Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4033/2023

ATAS/608/2024 du 13.08.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

MrÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4033/2023 ATAS/608/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 août 2024

Chambre 2

En la cause

A______
représenté par le DCS-SPAd, soit pour lui Madame B______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), ressortissant congolais né le ______ 1995, est arrivé en Suisse le 23 janvier 2002 et a vécu, dès ce moment, auprès de sa grand-mère maternelle, Madame C______ (ci-après : la grand-mère), fonctionnaire internationale auprès de l’Organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) à Genève. Du fait des fonctions de sa grand-mère auprès de l’OMS, l’assuré ne bénéficiait pas d’un permis de séjour mais d’une autorisation délivrée par le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) au moins jusqu’en 2004. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l’assuré, de père inconnu, est le fils de Madame D______ (ci-après : la mère), née E______ le ______ 1976. Cette dernière est arrivée en Suisse le 2 octobre 2008. Mariée à Monsieur F______ depuis le 27 mai 2008 et au bénéfice, dans un premier temps, d’un permis de séjour délivré au titre du regroupement familial le 24 novembre 2008, elle a acquis la nationalité suisse le 1er mars 2015 alors qu’elle était ressortissante congolaise jusqu’à alors.

b. Le 25 août 2003, l’assuré, agissant par l’entremise de sa grand-mère, a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en précisant que ses troubles du comportement, qui étaient probablement présents depuis la petite enfance, ne lui permettaient pas de suivre une scolarité normale. Aussi a-t-il demandé que l’OAI prenne en charge des mesures médicales (sous forme de psychothérapie) et des subsides destinés à financer une formation scolaire spéciale, une scolarisation en classe spécialisée étant prévue dès le 25 août 2003.

c. Par pli du 26 août 2003, l’OAI a invité la grand-mère à produire une copie de son certificat AVS et de l’acte la nommant tutrice de l’assuré.

d. Par courrier du 8 septembre 2003, la grand-mère a informé l’OAI qu’elle n’était pas affiliée à l’AVS mais couverte par l’assurance des Nations Unies. Pour le surplus, elle a annexé à son envoi une procuration établie le 12 novembre 2002 depuis les États-Unis, par laquelle la mère de l’assuré déléguait à sa mère « le pouvoir de [la] représenter et de défendre les intérêts de [l’assuré] dans le cadre des démarches d’autorisation de séjour en Suisse avec pouvoir de substitution ».

e. Dans un rapport du 19 septembre 2003, la docteure G______, médecin auprès du service médico-pédagogique a indiqué à l’OAI avoir posé le diagnostic de trouble de la personnalité (F60.9) le 10 mars 2003. L’assuré ne présentait pas d’infirmités congénitales mais son état de santé l’empêchait de suivre une scolarité ordinaire. Cependant, des mesures médicales, sous forme de psychothérapie, permettraient d’améliorer son intégration ultérieure dans une activité lucrative. Une formation scolaire spéciale était également nécessaire. Sur le plan anamnestique, l’assuré avait vécu de nombreuses séparations dans un contexte traumatique au cours de sa petite enfance (départ de son pays en guerre puis séparation d’avec sa mère pour vivre avec sa grand-mère). Son status clinique était caractérisé par une hyperactivité psychomotrice, une thymie dépressive et des angoisses de séparation importantes. Il bénéficiait d’une psychothérapie au rythme de deux séances hebdomadaires. De l’avis de la Dre G______, seul ce traitement semblait offrir à l’assuré la possibilité de retrouver un état de santé psychique compatible avec des acquisitions scolaires. En outre, un traitement médicamenteux (Ritaline®) avait été instauré dès le 25 août 2003.

f. Par décision du 16 octobre 2003, l’OAI a informé la grand-mère de l’assuré qu’après avoir examiné le droit de ce dernier à la prise en charge d’une formation scolaire spéciale dans une école du canton, il n’était pas possible de prendre en charge une telle mesure dès lors que l’intéressé ne remplissait pas les conditions d’assurance. Pour avoir droit aux mesures de réadaptation, les ressortissants étrangers âgés de moins de 20 ans, ayant leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, devaient compter une durée de cotisations personnelle d’un an ou avoir été domiciliés en Suisse pendant dix ans au moins, sans interruption, au moment de la survenance de l’invalidité.

Alternativement, les ressortissants étrangers âgés de moins de 20 ans, ayant leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse pouvaient prétendre à des mesures de réadaptation si au moment de la survenance de leur invalidité, leur père ou mère comptait, s’il s’agissait d’une personne étrangère, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse, et si eux‑mêmes étaient nés invalides en Suisse ou, lors de la survenance de l’invalidité, résidaient en Suisse sans interruption depuis une année au moins ou depuis leur naissance. Étaient assimilés aux enfants nés invalides en Suisse les enfants qui avaient leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, mais qui étaient nés invalides à l’étranger, si leur mère avait résidé à l’étranger deux mois au plus immédiatement avant leur naissance.

