Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/838/2024 du 28.10.2024 ( LAA ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/813/2024 ATAS/838/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 octobre 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par Me Thierry ULMANN, avocat
| recourant |
contre
ALLIANZ SUISSE SOCIETE D'ASSURANCE S.A. représentée par Me Fabrice COLUCCIA, avocat
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intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1982, au bénéfice d’un bachelor en économie d’entreprise – ressources humaines de la Haute école de gestion, travaillait depuis le 12 octobre 2007 pour le B______ (B______) et était assuré à ce titre pour les accidents professionnels et non professionnels auprès d’ALLIANZ SUISSE SOCIETE D’ASSURANCE S.A. (ci‑après : l’assurance).
b. Le 8 décembre 2010, l’assuré a été victime d’un accident alors qu’il circulait au guidon d’un motocycle, il est entré en collision avec un véhicule qui venait de s’engager sur sa route et qui ne lui a pas accordé la priorité. L’assuré, qui circulait à environ 50 km/h, n’a pas réussi à s’arrêter malgré un freinage d’urgence. Le pneu avant de son scooter a glissé sur la chaussée détrempée avant de venir percuter le flanc gauche du véhicule. Présentant notamment un hématome à la tête, l’assuré a été transporté en ambulance aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG ; rapport de police du 13 décembre 2010).
B. a. Le résumé de séjour de l’assuré du 9 décembre 2010 au service des urgences des HUG atteste comme diagnostic principal une hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique et une perte de connaissance avec amnésie circonstancielle. L’assuré se plaignait de douleurs basi-thoraciques droites et au flanc droit. Alors qu’il roulait sur un scooter, il avait été éjecté, avec réception frontale sur le sol, avec une haute énergie (50 km/h).
b. Le 17 février 2011, le docteur C______, spécialiste FMH en neurologie, a mentionné que l’assuré avait présenté une perte de connaissance et un traumatisme crânio-cérébral (ci-après : TCC). Le scanner avait montré une hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite. Sur le plan des organes et du tronc, il n’y avait aucune lésion visible, qu’elle soit abdominale ou thoracique. Le diagnostic était des troubles neuropsychologiques post-traumatiques persistants.
c. L’assuré a été soumis à un examen neuropsychologique les 18 et 19 avril 2011 par Madame D______, psychologue-neuropsychologue FSP, laquelle a conclu à des troubles cognitifs sévères, avec au premier plan un ralentissement psychomoteur et des troubles attentionnels sévères, auxquels s’associaient des troubles exécutifs modérés et des difficultés mnésiques sensibles en modalité verbale. Quatre mois post TCC, ces troubles cognitifs en constituaient les séquelles. Celles-ci étaient sévères et de nature à empêcher actuellement toute reprise de l’activité professionnelle. Vu la sévérité du tableau d’atteinte cognitive, elle proposait une réhabilitation neuropsychologique. L’assuré, qui voulait se présenter au test d’admission pour l’école de police des finances, était seulement partiellement nosognosique de ses difficultés cognitives (rapport du 19 avril 2011).
d. Le 2 mai 2011, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté de troubles mnésiques et cognitifs marqués. Des démarches étaient faites pour entreprendre un suivi neuropsychologique adapté avec un traitement de l’atteinte mnésique et cognitive. L’assuré était objectivement dans l’incapacité d’entreprendre de nouvelles études ou d’avoir une activité professionnelle.
e. Le 5 mai 2011, D______ a attesté, vu les sévères troubles cognitifs, qu’une réhabilitation neuropsychologique était nécessaire auprès d’un spécialiste et l’assuré a été soumis à un examen neuropsychologique les 21, 29 mai et 8 juin 2012 par Madame F______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP, laquelle effectuait son suivi depuis mai 2011, à raison de deux fois par semaine ; cet examen a conclu à des troubles cognitifs, comportementaux et émotionnels de nature modérée à sévère compatibles avec les séquelles du TCC du 8 décembre 2010. L’assuré était partiellement nosognosique de ses troubles cognitifs. Il était peu conscient de la gravité de ses troubles et des répercussions que cela pouvait avoir dans le cadre professionnel. Il n’avait aucun souvenir de son accident. Un bilan logopédique complet paraissait justifié. Compte tenu des troubles, de leur intensité et de la nosognosie partielle, la reprise d’un emploi paraissait risquée et prématurée. L’assuré insistait toutefois très fortement depuis le début à cette reprise professionnelle. Il avait trouvé, par lui‑même, un emploi à 20% (rapport du 29 juin 2012).
