Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/863/2024 du 06.11.2024 ( AI ) , IRRECEVABLE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/966/2024 ATAS/863/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 6 novembre 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par Maître Diana ZEHNDER LETTIERI, avocate
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
1. a. Par décision du 16 février 2024, l’office de l’assurance invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a rejeté la demande de prestations de Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante).
b. Par courrier du 18 mars 2024, l’assurée, agissant en personne, a recouru contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation et à l’octroi d’un délai complémentaire pour motiver son recours.
c. Le 20 mars 2024, le greffe de la chambre de céans a demandé à l’assurée de lui transmettre la décision contre laquelle elle entendait recourir avec un délai au 3 avril 2024. Elle était informée que sa demande de délai supplémentaire pour compléter le recours serait examinée ultérieurement.
d. Le 22 mars 2024, la chambre de céans a informé l’assurée que son recours n’était pas conforme à l’art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10). Elle était invitée à exposer brièvement les raisons pour lesquelles elle saisissait la chambre de céans et contestait la décision attaquée en formulant les prétentions exactes qu’elle entendait faire valoir en transmettant les pièces qu’elle invoquait. Pour ce faire, un délai au 19 avril 2024 lui était octroyé pour motiver son recours, faute de quoi celui-ci serait écarté.
e. Le 3 avril 2024, la chambre de céans a reçu la décision du 16 février 2024, laquelle lui avait été transmise par courrier de la recourante du 28 mars 2024, ainsi que la copie d’un courrier adressé par l’OAI à l’assurée le 22 février 2024, se référant à sa demande de prestation du 23 septembre 2016 et lui faisant parvenir sa décision du 16 février 2024 transmise à son ancienne adresse. Ce courrier était adressé à l’assurée c/o Monsieur B______, avenue C_____, alors que la décision du 16 février 2024 mentionnait le nom de l’assurée et l’adresse de la rue D____.
f. Le 7 mai 2024, la chambre de céans a reçu une décision de l’Assistance juridique octroyant à l’assurée, avec effet au 12 avril 2024, douze heures d’activité d’avocat et commettant à cette fin Maître E______.
g. Le 14 mai 2024, la chambre de céans a écrit à Me E______ en le priant de se déterminer sur la recevabilité du recours interjeté le 18 mars 2024, dont le timbre postal était daté du 19 mars 2024, d’ici au 5 juin 2024.
h. Le 15 mai 2024, le conseil de l’assurée a informé la chambre de céans que sa mandante avait reçu le 8 mai 2024 la décision de l’Assistance juridique du 6 mai 2024 et qu’il ne lui avait malheureusement pas été possible de répondre à la chambre de céans dans le délai qui lui avait été imparti. Elle ne disposait, mis à part de quelques correspondances, d’aucune pièce de l’OAI.
Néanmoins, avec les explications que lui avaient fournies sa mandante, il était en mesure de préciser qu’elle avait été victime d’un accident du travail le 22 avril 2016, que son assurance avait pris en charge le cas durant deux ans avant de l’inviter à solliciter une rente auprès de l’OAI. Elle sollicitait une rente complète d’invalidité et un délai pour compléter son recours après avoir reçu une copie de son dossier auprès de l’OAI.
i. Le 5 juin 2024, le conseil de l’assurée s’est déterminé sur la recevabilité du recours de l’assurée. Suite à une erreur d’acheminement, en date du 22 février 2024, l’OAI avait nouvellement notifié à la recourante la décision entreprise, qui avait été reçue au plus tôt le 23 février 2024.
Par recours du 18 mars 2024, reçu par la chambre de céans le 20 mars 2024, elle avait conclu à l’annulation de la décision de l’OAI du 16 février 2024 et sollicité un délai pour motiver son recours.
La décision entreprise ayant été reçue par la recourante au plus tôt le lendemain de sa notification, soit le 23 février 2024, force était de reconnaître que le recours daté du 18 mars 2024 avait été déposé en temps utile.
Par courrier de la chambre de céans du 22 mars 2024, la recourante s’était vue accorder un délai au 19 avril 2024 pour motiver son recours, faute de quoi il serait considéré comme rejeté.
La recourante avait été mise au bénéfice de l’assistance juridique par décision du 6 mai 2024.
Le 14 mai 2024, la chambre de céans avait accordé à la recourante un délai au 5 juin 2024 pour se déterminer sur la recevabilité de son recours et cas échéant compléter celui-ci.
