Par ordonnance du 27 août 2024, la chambre de céans a ordonné l’apport du dossier de la recourante auprès de la caisse.
f. Le 4 septembre 2024, la caisse a transmis à la chambre de céans le dossier de la recourante.
g. Invitées à le faire, les parties n’ont pas formulé de remarques complémentaires.
h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé d’octroyer à la recourante la remise de l’obligation de restituer le montant de CHF 36'367.-, correspondant aux indemnités indûment perçues par celle-ci du 1er novembre 2022 au 30 septembre 2023.
3.
3.1 Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, déclaré explicitement applicable par l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut pas être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).
Selon l’art. 94 LACI, les restitutions et les prestations dues en vertu de la présente loi peuvent être compensées les unes par les autres ainsi que par des restitutions et des rentes ou indemnités journalières dues au titre de l’AVS, de l’assurance-invalidité, de la prévoyance professionnelle, de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain, de l’assurance-militaire, de l’assurance-accidents obligatoire, de l’assurance-maladie, ainsi que des prestations complémentaires de l’AVS/AI et des allocations familiales légales (al. 1).
Si une caisse a annoncé la compensation à une autre assurance sociale, cette dernière ne peut plus se libérer en versant la prestation à l’assuré. Cette règle vaut également dans le cas inverse (al. 2).
Si les indemnités journalières sont versées rétroactivement, les institutions d’aide sociale privées ou publiques qui ont consenti des avances destinées à assurer l’entretien de l’assuré durant la période concernée peuvent exiger le recouvrement d’un montant jusqu’à concurrence des avances qu’elles ont versées. Le droit à des indemnités de chômage est soustrait à toute exécution forcée jusqu’à hauteur de ce montant (al. 3).
Selon l’art. 95 al. 1bis LACI, l’assuré qui a touché des indemnités de chômage et perçoit ensuite, pour la même période, une rente ou des indemnités journalières au titre de l’assurance-invalidité, de la prévoyance professionnelle, de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain, de l’assurance militaire, de l’assurance-accidents obligatoire, de l’assurance-maladie ou des allocations familiales légales, est tenu de rembourser les indemnités journalières versées par l’assurance-chômage au cours de cette période. En dérogation à l’art. 25 al. 1 LPGA, la somme à restituer se limite à la somme des prestations versées pour la même période par ces institutions.
La compétence pour statuer sur la demande de remise de l’obligation de restituer appartient à l’autorité cantonale (art. 95 al. 3 LACI). À Genève, l’autorité compétente au sens de la disposition précitée est l’OCE (art. 3 al. 1 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 [RMC - J 2 20.01]).
L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).
Selon l’art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l'obligation d'informer l'assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l'octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).
Le devoir d'informer l'administration s'étend à tous les faits qui ont une importance pour le droit aux prestations. Sont importantes, en particulier, toutes les informations qui ont trait à l'aptitude au placement, qui sont nécessaires pour juger du caractère convenable d'un emploi ou qui concernent les recherches personnelles de travail. Peu importe au demeurant que les renseignements faux ou incomplets aient joué un rôle pour l'allocation des prestations (ATF 123 V 150 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 236/01 du 10 octobre 2002, consid. 1.2).
Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du
17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).
La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif (indications inexactes données intentionnellement par exemple) ou à une négligence grave. Tel est le cas si, lors du dépôt de la demande et de l'examen des conditions personnelles ou économiques, certains faits ont été passés sous silence ou que de fausses indications ont été fournies intentionnellement ou par négligence. Il en va de même lorsqu'un changement dans la situation personnelle ou matérielle n'a, intentionnellement ou par négligence grave, pas été annoncé ou l'a été avec retard ou que des prestations indues ont été acceptées de manière dolosive ou gravement négligente (cf. ATF 112 V 103 consid. 2c, 110 V 180 consid. 3c; DTA 1998 n° 14 p. 72 consid. 4a). En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2). Il en résulte que la mauvaise foi ne peut être qu'antérieure ou contemporaine de la perception indue de prestations (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références citées).