f. Dès le 1er juillet 2012, l’assuré a travaillé à 20% comme comptable, par le biais de mesures thérapeutiques, puis à 30% dès décembre 2012.
g. Par décision du 4 mars 2016, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité (100%) depuis le 1er mai 2015.
h. L’assuré a été soumis à plusieurs bilans neuropsychologiques d’évaluation par F______ et les troubles constatés étaient compatibles avec les séquelles liées à son TCC sévère, en lien avec la présence d’un état anxio-dépressif marqué et réactionnel ; une forme de stabilisation était atteinte (rapport du 31 mai 2016).
i. Le 19 octobre 2016, le G______ (ci-après : G______) (docteurs H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, I______, spécialiste FMH en neurologie, et Madame J______, neuropsychologue FSP) a rendu un rapport d’expertise à la demande de l’assurance.
L’assuré se plaignait d’une fatigue majeure, de troubles du sommeil, de la concentration, de la mémoire, de l’équilibre, de maux de tête, de douleurs à l’épaule droite, dorsales, costales droites, au genou gauche et de troubles du comportement avec agressivité.
Les experts ont posé le diagnostic de status après accident de la voie publique le 8 décembre 2010 ayant entraîné un TCC modéré à moyennement important avec hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite ; sur le plan neuropsychologique : des troubles attentionnels, mnésiques et exécutifs, fatigabilité, changements comportementaux et émotionnels consécutifs à l’événement accidentel du 8 décembre 2010 ; un syndrome post-commotionnel (F07.2) associant des céphalées, sensations vertigineuses, fatigue, irritabilité, troubles cognitifs, sentiments dépressifs et anxieux ; un syndrome de dépendance à l’alcool utilisation épisodique (F10.26) depuis 2013 d’après les souvenirs de l’assuré.
Du point de vue neurologique, l’évolution pouvait être considérée comme normalement favorable bien que persistaient encore un syndrome post-commotionnel modéré caractérisé par des maux de tête, des troubles de l’équilibre, une fatigabilité. On était quelque peu étonné par l’importance des troubles neuropsychologiques et comportementaux par rapport au caractère objectivement relativement modeste du traumatisme sur le plan radiologique, notamment en l’absence de contusion cérébrale objectivée. Les facteurs psychologiques dans l’évolution défavorable devaient être discutés. Les quelques plaintes formulées actuellement par l’assuré ne représentaient pas une cause d’incapacité de travail dans l’activité exercée préalablement ainsi que dans toute autre activité potentiellement exigible. Cette appréciation ne tenait bien entendu pas compte des éléments neuropsychologiques et psychiatriques.
Du point de vue psychiatrique, le tableau clinique était compatible avec un diagnostic de syndrome post-commotionnel (F07.2), associant des céphalées, sensations vertigineuses, fatigue, irritabilité, troubles cognitifs, sentiments dépressifs et anxieux. Ce trouble était clairement lié à l’accident de fin 2010. L’assuré ne souffrait pas de trouble psychiatrique avant l’accident. Il souffrait également d’une problématique d’alcool, dépendance pendant une année et abus occasionnels d’alcool depuis 2014, un diagnostic supplémentaire de syndrome de dépendance à l’alcool utilisation épisodique (F10.26) était donc retenu. Les limitations fonctionnelles n’étaient pas d’ordre psychiatrique, mais étaient liées aux troubles cognitifs. Du point de vue strictement psychiatrique, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles. La capacité de travail était complète dans toute activité sans diminution de rendement.
Du point de vue neuropsychologique, l’examen mettait en évidence un déficit attentionnel, mnésique et de plusieurs mécanismes exécutifs (organisation, flexibilité, inhibition), une fatigabilité ; existaient au dossier des informations faisant état de changements comportementaux, d’une incapacité de gestion financière, d’un isolement social, d’une perte de plaisir, d’une mauvaise gestion émotionnelle avec irritabilité. Par rapport à l’examen pratiqué par F______ en mai 2016, le tableau était globalement superposable.
Les déficits cognitifs résiduels étaient importants et de nature à contre-indiquer une activité comportant des responsabilités, impliquant des aptitudes de gestion, de prise de décisions, d’organisation, de planification ou d’anticipation, ainsi que d’adaptation stratégique. En effet, au vu du risque élevé d’erreurs lié aux troubles mnésiques, attentionnels et exécutifs, de la faible acceptation des déficits par l’assuré, des difficultés de concentration, d’organisation et d’adaptation mentale rapide, de la fatigabilité et du rythme de travail lent, seul un poste à responsabilité limitée, en petite équipe, n’impliquant pas ou peu de contact avec la clientèle et ne plaçant pas l’assuré en situation de rythme de travail imposé (tel qu’un travail sur une chaîne de production) paraissait envisageable, ceci afin de permettre l’aménagement de pauses, un fractionnement des horaires et une surveillance, par un tiers responsable, des productions de l’assuré. D’autre part, en raison de la fatigabilité objectivée lors de l’examen, une telle activité adaptée pourrait être effectuée à un taux ne dépassant pas 50% (4 heures par jour).
