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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4202/2023

ATAS/679/2024 du 04.09.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4202/2023 ATAS/679/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 septembre 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Bettina ACIMAN, avocate

 

recourante

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

et

B______

 

 

intimée

 


appelé en cause

 


EN FAIT

A. a. Monsieur B______ (ci-après : l’intéressé ou l’appelé en cause) a informé la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci‑après : la SUVA ou l’intimée) qu’il avait créé le 1er novembre 2019, à Genève, une nouvelle entreprise dont la raison sociale était C______ et qui avait pour activité « agencement menuiserie ».

b. L’intéressé a rempli un formulaire, reçu par la SUVA le 15 novembre 2021, destiné à déterminer sa situation pour l’assurance-accidents et l’assurance-vieillesse et survivants.

c. Le 1er juin 2022, l’intéressé a rempli le même formulaire.

d. Le 9 novembre 2022, la SUVA a été informée que la société A______ (ci-après : la société ou la recourante) avait un sous-traitant en attente de validation de statut.

e. Le 1er décembre 2022, la SUVA a informé l’intéressé qu’il remplissait les conditions requises pour que son activité puisse être considérée comme indépendante et qu'il n’était dès lors pas assuré à titre obligatoire contre les accidents.

f. Le 7 février 2023, la SUVA a informé l’intéressé qu’après réexamen, elle considérait qu’il avait un double statut, soit un statut d’indépendant pour les travaux adjugés en son propre nom et pour son compte, et un statut de dépendant s’il travaillait comme sous-traitant ou pour le compte d’une entreprise de prêt de personnel.

g. Par décision de constatation du 12 mai 2023, la SUVA a indiqué à l’intéressé qu’au vu des documents dont elle disposait, il ne remplissait pas les conditions requises pour que son activité puisse être considérée comme indépendante, car il travaillait régulièrement et sans supporter de risque économique d’entreprise pour les clients de la société.

Il était invité à en informer ses employeurs. En cas de modification de sa situation actuelle, un réexamen de son statut en matière de droit des assurances sociales pourrait être effectué.

B. a. Le 1er mars 2023, la SUVA a informé la société qu’elle considérait que l’intéressé avait une activité lucrative dépendante en ce qui la concernait. Elle lui demandait de lui annoncer les honoraires versés à l’intéressé pour les années 2020, 2021 et 2022.

b. Le 2 mars 2023, la société a transmis à la SUVA un listing des factures que lui avait adressé l’intéressé, soit 9 en 2020, 34 en 2021 et 34 en 2022, pour un montant total de CHF 255'020.-.

c. Le 12 mai 2023, la SUVA a adressé à la société des factures de primes définitives pour la période courant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022.

d. Le 17 mai 2023, la société a formé opposition contre la décision de la SUVA du 12 mai 2023.

e. Le 18 juillet 2023, la société a répondu à des questions de la SUVA relatives à sa collaboration avec l’intéressé.

f. Par décision sur opposition du 13 novembre 2023, la SUVA a rejeté l’opposition de la société, considérant que l'intéressé ne remplissait pas les critères pour une activité lucrative indépendante en ce qui concernait son activité de menuiserie pour elle.

C. a. Le 14 décembre 2023, la société a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition de la SUVA du 13 novembre 2023. Elle concluait à l’appel en cause de l’intéressé, à la comparution personnelle des parties, à l’annulation de la décision sur opposition et à ce qu’il soit dit que l’intéressé exerçait une activité lucrative indépendante pour elle depuis le 1er novembre 2019, avec suite de fais et dépens.

b. Par réponse du 15 janvier 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Le 7 février 2024, la recourante a répliqué.

d. Par ordonnance du 9 février 2024, la chambre de céans a appelé en cause l’intéressé et lui a donné un délai au 1er mars 2024 pour se prononcer, ce qu’il n’a pas fait.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de l’intimée de réclamer à la recourante le paiement de primes de l’assurance-accidents obligatoire pour l’activité exercée pour celle-ci par l’appelé en cause durant les années 2020 à 2022.

3.              

3.1 La recourante fait valoir que la décision entreprise violait gravement son droit d’être entendue, car l’intimée n’avait pas mis à sa disposition en temps utiles une partie des pièces sur lesquelles elle s’était fondée, à savoir le dossier relatif à l’appelé en cause.

3.2 Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_782/2015 du 19 janvier 2016 consid. 2.1), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56).

Selon la jurisprudence, une violation du droit d'être entendu est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours pouvant contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l'atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave, de sorte qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204).

