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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3141/2023

ATAS/676/2024 du 04.09.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3141/2023 ATAS/676/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 septembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A_____

représenté par Me Didier KVICINSKY, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1971, est père de deux enfants, nés en 2012 et 2013, issus d’un second mariage contracté en juillet 2010.

b. Sans formation autre que la scolarité obligatoire et des études de commerce inachevées en Macédoine du Nord, l’assuré est arrivé officiellement en Suisse en août 2001 et y a exercé, successivement, l’activité de serveur (1999-2002) puis celle de directeur d’un bar (2002-2003), de « shop operator » (cordonnerie et réalisation de copies de clés) auprès de la société B______. (2003) et, enfin, de conseiller de vente dans une entreprise de matériel de construction (2015-2018).

B. a. Le 25 mars 2010, l’assuré a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI). Selon ses indications, il présentait un état dépressif chronique depuis 2008. Il était également suivi pour une hépatite C chronique, un diabète de type II et de l’hypertension.

b. Dans un rapport du 10 mai 2010, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne (gastroentérologie-hépatologie) a indiqué que l’assuré l’avait consulté pour la première fois en août 2007 en vue de l’éventuel traitement d’une hépatite C chronique découverte peu de temps auparavant – en même temps qu’un diabète. Le traitement de l’hépatite C, mis en place dès février 2008, s’était terminé avec succès en février 2009. Il persistait malgré tout une perturbation des tests hépatiques. Celle-ci était à mettre en relation avec la découverte d’autres troubles : hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie et surcharge pondérale (indice de masse corporelle [BMI] à 31 en mars 2009). La dernière consultation remontait au 8 octobre 2009. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le
Dr C______ estimait qu’il n’y avait pas de justification, d’un point de vue gastroentérologique, pour ne pas maintenir une activité professionnelle ou pour demander une rente d’invalidité, même partielle.

c. Dans un rapport du 30 juillet 2010, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que l’assuré présentait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel d’intensité sévère, sans symptômes psychotiques (F33.20), entraînant une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle de cordonnier, depuis juin 2007. En revanche, pour cet assuré qui dépendait des services sociaux (Hospice général) depuis 2007, des mesures de placement au travail permettraient de recouvrer une capacité de travail de 50%.

d. Par communication du 23 août 2010, l’OAI a informé l’assuré qu’aucune mesure de réadaptation d’ordre professionnel n’était indiquée actuellement. En conséquence, le droit éventuel à une rente ferait prochainement l’objet d’un examen.

e. Dans un rapport du 28 août 2010, la docteure E______, spécialiste en diabétologie et endocrinologie, a indiqué que l’hépatite C, le diabète de type II, l’hypertension artérielle, l’obésité et la dyslipidémie (diagnostics tous présents depuis 2007) étaient sans effet sur la capacité de travail, contrairement au trouble dépressif pour lequel l’assuré était suivi par le Dr D______.

f. Dans un rapport d’expertise psychiatrique du 12 décembre 2011, réalisé à la demande de l’OAI, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a retenu une simple dysthymie (F34.1), présente depuis 2009, sans répercussion sur la capacité de travail. Il n’apparaissait pas, à l’anamnèse dirigée, que l’assuré ait présenté plusieurs épisodes de dépression clairement définis, séparés par un laps de temps de deux mois au moins et, par conséquent, l’expert ne comprenait pas pour quelle raison le diagnostic de trouble dépressif récurrent avait été posé. La capacité de travail de l’assuré était entière, sans diminution de rendement, dans l’activité habituelle et toute activité adaptée, soit une activité correspondant à ses capacités et son niveau d’instruction.

g. Par projet de décision du 20 août 2012, l’OAI a envisagé de rejeter la demande de prestations.

h. Par décision du 1er octobre 2012, l’OAI a rejeté la demande de prestations, motif pris qu’il ressortait du dossier et notamment du rapport d’expertise du 12 décembre 2011 que l’assuré ne présentait pas une maladie justifiant une diminution de sa capacité de travail de longue durée. Non contestée, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 1er avril 2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en expliquant qu’il présentait une incapacité de travail totale depuis un accident survenu le 27 septembre 2020, pris en charge par la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 7 avril 2021, l’OAI a reçu de la part de la SUVA, notamment :

-          un rapport d’audition du 29 mars 2021. Entendu à cette date par la SUVA, l’assuré a déclaré qu’il percevait des indemnités d’assurance-chômage depuis le 1er mai 2018, prolongées en raison de la pandémie de COVID-19. Avant cela, il avait travaillé durant un peu plus de deux ans en qualité de représentant en produits du bâtiment. L’accident était survenu le 27 septembre 2020. En sortant d’un centre commercial, il avait emprunté les escaliers extérieurs qui étaient humides. En descendant les marches, il avait glissé. Après être tombé en arrière, il s’était réceptionné sur les deux mains et les fesses. Il avait ressenti aussitôt une douleur dans les deux épaules et subi, le 15 février 2021, une intervention à l’épaule droite. Il était en arrêt de travail à 100% ;

-          un rapport adressé le 22 janvier 2021 par le docteur G______ à la SUVA. Ce spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur y indiquait que l’assuré présentait une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, consécutive à une chute survenue environ quatre mois plus tôt, suivie de douleurs invalidantes diurnes et nocturnes, limitant considérablement la mobilité de l’épaule droite. Une intervention était programmée en février 2021.