À plus de cinq ans de l’événement accidentel, les troubles cognitifs étaient encore significatifs. Bien que la neuropsychologue rejoignait l’avis du neurologue quant à une certaine incongruence entre la bonne évolution, sur le plan radiologique, des lésions cérébrales post-traumatiques et la persistance de plaintes et de dysfonctionnements cognitifs importants, la nature des déficits cognitifs, l’absence d’arguments en faveur d’un défaut d’effort, d’une affection psychiatrique invalidante ou d’autres facteurs étrangers à l’accident amenaient à penser qu’ils étaient en relation de causalité naturelle avec l’accident de décembre 2010.
Les déficits neuropsychologiques étaient une conséquence naturelle de l’accident du 8 décembre 2010. La capacité de travail était nulle comme agent de sécurité et de 50% dans une activité adaptée. Le tableau paraissait stabilisé.
L’association de troubles cognitifs affectant plusieurs secteurs de la cognition (dans le cas présent : la mémoire de travail et épisodique verbale, l’attention soutenue et les aptitudes d’inhibition / organisation / flexibilité), entraînant des modifications comportementales et socio-relationnelles significatives (achats compulsifs, mauvaise gestion émotionnelle, sensibilité accrue au stress, inadéquation dans les relations sociales à l’origine de tensions et conflits avec les ami-e-s, la famille) compromettant le retour à l’ancienne place de travail et incompatibles avec l’exercice de métiers comportant des responsabilités mêmes réduites, correspondaient à une atteinte à l’intégrité modérée à moyenne, de 35%, selon la table 8 de la SUVA.
Avant l’accident, l’assuré n’avait jamais souffert de trouble psychiatrique ni de personnalité pathologique. Les changements comportementaux étaient à mettre, entre autres, sur le compte des pertes auxquelles cet assuré avait dû faire face (santé, réseau social, travail).
j. Par décision du 26 janvier 2018, l’assurance a cessé toute prestation au 1er novembre 2017 ; le TCC subi, qui n’avait entraîné aucune lésion cérébrale, se situait au niveau d’une commotion cérébrale.
Les experts n’avaient pas retenu uniquement sur le plan neurologique une discordance entre l’importance des troubles (il n’y en avait pratiquement pas au niveau neurologique) et le caractère modeste du traumatisme au niveau radiologique. Même lorsqu’il s’était agi d’apprécier le lien causal (naturel) par rapport aux dysfonctionnements cognitifs et émotionnels, l’expert neuropsychologue s’était lui aussi étonné d’un certain manque de congruence. Par ailleurs, en l’absence de séquelles physiques, il n’y avait pas de droit à une indemnité pout atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI). Enfin, l’effet suspensif de l’opposition était retiré.
k. Par décision du 20 décembre 2018, l’assurance a rejeté l’opposition de l’assuré au motif qu’aucun critère pertinent pour admettre la causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident, de gravité moyenne, n’était donné.
C. a. Le 18 janvier 2019, l’assuré, représenté par son conseil, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de cette décision, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif au recours avec le versement des indemnités journalières depuis le 1er novembre 2017, à la comparution personnelle des parties et à l’audition des médecins traitants et, principalement, à l’annulation de la décision et à l’octroi des prestations d’assurance depuis le 1er novembre 2017, dont la prise en charge des traitements médicaux et le versement d’une IPAI. Par ailleurs, il contestait l’IPAI de 35% retenue par les experts. En lisant leur rapport, il était évident que l’atteinte à l’intégrité psychique était de 50%. Par conséquent, les séquelles étaient d’une gravité particulière.
b. Le 4 février 2019, l’assurance a rendu une nouvelle décision sur opposition, identique à celle du 20 décembre 2018, sous réserve qu’elle spécifiait que l’effet suspensif d’un éventuel recours était retiré.
