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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2091/2024

ATAS/672/2024 du 03.09.2024 ( LAA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2091/2024 ATAS/672/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 septembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

LA MOBILIÈRE SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA
représentée par Me Danièle FALTER, avocate

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1974, a perçu des indemnités journalières de la part de son assureur-accidents,
LA MOBILIÈRE SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance), suite à un sinistre survenu le 1er mai 2022.

b. Par décision du 31 janvier 2024, l’assurance a considéré que le lien de causalité entre les troubles dont se plaignait l’assurée à partir du 31 janvier 2024 et l’évènement du 1er mai 2022 n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante, de sorte qu’elle n’était plus tenue de verser des prestations à compter de cette date.

c. Le 2 mars 2024, l’assurée a formé opposition à l’encontre de cette décision.

d. Par décision sur opposition datée du 29 avril 2024, envoyée le lendemain par pli recommandé, l’assurance a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du
31 janvier 2024.

B. a. Par acte posté le 21 juin 2024, l’assurée a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice et conclu à l’annulation de cette décision. Elle a notamment relevé que la décision attaquée, bien que datée du 29 avril 2024, avait été remise à la Poste le 30 avril 2024, et communiquée le
21 mai 2024.

b. Par écriture du 9 juillet 2024, l’intimée a conclu à ce que le recours soit déclaré irrecevable. Celui-ci avait en effet été posté le 21 juin 2024, alors que la décision sur opposition avait fait l’objet d’une distribution infructueuse le 7 mai 2024. Ladite décision était réputée avoir été reçue le 14 mai 2024 au plus tard, de sorte que le délai de recours était arrivé à échéance le 13 juin 2024. Le recours était donc tardif et irrecevable. Par surabondance, même si la date de réception retenue était celle du 21 mai 2024, le recours serait également tardif, puisque le délai serait arrivé à échéance le 20 juin 2024.

L’intimée a joint le suivi des envois de la décision litigieuse.

c. Invitée par la chambre de céans à fournir des renseignements sur la date de réception de la décision et sur d’éventuelles circonstances qui l’auraient empêchée d’agir dans le délai légal de 30 jours, la recourante a expliqué que son père était décédé le 30 avril 2024 en Algérie et qu’elle s’était rendue à son chevet et aux obsèques. Elle était rentrée le 19 mai 2024 et avait pris connaissance de la décision entreprise le 21 mai 2024. Elle avait pu obtenir un premier entretien téléphonique avec un professionnel du droit le 23 mai 2024 seulement, et avait alors appris que l’intervention d’un avocat requérait une provision d’environ
CHF 5'000.-, montant qu’elle ne pouvait pas payer. Elle avait commencé à préparer son acte de recours le 26 mai 2024, sans appui ni compétence en la matière, faute de ressources et de connaissances. Elle concluait à ce que la chambre de céans considère que le délai de trente jours pour recourir n’avait commencé à courir qu’après l’impossibilité déclarée de bénéficier d’un avocat, soit le 23 mai 2024.

La recourante a notamment produit l’acte de décès de son père survenu en Algérie le 30 avril 2024, les détails de sa réservation de vols entre la France et l’Algérie (aller le 30 avril 2024 et retour le 19 mai 2024).

d. Le 16 août 2024, l’intimée a rappelé que le recours était tardif et relevé qu’il n’existait en l’occurrence pas de motif de restitution du délai, dès lors qu’il n’y avait jamais eu aucun empêchement d’agir. L’intéressée avait été absente de son domicile les cinq premiers jours du délai de recours, pour des raisons qui lui étaient personnelles et qui ne sauraient influer sur le délai légal et son dies a quo, étant encore relevé que le décès de son père était survenu avant le début du délai de recours et non pas pendant celui-ci. Quant à la prétendue impossibilité de consulter un avocat, elle ne constituait pas un motif pouvant conduire à une restitution du délai. Enfin, la recourante n’avait jamais eu de difficultés pour exposer par écrit son point de vue, comme en attestaient ses écrits et son recours.

e. Copie de cette écriture a été communiquée à la recourante le 19 août 2024.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du
20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Il s'agit en l'occurrence d'examiner la recevabilité du recours.