On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; ATF 138 V 218 consid. 4). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).
Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d'annoncer ou de renseigner ; peuvent entrer en ligne de compte également d'autres comportements, notamment l'omission de se renseigner auprès de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2 et la référence).
Pour nier la bonne foi, il n’est pas nécessaire qu’il y ait dol et partant intention frauduleuse (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 103/06 du 2 octobre 2006, consid. 3).
À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a retenu une négligence grave excluant toute bonne foi dans le cas d’un assuré qui avait reçu des indemnités de chômage et une rente entière de l’assurance-invalidité pour la même période, et dont la décision d’octroi de rente AI ne prenait pas en compte le droit de la caisse de chômage de compenser les avances effectuées avec le paiement rétroactif de la rente AI ; l’assuré étant représenté par des avocats lors de l’octroi de la rente, ses mandataires, dont le comportement lui était imputable, auraient dû s’apercevoir que la caisse de compensation allait lui verser à tort un montant devant revenir à la caisse de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du
13 octobre 2020 consid. 5.3).
En revanche, la condition de la bonne foi a été considérée comme remplie dans le cas d’un assuré qui avait omis d’annoncer une activité de concierge à 25 % dans les formulaires « indications de la personne assurée » (IPA), alors qu’il avait annoncé cette activité tant à l’office régional de placement qu’à la caisse de chômage ; en effet, si l’assuré était tenu d'indiquer cette activité dans les formulaires IPA, la caisse disposait néanmoins de toutes les indications nécessaires au dossier concernant la poursuite de l'emploi en tant que concierge pour déterminer correctement le droit à l'indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_684/2018 du 17 avril 2019 consid. 4.3).
Suivant les circonstances, la bonne foi de l'assuré ne peut être examinée sans mettre ses faits et gestes en perspective de ceux de ses interlocuteurs au sein des assureurs sociaux et organes d’exécution des diverses assurances sociales, eux aussi tenus par une exigence de bonne foi, comportant le respect notamment de leur obligation, dans les limites de leur domaine de compétence, d'une part de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (art. 27 al. 1 LPGA ; art. 85 al. 1 let. a LACI), et d'autre part d'instruire les faits pertinents pour la prise de leurs décisions.
Le Tribunal fédéral a précisé qu'aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2 ; DTA 2005 p. 135, C 7/03 ; arrêt du Tribunal fédéral C 240/04 du 1er décembre 2005).
Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend en effet l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 précité consid. 3.2.2).
Il sied aussi de relever dans ce contexte que plusieurs organes sont chargés d'appliquer la législation sur l'assurance-chômage (cf. art. 76 LACI), à savoir notamment l'autorité cantonale, l'office régional de placement et des caisses de chômage (dont la caisse publique cantonale, dont tout canton doit disposer [art. 77 LACI]). Le conseiller en placement est un interlocuteur privilégié pour l'assuré, quant à lui généralement profane en matière d'assurance-chômage. Les liens qui unissent le conseiller en placement au demandeur d'emploi peuvent être étroits dans la mesure où le rôle essentiel du premier consiste non seulement à exercer un certain contrôle sur les démarches du second, mais aussi à lui prodiguer des conseils (arrêt C.335/05 du 14 juillet 2006 consid. 3.3 ; Jean-Michael DUC, Quelques réflexions sur le devoir de renseignement des assurances sociales suite à l'ATFA du 14 juillet 2006, C. 335/05, in La partie générale du droit des assurances sociales, Colloque de Lausanne 2002, édité par Bettina KAHIL-WOLFF, 2003, p.172 ss). À moins qu'il ait vu son attention attirée sur la question, on ne saurait s'attendre à ce qu'un assuré départage distinctement dans son esprit les compétences respectives de l'autorité cantonale et de la caisse pour déterminer notamment son aptitude au placement (ATAS/1328/2014 du 19 décembre 2014).