c. Par arrêt du 2 décembre 2019 (ATAS/1117/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé les décisions de l’assurance des 20 décembre 2018 et 4 février 2019, dit que les troubles neuropsychologiques et psychiques dont souffre l’assuré sont en lien de causalité avec l’accident du 8 décembre 2010, dit que l’assuré a droit, postérieurement au 1er novembre 2017, au versement des prestations temporaires (indemnités journalières et prise en charge du traitement médical) pour les troubles neuropsychologiques et psychiques, renvoyé la cause à l’assurance pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
d. Le 22 juin 2021, l’assuré a mis en demeure l’assurance de se prononcer sur son droit à une rente d’invalidité. Le 1er juillet 2021, l’assurance a informé l’assuré qu’une expertise serait mise sur pied en juillet, suite à l’arrêt de renvoi du 2 décembre 2019, et s’est excusée pour l’instruction du dossier, bâclée depuis une année. Le 7 juillet 2021, l’assuré a requis une décision de la part de l’assurance.
e. À la demande de l’assurance, le docteur K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a rendu le 22 mars 2022 un rapport d’expertise selon lequel, à l’exception des troubles neuropsychologiques, les autres lésions n’étaient pas en lien probable avec l’accident et l’assuré n’avait aucun problème somatique avant celui-ci. La capacité de travail était nulle en raison des troubles neuropsychologiques.
f. Le 15 septembre 2022, l’assuré a contesté les conclusions orthopédiques de l’expertise du Dr K______ et le 24 janvier 2023, le Dr K______ a confirmé les conclusions de son expertise.
g. Le 17 avril 2023, l’assurance a informé l’assuré qu’une expertise neuropsychologique était nécessaire afin de pouvoir examiner et, le cas échéant, fournir pour l’assuré d’autres prestations conformément aux dispositions légales. Il lui était proposé, à choix, deux centres d’expertises.
h. Le 24 avril 2023, l’assuré a contesté le bien-fondé d’une nouvelle expertise neuropsychologique, vu l’ATAS/1117/2019 admettant le lien de causalité entre l’accident et les troubles psychologiques et neuropsychologiques dont il souffrait et le 5 mai 2023, l’assurance a indiqué à l’assuré qu’une seconde opinion neurologique était nécessaire afin d’examiner si le lien de causalité naturelle était toujours donné, la capacité de travail de l’assuré, le statu quo ante, le droit à une IPAI et l’existence d’une impotence.
i. Le 23 mai 2023, F______ a rendu un rapport, adressé au docteur L______, médecin-conseil de l’assurance. Elle continuait le suivi de l’assuré. Un nouveau bilan, effectué en janvier 2023, concluait à un état de santé stable depuis plusieurs années, grâce à la prise en charge thérapeutique. Dans ces conditions, elle ne comprenait pas le sens d’une nouvelle expertise, le dossier sur lequel s’était basée la chambre de céans en 2019 comprenait tous les éléments pertinents, l’état définitif était atteint depuis l’expertise du G______ en 2016.
j. Le 19 juin 2023, le Dr L______ a constaté qu’une seconde opinion (après celle de F______) était désirable, qu’il y avait au dossier une expertise orthopédique mais pas d’expertise neuropsychologique ou multidisciplinaire, de sorte qu’une expertise lui semblait indispensable.
k. Le 28 juin 2023, le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a répondu à un questionnaire de l’assurance. Les troubles neuropsychologiques étaient décrits par le G______ en 2016 comme étant probablement stabilisés mais des performances fluctuantes étaient, d’un autre côté, relevées. Il n’y avait pas véritablement de plaintes psychiatriques. S’agissant de la nécessité d’une expertise, il ne semblait pas y avoir de fait nouveau.
l. Le 4 juillet 2023, le Dr E______ a estimé que les plaintes somatiques étaient en lien avec l’accident.
m. Le 29 juillet 2023, Madame N______, neuropsychologue FSP, a répondu à des questions de l’assurance. Elle a estimé que l’expertise neuropsychologique du G______ de 2016 comportait des lacunes. Le cas était sans aucun doute stabilisé depuis de nombreuses années, au plus tard depuis l’expertise neuropsychologique d’août 2016. Une expertise en neuropsychologie, psychiatrie et neurologie était nécessaire pour se déterminer sur la capacité de travail et la causalité naturelle des troubles allégués.
n. Le 28 septembre 2023, l’assuré a écrit à l’assurance qu’il contestait, d’une part, l’expertise du Dr K______, d’autre part, la nécessité de se soumettre à une nouvelle expertise neuropsychologique, psychiatrique et neurologique car son état était stable, ce que reconnaissaient le Dr M______ et N______. Il a requis une décision se prononçant sur son droit à une rente d’invalidité.
o. Par décision du 5 octobre 2023, l’assurance a considéré que l’assuré refusait catégoriquement de se soumettre aux expertises demandées, de sorte que les prestations d’assurance cesseraient au 30 septembre 2023, jusqu’à l’acceptation de se soumettre à une expertise pluridisciplinaire. L’effet suspensif à une éventuelle opposition était retiré.
p. Le 6 novembre 2023, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à son annulation, à ce que l’assurance reprenne le versement des indemnités journalières ainsi que la prise en charge des frais de traitement dès le 30 septembre 2023 et à ce qu’elle statue sur son droit à une rente d’invalidité et à une IPAI de 50%.
q. Par décision du 6 février 2024, l’assurance a rejeté l’opposition et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.