c. Dans un rapport du 12 avril 2021 à l’OAI, le Dr G______ a confirmé le diagnostic de rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite (M751). Cette épaule, qui était hyperalgique depuis au moins trois mois, présentait en outre une impotence fonctionnelle totale. Depuis le 15 février 2021, date de la réparation chirurgicale de la coiffe, on notait une amélioration des douleurs. Actuellement, l’usage du membre supérieur droit était impossible pour une activité manuelle. Cela était valable depuis le 15 février 2021 et le serait encore jusqu’au 15 août 2021. Pour la période subséquente, le port de charges supérieures à 5 kg serait à proscrire définitivement, de même que le travail avec les bras au-dessus du plan des épaules. Une reprise de l’activité antérieure (de représentant en produits du bâtiment) ne pouvait pas être envisagée. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées, la capacité de travail serait de 50% du 15 août au 15 octobre 2021, puis de 100%.

d. Par décision du 30 septembre 2021, la SUVA a informé l’assuré qu’elle entendait clore le cas avec effet au 14 octobre 2021. À compter du 15 octobre 2021, l’incapacité de travail ainsi que le traitement médical ne seraient plus à la charge de l’assurance-accidents mais de l’assurance-maladie.

e. Dans un rapport du 15 octobre 2021 à l’OAI, le Dr G______ a indiqué que même si la (très lente) évolution était favorable à l’épaule droite, il existait, à l’épaule gauche, un status de rupture de la coiffe non opérée. En l’état, l’assuré n’était pas capable d’exercer une activité professionnelle, même adaptée, parce qu’une intervention chirurgicale (réparation de la coiffe) était à envisager aussi à l’épaule gauche.

f. Dans un rapport du 16 décembre 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en cardiologie et médecine interne, a indiqué que l’assuré était connu pour une cardiomyopathie dilatée et une cardiopathie ischémique sur maladie coronarienne. Actuellement, le ventricule gauche était discrètement dilaté avec une diminution modérée à sévère de la fonction globale systolique. Il existait par ailleurs une régurgitation mitrale discrète de la pression systolique dans le ventricule droit. La capacité de travail était de 30% dans l’activité habituelle
de vendeur, respectivement de 75% dans une activité adaptée, soit une activité n’impliquant pas le port de charges de plus de 5 kg et permettant d’alterner les positions assise et debout.

g. Dans un rapport du 9 juillet 2022, le Dr G______ a indiqué avoir opéré l’épaule gauche le 15 février 2022. En postopératoire, du côté droit, les phénomènes douloureux avaient quasi disparu et la mobilité était redevenue normale. Du côté gauche, la récupération était encore incomplète avec des douleurs et une limitation de la mobilité ainsi qu’une diminution de la force musculaire. Du côté droit, il n’y avait pas de limitation ni de restriction, à l’exception du travail les bras au-dessus du plan des épaules et du port de charges supérieures à 6 kg à bout de bras. Du côté gauche, il existait une incapacité d’utilisation de 100% dans une activité manuelle jusqu’au 31 décembre 2022. En revanche, la reprise progressive d’une activité sédentaire était envisageable dès le 1er octobre 2022.

h. Dans un rapport du 4 septembre 2022 à l’OAI, le docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2). Il suivait l’assuré depuis février 2022. L’évolution était globalement stationnaire, malgré un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré (séances de psychothérapie individuelles associées à un traitement médicamenteux). La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle. Les limitations fonctionnelles étaient liées non seulement au status psychiatrique actuel, mais aussi au tableau somatique qui renforçait cette incapacité. Quant à la capacité de travail dans une activité adaptée, elle était nulle également. En effet, l’assuré n’avait pas le niveau requis pour effectuer des tâches administratives, car il ne maîtrisait pas les outils informatiques.

i. Par avis du 14 septembre 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l'OAI a indiqué qu’il n’était pas en mesure de suivre les conclusions du Dr I______, notamment parce que ce médecin avançait des raisons extra-médicales – manque de connaissances en informatique – pour justifier une incapacité de travail dans une activité adaptée. Aussi a-t-il considéré qu’il était nécessaire de diligenter une expertise bi-disciplinaire comprenant des volets orthopédique et psychiatrique.

j. Par communication du 16 septembre 2022, l’OAI a informé l’assuré de la réalisation prochaine d’une expertise médicale bi-disciplinaire en lui faisant parvenir en annexe la liste des questions aux experts. Le choix du centre d’expertises se ferait de manière aléatoire.

k. Le 12 octobre 2022, l’OAI a annoncé à l’assuré que l’expertise serait confiée au J______ (ci-après : le J______) et réalisée par les docteurs K______ et L______, respectivement spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

l. Le 3 janvier 2023, les experts ont rendu leurs conclusions.

Au plan somatique, le seul diagnostic incapacitant était le status après plastie de la coiffe des rotateurs et ténodèse des deux biceps avec limitations de la mobilité des deux côtés, avec une limitation fonctionnelle plus importante à gauche. Pour le surplus, les lombalgies chroniques ainsi que les insertionites multiples sur déconditionnement n’étaient pas incapacitantes.

