Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/683/2024 du 06.09.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2048/2024 ATAS/683/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 6 septembre 2024 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée) s’est inscrite à l’office régional de placement (ci-après : ORP) le 22 juin 2023 et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 3 juillet 2023 au 2 juillet 2025.
Son dernier employeur avait résilié son contrat de travail conclu le 1er novembre 2011 pour le 30 juin 2023. Elle avait été libérée de son obligation de travailler dès le 24 mars 2023 (date de résiliation).
b. Pour la période de contrôle du 1er au 31 août 2023, la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse) lui a versé des indemnités de chômage pour un montant total de CHF 3'865.50.
c. Son dossier auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a été annulé pour le 31 août 2023, l’assurée ayant retrouvé un emploi pour le 1er septembre 2023.
B. a. Par décision du 26 septembre 2023, l’OCE a prononcé une suspension d’une durée de neuf jours dans l’exercice du droit à l’indemnité de l’assurée, en raison d’insuffisances de recherches d’emploi avant son inscription au chômage, soit durant la période de congé.
b. Le 24 octobre 2023, l’assurée a formé opposition à cette décision, faisant valoir qu’elle avait traversé une période difficile en lien avec son licenciement durant le mois d’avril 2023.
Elle a produit une attestation du 20 octobre 2023 de la docteure B______, médecin interne générale FMH, selon laquelle, suite à son licenciement, elle avait été « moralement affectée » durant le mois d’avril 2023 et n’avait pas eu la « force mentale » pour mener à bien ses recherches d’emploi durant cette période.
c. Par décision sur opposition du 16 novembre 2023, l’OCE a maintenu sa position. L’assurée n’avait pas fourni de certificat médical attestant d’une incapacité de travail totale durant le mois d’avril 2023, étant précisé que l’attestation de la Dre B______ du 20 octobre 2023 n’était pas suffisante.
C. a. Par décision du 9 octobre 2023, la caisse a demandé à l’assurée le remboursement du montant de CHF 1'544.20, représentant les neuf jours de suspension, qui n’avaient pas pu être amortis, ni compensés en raison de l’annulation de son dossier le 31 août 2023.
b. L’assurée a formé opposition à cette décision le 6 novembre 2023. Elle ne savait pas que les indemnités de chômage du mois d’avril 2023 pouvaient être considérées rétroactivement comme étant indûment versées. Ce montant avait été utilisé de bonne foi pour ses dépenses courantes. Elle invitait la caisse à « considérer sa demande de remise ».
c. Par décision sur opposition du 18 janvier 2024, la caisse a confirmé sa décision du 9 octobre 2023 et transmis l’opposition de l’assurée à l’OCE comme demande de remise.
d. Par décision du 11 avril 2024, l’OCE a refusé la demande de remise. L’assurée n’était pas de bonne foi au moment de la perception des indemnités litigieuses puisqu’elle ne pouvait ignorer qu’elle avait commis une faute en n’effectuant pas suffisamment de recherches d’emploi durant son délai de congé. Toutes les informations quant au nombre de démarches à faire durant ladite période figuraient sur le site de l’OCE.
e. Par courrier du 4 mai 2024, l’assurée s’est opposée à cette décision. Son licenciement l’avait plongée dans un désarroi tel qu’elle n’était plus en capacité de faire ses recherches d’emploi. Comme elle avait été libérée de son obligation de se rendre au travail, son médecin ne lui avait pas délivré d’arrêt de travail, mais avait attesté de son désarroi par écrit. Quand elle s’était inscrite au chômage, elle pensait réellement que cet état médical expliquait son absence de recherches d’emploi et, de ce fait, elle ignorait en toute bonne foi qu’elle allait être sanctionnée. Elle avait été transparente dans tout le processus, n’omettant ni ne cachant aucune information. Elle avait touché ces indemnités de bonne foi et n’avait pas commis de négligence grossière.
f. Par décision sur opposition du 21 mai 2024, l’OCE a maintenu sa position. L’intéressée savait parfaitement, suite à l’entretien du 4 juillet 2023, soit avant le premier versement de ses indemnités de chômage, que ses recherches d’emploi durant son délai de congé étaient insuffisantes quantitativement et qu’il y avait un risque de sanction, de sorte qu’elle devait s’attendre à recevoir une décision de suspension de son droit aux indemnités. Le fait qu’elle imaginait avoir une justification, soit le courrier de son médecin attestant de son désarroi, qui lui permettrait de ne pas être sanctionnée ne saurait être pris en compte afin de démontrer sa bonne foi. Il ne s’agit là que d’une supposition de l’intéressée et non un renseignement ou une confirmation de la direction juridique de l’OCE.