D. a. Le 7 mars 2024, l’assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de la décision précitée, en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et à la condamnation de l’assurance de verser les indemnités journalières depuis le 1er octobre 2023 et à prendre en charge les frais de traitement, ainsi qu’à l’ouverture d’enquêtes et, principalement, à l’annulation de la décision et au constat qu’une nouvelle expertise pluridisciplinaire n’est pas nécessaire, au versement par l’assurance des prestations d’assurance (indemnités journalières et frais de traitement), à la constatation du lien de causalité entre les lésions orthopédiques et l’accident, et à ce qu’il soit ordonné de convertir les indemnités journalières en rente, et à lui verser une IPAI de 50%.
b. Le 22 mars 2024, l’assurance, représentée par un avocat, a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, au motif qu’il n’existait aucun motif raisonnable pour refuser une expertise pluridisciplinaire.
c. Le 27 mars 2024, l’assurance a communiqué son dossier.
d. Par arrêt incident du 28 mars 2024 (ATAS/209/2024), la chambre de céans a restitué l’effet suspensif au recours, en considérant que les avis médicaux invoqués ne permettaient pas de justifier la nécessité d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire, laquelle apparaissait comme un procédé permettant à l’intimée de mettre en cause l’expertise du G______, jugée probante par la chambre de céans et d’obtenir une seconde opinion, ce qui n’était pas autorisé. On ne pouvait, dans ces conditions, considérer que le refus du recourant était inexcusable au sens de l’art. 43 LPGA ou que l’expertise pluridisciplinaire pouvait raisonnablement lui être imposée au sens de l’art. 55 OLAA.
e. Le 2 mai 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours, en se ralliant à un avis de N______ du 28 avril 2024. L’arrêt incident du 28 mars 2024 était contesté. Il existait de sérieux indices qui remettaient en cause la valeur probante de l’expertise du G______. Celle-ci ne répondait pas aux critères actuels de valeur probante du point de vue neuropsychologique.
f. Par ordonnances des 18 juin et 29 août 2024, la procédure a été suspendue d’entente entre les parties, puis reprise à la requête du recourant.
g. Le 30 septembre 2024, le recourant a répliqué, en relevant que N______, dans son avis du 28 avril 2024, n’invoquait aucun fait nouveau et constatait que l’état était stabilisé depuis 2016. Par ailleurs, l’expertise du Dr K______ n’était pas probante. L’intimée avait commis un déni de justice en refusant de statuer sur son droit à une rente d’invalidité. Il requérait la prise en charge par l’intimée de ses soins neuropsychologiques et orthopédiques ainsi qu’une IPAI de 50%. L’indemnité de dépens devait tenir compte de la manière dont l’intimée avait profité de sa position à son égard et n’avait pas respecté les règles de base du jeu judiciaire.
h. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).
2. Le litige porte sur le droit de l’intimée de supprimer le versement des prestations d’assurance au recourant tant que celui-ci refuse de se soumettre à une expertise neuropsychologique, psychiatrique et neurologique. Il porte également sur la question de savoir si l’intimée a commis un déni de justice en ne se prononçant pas sur le droit du recourant à une rente d’invalidité et sur le montant de l’IPAI. En revanche, il ne porte pas, à ce stade et à teneur de la décision litigieuse, sur le lien de causalité entre les atteintes orthopédiques du recourant et l’accident, pas plus que sur l’examen de la valeur probante de l’expertise du Dr K______.
3.
3.1 Selon l’art. 43 LPGA, l’assurance examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1) ; l’assurance détermine la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire (al. 1bis) ; l’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2) ; si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assurance peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).
3.2 Selon l’art. 55 al. 2 OLAA, l’assuré ou ses survivants doivent donner tous les renseignements nécessaires et tenir à disposition les pièces qui servent à déterminer les circonstances et les suites de l’accident et à fixer les prestations d’assurance, en particulier les rapports médicaux, les rapports d’expertises, les radiographies et les pièces permettant de déterminer le gain de l’assuré.110 Ils doivent autoriser des tiers à fournir de tels documents et à donner des renseignements (al. 1) ; l’assuré doit se soumettre à d’autres mesures d’investigation ordonnées par l’assurance en vue d’un diagnostic et de la fixation des prestations, en particulier aux examens médicaux que l’on peut raisonnablement lui imposer. Ne sont pas raisonnablement exigibles les mesures médicales qui représentent un danger pour la vie ou la santé de l’assuré (al. 2).