Pour expliquer les diagnostics retenus ainsi que leur incidence sur les capacités fonctionnelles, le Dr K______ a indiqué que l’assuré déclarait ne pas pouvoir bouger son épaule gauche, ni pouvoir porter une bouteille d’huile d’un litre, principalement à gauche. De plus, il affirmait ne pas pouvoir faire d’exercices
en raison d’une fatigue trop importante. Le Dr K______ a toutefois noté à l’examen que l’assuré avait une mobilité certes très diminuée au niveau de l’épaule gauche mais que passivement, cette mobilité était physiologique. Il n’y avait donc pas d’épaule gelée ni d’autre diagnostic qui expliquait la limitation de la mobilité actuellement. Dans l’activité habituelle exercée jusqu’ici (représentant en produits du bâtiment), la capacité de travail était de 50%. En effet, toute la partie administrative pourrait encore être effectuée. Seul le port de charges était un facteur limitant, ce qui correspondrait à une activité de 50%. En revanche, la capacité de travail était de 100% dans une activité adaptée (n’impliquant ni charge au niveau des deux épaules [1 à 2 kg], ni mouvement répétitif d’adduction ou d’abduction), excepté au cours de deux périodes d’incapacité totale de travail, de quelques mois chacune en 2021 et en 2022, ayant duré respectivement du 15 février au 12 avril 2021 et du 15 février jusqu’à la mi-août 2022.

Au plan psychique, le seul diagnostic incapacitant était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen. Pour le reste, le fait de présenter une phobie spécifique, claustrophobie (F40.2) – expliquant le non-suivi du traitement prescrit pour le syndrome des apnées du sommeil – n’était pas incapacitant mais pouvait expliquer les troubles cognitifs qui n’existaient pas lors de l’expertise psychiatrique réalisée par le Dr F______ en 2011.

Pour motiver les diagnostics retenus et leur incidence sur les capacités fonctionnelles, le Dr L______ a indiqué qu’il existait une fatigue et une fatigabilité objectives, une anhédonie ressentie, avec baisse d’élan vital. Il y avait des idées suicidaires passagères, sans éléments psychotiques associés. Invité à décrire les caractéristiques d’une activité adaptée de manière optimale au handicap, l’expert a répondu qu’il fallait que le travail soit répétitif, sans prise de décision immédiate, ni traitement d’information simultanée. Le travail habituel (représentant en produits du bâtiment) respectait les limitations fonctionnelles. Au plan psychique, la capacité de travail dans l’activité habituelle, comme dans une activité adaptée, était de 70% depuis septembre 2020, en raison d’une baisse de rendement de 30%, pour un taux horaire de 100%. Cette baisse de rendement de 30%, correspondant à une capacité de travail de 70%, remontait à septembre 2020, date de sa chute, en raison de la fatigue. Par ailleurs, l’assuré présentait une anhédonie. La part des difficultés de sommeil, attribuable au syndrome d’apnées du sommeil, était impossible à évaluer.

m. Par avis du 16 janvier 2023, le SMR a retenu, sur la base des diagnostics et conclusions des experts du J______, que le début de l’incapacité de travail durable (50%) remontait au 27 septembre 2020, soit à la date de l’accident. Concernant la capacité de travail exigible, elle était de 50% dans l’activité habituelle de représentant en produits du bâtiment. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (sur le plan ostéo-articulaire : pas de charges supérieures à 1-2 kg au niveau des épaules, pas de mouvement répétitif d’adduction et d’abduction ; sur le plan psychique : travail répétitif sans prise de décision immédiate ni traitement d’information simultanée), la capacité de travail était de 70% depuis le 27 septembre 2020, de 0% dès le 15 février 2021 (date de l’opération à l’épaule droite), de 70% dès le 12 avril 2021, de 0% depuis le 15 février 2022 et de 70% dès le 1er août 2022.

n. Le 8 juin 2023, l’OAI a déterminé le degré d’invalidité. Compte tenu du parcours professionnel de l’assuré et de ses gains fluctuants, il n’était pas possible de déterminer avec exactitude son revenu sans invalidité. Au vu du large éventail d’activités simples et répétitives que recouvrait le marché du travail en général
– et le marché équilibré du travail en particulier –, on devait admettre qu’un nombre significatif d’entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, étaient adaptées aux limitations fonctionnelles de l’assuré, telles que des tâches simples de surveillance, de vérification, de contrôle, d’ouvrier à l’établi ou encore des activités d’accueil. Pour évaluer la perte de gain, il convenait de se baser sur les tabelles statistiques pour un emploi simple (Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS], ligne « total », pour un homme, niveau 1), pour le revenu sans invalidité et le revenu avec invalidité. Étant donné que l’incapacité de travail
se confondait avec la perte de gain, le degré d’invalidité s’élevait à 30%.

o. Par projet de décision du 16 juin 2023, l’OAI a envisagé de ne pas octroyer de prestations à l’assuré. À l’échéance du délai d’attente, soit en septembre 2021, son degré d’invalidité était de 30%, ce qui était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. En raison d’une aggravation de son état de santé, l’assuré présentait une incapacité totale de travail dans toute activité dès le 15 février 2022, soit au début du nouveau délai d’attente d’un an. Dans la mesure où il avait retrouvé une capacité de travail de 70% dès le 1er août 2022, l’assuré présentait à nouveau un degré d’invalidité de 30% à l’issue du second délai d’attente, si bien qu’aucune prestation sous forme de rente ne pouvait lui être octroyée. Dans sa situation, des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas non plus indiquées.

p. Le 28 août 2023, l’OAI a rendu une décision identique au projet de décision du 16 juin 2023.