La recourante n’avait pas été en mesure d’agir dans le délai imparti au 19 avril faute de disposer du dossier médical AI.
Ce dossier avait été reçu par son conseil le 21 mai 2024.
Agissant dans le délai imparti, la recourante sollicitait respectueusement de la chambre de céans que l’examen du recours soit à titre préliminaire limité à l’examen de la recevabilité du recours.
Selon la jurisprudence constante, l’art. 89B LPA devait être interprété à l’aune de l’art. 61 let. b de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), ce qui signifiait que les exigences de forme et de contenu de l’acte introductif était peu élevées (ATAS/804/2016 du 11 octobre 2016).
Dans sa décision du 23 novembre 2015 (ATAS/904/2015 consid. 3 let. c), l’autorité de recours précisait que bien que le juge saisi d’un recours ne doive pas se montrer strict dans l’appréciation de la forme et du contenu de l’acte de recours, l’intéressé devait néanmoins manifester clairement et par écrit sa volonté d’obtenir la modification de la décision. À défaut, l’écriture qu’il produisait ne pouvait être considérée comme une déclaration de recours.
L’art. 89B al. 3 LPA trouvait application après que le recourant avait été interpellé et qu’un délai avait été fixé pour remédier au vice constaté. Selon la jurisprudence constante, un délai convenable devait être accordé non seulement lorsque l’acte de recours était insuffisamment motivé, mais également en l’absence de toute motivation pour autant que le recourant ait clairement exprimé sa volonté de recourir contre une décision déterminée dans le délai légal de recours, l’abus de droit demeurant réservé (ATAS/1010/2014 du 17 septembre 2014 consid. 3).
En l’espèce, la recourante avait clairement exprimé sa volonté de contester la décision de refus de prestation de l’OAI du 16 février 2024, concluant à son annulation et sollicitant un délai pour présenter les motifs de son recours.
Bien qu’il ne soit pas contesté qu’elle n’avait pas agi dans le délai prolongé au 19 avril 2024, il restait que celle-ci ne disposait d’aucune pièce médicale, qu’elle avait sollicité l’assistance juridique et requis une copie du dossier de l’assurance-invalidité.
Conclure à l’irrecevabilité du recours pour cause d’inobservation du délai se révèlerait en l’espèce arbitraire et cela constituerait un formalisme excessif de refuser d’examiner le fond de la cause. La stricte application des règles de procédure ne se justifiait en l’espèce par aucun intérêt digne de protection et entravait de manière inadmissible l’accès aux tribunaux.
La recourante concluait à ce que son recours soit déclaré recevable à la forme et sollicitait un délai supplémentaire de 10 jours pour motiver son recours.
Elle faisait valoir que le dossier de l’assurance-invalidité ne lui était parvenu que le 21 mai 2024 et qu’il était volumineux. En conséquence il était demandé un délai supplémentaire de dix jours, soit au 15 juin 2024 pour compléter et motiver son recours.
j. Par réponse du 4 juillet 2024, l’OAI a relevé que par courrier du 27 décembre 2023, la recourante lui avait demandé de transmettre une copie de son dossier à son médecin-traitant (psy réuni), ce qui avait été fait le 5 janvier 2024. Elle avait dès lors la possibilité de prendre connaissance de son dossier par le biais de son médecin-traitant pour pouvoir se déterminer dans le délai imparti.
La recourante n’ayant pas déposé une écriture correspondant aux conditions formelles d’un recours dans le délai supplémentaire imparti par la chambre de céans, l’intimé concluait à l’irrecevabilité du recours.
k. La commission du barreau a informé la chambre de céans le 6 août 2023 que son président avait nommé le jour précédent Me Diana ZEHNFER LETTIERI, avocate, en qualité de suppléante de Me E______, décédé le 31 juillet 2024.
l. Par courrier du 26 août 2024, la chambre de céans a imparti un délai à Maître Diana ZEHNDER LETTIERI pour formuler d’éventuelles observations.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Selon l’art. 78 let. f de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) l’instruction du recours est suspendue notamment par le décès de l’avocat constitué.
En l’espèce, une suspension ne se justifie pas, la commission du barreau ayant nommé Me Diana ZEHNFER LETTIERI pour suppléer Me E______, qui avait été nommé d’office par le service de l’Assistance juridique.