2.1 L'art. 61 LPGA prévoit que la procédure devant la chambre des assurances sociales est réglée par le droit cantonal, sous réserve de ce que celui-ci respecte les exigences minimales requises par la LPGA.

Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours dans les 30 jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 56 et 60 LPGA ; cf. également art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication. Une communication qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution. Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit. Le droit cantonal déterminant est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège. Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l’assureur ou, à son adresse, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé (art. 38 et
39 LPGA ; cf. art. 17 LPA).

Selon la jurisprudence, une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée ; s'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière qu'il puisse en prendre connaissance (ATF 122 III 319 consid. 4 et les références ; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 876 et la jurisprudence citée ; KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., n° 704 p. 153 ; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., n°341 p. 123). Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente (ATF 110 V 37 consid. 3) a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (arrêt du Tribunal fédéral
C 24/05 du 11 avril 2005 consid. 4.1).

2.2 Le délai légal ne peut pas être prolongé (art. 40 al. 1 LPGA ; cf. art. 16
al. 1 LPA).

En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l’acte qui est l’objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, Berne 1991, p. 181).

2.3 Si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l’acte omis (art. 41 LPGA ;
cf. art. 16 al. 3 LPA).

Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération [JAAC] 60/1996, consid. 5.4, p. 367 ; ATF 119 II 87 consid. 2a ; 112 V 256 consid. 2a).

Entrent en ligne de compte non seulement l'impossibilité objective ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement en ce sens qu'est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un intéressé, respectivement son représentant, consciencieux d'agir dans le délai fixé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1 et les références citées ; 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2 ; 5A_30/2010 du
23 mars 2010 consid. 4.1 et les références).

2.4 En l’espèce, il ressort du suivi de la décision sur opposition, envoyée par pli recommandé le 30 avril 2024, qu’elle a fait l’objet d’une distribution infructueuse le 7 mai 2024, avant d’être finalement distribuée le 21 mai 2024.

La communication est donc réputée avoir été reçue le 14 mai 2024, de sorte que le délai de recours a commencé à courir le lendemain et est arrivé à échéance le jeudi
13 juin 2024. Le recours interjeté le 21 juin 2024 est manifestement tardif, ce qui n’est au demeurant pas contesté par la recourante.

À toutes fins utiles, la chambre de céans relèvera avec l’intimée que cette conclusion s’imposerait également si la date de la prise de connaissance effective du recommandé était retenue, soit le 21 mai 2024 puisque le délai serait dans cette hypothèse arrivé à échéance le jeudi 20 juin 2024.

2.5 Reste à examiner si une restitution du délai peut être accordée.

La recourante se prévaut du décès de son père survenu le 30 avril 2024, de son séjour en Algérie du 30 avril au 19 mai 2024, de sa méconnaissance du droit et de sa situation financière l’empêchant de recourir aux services d’un avocat.

Force est de constater que l’intéressée ne fait état d’aucune impossibilité objective ou subjective d'agir dans le délai. Il est notamment rappelé qu’elle a pris connaissance de la décision litigieuse le 21 mai 2024 et qu’elle disposait ainsi de plus de trois semaines pour préparer et expédier son acte de recours. Le fait de ne pas avoir pu prendre conseil auprès d’un avocat ne saurait justifier la restitution du délai de recours, au vu de la jurisprudence stricte en la matière. La recourante n’était notamment pas incapable de discernement, ni incapable de saisir la portée de la décision et de la contester, comme l’atteste le contenu de son écriture du
21 juin 2024.

Dans ces circonstances, rien ne permet de retenir que l’intéressée aurait été empêchée sans sa faute d’agir dans le délai fixé.

2.6 En l'absence de motif valable de restitution de délai, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le