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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1495/2023

ATAS/678/2024 du 04.09.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1495/2023 ATAS/678/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 septembre 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______
représentée par Me Jean-Marie FAIVRE, avocat

 

recourante

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1981, mariée et mère de deux enfants nés le ______ 2012 et le ______ 2015.

b. Elle a obtenu une licence en gestion d’entreprise en juin 2005, puis a travaillé en qualité d’attachée de presse auprès de diverses entreprises.

A. a. Le 3 juin 2013, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l'assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé), en raison d’une cervico-dorsalgie et d’un état de fatigue chronique.

b. Le 12 juillet 2013, B______ a indiqué à l’OAI que l’assurée avait travaillé pour elle du 9 août 2010 au 31 mai 2013 en qualité de PR Manager et que son contrat avait été résilié, car elle ne pouvait pas répondre aux exigences du poste. Avant son atteinte à la santé, elle avait travaillé 40 heures par semaine, puis à 80% dès le 1er septembre 2012. Après son atteinte à la santé, elle avait travaillé à 50% de son 80%. Son salaire s’élevait à CHF 78'182.- dès le 1er septembre 2012 à 80%, soit CHF 6'516.- par mois (x 12). À ce jour, elle gagnerait CHF 78'192.- à 80%.

c. Par décision du 1er novembre 2013, l’OAI a nié le droit aux prestations de l’assurée.

B. a. Le 23 février 2016, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, en raison de très forts maux de tête, de douleurs invalidantes à la nuque et au dos ainsi que d’une fatigue chronique.

b. Le 2 mai 2017, elle a informé l’OAI qu’elle avait commencé à travailler à 40% pour la C______, par le biais d’un contrat avec la société D______, qui faisait du portage salarial. Elle avait également une activité d’indépendante à 10‑20%, ayant créé la société E______, qui avait pour but d’aider les couples qui désiraient se rendre à l’étranger pour des traitements de procréation médicalement assistée (ci-après : PMA). Cette activité lui avait rapporté environ CHF 1'500.- par mois depuis le mois de janvier 2017.

Elle a produit un contrat signé le 17 octobre 2017 avec D______, comme consultante en communication du 17 octobre 2016 au 30 avril 2017.

c. Il ressort d’un rapport d’expertise établi le 20 août 2017 par le professeur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, que l’expertisée a travaillé comme Account manager pour G______, une entreprise active dans la publicité, pendant douze mois en 2006, puis comme assistante marketing en horlogerie pour H______ durant huit mois en 2007. Elle avait quitté le premier emploi, car il était trop administratif et avait été licenciée du deuxième emploi, qu’elle décrivait comme trop exigeant et en raison d’un lien conflictuel avec la hiérarchie. Elle avait ensuite peiné à trouver un emploi durant trois ans. Après s’être consacrée à la préparation de son mariage, elle avait trouvé un emploi chez I______ à Lausanne pendant six mois, avant d’être engagée comme assistante en communication par J______ à Genève en 2010 pendant deux mois et demi et K______ pendant trois mois. Elle s’était stabilisée en 2010 comme attachée de presse pour la bijouterie de luxe B______ à 100%, puis à 80% de 2012 à 2013, jusqu’à son licenciement en mai 2013. Elle avait été engagée par cette société pour remplacer un congé maternité, puis avait repris le poste de la personne qu’elle avait remplacée, ce qui avait créé des tensions au retour de cette dernière. Une fibromyalgie lui avait été diagnostiquée en 2012, avec une cervico-dorsalgie et un état de fatigue chronique. Ces douleurs étaient présentes depuis l’adolescence, suite à un accident de ski, et elles s’étaient accentuées après l’accouchement de son premier enfant, en 2012. L’expertisée présentait simultanément une symptomatologie dépressive récurrente, qui s’était améliorée sous traitement, avec une reprise de travail avant de s’aggraver à nouveau. Elle avait été en incapacité de travail continue de septembre 2012 à septembre 2013, puis à nouveau depuis septembre 2014, avec une alternance de congés de maternité et de périodes de chômage jusqu’à ce jour. Depuis son licenciement en 2013, elle exécutait ponctuellement des mandats en tant que consultante en relations publiques. Parallèlement, elle avait créé sa propre société depuis avril 2014, soit un site internet de conseil spécialisé en PMA à l’étranger. Son droit aux indemnités du chômage s’était terminé en septembre 2016 et, depuis novembre 2016, elle travaillait à 40% dans une banque comme assistante administrative avec un contrat de consultante.

d. Le 6 décembre 2017, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR a considéré que les conclusions de l’expertise du Prof. F______ n’étaient pas convaincantes, car les diagnostics retenus n’étaient pas suffisamment sévères pour être incapacitants et justifier une incapacité de travail durable.

e. Le 11 juin 2018, le SMR a estimé nécessaire de demander une nouvelle expertise psychiatrique.