3. Le litige porte sur la recevabilité du recours.
3.1 En matière d’assurances sociales, les décisions peuvent être attaquées dans les 30 jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure (art. 52 al. 1 LPGA), et ce sont les décisions sur opposition (et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte) qui sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA).
En vertu de l'art. 61 let. b LPGA, sous réserve de l’art. 1 al. 3 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est réglée par le droit cantonal.
Selon l’art. 89B LPA, le recours est adressé à la chambre des assurances sociales soit par une lettre soit par un mémoire signé comportant notamment un exposé succinct des faits ou des motifs invoqués et des conclusions (al. 1). Si l’acte n’est pas conforme à ces règles, un délai convenable est imparti à son auteur pour le compléter en indiquant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté (al. 3).
Selon la jurisprudence, les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l'octroi d'un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l'assuré sans connaissances juridiques qui, dans l'ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l'échéance du délai de recours ou de l'opposition, pour autant qu'il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l'annulation d'une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l'abus de droit. L'existence d'un éventuel abus de droit peut être admise plus facilement lorsque l'assuré est représenté par un mandataire professionnel, dès lors que celui-ci est censé connaître les exigences formelles d'un acte de recours ou d'une opposition et qu'il lui est également connu qu'un délai légal n'est pas prolongeable. En cas de représentation, l'octroi d'un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s'impose uniquement dans la situation où l'avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps à l'intérieur du délai légal non prolongeable du recours, respectivement de l'opposition, pour motiver ou compléter la motivation insuffisante de l'écriture initiale. Il s'agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n'est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu'il n'est pas possible à ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n'y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s'il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l'écriture initiale qu'il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors du cas de figure décrit, les conditions de l'octroi d'un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas données et il n'y a pas lieu de protéger la confiance que le mandataire professionnel a placée dans le fait qu'un tel délai lui a - à tort - été accordé (arrêt 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 4 et les références).
3.2 Une restitution de délai peut être accordée, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ait été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé (art. 41 LPGA) et pour autant qu’une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l’empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé. Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a; ATF 112 V 256 consid. 2a).
Entrent en ligne de compte non seulement l'impossibilité objective ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement en ce sens qu'est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un intéressé, respectivement son représentant, consciencieux d'agir dans le délai fixé (arrêts 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1 et les références citées; 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2; 5A_30/2010 du 23 mars 2010 consid. 4.1 et les références citées; GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, t. I, 1999, n° 40 ad art. 33 LP).
Un empêchement non fautif a notamment été admis en cas de soudaine incapacité de discernement, de maladie grave et subite, d'accident ou de perte d'un proche. L'empêchement perdure aussi longtemps que l'intéressé n'est pas en mesure - compte tenu de son état physique ou mental - d'agir en personne ou d'en charger un tiers (ATF 119 II 86 consid. 2a; arrêts 5A_383/2012 du 23 mai 2012 consid. 2.2; 5A_30/2010 du 23 mars 2012 consid. 4.1; 5A_566/2007 du 26 novembre 2007 consid. 3). La maladie peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai de recours, si elle met la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (ATF 119 II 86 consid. 2 p. 87, 112 V 255; arrêt 8C_767/2008 du 12 janvier 2009, consid. 5.3.1).
4. En l’espèce, la recourante n'a pas exposé les faits ni les motifs invoqués contre la décision du 16 février 2024 dans son courrier adressé à chambre de céans le 19 mars 2024. Il se justifiait en conséquence de lui octroyer un délai supplémentaire pour ce faire en application de l’art. 89B LPA.
La recourante n’a pas complété son recours dans le délai fixé au 19 avril 2024 alors qu’elle avait été avertie qu’à défaut son recours serait déclaré irrecevable. Le fait qu’elle n’avait pas toutes les pièces du dossier et que le service de l’Assistance juridique n’avait pas encore répondu à sa demande ne saurait fonder une restitution du délai qui lui avait été accordé sous peine d’irrecevabilité. En cas de besoin, elle devait demander de l’aide pour compléter son recours, ce qu’elle pouvait faire de manière succincte, les exigences de motivation étant limitées pour un recourant agissant en personne.
5. En conséquence, le recours du 8 février 2023 doit être déclaré irrecevable.
La procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
A la forme :
1. Déclare le recours irrecevable.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le