D. a. Le 28 septembre 2023, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimé.

À l’appui de sa position, il a contesté les conclusions du rapport d’expertise du J______ et soutenu que son incapacité de travail était totale, y compris dans une activité adaptée, au moyen des rapports médicaux suivants :

-          un rapport « après aggravation » du 23 juin 2023 du docteur M______, médecin praticien au N______. Selon ce médecin, le recourant présentait une incapacité totale de travail dans toute activité depuis le 27 septembre 2020. L’aggravation de son état de santé était due à plusieurs pathologies : une hépatite C avec des complications multiples et évolutives, une dépression nerveuse avec des idées suicidaires, une anémie ferriprive, une cardiopathie ischémique en lien avec laquelle il avait bénéficié de la pose de trois stents. Il avait été opéré des deux épaules (rupture de la coiffe des rotateurs, bilatérale) mais il persistait une faiblesse à ce niveau, ne permettant ni l’accomplissement de gestes répétitifs des deux membres supérieurs, ni le travail au-dessus du plan des épaules, ni le port de charges supérieures à 3 kg. Outre des hernies discales cervicales et lombaires, le recourant présentait également des chondropathies postérieures des deux hanches (avec des crises douloureuses intermittentes), des kystes rénaux et un diabète de type II avec artériopathie bilatérale des deux membres inférieurs. Interrogé sur les limitations fonctionnelles en lien avec l’atteinte à la santé, le Dr M______ a indiqué que celles-ci concernaient les limitations des mouvements des deux épaules et des troubles de la marche, dus à ses coxalgies bilatérales et son artériopathie des deux membres inférieurs. Questionné sur les éventuels facteurs faisant obstacle à la réadaptation professionnelle, le Dr M______ a mentionné les douleurs et les limitations fonctionnelles, ainsi que les complications de son hépatite C ;

-          un certificat établi le 20 juin 2023 par le Dr I______, attestant une capacité de travail nulle du 1er au 30 juin 2023 ;

-          un certificat établi le 23 juin 2023 par le Dr G______, attestant que le recourant était en arrêt de travail depuis l’intervention du 15 février 2021 et qu’aujourd’hui, son état ne lui permettait de reprendre aucune activité professionnelle.

b. Par avis du 30 octobre 2023, le SMR a estimé que les certificats des 20 et 23 juin 2023 des Drs I______ et G______ n’amenaient pas de nouvel élément médical objectif au regard du rapport d’expertise psychiatrique et orthopédique du 3 janvier 2023. Quant au rapport du 23 juin 2023 du Dr M______, les diagnostics qui y étaient énumérés étaient déjà connus du SMR et des experts, hormis l’artériopathie bilatérale des membres inférieurs et les complications de
l’hépatite C. Ces éléments semblaient, certes, postérieurs à l’expertise du J______ mais le Dr M______ n’amenait pas d’examens complémentaires permettant de les objectiver, si bien qu’il convenait de s’en tenir à la précédente appréciation du cas.

c. Par réponse du 30 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours en
renvoyant à l’avis du SMR du même jour.

d. Par plis des 20 novembre 2023, 22 décembre 2023 et 5 février 2024, le recourant a sollicité trois prolongations de délai successives pour répliquer et produire des rapports médicaux à l’appui de cette écriture.

e. Par réplique du 5 mars 2024, le recourant a fait valoir que ses différents troubles n’avaient pas été pris correctement en compte par l’intimé et qu’il convenait, de ce fait, d’ordonner une expertise multidisciplinaire, notamment de médecine physique et réadaptation, cardiaque et d’évaluation de la douleur, comprenant un bilan neuropsychologique. En effet, les investigations de l’intimé sur les diverses et nombreuses pathologies du recourant étaient largement insuffisantes et devaient être complétées.

À l’appui de sa position, il a produit un rapport établi le 3 mars 2024 par le docteur O_____, chef de clinique en psychiatrie et psychothérapie, cosigné par la docteure P_____, médecin praticien en psychiatrie et psychothérapie. Selon le Dr O_____, les antécédents avaient bien été décrits dans les différents rapports d’expertise. Aussi exposait-il uniquement les derniers éléments en date :

-          septembre 2023 : angioplastie de l’ostium de la première marginale et de la circonflexe avec implantation de deux stents actifs ;

-          octobre 2023 : angioplastie de l’artère coronaire droite ou moyenne et de l’artère interventriculaire postérieure avec implantation de trois stents actifs ;

-          octobre 2023 : selon le rapport de polygraphie ventilatoire, présence d’apnée hypopnée obstructive, de degré modéré, avec un indice d’apnée hypopnée à 17.3/h. Une reprise de la ventilation par pression positive avait été proposée par « le pneumologue » ;

-          janvier 2024 : le « Dr Q_____ », à la suite de l’hospitalisation du patient, proposait une revascularisation chirurgicale qui était recommandée en première intention ;

-          février 2024 : passage aux urgences des HUG pour des douleurs sternales.