f. Selon l’expertise établie le 30 novembre 2021 par le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, l’assurée a travaillé pendant trois ans chez B______. Elle relatait une bonne performance au travail mais que ses collègues n’étaient pas accueillants et l’avaient empêchée de s’intégrer. Suite à la naissance de son fils, elle avait commencé à présenter des douleurs et avait été mise en arrêt maladie à 50%. Elle expliquait que son incapacité à travailler à plein temps avait éventuellement amené à son licenciement. Ensuite, elle n’avait pas pu reprendre un travail à plein temps à cause de ses problèmes de santé. De juillet 2013 à octobre 2017, elle avait travaillé comme consultante en communication, faisant des mandats divers (rédaction de texte, gestion de communication et mandats RP) pour différents clients, à temps partiel. Parallèlement, elle avait créé, en janvier 2015, sa propre entreprise en tant que facilitatrice en fertilité PMA. Elle accompagnait des couples présentant des problèmes de fertilité dans le domaine de la PMA. Actuellement, elle continuait à exercer cette activité et travaillait aussi dans la communication de programmes en ligne en collaboration avec une amie nutritionniste. Ces deux activités représentaient un taux d’activité d’environ 50%. L’expert a retenu les diagnostics de trouble de la personnalité histrionique depuis 2012, anorexie mentale atypique avec émétophobie depuis l’adolescence, trouble obsessionnel-compulsif avec comportement compulsif au premier plan depuis 2008 et trouble dépressif récurrent en rémission depuis l’adolescence. La capacité de travail dans l’activité habituelle était de 50% depuis 2012. Elle n’avait pas changé considérablement ces dernières années et semblait être stabilisée à ce taux sur le long terme. Du point de vue psychiatrique, il n’y avait pas d’activité plus adaptée à ses aptitudes que l’actuelle pour l’assurée.

g. La société M______ a été inscrite au registre du commerce le 18 mai 2021. L’assurée en est associée gérante avec 95 parts, de même que Madame N______, et Monsieur O______ en est associé avec 10 parts. La société a pour but de fournir en Suisse et à l’étranger des biens et services dans le domaine de la santé en général et plus particulièrement de la fertilité et de la santé transgénérationnelle.

h. Madame P______ a attesté le 15 août 2022 qu’en tant que Head of Regulatory Transversal Project Team auprès de la C______, elle avait employé l’assurée comme Communication assistant, via l’agence D______, entre octobre 2016 et 2017. L’assurée avait un taux journalier de facturation à CHF 635.-, ce qui correspondait à un taux annuel pour un 100% à la somme de CHF 149'860.-. Il avait été convenu qu’elle travaillerait à 40%, puis à 60% et à 100%. L’assurée n’avait malheureusement pas pu augmenter son taux d’activité à plus de 40%, compte tenu de ses problèmes de santé et P______ n’avait pas pu la garder dans son département.

i. Selon un rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante du service des enquêtes de l’OAI du 17 novembre 2022, le préjudice économique de l’assurée était de 95% en 2018, 82% en 2019, 64% 2020 et 32% dès 2021. En 2021, les deux associées majoritaires de M______ avaient décidé d’un salaire annuel identique de CHF 41'000.- selon le compte individuel et le contrat de travail. La société avait engagé deux employés en 2022 et le salaire mensuel des deux associées majoritaires en 2022 était de CHF 4'500.- bruts, versé douze fois, soit un montant annuel de CHF 54'000.-. Au jour de l’entretien, la recourante avait indiqué déployer un taux d’activité professionnelle de 50%, soit 40% pour M______ et 10% pour Q______. La recourante avait engagé pour cette dernière entreprise une personne sur Toulouse, qui était payée à la tâche à hauteur d’environ EUR 1'000.- à 1'500.- par mois.

Lors de l’entretien du 26 juillet 2022, l’assurée avait indiqué que le bénéfice de la société n’était pas redistribué aux associés selon le nombre de parts. Ce montant restait à la société afin de pouvoir investir éventuellement dans des biens l’année suivante. Cela étant, le bénéfice de la société résultait d’un travail fourni et devait être pris en considération dans la détermination du revenu de l’assurée.

À titre de revenus d’invalide, il fallait retenir les salaires et bénéfices suivants :

-          en 2020, CHF 19’964.- pour Q______ et CHF 9’608 correspondant à la part du bénéfice attribuable à l’assurée pour son activité dans M______ (CHF 20'227.- × 47.5%), plus son salaire de CHF 6’000.- pour cette société, soit quatre mois selon les fiches de salaire. Au total, le revenu de l’activité de l’assurée pour ces sociétés s’élevait à CHF 35’592.-.

