Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/758/2024 du 04.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/592/2024 ATAS/758/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 4 octobre 2024 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1977, s’est inscrite à l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) le 3 juillet 2023. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 1er août 2023 au 31 juillet 2025.
b. Par courriel du 3 octobre 2023, l’assurée a informé son conseiller en personnel avoir déménagé pour habiter « côté France, relativement loin, car en région parisienne ». Elle avait cherché à contacter la caisse cantonale mais n’avait pas réussi à la joindre ; elle avait laissé un message sur le site internet et attendait leur retour.
c. Par courriel du même jour, l’assurée a précisé être arrivée en région parisienne le week-end du 1er octobre. Elle avait essayé de trouver du travail en Suisse, mais cela n’avait pas fonctionné. Elle souhaitait bénéficier de l’exportation de ses prestations en France, indiquant qu’elle se « rapprocher[ait] cette semaine de Pôle emploi de Courbevoie » pour se renseigner sur les démarches à suivre.
d. Le 10 octobre 2023, l’assurée a transmis à l’ORP le formulaire de demande « exportation des prestations de chômage » dûment complété et indiquant une « date de départ prévue » le 1er octobre 2023. Elle a transmis une attestation de départ de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) indiquant une date de départ le 31 août 2023. Dans le courriel d’accompagnement, elle a précisé qu’alors que son mari avait quitté la Suisse le 31 août 2023, elle était restée en Suisse jusqu’au 30 septembre 2023, car elle y disposait encore d’un logement et souhaitait y trouver un emploi, « les salaires [étant] plus intéressants ». Ne parvenant toutefois pas à trouver un emploi, elle avait rejoint sa famille en France le 1er octobre 2023. Elle poursuivait ses recherches d’emploi en France.
e. Répondant à un questionnaire de l’ORP, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un départ définitif pour des raisons personnelles (suivre sa famille) et professionnelles (recherche d’un emploi en France).
f. Par courriel du 12 octobre 2023, elle a informé l’ORP qu’elle était inscrite à « Pôle emploi » depuis le 5 octobre 2023.
g. Par décision du 13 octobre 2023, l’ORP lui a refusé le droit à l’exportation de ses prestations de chômage. À la date de départ annoncée, elle recherchait toujours un emploi en Suisse et ne respectait plus la condition de résidence en Suisse de l’art. 8 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Cette décision a été transmise à l’assurée par courriel du même jour.
h. Par courriel du même jour, l’assurée a répondu qu’elle ne comprenait « sincèrement pas comment cela fonctionn[ait] ». Elle avait « tout transmis et indiqué en toute transparence ».
i. Le 16 octobre 2023, l’ORP a annulé son dossier.
j. Par courrier du 3 décembre 2023 adressé l’office cantonal de l’emploi
(ci-après : OCE), l’assurée a indiqué « prendre note » qu’elle n’aurait pas de droits d’exportation. Elle demandait toutefois à ce que l’indemnité de chômage versée pour le mois de septembre 2023 ne soit pas soumise à restitution. Durant ce mois, elle était en effet toujours domiciliée en Suisse. Son appartement, sis à Collex Bossy, avait été loué jusqu’au 30 septembre 2023. Elle avait « mis du temps à répondre » à l’OCE car elle attendait des retours de « pôle emploi » en France.
k. Par décision sur opposition du 5 février 2024, l’OCE a déclaré l’opposition irrecevable, l’assurée n’ayant pas respecté le délai légal d’opposition de 30 jours pour contester la décision de l’ORP du 13 octobre 2023. Elle n’avait invoqué aucun empêchement d’agir dans le délai au sens de l’art. 41 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000
(LPGA - RS 830.1).
B. a. Par acte du 14 février 2024 adressé à l’OCE et intitulé « recours suite à décision sur opposition », l’assurée a invité l’autorité à lui « communiquer le montant exact à rembourser et les références bancaires du compte sur lequel verser le montant ». Elle avait reçu un relevé de « prestations d’assurance chômage » faisant état d’un montant de CHF 9'174.- reçu pour les mois d’août et septembre 2023. Enfin, elle a rappelé avoir mis du temps à rédiger son courrier du 3 décembre 2023 car elle attendait les retours du « pôle emploi » en France.