3.3 Les conséquences procédurales prévues en cas de violation de l’obligation de renseigner ou de collaborer n’entrent en considération que si le comportement de la personne assurée peut être qualifié d’inexcusable. Tel est le cas lorsqu’aucun motif légitime n’est perceptible ou lorsque le comportement de la personne assurée apparait comme totalement incompréhensible. Il en va différemment lorsque la personne assurée n’est pas en mesure, en raison d’une maladie ou pour d’autres motifs, de donner suite aux mesures ordonnées ou refuse de se soumettre à une nouvelle expertise, parce que le dossier contient déjà une expertise conforme aux exigences de la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral U 571/2006 du 29 mai 2007 ; DUPONT / MOSER-SZELESS, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, édition 2018, n. 51, p. 544).
4.
4.1 D'après un principe applicable dans la procédure administrative en général, lorsqu'une autorité de recours statue, explicitement ou implicitement, par une décision de renvoi, l'autorité à laquelle la cause est renvoyée, de même que celle qui a rendu la décision sur recours sont tenues de se conformer aux instructions du jugement de renvoi. Ainsi, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit du jugement de renvoi. L'autorité inférieure voit donc sa latitude de jugement limitée par les motifs du jugement de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a été déjà définitivement tranché par l'autorité de recours, laquelle ne saurait, de son côté, revenir sur sa décision à l'occasion d'un recours subséquent (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2011 du 3 janvier 2012, consid. 4.1). Des faits « nouveaux » importants, qui existaient déjà avant l'arrêt de renvoi mais ont été découverts subséquemment par l'intéressé (faux nova), peuvent rompre l'autorité attachée à l'arrêt de renvoi (arrêts du Tribunal fédéral 8C_152/2012 du 3 août 2012, consid. 4.1 et 4.2 ; 9C_340/2013 du 25 juin 2013 consid. 3.1 et 3.2). Ainsi, une autorité administrative doit se conformer aux instructions d’un jugement de renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_115/2021 du 15 décembre 2021).
4.2 En principe, seul le dispositif du jugement est revêtu de l’autorité de chose jugée. Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_837/2011 du 29 juin 2012 ; ATF 138 V 298 consid. non publié 4.2). Pour connaitre le sens et la portée exacts du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement (ATF 142 III 210).
5. En l’espèce, l’arrêt de la chambre de céans du 2 décembre 2019, contre lequel l’intimée a renoncé à recourir, est devenu définitif et dit, dans son dispositif, que les troubles neuropsychologiques et psychiques dont souffre le recourant sont en lien de causalité avec l’accident et que ce dernier a droit, postérieurement au 1er novembre 2017, au versement de prestations temporaires pour ces troubles. La cause a été renvoyée à l’intimée pour instruction des atteintes orthopédiques, puis détermination du droit du recourant à une rente complémentaire d’invalidité et à une IPAI.
5.1 La chambre de céans a considéré que l’expertise pluridisciplinaire du G______, comprenant les volets psychiatrique, neurologique et neuropsychologique était probante. Selon celle-ci, les troubles neuropsychologiques et psychiques présentés par le recourant étaient en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident ; le recourant présentait une capacité de travail nulle comme agent de sécurité et au mieux de 50% dans une activité adaptée, soit une activité à faible responsabilité, au sein d’une petite équipe, n’impliquant pas ou peu de contact avec la clientèle et ne le plaçant pas en situation de rythme de travail imposé, ceci afin de permettre l’aménagement de pauses, un fractionnement des horaires et une surveillance, par un tiers responsable, de ses productions. Le tableau paraissait stabilisé et ne devait plus évoluer de façon significative.
Au demeurant, une instruction complémentaire n’a été jugée nécessaire par la chambre de céans que concernant l’aspect orthopédique, à l’exclusion des volets psychiatrique, neuropsychologique et neurologique. En particulier, le renvoi à l’intimée pour calculer à nouveau l’IPAI n’a pas été conditionné à une nouvelle expertise psychiatrique, la chambre de céans ayant uniquement précisé qu’il incombait à l’intimée d’effectuer une nouvelle évaluation globale, tenant compte des aspects psychiatrique, neuropsychologique et, le cas échéant, après instruction complémentaire, orthopédique. Par ailleurs, la capacité de travail de 50% arrêtée par le G______ devait être analysée après l’instruction orthopédique, afin de déterminer si elle était également compatible avec une activité professionnelle.