-          en 2021, CHF 5’658.- à titre de revenu de Q______ et CHF 21'123.- correspondant à la part du bénéfice attribuable à l’assurée pour son activité dans M______ (CHF 44'470.- x 47.5), plus son salaire pour cette société de CHF 41'000.-. Au total, le revenu de l’activité de l’assurée pour ces sociétés s’élevait à CHF 67’781.-.

j. Le 28 mars 2023, l’OAI a notifié deux décisions à l’assurée, la première calculant le montant de son droit à une rente pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2018 et la seconde pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020. La motivation des deux décisions était la même, à savoir que l’OAI octroyait à l’assurée une demi-rente d’invalidité du 1er août 2016 au 31 décembre 2017 sur la base d’un taux d’invalidité de 53%, une rente entière d’invalidité du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 sur la base d’un taux d’invalidité de 95% puis de 82%, et un trois quarts de rente d’invalidité du 1er janvier au 31 décembre 2020 sur la base d’un taux d’invalidité de 64%. Le droit à la rente s’éteignait au 31 décembre 2020 en raison d’un taux d’invalidité inférieur à 40%. Des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas indiquées.

L’OAI reconnaissait à l’assurée une incapacité de travail de 100% dans l’activité professionnelle habituelle depuis le 1er mai 2013 et considérait que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, sa capacité de travail était de 50% dès cette date. Son statut était celui d’une personne se consacrant à 80% à son activité professionnelle et à 20% à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage jusqu’au 31 décembre 2017. Depuis le 1er janvier 2018, son statut était celui d’une personne de condition indépendante. Pour évaluer le revenu sans invalidité d’une personne de condition indépendante, l’OAI examinait le développement probable qu’aurait suivi l’entreprise de l’assuré si celui-ci n’était pas devenu invalide. Le revenu d’invalide correspondait au revenu que cette personne pourrait réaliser en procédant, dans son activité, au changement possible et raisonnablement exigible de façon à exploiter au mieux sa capacité de travail théorique. La demande de prestations ayant été déposée le 25 février 2016, le droit à une rente ne pouvait pas naître avant le 1er août 2016. À l’ouverture du droit, la capacité de travail de l’assurée était de 50% dans une activité adaptée à ses limitations et son taux d’invalidité de 66.12%.

Suite à l’audition de l’assurée, l’OAI confirmait le statut retenu pour l’assurée.

En ce qui concernait le revenu hypothétique sans invalidité, l’OAI renvoyait à l’argumentation de l’évaluation économique du 17 novembre 2022. Le certificat établi a posteriori par l’ancien employeur de l’assurée n’était pas de nature à modifier son appréciation.

C. a. Le 4 mai 2023, l’assurée a formé recours contre les deux décisions précitées auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à leur annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité du 1er août 2016 au 31 décembre 2017 et du 1er janvier au 31 décembre 2020, puis à une rente de 65% dès le 1er janvier 2021, sans limitation de délai, avec suite de frais et dépens.

Elle contestait le statut et le revenu sans invalidité retenus par l’intimé.

k. Par réponse du 2 juin 2023, l’intimé a proposé l’admission partielle du recours, admettant que la recourante avait un statut d’active, et a maintenu sa position s’agissant du revenu sans invalidité à prendre en considération.

l. La recourante a pris note avec satisfaction du fait que l’intimé admettait qu’elle devait être mise au bénéfice du statut de salariée, avec la conséquence qu’il lui reconnaissait le droit à une rente entière d’invalidité du 1er août 2016 au 31 décembre 2017, et a persisté dans ses conclusions sur le revenu sans invalidité.

m. Le 21 août 2023, l’intimé a persisté dans ses précédentes conclusions.

n. Le 30 août 2023, la recourante a demandé l’audition comme témoin de P______ et de Monsieur R______, CEO de B______.

o. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 24 janvier 2024.

p. Sur demande de la chambre de céans, le responsable des ressources humaines de B______ lui a donné des renseignements sur le salaire qu’aurait touché la recourante en 2016 sans atteinte à la santé et sur les bonus qu’elle avait touchés, en lui transmettant le règlement relatif à la rémunération variable de la société.

q. Les parties ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité du 1er janvier au 31 décembre 2020 et à une rente de 65% (recte : à un trois quarts de rente) dès le 1er janvier 2021, sans limitation de délai, étant rappelé que l’intimé a octroyé à la recourante une rente entière du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.

3.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'assurance-invalidité susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.2).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue postérieurement au 1er janvier 2022, mais le droit de la recourante à une rente d’invalidité est né le 1er août 2016 et les modifications des circonstances sont survenues avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI (prise en compte de changements de revenus, la dernière fois pour l’année 2021). Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.              