3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 339/03 du 19 novembre 2003, consid. 2).
4. En l’espèce, dans sa première demande d’indemnisation à la caisse, le 28 novembre 2022, la recourante l’a informée qu’elle avait demandé les prestations de l’assurance-invalidité. Elle lui a transmis en même temps tous ses décomptes d’indemnités journalières de l’assurance-invalidité. Par la suite, elle lui a encore transmis une attestation du 21 décembre 2022 de l’OAI qui indiquait qu’une demande AI avait été déposée le 8 septembre 2017 par la recourante, qu’à ce jour aucune prestation n’était versée et que le dossier était toujours en cours.
Sur cette base, la caisse a adressé le 4 janvier 2023 à l’OAI un courrier qui lui demandait que sa décision relative à l’assurée lui soit transmise et à qui s’adresser en vue d’une compensation.
Ainsi, le fait que la recourante ait omis d’indiquer dans les formulaires IPA transmis chaque mois à la caisse qu’elle avait déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité, est resté sans conséquence, et cette omission ne constitue dès lors qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner, qui n’est pas de nature à exclure sa bonne foi au sens de l’art. 25 al. 1 LPGA.
La caisse disposait dès le début de toutes les informations nécessaires et elle pouvait prendre des mesures pour demander une compensation à l’OAI. Il ressort du dossier qu’elle n’a pas relancé l’OAI suite à son courrier du 4 janvier 2023, alors que ce dernier ne lui avait pas répondu, et qu’elle ne lui a pas demandé la compensation, même après avoir eu connaissance du projet de décision de l’OAI, certes tardivement le 26 octobre 2023, mais encore en temps utile, puisque la décision finale de l’OAI n’a été rendue que le 6 novembre 2023 et que l’on peut raisonnablement retenir que la recourante n’a pas touché immédiatement le rétroactif dû par l’OAI.
L’on ne peut reprocher à la recourante ne pas avoir transmis le projet de décision de l’OAI du 28 juillet 2023 à l’intimée, car celui-ci mentionnait par erreur qu’une copie était communiquée à l’OCE et à la « caisse de chômage » Syna. Le fait que la recourante n’ait pas remarqué que l’OAI s’était trompé de caisse ne peut être considéré comme une négligence grave, cette erreur n’étant pas manifeste, à tout le moins pour un assuré agissant en personne. La recourante savait en outre que l’OCE avait reçu rapidement le projet, ce qui ressort de son courrier du 11 octobre 2023 et elle pouvait penser de bonne foi, certes à tort, que la caisse en avait eu ainsi connaissance, les compétences respectives de ces deux entités n’étant pas évidentes pour un profane. À nouveau, si une négligence peut lui être reprochée sur ce point, elle ne peut être que légère.
La recourante a allégué dans son courrier à l’OCE du 29 avril 2024 qu’elle avait pensé lorsqu’elle avait reçu la décision de l’OAI que celui-ci avait remboursé les organismes qui lui avaient avancé des sous. N’étant pas assisté d’un conseil, il n’apparaît pas non plus qu’une négligence grave puisse lui être reprochée à ce sujet, contrairement au cas faisant l’objet de l’arrêt C_43/2020 précité, étant relevé que la décision mentionnait effectivement des compensations.
En conclusion, la chambre de céans retient que la recourante remplit la condition de la bonne foi prévue par l’art. 25 al. 1 LPGA. Aussi la décision attaquée est-elle mal fondée et le recours doit-il être admis.
Une remise de l’obligation de restituer suppose non seulement que l’assurée soit de bonne foi, mais aussi, cumulativement, que la restitution la mettrait dans une situation difficile. L’intimé n’ayant pas examiné cette condition, la cause lui sera renvoyée à cette fin.
5. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Le déclare recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision litigieuse.
4. Renvoie la procédure à l’OCE pour nouvelle décision, au sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le