5.2 L’intimée, qui n’invoque aucun motif de révision qui justifierait de s’écarter de l’arrêt de renvoi, est liée par celui-ci.
À cet égard, F______ a confirmé, dans ses appréciations des 30 janvier et 23 mai 2023, que l’état du recourant était stable depuis plusieurs années, ce que les spécialistes consultés par l’intimée, le Dr M______ et N______, ont également confirmé. Le Dr M______ a indiqué qu’il ne semblait pas y avoir de fait nouveau, l’état étant considéré comme stabilisé en 2016 (avec un conditionnel sur l’éventualité d’un progrès) et N______ a souligné que le cas était stabilisé depuis de nombreuses années, au plus tard depuis l’expertise neuropsychologique d’août 2016. Dans son dernier avis du 28 avril 2024, celle-ci a répété que l’état de santé neuropsychologique en soi du recourant n’allait pas changer et n’avait pas changé depuis 2016 ; son état était stabilisé du point de vue neuropsychologique. Elle s’est ainsi bornée à mentionner qu’une majoration des symptômes ne pouvait pas être exclue, sans évoquer d’éléments concrets probants, et a estimé que la création, en 2020, d’un groupe de travail dans le but notamment d’édicter de nouvelles lignes directrices, ainsi que la rédaction d’un article approfondi de mise à jour des connaissances et pratiques, à laquelle elle avait participé, justifiaient de qualifier l’expertise neuropsychologique du G______ de non probante ainsi que la mise sur pied d’une nouvelle expertise. En particulier, elle souligne que le recourant présente une incapacité de travail au moins partielle depuis de nombreuses années, non reconnue jusqu’ici bien que présente, en relevant qu’il existe une incohérence entre, d’une part, une aptitude à la conduite du recourant et, d’autre part, la sévérité des troubles allégués et leur impact sur la capacité de travail. Or, cette conclusion est prise sans avoir examiné le recourant, ni testé celui-ci, et ignore les conclusions de l’expertise du G______, laquelle retient déjà une capacité de travail partielle du recourant.
Au vu de ce qui précède, N______ s’est principalement attachée à mettre en cause la valeur probante de l’expertise du G______ et à proposer, pour ce motif, une nouvelle expertise pluridisciplinaire. Or, ces griefs auraient dû être soulevés dans le cadre d’un recours à l’encontre de l’arrêt de renvoi de la chambre de céans, dès lors que celui-ci a reconnu une pleine valeur probante à l’expertise du G______.
Quant au Dr L______, comme relevé par le recourant, il n’a pas du tout tenu compte du dossier médical, puisqu’il propose une expertise pluridisciplinaire au motif qu’aucune expertise neuropsychologique ou multidisciplinaire n’est présente au dossier, ignorant totalement le rapport d’expertise pluridisciplinaire du G______. L’intimée n’a même pas pris la peine d’attirer son attention sur cette erreur, ce qui aurait éventuellement permis d’obtenir un avis probant de son médecin-conseil.
Dans ces conditions, l’imposition au recourant par l’intimée, sur la base de l’avis du médecin-conseil et de N______, d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire, psychiatrique, neurologique et neuropsychologique, n’est pas justifiée et est contraire à l’arrêt de renvoi précité. Elle l’est d’autant moins qu’aucun élément nouveau n’est avancé par l’intimée pour justifier une nouvelle appréciation médicale, l’évocation d’un article scientifique, auquel N______ aurait participé postérieurement à l’expertise du G______, ne pouvant être qualifiée de fait nouveau, dans le sens de faux nova, tout comme le fait que les connaissances sur l’évaluation de l’effort et la validité des symptômes auraient évolué.
5.3 Au vu de ce qui précède, les avis médicaux invoqués ne permettent pas de justifier la nécessité d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire, laquelle apparait comme un procédé de l’intimée visant à mettre en cause l’expertise du G______ jugée probante par la chambre de céans et à revenir sur l’arrêt de renvoi du 2 décembre 2019, ce qui n’est pas autorisé. On ne saurait, dans ces conditions, considérer que le refus du recourant est inexcusable au sens de l’art. 43 LPGA ou que l’expertise pluridisciplinaire peut raisonnablement lui être imposée au sens de l’art. 55 OLAA.
La suppression des prestations au 30 septembre 2023 pour défaut de collaboration du recourant est, ainsi, injustifiée.