4.1 Pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2020, et dès le 1er janvier 2021, la recourante reproche à l’intimé d’avoir pris en compte au titre de revenu sans invalidité CHF 80'541.-, en se bornant à indexer le salaire qu’elle avait reçu de B______. Elle estime que le revenu sans invalidité devait être fixé à CHF 97'500.-, en tenant compte du fait qu’il aurait nécessairement été réadapté en fonction de l’expérience acquise au fil des ans, étant donné qu’elle avait 32 ans lorsqu’elle avait dû interrompre son activité à plein temps pour des raisons de santé. Elle se prévaut du salaire qu’elle avait gagné pour son activité pour la C______ et du salaire de son mari, qui a la même formation qu’elle.

Selon l’intimé, il est notoire que l’évolution des salaires était particulièrement stagnante, ce qui était confirmé par les statistiques fédérales qui recensaient une évolution même nominale inférieure à 1% depuis plus de dix ans (site internet cité page 3 de la réponse). Ainsi les estimations produites par la recourante étaient mal fondées sur ce point. C’était ainsi à juste titre que l’intimé avait actualisé le revenu réel de la recourante avant l’atteinte à la santé incapacitante avec l’évolution statistique des salaires.

En ce qui concernait la C______, P______, en nom propre, indiquait que la recourante avait un taux horaire (recte : journalier) de CHF 635.- correspondant à un salaire (recte : taux) annuel de CHF 149'860.-. La légitimité de celle-ci à se prononcer sur la question était entièrement contestée, les pouvoirs de représentation de la C______ ayant été radiés en 2019 (selon la publication du 22 juillet 2019 au registre du commerce, qui indiquait que celle-ci ne travaillait plus pour la société depuis avril 2019). Par ailleurs, cette estimation était parfaitement irréaliste. Selon le contrat de travail de la recourante avec D______ du 17 octobre 2016, son employeur de l’époque, qui louait ses services à la société susmentionnée, le salaire-horaire de la recourante correspondait à CHF 45.- de l’heure, avec un supplément de 3.2% et 8.33% (total 50.3/h) ce qui correspondait à un revenu annuel à plein temps de CHF 96'576.- (50.3 x 40 heures x 48 semaines).

4.2 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Les exceptions doivent être établies avec une vraisemblance prépondérante (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325 s. avec référence). On ne peut se baser sur des valeurs empiriques et moyennes qu'en tenant compte des facteurs personnels et professionnels pertinents pour la rémunération dans le cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 97/00 du 29 août 2002 consid. 1.2 ; ULRICH MEYER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, 2e éd. 2010, p. 302 et PETER OMLIN, Die Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung, 1995, p. 180).

Pour la détermination du revenu sans invalidité, il faut également tenir compte des chances réelles d’avancement compromises par l’invalidité en posant la présomption que l’assuré aurait continuée d’exercer son activité sans la survenance de l’invalidité. Dans tous les cas, il faut établir au degré de vraisemblance prépondérante ce qu’il aurait réellement pu obtenir s’il n’était pas invalide. Les chances d’avancement doivent être hautement vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 590/02 du 20 juin 2003 consid. 3.2.3). De simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 9C_486/2011 du 12 octobre 2011 consid. 4.1 ; 9C_523/2008 du 25 mai 2009 consid. 2.2). L’assuré doit apporter la preuve qu’il aurait réalisé un revenu plus élevé s’il n’était pas devenu invalide, par exemple, en établissant que l’employeur avait laissé entrevoir une perspective d’avancement ou qu’il avait donné des assurances en ce sens (arrêt U 22/97 du 23 juin 1999 consid. 5c). L’intention de progresser sur le plan professionnel pouvait également s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation de cours, le début d’études ou la passation d’examen (arrêt du Tribunal fédéral 8C_550/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.1). De même, il fallait tenir compte d’une augmentation du salaire réel grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles (lié en particulier un complément de formation) ou en raison d’une circonstance personnelle comme une promotion à une fonction supérieure ou un changement de profession si ces circonstances apparaissent dûment établies (arrêts du Tribunal fédéral 8C_290/2013 du 11 mars 2014 ; 8C_304/2013 du 11 mars 2014 consid. 6.1). Pour les jeunes assurés, il fallait éviter de poser des exigences de preuve trop strictes lorsqu’il débutait leur carrière professionnelle au moment de la survenance de l’invalidité en raison de la difficulté à apporter la preuve d’une évolution hypothétique du revenu sans invalidité (arrêt du Tribunal fédéral I 400/07 du 2 mai 2007 consid. 4). Cela étant, les indices d'une évolution professionnelle doivent en principe exister, même chez les jeunes assurés, sous forme d'éléments concrets dès la survenance de l'atteinte à la santé. Rien d'autre ne peut être déduit de l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 55/02 du 9 avril 2003, reproduit en partie dans SZS 2004 p. 67. Il n'y a pas lieu d'exiger une preuve stricte d'une formation continue suivie après l'atteinte à la santé, mais par contre certains éléments concrets au moment de l'atteinte à la santé, afin de pouvoir supposer une fin de formation ultérieure et un revenu correspondant. Il n'y a donc pas lieu de s'écarter du principe selon lequel des indices concrets d'une évolution professionnelle sont exigés pour les jeunes assurés (SVR 2010 UV n° 13 p. 51 consid. 4.2).