L’OCE a transmis cette écriture à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice pour raison de compétence.
b. L’OCE a conclu au rejet du recours.
c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la LPGA relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le recours est interjeté en temps utile.
1.3 Selon l’art 61 let b LPGA, le recours doit comporter, en particulier, un exposé succinct des faits ou des motifs invoqués, ainsi que des conclusions. Si la lettre ou le mémoire n’est pas conforme à ces règles, la chambre des assurances sociales impartit un délai convenable à son auteur pour le compléter, en indiquant qu’en cas d’inobservations, la demande ou le recours est écarté.
En l’occurrence, l’acte du 14 février 2024 ne contient pas de conclusions expresses. On comprend toutefois, en particulier à la lecture de la mention citée comme objet du courrier (« recours suite à décision sur opposition »), que la recourante conteste la décision sur opposition.
2.
2.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).
L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui (dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision) constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué. D'après cette définition, l'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).
2.2 À teneur de l'art. 41 LPGA, si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les trente jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l'acte omis.
D'après la jurisprudence, une restitution de délai ne peut être accordée qu'en l'absence claire de faute du requérant ou de son mandataire, ce qui n'est pas le cas même d'une légère négligence ou d'une erreur en raison d'une inattention (arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2).
Par « empêchement non fautif », il faut entendre non seulement l'impossibilité objective, comme le cas de force majeure – par exemple un événement naturel imprévisible (Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 7 ad art. 41 LPGA) –, mais également l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_743/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.3 ; I 854/06 du 5 décembre 2006 consid. 2.1), à savoir lorsque, pour des motifs indépendants de leur volonté, il est impossible au requérant ou à son mandataire d'effectuer l'acte requis dans le délai initial ou d'instruire un tiers en ce sens (Anne-Sylvie DUPONT, op. cit., n. 7 ad art. 41 LPGA).
Ces circonstances doivent toutefois être appréciées objectivement (arrêt du Tribunal fédéral I 854/06 du 5 décembre 2006 consid. 2.1). De manière générale, est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur consciencieux d'agir dans le délai fixé. La maladie ou l'accident peuvent, à titre d'exemples, être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (ATF 119 II 86 consid. 2, confirmé in arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 7.2 ; 8C_15/2012 du 30 avril 2012 consid. 1 ; aussi ATAS/236/2024 du 04 avril 2024 consid. 3.2).
2.3 En l’occurrence, le litige porte exclusivement sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a qualifié l’opposition formée par l’assurée de tardive et l’a déclarée irrecevable.
Le recours porte toutefois principalement sur le bien-fondé du versement des indemnités de chômage pour le mois de septembre 2023. La recourante invite l’OCE à lui indiquer si le montant reçu à ce titre doit être restitué. Or ce point ne fait pas l’objet du présent litige, lequel porte uniquement sur la question de l’irrecevabilité de l’opposition. C’est le lieu de préciser que la décision initiale de l’ORP du 13 octobre 2023 ne traitait pas non plus de cette question, puisqu’elle se limitait à refuser le droit de la recourante à l’exportation de ses prestations. Il ne ressort au demeurant pas du dossier qu’une décision de restitution ait été rendue à l’égard de la recourante. Les griefs de la recourante s’avèrent ainsi en grande partie irrecevables.
Son recours est, tout au plus, recevable en tant que l’intéressée expose avoir tardé à réagir à la décision du 13 octobre 2023 car elle était dans l’attente d’un retour de l’institution française de chômage. Avec cet argument, la recourante se plaint en effet d’un empêchement non fautif, étant précisé qu’elle ne conteste pas que son écriture du 3 décembre 2023 a été formée en dehors du délai légal de 30 jours pour former opposition. Ce grief est toutefois manifestement infondé. L’absence de retour de la part des autorités françaises ne constitue pas une circonstance valable qui aurait empêché la recourante de former opposition en temps utile. Si la recourante entendait contester la décision de l’ORP du 13 octobre 2023, il lui appartenait de sauvegarder ses intérêts en formant opposition à celle-ci dans le délai de 30 jours, et cela quand bien même elle ne s’estimait pas suffisamment renseignée au sujet des démarches françaises.
Le recours sera partant rejeté dans la faible mesure où il est recevable.
3. Pour le surplus, la procédure est gratuite.
******
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
2. Dit que la procédure est gratuite.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le