D. a. Par acte posté le 18 juin 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que la remise lui soit accordée.
Elle n’avait pas rempli ses obligations de recherches d’emploi pour le seul mois d’avril 2023 car elle se trouvait alors dans l’incapacité de le faire, comme cela avait été attesté médicalement. Or, l’OCE l’avait sanctionnée comme si elle n’avait pas réalisé de recherches d’emploi durant l’entier de son délai de congé. Elle avait demandé la remise car elle était de bonne foi en touchant ses prestations, pensant sincèrement que les justificatifs médicaux fournis lui avaient permis d’éviter la sanction.
b. Par réponse du 16 juillet 2024, l’OCE a conclu au rejet du recours. Le courrier du 20 octobre 2023 établi – six mois après les faits - par la Dre B______ ne valait pas certificat médical. Ce document ne justifiait pas l’absence de recherches durant le mois d’avril 2023. La quotité de la sanction était conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral (8C_750/2021 du 20 mai 2022).
c. Par réplique du 12 août 2024, l’assurée a persisté dans ses conclusions. Son médecin ne lui avait pas fourni d’arrêt de travail puisqu’elle avait été libérée de son obligation de travailler. Un tel certificat n’était donc pas nécessaire. Son recours ne portait pas sur la question de la quotité de la sanction mais sur la réalisation des conditions d’une remise.
d. La chambre de céans a transmis cette écriture à l’OCE.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus d’accorder à la recourante la remise de son obligation de rembourser la somme de CHF 1'544.20.
2.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée
(ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).
L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).
2.2 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).
La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).
On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l’attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).
En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).
2.3 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).
Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
2.4 Dans la décision entreprise, l’intimé a considéré que la condition de la bonne foi n’était pas réalisée, au motif que la recourante savait parfaitement, suite à l’entretien de conseil du 4 juillet 2023, que ses recherches d’emploi réalisées durant le délai de congé étaient insuffisantes quantitativement.
Devant la chambre de céans, la recourante fait valoir qu’elle « pensait sincèrement » que les justificatifs médicaux fournis suffisaient pour l’exempter d’une sanction.
Il ressort toutefois du dossier, en particulier du procès-verbal de l’entretien de conseil du 4 juillet 2023 (pièce 5 intimé), que seule une recherche d’emploi avait été reçue pour le mois d’avril 2023 et que la recourante avait été informée du risque de sanction durant l’entretien. Ainsi, comme l’a retenu l’intimé, avant de recevoir ses prestations de chômage en août 2023, la recourante avait été dûment avertie du fait que son manquement était susceptible d’être sanctionné. Elle ne pouvait dès lors ignorer, au moment du versement des indemnités de chômage en août 2023, qu’une partie des prestations versées était indue. Ce n’est que dans son opposition du 24 octobre 2023 que la recourante a invoqué avoir traversé une période difficile et produit une attestation médicale du 20 octobre 2023 mentionnant qu’elle avait été « moralement affectée ». Or, ce document – établi après avoir reçu les prestations litigieuses – ne suffit pas pour admettre qu’elle était de bonne foi. La recourante ne soutient pas avoir évoqué cet élément avec son conseiller en placement – le procès-verbal précité ne contenant aucune mention d’une atteinte à la santé –, ni ne démontre avoir transmis des justificatifs médicaux avant de recevoir les prestations litigieuses. Elle ne peut ainsi prétendre, devant la chambre de céans, qu’elle pouvait « de bonne foi estimer que les justificatifs médicaux fournis avaient convaincu l’OCE de ne pas [la] sanctionner ». À teneur du dossier, l’intimé n’a donné aucune assurance à ce sujet, se limitant au contraire à attirer l’attention de l’intéressée sur le risque de sanction. Ces éléments permettent ainsi d’admettre l’existence d’une négligence grave et, partant, l’absence de bonne foi.
C’est ainsi à juste titre que l’intimé a retenu que la condition de la bonne foi n’était pas réalisée. L’intimé pouvait donc se dispenser d’examiner la seconde condition, soit l’exposition à une situation financière difficile, dès lors que ces deux conditions sont cumulatives.
3. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le