4.3 En l’espèce, l’intimé a pris en compte, pour calculer le revenu sans invalidité de la recourante en 2020 et en 2021, le dernier salaire obtenu à 100% de B______, qui s’élevait à CHF 92'560.- en 2011 selon le compte individuel de la recourante, indexé à 2020 (CHF 98'958.-) et 2021 (CHF 99'562.-).

L’intimé a admis, dans sa réponse, que la recourante avait un statut d’active, précisant que pour la période du 1er août 2016 au 31 décembre 2017, la recourante avait droit à une rente entière d’invalidité sur le taux d’invalidité de 72.89%, selon l’évaluation du 15 décembre 2022 (salaire à 100% de CHF 100'676.-, soit le salaire de CHF 80'541.- touché à 80% auprès de B______ extrapolé à 100%).

Il est justifié de retenir ce dernier salaire obtenu par la recourante en 2012 à 80%, extrapolé à 100%, car il est plus élevé que celui qu’elle gagnait en travaillant à 100% en 2011. En conséquence, il faut retenir pour déterminer le taux d’invalidité de la recourante le revenu sans invalidité de CHF 100'676.- en 2016 indexé à 2020, soit CHF 103'463.30, puis à 2021, soit CHF 104'095.-.

Les pièces produites par la recourante n’établissent pas d’éléments concrets existant au moment de l’atteinte à la santé permettant de retenir un revenu plus élevé que celui qu’elle touchait en dernier lieu à 80% pour B______. Son engagement pour cette société a duré moins de trois ans et il n’a pas été rendu vraisemblable que son employeur lui aurait laissé entrevoir une perspective d’avancement ou lui aurait donné des assurances à ce sujet.

L’attestation établie par le CEO de B______ en août 2022, selon laquelle il estimait après l’étude du dossier de la recourante (CV, expérience et salaires en vigueur dans la société) que son salaire annuel pour une activité à 100% en qualité de PR Manager aurait été, en 2022, d’au moins CHF 110'000.-, hors commissions, si elle avait pu poursuivre ses activités, ne permet pas d’en juger autrement, faute d’éléments concrets sur les perspectives professionnelles de la recourante existants au moment de son atteinte à la santé.

L’appréciation du responsable RH de B______ du 21 février 2024, selon laquelle en 2016, le PR Manager en poste avait un salaire de CHF 91'500.- et qu’au vu de l’ancienneté de la recourante ainsi que de l’inflation entre 2012 et 2016, il extrapolait un salaire de CHF 95'900.- à 100%, est moins favorable à la recourante et non probant, car cette appréciation se fonde sur le salaire du PR Manager en poste en 2016 et non sur les perspectives concrètes d’avancement de la recourante.

Le fait que l’époux de la recourante, qui a la même formation qu’elle, percevait en 2019 un salaire mensuel de CHF 11'263.- ne suffit pas en juger autrement à teneur de la jurisprudence précitée.

Quant à l’attestation de P______, elle ne rend pas non plus vraisemblable une perspective probable d’avancement de la recourante au sens de la jurisprudence, son évaluation du salaire qu’aurait pu toucher la recourante n’étant pas fondée sur sa connaissance de sa situation concrète auprès de B______.

5.              

5.1 La recourante reproche également à l’intimé de ne pas avoir tenu compte de la partie variable de son salaire chez B______ (bonus) en sus de son salaire pour fixer son revenu sans invalidité, laquelle lui était contractuellement due.

Selon l’intimé, si le bonus faisait partie intégrante du salaire de la recourante au montant de 5%, il était peu compréhensible que l’employeur en ait fait une rémunération variable, qui dépendait en général d’une décision discrétionnaire de l’employeur selon l’exercice ou les performances des employés. Dans le droit du travail, une telle rémunération pouvait être admise comme faisant partie de la rémunération de base à condition d’avoir été touchée pendant très longtemps par l’employé, de sorte à créer une expectative légitime de celui-ci. Tel n’était manifestement pas le cas de la recourante qui, selon les extraits de comptes disponibles, n’avait jamais touché la somme indiquée même avant de réduire son taux d’activité.

5.2 Selon l’art. 1 du règlement de base de la rémunération variable de B______, en vigueur dès 2008, la rémunération variable équivaut à une rétribution spéciale au sens de l’art. 322d CO.

Selon l’art. 2 du règlement, le droit à une rémunération variable est du domaine contractuel. Il est donc individuel (al. 1).

Le droit à une rémunération variable contractuel peut être supprimé si un nouveau scope de responsabilité ne le justifie plus ou si la performance est notoirement insuffisante sur au moins deux exercices consécutifs. Cette mesure prendrait effet après communication écrite et dans le respect du délai de congé (al. 2).