3.3 En l’occurrence, il faut constater que la décision querellée mentionne la décision de constatation du 12 mai 2023, qui ne figurait pas dans le dossier de l'intimée concernant la recourante mais dans celui de l’appelé en cause. Cela étant, même si une violation du droit d’être entendu de la recourante était admise, il faudrait constater qu’elle ne serait pas particulièrement grave et qu’elle aurait été réparée devant la chambre de céans, l’intimée ayant spontanément produit le dossier de l’appelé en cause au stade de sa réponse au recours.

4.              

4.1 La recourante fait valoir que la reconsidération de l'intimée sur le statut de l’appelé en cause était contradictoire et inattendue. Elle était intervenue après que l’intimée avait attesté du statut d’indépendant de l’ayant droit depuis le 1er novembre 2019, suite à un récent contrôle effectué auprès d'elle, au cours duquel le statut de l'appelé en cause n’avait pas été remis en cause.

L’intimée fait valoir qu’elle avait considéré par erreur que l’appelé en cause était indépendant et que son dossier faisait encore l’objet de démarches nécessaires pour déterminer son statut. Le document avait été généré bien après que la recourante avait collaboré de façon étroite avec l’appelé en cause. Elle ne pouvait donc s’en prévaloir, puisque cette reconnaissance d’un statut d’indépendant ne l’avait pas amenée à collaborer aussi étroitement avec celui-ci.

4.2 En l’occurrence, l’on ne saurait retenir que la décision de réexamen du statut de l'appelé en cause serait inattendue et contradictoire, dès lors que le courrier du 1er décembre 2022 indiquait à l’appelé en cause qu’il exerçait une activité d’indépendant seulement en ce qui concernait son activité exercée en son nom propre et pour son compte, sans dépendre d’une organisation d’entreprise tierce. Il était en outre précisé que s’il louait ses services son statut devrait être soumis à une nouvelle appréciation.

Le 6 décembre 2022, l'intimée a procédé à un nouvel examen du statut en raison de nouveaux éléments qui étaient parvenus à sa connaissance et elle a demandé des pièces complémentaires à l'appelé en cause, qui les lui a transmises le 12 décembre 2022. Elle était légitimée à réexaminer cette question.

Ce grief doit être écarté.

5.              

5.1 La recourante fait valoir qu’elle ne disposait ni des moyens ni du temps pour déterminer, chaque année, la situation de ses sous-traitants. On ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir contacté l’intimée, celle-ci ayant elle-même jugé, à l’issue d’investigations poussées, que l'appelé en cause devait se voir reconnaitre le statut d’indépendant. On peinait à comprendre en quoi le fait de contacter l’intimée aurait dû conduire la recourante à une conclusion différente. L’attestation d’indépendant au dossier démontrait ainsi la contradiction de l'intimée et sa difficulté à appréhender le statut de l'appelé en cause.

À la lecture de l'attestation d’indépendant fournie par l'intimée, la recourante pouvait raisonnablement lui accorder un crédit particulier pour confirmer sa propre appréciation de la situation. Il serait disproportionné, pour ne pas dire injustifié, d’attendre de la recourante qu’elle remette en cause les enquêtes conduites par des spécialistes en la matière.

5.2 Selon l’art. 1a LAA, les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre le risque d’accident. Est réputé travailleur au sens de cette disposition quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ‑ RS 831.10 ; art. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982 [OLAA - RS 832.202]). Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l’obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps ; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (cf. art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 [RAVS - RS 831.101]).

5.3 En l’occurrence, la question de savoir s’il était possible à la recourante de déterminer si son sous-traitant était indépendant ou non n’est pas déterminante. Du moment que l’analyse de sa situation économique conduisait à la conclusion que l'appelé en cause avait un statut de travailleur dépendant dans ses rapports avec la recourante, celle-ci était tenue de par la loi de payer les cotisations contre le risque accident, même à titre rétroactif. L’intimée doit appliquer la LAA sur cette question et n’a pas de marge de manœuvre. Par ailleurs, la recourante ne peut se prévaloir de l'attestation du 1er décembre 2022 qui a été établie bien après le début de sa collaboration soutenue avec l'appelé en cause.

6.              

6.1 La recourante estime enfin que l’appelé en cause n’exerce pas une activité dépendante.

6.2 Est considéré comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS).

Quant au revenu provenant d’une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6 ; 123 V 161 consid. 1 et les références). Il n’existe toutefois aucune présomption juridique en faveur de l’activité salariée ou indépendante (Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [ci‑après : DSD] édictées par l’Office fédéral des assurances sociales, ch. 1020). La notion de dépendance englobe les rapports créés par un contrat de travail, mais elle les déborde largement (cf. GREBER, DUC, SCARTAZZINI, Commentaire des art. 1 à 16 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, 1997, n. 94 ad art. 4 LAVS et les références). Il peut en effet arriver qu’un tribunal civil qualifie une relation juridique de mandat ou de contrat d’entreprise, alors que l’assureur ou le juge social la considère comme un cas d’activité lucrative dépendante (ATF 97 V 134 consid. 3 ; Jean-Philippe DUNAND, in Commentaire romand de la LPGA, n. 56 ad art. 10).

Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci, l’obligation de ce dernier d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée. On citera également la prohibition de faire concurrence et le devoir de présence (cf. DSD ch. 1015). Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral H 334/03 du 10 janvier 2005 consid. 6.2.1). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

Le risque économique encouru par l’entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d’évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l’entreprise. Constituent notamment des indices révélant l’existence d’un risque économique d’entrepreneur le fait que l’assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêt du Tribunal fédéral H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

Un autre facteur concourant à la reconnaissance d’un statut d’indépendant est l’exercice simultané d’activités pour plusieurs sociétés sous son propre nom, sans qu’il y ait dépendance à l’égard de celles-ci (RCC 1982 p. 208). À cet égard, ce n’est pas la possibilité juridique d’accepter des travaux de plusieurs mandants qui est déterminante, mais la situation de mandat effective (cf. RCC 1982 p. 176 consid. 2b). En revanche, on part de l’idée qu’il y a activité dépendante quand des caractéristiques typiques du contrat de travail existent, c’est-à-dire quand l’assuré fournit un travail dans un délai donné, est économiquement dépendant de
l’« employeur » et, pendant la durée du travail, est intégré dans l’entreprise de celui-ci, et ne peut ainsi pratiquement exercer aucune autre activité lucrative (REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 12ème éd. p. 34 ss ; VISCHER, Der Arbeitsvertrag, SPR VII/1 p. 306). Les indices en ce sens sont l’existence d’un plan de travail déterminé, la nécessité de faire rapport sur l’état des travaux, ainsi que la dépendance de l’infrastructure sur le lieu de travail (RCC 1986 p. 126 consid. 2b, RCC 1986 p. 347 consid. 2d) ou, en cas d’activité régulière, dans le fait qu’en cas de cessation de ce rapport de travail, il se retrouve dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi (ATF 122 V 169 consid. 3c ; Pratique VSI 5/1996 p. 258).

Ni le droit suisse ni la jurisprudence ne donnent de définition précise de la sous-traitance. Selon la définition communément admise par la doctrine, le contrat de sous-traitance est le contrat d'entreprise par lequel une partie (le sous-traitant) s'engage à l'égard d'une autre (l'entrepreneur principal) à effectuer tout ou partie de la prestation de l'ouvrage que celui-ci s'est engagé à réaliser pour un maître (le maître principal ; Peter GAUCH, Der Werkvertrag, 5ème éd. 2011, n. 137 p. 53; Pierre TERCIER/ Pascal G. FAVRE, Les contrats spéciaux, 4ème éd. 2009, p. 644, n. 4290 ; voir également François CHAIX, Le contrat de sous-traitance en droit suisse, 1995, p. 85 ss. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_782/2014 du 25 août 2015 consid. 6.1.1).

Entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, la relation est régie par un contrat d'entreprise au sens de l'art. 363 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), la seule particularité tenant au fait que c'est un entrepreneur (à l'égard du maître) qui tient le rôle du sous-traitant. Ce contrat étant totalement indépendant du contrat principal passé entre le maître et l'entrepreneur principal, en vertu du principe de la relativité des conventions (ATF 124 III 64, JdT 1998 I 612), c'est donc l'entrepreneur principal qui répond à l'égard du maître principal de l'exécution des travaux effectués par les sous-traitants ; ceux-ci sont en effet des auxiliaires de l'exécution (art. 101 CO ; ATF 116 II 305, JdT 1991 I 173). Pour sa part, en l'absence de convention contraire (par ex. sous forme d'une clause indépendante de garantie du sous-traitant envers le maître principal), le sous-traitant répond uniquement à l'égard de l'entrepreneur principal des éventuels défauts de l'ouvrage (art. 367 ss CO ; Pierre TERCIER/ Pascal G. FAVRE, op. cit. n. 4294 ss).