Au chapitre des diagnostics, le Dr O_____ a fait état d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptôme psychotique (F33.2), d’une phobie spécifique, claustrophobie (F40.2) et d’un probable trouble de l’anxiété généralisé.

En conclusion, le recourant présentait actuellement une péjoration de son état de santé entraînant une réduction très importante de sa capacité de travail, tant sur le plan psychique que physique. L’évolution était défavorable en raison de la présence notamment :

-          d’un trouble dépressif récurrent, évoluant depuis 2009 sans notion de guérison ou de rémission. Plusieurs traitements (Duloxétine, Cipralex, etc.) n’avaient pas atteint l’efficacité escomptée, le choix de la médication étant rendu plus sensible en raison des comorbidités cardiovasculaires et métaboliques ;

-          d’un trouble anxieux, le Dr O_____ établissant un lien avec le syndrome d’apnée et hypopnée du sommeil. Ce syndrome non, ou mal traité, était connu selon la littérature médicale comme étant pourvoyeur de complications sur le plan cardiovasculaire et cognitif ;

-          de troubles cognitifs (difficultés de concentration et d’attention, oublis portant sur des éléments récents, recherche de mots, ralentissement de la pensée). Non investigués, ces troubles cognitifs s’expliquaient par l’évolution du trouble dépressif, du syndrome d’apnées du sommeil et l’utilisation prolongée d’anxiolytiques, sans oublier les toxiques pris par le passé (alcool, drogues, tabac). Au vu des comorbidités cardiovasculaires (diabète, surcharge pondérale, hypercholestérolémie, problèmes vasculaires), le risque de pathologies dégénératives du cerveau était fortement augmenté, par rapport à la population générale.

f. Par avis du 11 mars 2024, le SMR a estimé à la lumière du rapport du 3 mars 2024 du Dr O_____ que l’état de santé du recourant s’était aggravé sur le plan psychiatrique – par rapport à l’expertise du J______, vu le développement d’un état dépressif sévère et la survenance d’un tentamen médicamenteux – ainsi que sur le plan cardiologique (nouvelles poses de stents), le tout depuis septembre 2023. Ainsi, cette aggravation était postérieure à la date de la décision.

g. Par duplique du 26 mars 2024, l’intimé a renvoyé à l’avis du 11 mars 2024 du SMR et précisé qu’en tant que l’aggravation de l’état de santé était postérieure à la date de la décision attaquée, elle ne pouvait pas être prise en compte dans le cadre de la procédure mais serait examinée, le cas échéant, dans le cadre d’une nouvelle demande de prestations.

h. Le 27 mars 2024, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, au recourant.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

j. Les autres faits et documents seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement, s’il existe une aggravation de son état de santé entre le 1er décembre 2012 et le 28 août 2023, dates auxquelles l’intimé a rejeté la première, respectivement la seconde demande de prestations d’assurance-invalidité du recourant.

3.              

3.1 La LPGA s’applique à la présente espèce, par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAI. Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

3.2 En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence).

Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références)

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.              

4.1 En application de l’art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.

Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants
(ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 125 V 412 consid. 2b ; 117 V 198 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2018 du 3 septembre 2018 consid. 2.2).

Lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel - soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques - et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Selon la jurisprudence, elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (cf. ATF 133 V 108) pour déterminer si une modification notable du taux d'invalidité justifiant la révision du droit en question est intervenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3).

4.2 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).

Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l’invalidité (ATF 141 V 9).

4.3 Aux termes des art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

L’art. 28 al. 2 LAI prévoit que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

À teneur des art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré.

Conformément aux art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à
l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

4.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral
I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

5.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources ;
ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

6.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.4 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

En l’espèce, il convient de comparer la situation telle qu’elle se présentait lors de la décision du 1er octobre 2012 avec celle existant au moment de la décision du 28 août 2023 pour apprécier le bien-fondé d’une éventuelle révision opérée en application de l’art. 17 LPGA.

8.1 Dans le cadre de la première demande de prestations, déposée le 25 mars 2010, les médecins traitants de l’assuré, chargés de son suivi sur le plan somatique, avaient indiqué que l’hépatite C, le diabète de type II, l’hypertension artérielle, l’obésité et la dyslipidémie étaient sans effet sur la capacité de travail, contrairement au trouble dépressif, pour lequel l’assuré était suivi par le Dr D______.

Après avoir poursuivi les investigations sur le seul plan psychique, l’OAI avait considéré, à la lumière du rapport d’expertise du 12 décembre 2011 du Dr F______, concluant à une simple dysthymie (F34.1) sans répercussion sur la capacité de travail, que l’assuré ne pouvait pas prétendre à des prestations de l’assurance-invalidité faute de présenter une maladie justifiant une diminution de sa capacité de travail de longue durée.

À la suite de la nouvelle demande déposée le 1er avril 2021, motivée par les suites de l’accident du 27 septembre 2020 sur le plan orthopédique, l’OAI a recueilli des renseignements relevant de plusieurs spécialités médicales et obtenu un rapport du 16 décembre 2021 du Dr H______, retenant, sur le plan cardiologique, des diagnostics entraînant une incapacité de travail de 70% dans l’activité habituelle de « vendeur » et de 25% dans une activité adaptée, soit une activité n’impliquant pas le port de charges de plus de 5 kg et permettant d’alterner les positions assise et debout. Ce médecin soulignait également dans ce même rapport que les comorbidités importantes suivantes étaient à évaluer avec le concours des autres médecins du recourant et de leurs spécialités respectives : status après opération bariatrique le 21 septembre 2020, accident avec lésions des épaules, suspicion d’une dépression persistante.