Le versement de la rémunération variable dans sa globalité n’est jamais garanti. En effet ce versement dépend très étroitement de l’atteinte totale ou partielle des objectifs fixés annuellement tant au niveau de la performance individuelle qu’au niveau des résultats de l’entreprise (al. 3).

Une rémunération variable pro rata temporis est allouée aux bénéficiaires qui ont été engagés dans le courant d’un exercice pour la période postérieure à la période d’essai pour autant que toutes les conditions soient remplies selon les termes de l’al. 3 du présent article (al. 4).

Au même titre, une absence de plus d’un mois entraînera un calcul du droit à la part variable au pro rata temporis du temps de présence (al. 5).

Seul le bénéficiaire sous contrat le 1er janvier de l’année suivant l’exercice considéré a droit à une rémunération variable pour l’exercice considéré. Le bénéficiaire qui ne répond pas ce critère pour quelque cause que ce soit, perd pour l’exercice en cours son droit la rémunération variable et ceci dans sa globalité (al. 6).

Une mesure de licenciement exclut tout droit à une rémunération variable dans sa globalité quelle que soit la date du prononcé et la date d’effet de ce licenciement (al. 7).

Selon le ch. 5 du règlement, le bénéficiaire d’un versement au titre de la rémunération variable ne peut en aucun cas en déduire qu’il a un droit définitivement acquis à des versements futurs, même si une rémunération variable lui a été accordée pendant plusieurs années consécutives et ceci pour des montants identiques (al. 2).

En effet, les conditions de versement sont revues annuellement selon les termes de l’art 2 al. 3 du présent règlement (al. 3).

Dans un dernier paragraphe, le règlement précise qu’il fait partie intégrante du contrat de travail.

Une gratification, aux termes de l'art 322d al. 1 CO, est une rétribution spéciale que l'employeur verse en sus du salaire, par exemple une fois par année. Elle se distingue du salaire, et en particulier d'un éventuel treizième mois de salaire (ATF 131 III 615 consid. 5.2 p. 620 et la référence citée), en ceci qu'elle dépend, au moins partiellement, du bon vouloir de l'employeur. Si le versement d'une gratification n'a pas été convenu, expressément ou par actes concluants, cette prestation est entièrement facultative. Si un versement de ce genre est convenu, l'employeur est tenu d'y procéder mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer (ATF 131 III 615 consid. 5.2 p. 620 ; 129 III 276 consid. 2 p. 278).

La gratification est accessoire par rapport au salaire et elle ne peut avoir qu'une importance secondaire dans la rétribution du travailleur. Par conséquent, un montant très élevé en comparaison du salaire annuel, équivalent ou même supérieur à ce dernier, et versé régulièrement, doit être considéré comme un salaire variable même si l'employeur en réservait le caractère facultatif. Cela concerne les revenus les plus considérables ; dans le cas de salaires modestes, un montant proportionnellement moins élevé peut déjà présenter le caractère d'un salaire variable (ATF 131 III 615 consid. 5.2 p. 621 ; 129 III 276 consid. 2.1 p. 279).

La régularité de la prestation en question permet de déterminer si elle s'est transformée en un élément du salaire, ou si elle constitue toujours une contrepartie accessoire à celui-ci, c'est-à-dire une gratification. Ainsi, une prestation très élevée par rapport au salaire conserve le caractère de gratification lorsqu'elle n'est versée qu'une seule fois. Dès lors que la gratification atteint régulièrement un montant plus élevé que le salaire, son caractère accessoire n'est pour ainsi dire plus préservé (ATF 129 III 276 consid. 2.1 p. 279 s.).

Selon la jurisprudence en matière de bonus (notamment arrêts du Tribunal fédéral 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2 et 4.3 et les références citées ; 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3 ; 4A_290/2017 du 12 mars 2018 consid. 4.1), il faut distinguer les trois cas suivants : (1) le salaire - variable -, (2) la gratification à laquelle l'employé a droit et (3) la gratification à laquelle il n'a pas droit. Ce n'est que lorsque l'employé n'a pas de droit à la gratification - cas n° 3 - que la question de la requalification du bonus en salaire, en vertu du principe de l'accessoriété lorsque les salaires sont modestes ou moyens et supérieurs, se pose, ce principe étant en revanche inapplicable pour les très hauts revenus.

On se trouve dans le cas n° 1 lorsqu'un montant (même désigné comme bonus ou gratification) est déterminé ou objectivement déterminable, c'est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l'être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d'affaires ou une participation au résultat de l'exploitation, et qu'il ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur; il doit alors être considéré comme un élément du salaire (variable), que l'employeur est tenu de verser à l'employé (art. 322 s. CO ; ATF 141 III 407 consid. 4.1 ; 136 III 313 consid. 2 p. 317 ; 129 III 276 consid. 2 p. 278 ; 109 II 447 consid. 5c p. 448).