Se référant à la doctrine, le Tribunal fédéral des assurances a considéré, dans son arrêt H 169/04 du 21 avril 2005, que les sous-traitants et les tâcherons sont généralement réputés exercer une activité dépendante. Ils sont seulement considérés comme personnes exerçant une activité indépendante s'il est prouvé que les caractéristiques de la libre entreprise dominent manifestement et si l'on peut admettre, d'après les circonstances, qu'ils traitent sur un pied d'égalité avec l'entrepreneur qui leur a confié le travail (consid. 4.4). Cette jurisprudence a été confirmée, à plusieurs reprises par la suite (arrêts du Tribunal fédéral 8C_484/2010 du 12 mai 2011 consid. 3.3 ; 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.5, 8C_367/2011 du 12 avril 2012 consid. 2.4 ; 8C_597/2011 du 10 mai 2012 consid. 2.3 ; 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2).

À chaque fois, le Tribunal fédéral s’est demandé si l’intéressé, qui se prétendait indépendant et intervenait en qualité de sous-traitant, traitait sur un pied d’égalité avec les entreprises principales. Lorsque l’intéressé intervenait majoritairement pour des particuliers, son statut était celui d’indépendant. Lorsqu’il œuvrait principalement, voire exclusivement, en qualité de sous-traitant, il était considéré comme salarié.

Dans un arrêt du 27 février 1970, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu’en présence d’un dossier ne contenant ni convention ni décomptes écrits, on ne pouvait déduire de la simple production de quittances signées par un sous-traitant que celui-ci formait, avec un associé, une société simple mandatée par l’entrepreneur principal. Aussi le Tribunal fédéral des assurances a-t-il jugé que les associés A et B ne traitaient pas sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur qui leur avait confié le travail, d’autant que la preuve d’une activité indépendante n’avait pas été apportée (RCC 1970 p. 369-370).

Dans le secteur du gros-œuvre et du second œuvre, la question de savoir si le sous-traitant traite sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur principal dépend notamment de la question de savoir qui répond de l’exécution défectueuse des travaux vis-à-vis du maître de l’ouvrage (arrêt du Tribunal fédéral H 191/05 du 30 juin 2006 consid. 4.1).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.3 En l’espèce, les très nombreuses factures adressées à la recourante par l’appelé en cause attestent d’une collaboration régulière entre eux pendant les années 2020 à 2022. Il en résulte qu’en cas de cessation de ce « rapport de travail », l’appelé en cause se serait retrouvé dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi. Si l’appelé en cause était libre de refuser les mandats de la recourante, force est de constater qu’il en a, à tout le moins, accepté un nombre conséquent.

En tant que sous-traitant de la recourante, l'appelé en cause est présumé exercer une activité dépendante. Les caractéristiques de son activité confirment qu’il exerçait bien une activité dépendante pour la recourante, selon les critères jurisprudentiels, car il ne traitait manifestement pas sur pied d’égalité avec celle-ci – qui employait sept salariés et collaborait avec plusieurs indépendants et des agences d’intérim alors que lui n’avait pas d’employé – et qui lui donnait des instructions, ce que la recourante admet.

Le fait que l’appelé en cause avait la possibilité d’organiser son horaire de travail, qu’il utilisait sur les chantiers ses outils, machines et véhicules utilitaires, qu’il se procurait le matériel servant à l’exécution du travail, qu’il avait conclu des assurances en rapport avec son activité avec Allianz ainsi qu'une assurance-automobile pour les véhicules de l’entreprise et qu’il n’avait pas droit à un remboursement séparé de ses frais et débours ne suffit pas à remettre en cause la présomption d’activité dépendante.

Même si le montant investi par l’appelé en cause pour l’achat de matériel entre 2020 et 2021 s’élevait à CHF 9'691.77, comme l’allègue la recourante, ce qui représentait 6% de la rémunération versée par elle pour cette même période, ce montant ne permet pas de retenir un statut d’indépendant, car le risque économique incombait essentiellement à la recourante qui répondait à l'égard du maître principal de l'exécution des travaux effectués par l’appelé en cause.

Au vu du nombre très important de factures adressées par l’appelé en cause à la recourante sur l’ensemble de la période en cause (9 en 2020, 34 en 2021 et 34 en 2022) et du montant global qu’elles représentent (CHF 255'020.-), il n’y a pas lieu de distinguer son statut selon chaque année quand bien même ses revenus ne provenaient pas totalement de la recourante mais également d’autres mandants, dans une mesure plus ou moins importante selon les années.

En conclusion, la décision sur opposition est bien fondée en tant qu’elle retient que l’activité de l’appelé en cause pour la recourante ne remplit pas les critères pour être qualifiée d’activité indépendante pour les années 2020 à 2022.

7.             Les faits de la cause étant suffisamment établis par les pièces du dossier, il ne sera pas donné suite à la demande d’audition de la recourante.

8.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le