Par avis du 14 septembre 2022, le SMR a certes rappelé qu’en plus de ses troubles psychiques et orthopédiques aux épaules, le recourant était également connu « depuis plusieurs années (15 ans environ) pour un diabète de type II et une coronaropathie (3 stents et traitement par aspirine cardio) ». La chambre de céans constate cependant que dans le cadre de la première demande, des informations avaient été recueillies non pas sur ladite coronaropathie mais sur le diabète de type II et l’hépatite C (cf. le rapport du 10 mai 2010 du Dr C_____ et du 28 août 2010 de la Dre E______, ne retenant pas d’atteinte à la santé incapacitante notamment pour l’hépatite C et le diabète de type II) et que dans son rapport du
16 décembre 2021, postérieur à une angioplastie de l’artère circonflexe proximale réalisée en janvier 2019 (cf. dossier AI, doc. 76, p. 412 ss.), le Dr H______ indiquait que l’assuré, qu’il suivait depuis 2008, était « connu pour une cardiomyopathie dilatée et une cardiopathie ischémique sur maladie coronarienne » mais que « actuellement le ventricule gauche est discrètement dilaté avec une diminution modérée à sévère de la fonction globale systolique ». Le Dr H______ précisait que la diminution modérée à sévère de la fonction globale systolique ventriculaire gauche, l’élévation de la pression systolique dans le ventricule droit, la cardiomyopathie dilatée et la maladie coronarienne représentaient, d’un point de vue cardiologique, des diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail (cf. dossier AI, doc. 77, p. 421).

Dans ces conditions, on peine à comprendre les raisons pour lesquelles le SMR, dans son avis du 14 septembre 2022, ne prend pas position sur l’évolution récente d’un point de vue cardiologique et les atteintes incapacitantes relatées par le Dr H______ et limite, dans son préavis, la portée de l’expertise devant être diligentée aux seuls domaines orthopédique et psychiatrique.

En l’état de l’instruction du dossier, le SMR ne saurait donc être suivi en tant qu’il conclut, à l’issue de l’expertise bi-disciplinaire (orthopédique et psychiatrique) du J______, que les deux seules atteintes à la santé incapacitantes sont, d’une part, le trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.11) et, d’autre part, le status après plastie de la coiffe des rotateurs et ténodèse des deux biceps avec une limitation fonctionnelle plus importante à gauche.

8.2 Sans préjudice de ce qui précède, il n’en reste pas moins nécessaire, même en l’état de l’instruction du dossier, d’examiner si d’un point de vue strictement psychiatrique et orthopédique, les conclusions de l’expertise du J______, auxquelles le SMR et, à sa suite, l’intimé se rallient, peuvent être suivies et permettent de considérer qu’entre la décision du 1er octobre 2012 et celle du 28 août 2023, l’état de santé du recourant s’est, certes, détérioré sous l’angle de ces deux spécialités médicales mais pas au point de permettre l’octroi d’une rente d’invalidité.

La décision querellée retient, sur la base de l’avis du SMR du 16 janvier 2023, consécutif au rapport d’expertise bi-disciplinaire du 3 janvier 2023, une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle de représentant en produits du bâtiment/vendeur, depuis l’accident du 27 septembre 2020 et, depuis ce même événement, une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée (c’est-à-dire une baisse de rendement de 30% sur un taux horaire de 100%), de 0% dès le 15 février 2021 (date de l’opération à l’épaule droite), de 70% dès le 12 avril 2021, de 0% depuis le 15 février 2022 (date de l’opération à l’épaule gauche) et de 70% dès le 1er août 2022. La décision retient également qu’au vu de la comparaison des revenus effectuée sur la base de la même tabelle statistique au terme du premier délai d’attente d’un an (septembre 2021), respectivement au terme du deuxième délai d’attente d’un an (février 2023), la diminution de la capacité de travail dans une activité adaptée se confond avec la perte de gain et le taux d’invalidité (30%), ne permettant donc pas l’octroi d’une rente d’invalidité.

Le recourant conteste les conclusions des experts du J______ et des médecins du SMR, au motif que leur appréciation de la capacité de travail serait contredite par ses médecins traitants.

Il convient tout d’abord d’examiner la valeur probante du rapport d’expertise bi-disciplinaire.

Dans leur rapport du 3 janvier 2023, les experts retiennent les diagnostics suivants :

- avec incidence sur la capacité de travail :

◦ status après plastie de la coiffe des rotateurs et ténodèse des deux biceps avec limitation de la mobilité des deux côtés et une limitation fonctionnelle plus importante à gauche ;

◦ trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, F33.11 ;

-       sans incidence sur la capacité de travail :

◦ lombalgies chroniques ;

◦ insertionites multiples sur déconditionnement ;

◦ phobie spécifique, claustrophobie, F40.2.