En revanche, on se trouve en présence d'une gratification - dans les cas n° 2 et 3 - lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable (ATF 141 III 407 consid. 4.1 et 4.2 p. 407 s. ; 139 III 155 consid. 3.1 p. 157 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 4.1.2). Il y a un droit à la gratification - cas n° 2 - lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant; il s'agit d'une gratification que l'employeur est tenu de verser (Anspruch auf die Gratifikation), mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer (ATF 136 III 313 consid. 2 p. 317 ; 131 III 615 consid. 5.2 p. 620 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_172/2012 du 22 août 2012 consid. 8.2).

De même, lorsqu'au cours des rapports contractuels, un bonus a été versé régulièrement sans réserve de son caractère facultatif pendant au moins trois années consécutives, il est admis qu'en vertu du principe de la confiance, il est convenu par actes concluants (tacitement), que son montant soit toujours identique ou variable : il s'agit donc d'une gratification à laquelle l'employé a droit (ATF 129 III 276 consid. 2.1 ; 131 III 615 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_172/2012 précité consid. 8.2), l'employeur jouissant d'une certaine liberté dans la fixation de son montant au cas où les montants étaient variables.

Il convient d'ajouter que, dans les deux situations, le travailleur n'a droit, aux termes de l'art. 322d al. 2 CO, à une part proportionnelle de la gratification en cas d'extinction des rapports de travail avant l'occasion qui y donne lieu que s'il en a été convenu ainsi, ce qu'il lui incombe de prouver en vertu de l'art. 8 CC.

Il n'y a pas de droit à la gratification - cas n° 3 - lorsque, par contrat, les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus; il s'agit alors d'une gratification facultative; le bonus n'est pas convenu et l'employé n'y a pas droit, sous réserve de l'exception découlant de la nature de la gratification (principe de l'accessoriété ; cf. supra consid. 5).

De même, lorsque le bonus a été versé d'année en année avec la réserve de son caractère facultatif, il n'y a en principe pas d'accord tacite : il s'agit d'une gratification qui n'est pas due.

Toutefois, il a été admis par exception que, en dépit de la réserve (sur le principe et sur le montant), un engagement tacite peut se déduire du paiement répété de la gratification pendant des décennies (jahrzehntelang), lorsque l'employeur n'a jamais fait usage de la réserve émise, alors même qu'il aurait eu des motifs de l'invoquer, tels qu'une mauvaise marche des affaires ou de mauvaises prestations de certains collaborateurs lorsqu'il l'a versée : il s'agit alors d'une gratification à laquelle l'employé a droit (ATF 129 III 276 consid. 2.3 p. 280 s.).

Il en va de même lorsque la réserve du caractère facultatif n'est qu'une formule vide de sens (c'est-à-dire une clause de style sans portée) et qu'en vertu du principe de la confiance, il y a lieu d'admettre que l'employeur montre par son comportement qu'il se sent obligé de verser un bonus (arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2017 consid. 3.1.3.2 ; 4A_172/2012 consid. 8.2 déjà cités).

5.3 Selon le contrat de travail du 19 mai 2011, la recourante était mise au bénéfice d’une rémunération variable contractuelle, qui s’élèverait au maximum à 5% de son salaire annuel de base, soit au maximum de CHF 4'500.-. Il était renvoyé sur la question au règlement spécifique de la part variable.

Dans la mesure où le règlement de la société relatif à la rémunération variable prévoit expressément à son art. 5 al. 2 que le bénéficiaire d’un versement au titre de la rémunération variable ne peut en aucun cas en déduire qu’il a un droit définitivement acquis à des versements futurs, même si une rémunération variable lui a été accordée pendant plusieurs années consécutives et ceci pour des montants identiques, la recourante ne peut se prévaloir d’un droit au bonus.

Il n’apparaît pas non plus que la réserve du caractère facultatif n'est qu'une formule vide de sens, car B______ n’a versé un bonus à la recourante qu’à deux reprises sur les quatre ans qu’ont duré les rapports de travail.

5.4 En conséquence, c’est à juste titre que l’intimé n’a pas tenu compte d’un bonus pour fixer le revenu sans invalidité de la recourante.

6.              

6.1 La recourante conteste encore le fait que l’intimé a fixé son taux d’invalidité en intégrant à son revenu avec invalidité en 2020 et 2021, sa part de bénéfice dans M______ qu’elle n’a pas touchée, car le bénéfice de la société n’était pas redistribué aux associés selon le nombre de parts, mais restait à la société afin de pouvoir investir éventuellement dans des biens l’année suivante.