Dans le cas particulier, les parents de l’assuré ne résidaient pas en Suisse et lui‑même n’était pas assuré auprès de l’assurance-invalidité du fait qu’il était exempté de permis de séjour et, par conséquent, d’assujettissement à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS).

g. Par décision du 17 octobre 2003, l’OAI a également refusé à l’assuré la prise en charge d’un traitement de psychothérapie en invoquant les mêmes motifs qu’à l’appui de la décision du 16 octobre 2003.

B. a. Le 9 septembre 2011, l’assuré, représenté par sa mère, a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI. Invitée à indiquer, dans la rubrique « Identité des parents de la personne assurée » du formulaire ad hoc, son numéro AVS, la mère de l’assuré a mentionné qu’elle n’avait jamais travaillé en Suisse. Elle a ajouté qu’elle était titulaire de l’autorité parentale et n’avait aucun contact avec le père biologique de son fils. L’assuré présentait un trouble schizo-affectif d’installation progressive, pour lequel il était suivi depuis le 23 juillet 2011 par la docteure H______, pédopsychiatre.

b. Par projet de décision du 9 septembre 2011, l’OAI a envisagé de ne pas entrer en matière sur la nouvelle demande concernant l’octroi de mesures médicales pour l’assuré. La précédente demande de prestations avait été rejeté par décision du 17 octobre 2003. Un nouvel examen ne pouvait être envisagé que s’il était rendu plausible que l’état de fait s’était modifié après cette date et qu’il était désormais susceptible de changer son droit à des prestations. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. En effet, l’assuré était toujours de nationalité congolaise et la survenance de son atteinte à la santé remontait au mois de mars 2003, soit à une époque où les conditions d’assurance n’étaient pas remplies.

c. Par pli du 15 septembre 2011, l’OAI a fait suite à un entretien téléphonique du même jour avec la mère de l’intéressé et confirmé cet échange en ces termes : si le traitement de psychothérapie demandé en 2003 avait été refusé à cette époque, ce n’était pas pour des raisons médicales mais parce qu’il ne remplissait pas les conditions d’assurance. Par ailleurs, le fait que le diagnostic de trouble schizo‑affectif ait été posé en 2011 n’était pas de nature à modifier le projet de décision du 9 septembre 2011. Cela étant, le refus de mesures médicales n’engendrait pas forcément le refus de mesures professionnelles ou d’une rente. Afin d’évaluer si les conditions d’assurance étaient remplies, il était nécessaire qu’au moment du premier besoin de la prestation, l’assuré vive en Suisse depuis au moins un an et que l’un ou l’autre des parents vive en Suisse depuis plus de dix ans ou cotise depuis plus d’un an.

d. Par décision du 20 octobre 2011, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande concernant l’octroi de mesures médicales en réitérant les motifs indiqués dans le projet de décision du 9 septembre 2011. Non contestée, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 5 décembre 2013, le service de protection de l’adulte (ci-après : SPAd) a transmis à l’OAI une ordonnance rendue le 20 septembre 2013 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE), instaurant une curatelle de représentation avec gestion en faveur de l’assuré et désignant deux collaboratrices du SPAd aux fonctions de co-curatrices, ces dernières ayant pour tâches de représenter l’assuré dans ses rapports avec les tiers, sur le plan administratif, juridique et financier ou social, de veiller à la gestion de ses revenus, d’administrer ses biens avec diligence et d’accomplir les actes juridiques liés à la gestion.

b. Par ordonnance du 24 février 2014, le TPAE a étendu la mesure de curatelle d’ores et déjà prononcée en une curatelle de portée générale en faveur de l’assuré.

c. Par courrier du 12 avril 2022, reçu le 20 avril 2022 par l’OAI, la curatrice de l’assuré a transmis à cette autorité une copie de l’ordonnance du 24 février 2014 du TPAE ainsi qu’une demande de prestations d’assurance-invalidité pour adultes (mesures professionnelles/rente) en faveur de l’assuré. Résidant actuellement au I______ (ci-après : I______), en Valais, dans le cadre de l’exécution d’une peine privative de liberté, l’assuré était suivi par la docteure J______ et Monsieur K______, respectivement psychiatre et psychologue auprès du service médical pénitentiaire valaisan.

d. Par décision du 4 mai 2022, le service de l’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a octroyé un régime de sorties non accompagnées à l’assuré en subordonnant celui-ci à diverses conditions. Cette décision se référait, entre autres, à une expertise psychiatrique rendue par le Centre universitaires romand de médecine légale (ci-après : CURML) le 29 mai 2020.