Sur le plan orthopédique, l’expert K______ explique, en synthèse, que même si la limitation de la mobilité de l’épaule gauche dont le recourant se plaignait ne s’expliquait pas, le diagnostic incapacitant retenu avait néanmoins pour effet de faire dépendre l’exigibilité à plein temps d’une activité lucrative au fait que
celle-ci n’implique, ni le port de charges supérieures à 1-2 kg, ni des mouvements répétitifs d’adduction et d’abduction, une fois les périodes de convalescence post-opératoire terminées, durant lesquelles l’incapacité de travail était totale (du 15 février au 12 avril 2021 et du 15 février à mi-août 2022).

Sur le plan psychiatrique, l’expert L______ mentionne que le recourant présentait, certes, durant l’entretien une symptomatologie proche de celle constatée en 2011 par l’expert F______, avec un discours de nouveau tourné sur les difficultés d’ordre socioprofessionnel et une baisse d’estime de soi et d’élan vital, mais qu’à la différence de l’expert F______, il retenait de façon objective une fatigue, une fatigabilité et un ralentissement psychomoteur, ce qui justifiait de ne pas retenir une simple dysthymie (F34.1) mais un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.11), même si les symptômes décrits pouvaient également être « en rapport avec une aggravation [du] syndrome d’apnée du sommeil qui n’est pas appareillé » (cf. rapport d’expertise, p. 23, avant-dernier § in fine). Aussi le Dr L______ retenait-il que les limitations fonctionnelles étaient en rapport avec la fatigue, la fatigabilité et le ralentissement psychomoteur constatés.

Au regard de ces éléments, les experts du J______ sont parvenus consensuellement à la conclusion qu’une activité respectant les limitations fonctionnelles découlant de l’atteinte aux deux épaules est exigible, à plein temps, mais qu’il persiste une baisse de rendement de 30% pour des raisons psychiatriques.

Pour parvenir à cette conclusion, les experts ont effectué une analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents.

Ce faisant, ils ont estimé d’un point de vue interdisciplinaire que les diagnostics ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles du recourant se heurtaient aux aspects liés à sa personnalité, à savoir, au plan somatique, à une absence d’allant pour essayer de s’en sortir (le recourant ne faisait pas les exercices prescrits par son médecin) et, au plan psychique, à une fragilisation des assises narcissiques (peur de perdre son entourage) sans qu’il existât pour autant un trouble de la personnalité. Au plan somatique, les ressources étaient caractérisées par un mauvais soutien familial, avec des problèmes de couple. S’y ajoutait un facteur de surcharge, à savoir l’absence de formation qualifiante. Au plan psychique, les ressources provenaient de sa famille, du fait de pouvoir s’exprimer en français et de présenter une intelligence normale. Il convenait cependant de tenir compte des facteurs de surcharge, ceux-ci prenant la forme d’une fragilisation des assises narcissiques et d’une absence de formation certifiante.

En ce qui concernait l’aspect « cohérence » au plan orthopédique, les raisons de l’échec des interventions n’étaient pas liées à un problème orthopédique, mais au fait que le recourant ne faisait pas les exercices de physiothérapie – qui lui avaient été prescrits/conseillés – pour améliorer sa situation, déclarant qu’il était trop fatigué pour les effectuer. En revanche, au plan psychique, l’expert psychiatre ne trouvait aucune incohérence clinique.

En conclusion, les experts ont estimé, de manière consensuelle, que les indicateurs jurisprudentiels de gravité pour les troubles diagnostiqués ne permettaient pas de conclure à une atteinte à la santé ayant une répercussion autre qu’une simple diminution de rendement de 30% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’ordre orthopédique, une telle activité étant exigible à plein temps.

La chambre de céans constate que le rapport d’expertise du J______ comporte une anamnèse complète et détaillée d’un point de vue médical, familial et personnel, une description du status sur la base d’entretiens/examens (avec chacun des experts), du dossier médical et des plaintes exprimées et, enfin, que ses conclusions sont cohérentes et motivées selon les indicateurs jurisprudentiels pertinents.

D’avis contraire, le recourant se fonde sur les certificats établis le 20 juin 2023 par le Dr I______ (pièce 5 recourant), respectivement le 23 juin 2023 par le
Dr G______ (pièce 6 recourant), attestant tous deux d’une incapacité totale de travail.

La chambre de céans constate que ces certificats, qui ont été établis par des spécialistes des disciplines médicales ayant fait l’objet du rapport d’expertise du J______, ne sont pas motivés et ne mettent donc objectivement pas en lumière des éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par les experts. Aussi ces certificats ne sont-ils pas de nature à remettre en cause les conclusions de leur expertise.

Partant, les rapports d’expertise du J______ doivent se voir reconnaître une pleine valeur probante, sur les plans orthopédique et psychiatrique.

8.3 Dans un deuxième moyen, le recourant fait valoir que sa claustrophobie ne lui permet pas de suivre un traitement pour son syndrome des apnées du sommeil et qu’il entraîne des conséquences sur ses aptitudes physiques et professionnelles, ce qui aurait été ignoré dans le cadre de l’instruction médicale.

Cette argumentation ne saurait être suivie, les experts du J______ ayant tenu compte du syndrome d’apnée du sommeil non traité et de la fatigabilité qu’il entraîne (cf. notamment les p. 7-9 du rapport d’expertise).