6.2 Selon la jurisprudence relative à la délimitation entre salaire et dividende, il n'y a lieu de déroger à la répartition choisie par la société que s'il existe une disproportion manifeste entre la prestation de travail et le salaire, respectivement entre le capital propre engagé dans l'entreprise et le dividende. La conversion d'un dividende en salaire déterminant a été admise dans un cas où un salaire exagérément bas s'ajoutait un dividende exagérément élevé en comparaison avec le capital propre engagé dans l'entreprise (ATF 141 V 634 consid. 2 et 3).

Dans l’arrêt cité par l’intimé (8C_346/2012 du 24 août 2012 consid. 4.3), le Tribunal fédéral a retenu, s’agissant d’un recourant qui était l'unique actionnaire d’une société, qu’il la contrôlait économiquement et que bien qu'il ait été en partie également employé par celle-ci, il n’était pas contraire au droit fédéral de se fonder sur la moyenne de plusieurs revenus annuels comme pour un indépendant pour déterminer ses revenus et fixer son taux d’invalidité.

Dans l’arrêt 8C_898/2010 du 13 avril 2011, également cité par l’intimé, le Tribunal fédéral a jugé qu’on ne pouvait pas se baser sur une comparaison des revenus des trois dernières années, comme c'était le cas pour les travailleurs indépendants, s’agissant du directeur d’une société dont il n’était pas associé.

Selon le ch. 3319 de la Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité (CIRAI), dans son état au 1er juillet 2022, pour savoir si une personne exerce une activité lucrative à titre d’indépendant ou de salarié, il ne faut pas se fonder sur la nature juridique de la relation contractuelle entre les parties. C’est la position économique qui est déterminante, autrement dit la réponse à la question de savoir si l’assuré exerce une influence décisive sur la politique commerciale et l’évolution des affaires de l’entreprise. Pour y répondre, il faut tenir compte de sa participation financière, de la composition de la direction de la société et d’autres critères comparables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_228/2021 du 6 octobre 2021 et 9C_453/2014 du 17 février 2015).

Les dirigeants d’une société anonyme ou d’une Sàrl doivent, en principe, être considérés comme des salariés. Toutefois, si une personne dirigeant une telle société dispose d’une influence déterminante sur celle-ci (par ex. parce qu’elle est la seule à avoir le droit de signature), il est justifié d’évaluer le taux d’invalidité par la méthode utilisée pour les indépendants (par ex. en tenant compte de la moyenne des revenus de plusieurs années ou par une comparaison pondérée des champs d’activité, arrêt du Tribunal fédéral 8C_898/2010). On considère notamment qu’un assuré employé par une société anonyme possède un statut d’indépendant s’il dispose d’une influence déterminante sur l’entreprise en sa qualité d’actionnaire unique. Comme, de par cette position, il a en outre une influence déterminante sur la répartition des revenus entre salaire et bénéfice, on ne devrait pas dans un tel cas se fonder uniquement sur les extraits du compte individuel pour déterminer le taux d’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_346/2012 du 24 août 2012).

6.3 Au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, c’est à tort que l’intimé a pris en compte la part de bénéfice M______ revenant à la recourante, indépendamment du fait qu’elle ne l’a pas touchée, car elle ne peut être considérée comme ayant une position économique déterminante dans cette société, puisqu’elle n’en est pas l'unique actionnaire, ni l’actionnaire majoritaire, n’en détenant que 95 parts sur 200. De plus, son salaire n’était pas exagérément bas en rapport avec un dividende exagérément élevé, ce d’autant moins qu’elle n’a pas touché de dividende pour les deux années en cause.

7.             Le taux d’invalidité calculé avec les revenus avec et sans invalidité retenus est de 74.88% en 2020 (CHF 103'463.30 - CHF 25'984.- x 100 / CHF 103'463.30) et de 55.1% en 2021 (CHF 104'095.- CHF 46'658.- x 100 / CHF 104'095.-), ce qui ouvre à la recourante le droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020 et à une demi-rente dès le 1er janvier 2021.

Dans la mesure où la recourante avait 40 ans au 1er janvier 2022, la quotité éventuelle de sa rente fixée avant 2022 subsiste tant que son taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA, selon les let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement et la décision du 28 mars 2023 réformée dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité du 1er août 2016 au 31 décembre 2017, comme admis par l’intimé et du 1er janvier au 31 décembre 2020 et à une demi-rente dès le 1er janvier 2021. La décision est pour le surplus confirmée en tant qu’elle octroyait à la recourante une rente entière du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 28 mars 2023.

4.        Dit que la recourante a droit à un rente entière d’invalidité du 1er août 2016 au 31 décembre 2017 et du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 ainsi qu’à une demi-rente d’invalidité dès le 1er janvier 2021.

5.        Confirme la décision du 28 mars 2023 en tant qu’elle octroie à la recourante une rente entière du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.

6.        Alloue CHF 3'000.- à la recourante à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le