6. Le recourant se plaint également d’un déni de justice de la part de l’intimée.
6.1 Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b) –, est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).
6.2 L’art. 29 al. 1 Cst. consacre notamment le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1 et les références ; 131 V 407 consid. 1.1 et les références). Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1 et les références) mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; 125 V 188 consid. 2a). À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références). Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié ; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133 ; 117 Ia 117 consid. 3a et 197 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 et C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).
Il y a notamment un retard injustifié si l'autorité reste inactive pendant plusieurs mois, alors que la procédure aurait pu être menée à son terme dans un délai beaucoup plus court. Des périodes d'activités intenses peuvent cependant compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires et on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Un certain pouvoir d'appréciation quant aux priorités et aux mesures à prendre pour faire avancer l'instruction doit aussi être reconnu à l'autorité. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une activité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2022 du 9 août 2022 consid. 5.1 et les références).
6.3 La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste d'abord dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également jouer un rôle sur la répartition des frais et dépens, dans l’optique d’une réparation morale (ATF 130 I 312 consid. 5.3 et 129 V 411 consid. 1.3). Pour le surplus, l'autorité saisie d'un recours pour retard injustifié ne saurait se substituer à l'autorité précédente pour statuer au fond. Elle ne peut qu'inviter l'autorité concernée à statuer à bref délai (ATF 130 V 90 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2022 du 9 août 2022 consid. 4.2 et les références). L’art. 69 al. 4 LPA prévoit que si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.
6.4 À titre d’exemple, un déni de justice a été admis par le tribunal cantonal des assurances sociales dans un cas où l’OAI, neuf mois après un jugement lui ordonnant de mettre en place une expertise, n’avait pas encore entrepris de démarches en ce sens (ATAS/430/2005 du 10 mai 2005).
7. En l’occurrence, il convient de constater que l’intimée a commis un déni de justice en ne rendant aucune décision à ce jour, selon les instructions de l’arrêt de renvoi du 2 décembre 2019.
7.1 En effet, ce dernier enjoignait l’intimée à effectuer une instruction limitée aux atteintes orthopédiques du recourant et à rendre une décision sur la détermination du droit du recourant à une rente et à la fixation du montant de l’IPAI. Or, l’intimée n’a mis en œuvre une expertise orthopédique qu’en 2022 (rapport du Dr K______ rendu le 22 mars 2022) et n’a, à ce jour, toujours pas statué sur le droit du recourant à une rente d’invalidité et sur le montant de l’IPAI, sans motif pouvant justifier ce retard. Bien au contraire, on constate que le 22 juin 2021, le recourant mettait en demeure l’intimée de rendre une décision et le 1er juillet 2021 l’intimée lui répondait qu’elle s’excusait pour avoir bâclé l’instruction du dossier depuis une année. Le 7 juillet 2021, le recourant a requis, en vain, une décision de l’intimée d’ici au 30 août 2021. Après la reddition du rapport du Dr K______ le 22 mars 2022, le recourant l’a contesté le 15 septembre 2022. L’intimée a requis un complément d’expertise auprès du Dr K______, réalisé le 24 janvier 2023, puis elle a exigé le 17 avril 2023 du recourant qu’il se soumette, comme on l’a vu sans fondement, à une expertise neuropsychologique, contestée par le recourant le 24 avril 2023, puis également à une expertise psychiatrique et neurologique, position que l’intimée a maintenu jusqu’à la décision litigieuse.
7.2 Au vu de ce qui précède, l’absence de décision de l’intimée sur le droit à la rente d’invalidité et le montant de l’IPAI, plus de quatre ans après l’arrêt de renvoi du 2 décembre 2019, constitue un déni de justice, compte tenu du fait que le recourant a mis en demeure à plusieurs reprises l’intimée de rendre une décision et que celle-ci n’a fait valoir aucun motif valable expliquant ce retard.
Dans ces conditions, l’intimée sera invitée à rendre, dans les meilleurs délais, une décision dans le respect de l’arrêt du 2 décembre 2019.
8. Vu l’issue du recours, lequel est admis tant sur le fond que pour déni de justice, une indemnité de procédure de CHF 3'500.- sera allouée au recourant (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours contre la décision de l’intimée du 6 février 2024 et le recours pour déni de justice recevables.
Au fond :
2. Les admet.
3. Annule la décision de l’intimée du 6 février 2024.
4. Invite l’intimée à rendre, dans les meilleurs délais, une décision, en exécution de l’arrêt de renvoi du 2 décembre 2019 (ATAS/1117/2019)
5. Alloue au recourant une indemnité de CHF 3'500.- à charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le