8.4 Dans un troisième moyen, le recourant soutient, en substance, en se référant au rapport du 3 mars 2024 du Dr O_____, que le rapport d’expertise du J______ ne serait de loin pas suffisant pour évaluer correctement son état de santé, au regard de la multitude de ses troubles incapacitants relevant de spécialités médicales autres que la chirurgie orthopédique et la psychiatrie.

Il sied de rappeler, à titre liminaire, que selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative
(ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

Le rapport du Dr O_____ est postérieur à la décision litigieuse. Par ailleurs, son auteur souligne, en p. 2 de ce document, que « les antécédents ont bien été décrits dans les différents rapports d’expertise [et qu’il] expose uniquement ici les derniers éléments en date », soit les éléments médicaux de nature cardiovasculaire et de médecine du sommeil (apnée-hypopnée) ayant marqué la période comprise entre le mois de septembre 2023 et le mois de février 2024, auxquels s’ajoute le suivi psychiatrique assumé par ce médecin depuis le 11 octobre 2023 (soit trois semaines après un tentamen médicamenteux), dans le contexte d’un trouble dépressif récurrent dont l’épisode actuel est qualifié de « sévère sans symptôme psychotique (F33.2) » par le Dr O_____.

Prenant position sur le rapport du 3 mars 2024 du Dr O_____, le SMR retient, dans son avis du 11 mars 2024, que l’état de santé du recourant s’est aggravé sur
le plan psychiatrique par rapport à l’expertise du J______ – avec le développement d’un état dépressif sévère et un tentamen médicamenteux – ainsi que sur le plan cardiologique, le tout depuis septembre 2023, soit après la décision litigieuse. Aussi l’intimé en conclut-il que les nouveaux éléments relatés par le Dr O_____ devront, le cas échéant, être examinés par l’OAI dans le cadre d’une nouvelle demande de prestations et faire l’objet d’une nouvelle décision.

On observe cependant que, dans un rapport du 23 juin 2023 – et donc antérieur à la décision litigieuse –, le Dr M______ faisait déjà état d’une aggravation de l’état de santé du recourant en raison d’une hépatite C avec des complications multiples et évolutives, d’une dépression avec des idées suicidaires, d’une cardiopathie ischémique, d’atteintes des deux épaules, de lombalgies et de cervicalgies, d’une chondropathie postérieure des deux hanches et d’un diabète de type II avec une artériopathie bilatérale des deux membres inférieurs.

Dans son avis du 30 octobre 2023, le SMR estime que les diagnostics rapportés le 23 juin 2023 par le Dr M______ étaient déjà connus du SMR et des experts, hormis l’artériopathie des deux membres inférieurs et les complications de l’hépatite C. Tout en observant que ces deux dernières affections paraissent postérieures à l’expertise du J______, le SMR n’en estime pas moins qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte, dans la mesure où le Dr M______ n’amène pas d’examens complémentaires permettant de les objectiver.

La chambre de céans considère que la question de savoir si le
Dr M______ aurait dû, selon le SMR, « amener des examens complémentaires » peut rester indécise au vu du sort qui sera réservé au recours (cf. ci-après :
consid. 9). Sachant, en effet, que l’office intimé est entré en matière sur la nouvelle demande de prestations, formée en avril 2021, après avoir estimé que le recourant avait rendu plausible une aggravation de son état de santé, il aurait dû instruire tous les aspects – médicaux et juridiques notamment – de cette nouvelle demande, comme s’il se prononçait pour la première fois sur le droit aux prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4 ; VALTERIO, Loi fédérale sur l’assurance invalidité [LAI], Commentaire, 2018, p. 507). Or, ceci n’a été effectué qu’en partie, ne serait-ce parce que les diagnostics cardiologiques incapacitants qui ont été rapportés le 16 décembre 2021 par le Dr H______ n’ont fait l’objet d’aucune mention de la part du SMR, ce dernier ayant décidé – sans s’en expliquer – de focaliser l’instruction médicale sur les seuls aspects psychiatriques et orthopédiques du dossier (ci‑dessus : consid. 8.1).

Les éléments allégués par le recourant, sur le plan psychiatrique et orthopédique, ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d’expertise du 3 janvier 2023, à tout le moins sur la base de l’état de fait tel qu’il se présentait au moment de la décision litigieuse.

Néanmoins, compte tenu du caractère lacunaire de l’instruction menée jusqu’à ce moment précis (voir supra), la chambre de céans ne dispose pas, en l’état, d’assez d'éléments pour se prononcer sur une modification de l’état de santé, depuis le 1er décembre 2012, qui serait propre à influencer le degré d’invalidité du recourant.

Il convient donc d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision du 28 août 2023 et de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il en complète l’instruction, au besoin par une expertise, avant de rendre une nouvelle décision (cf. art. 43 al. 1 LPGA).

Compte tenu du renvoi et de la teneur des certificats médicaux des médecins traitants, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c), il ne sera pas procédé à l’audition des trois médecins traitants cités par le recourant.

9.              

9.1 Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé, pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

9.2 Le recourant, assisté d’un avocat, obtient partiellement gain de cause ; dès lors, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée, à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

9.3 La procédure en matière d’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (cf. art. 69
al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- sera mis à charge de l’intimé.

 

*****

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 28 août 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé, pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.-, à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le