e. Dans un rapport du 25 mai 2022 à l’OAI, la docteure L______, médecin cheffe de service auprès du service de médecine pénitentiaire du Centre hospitalier du Valais romand (ci-après : CHVR) et M. K______ ont indiqué qu’ils reprenaient « le diagnostic évoqué dans l’expertise du Dr M______, datant du mois de juin 2020 », qui était toujours d’actualité selon eux : l’assuré présentait un trouble mixte de la personnalité (antisocial et émotionnellement labile) séquellaire d’un trouble de l’attachement et du développement de l’enfant (F61.0). Selon la Dre L______ et le Dr K______, leurs observations leur faisaient retenir, en outre, des « troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives multiples, utilisation nocive pour la santé, actuellement abstinent en milieu fermé (F19.1) ». Comme l’assuré était actuellement dans un centre éducatif fermé, il était difficile d’évaluer sa réelle capacité de travail. En effet, il travaillait actuellement 5h30 par jour et n’avait pas d’obligation de rendement. Lorsqu’il était en stage, il était difficile pour lui de maintenir le rythme de travail, avec des exigences de rendement. Aussi la Dre L______ et M. K______ suggéraient‑ils un taux maximum de 60 % avec des journées ne dépassant pas six heures de travail. Interrogés sur les limitations fonctionnelles liées aux atteintes à la santé qu’ils jugeaient incapacitantes, les auteurs du rapport ont mentionné que l’assuré prenait du temps pour apprendre une tâche et pouvoir l’effectuer correctement. On pouvait en conséquence difficilement attendre de lui un rendement déterminé au travail. Depuis son arrivée au I______, une activité adaptée était possible pour une durée maximale de six heures par jour.

f. Le 20 février 2023, le SPAd a transmis à l’OAI une copie de l’expertise rendue le 29 mai 2020 par le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, sur mandat du Tribunal d’application des peines et mesures
(ci-après : TAPEM). Ce rapport, qui avait principalement pour mission d’évaluer le risque que l’intéressé commette de nouvelles infractions, retenait que celui-ci présentait un trouble mixte de la personnalité (antisociale et émotionnellement labile) séquellaire d’un trouble de l’attachement et du développement de l’enfant (F61.0) et des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de drogues multiples, syndrome de dépendance, actuellement abstinent mais dans un environnement protégé (F19.21).

g. Le 19 juin 2023, l’assuré s’est rendu, à la demande de l’OAI, auprès du docteur N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour se soumettre à une expertise psychiatrique. Contrairement à ce qui était prévu, plusieurs entretiens, censés s’ajouter à celui du 19 juin 2023, n’avaient pas pu être menés malgré plusieurs tentatives de convocations infructueuses. Le 22 juin 2023, l’expert a rendu ses conclusions. L’assuré présentait un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dyssocial, actuellement non décompensé, qui le limitait dans les relations sociales intenses ou stressantes ou avec une hiérarchie complexe (F61.0). À cela ajoutait une dépendance à plusieurs substances (alcool, cannabis, LSD, cocaïne et d’autres substances probablement aussi) avec utilisation épisodique ou continue selon les périodes (F19.2) ainsi qu’un trouble de l’attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH) surtout durant l’enfance, mais beaucoup moins actuellement, sans traitement spécifique nécessaire depuis le début de l’âge adulte (F90). Il ne présentait pas d’autres affections et l’ensemble des diagnostics précités avaient une répercussion sur la capacité de travail. Depuis le début de l’âge adulte et jusqu’au moment de l’expertise, cette capacité était de 70 %, soit 6.3 heures par jour, dans toute activité adaptée.

h. Par avis du 4 juillet 2023, le SMR a indiqué qu’il suivait les conclusions du rapport d’expertise du 22 juin 2023.

i. Le 15 septembre 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 30 %.
Il convenait de retenir un statut d’actif et de prendre pour base la même tabelle statistique de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) pour les revenus avec et sans invalidité (tableau TA1, tirage skill-level, secteur privé, ligne « total », pour un homme exerçant une activité de niveau 1), de sorte que le degré d’invalidité correspondait au degré d’incapacité de travail retenu par le SMR sur la base du rapport d’expertise du 22 juin 2023.

D. a. Par projet de décision du 21 septembre 2023, l’OAI a envisagé de refuser une rente d’invalidité et des mesures professionnelles à l’assuré. S’élevant à 30 %, sa perte de gain ne lui permettait pas de prétendre à une rente. En outre, dans sa situation, l’intéressé ne remplissait pas non plus les conditions pour bénéficier de mesures d’ordre professionnel.

b. Le 31 octobre 2023, l’OAI a rendu une décision en tous points identique au projet de décision du 21 septembre 2023.

E. a. Le 1er décembre 2023, l’assuré, représenté par ses deux co-curatrices, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. À l’appui de sa position, il a soutenu que son incapacité de travail était totale dans toute activité depuis de nombreuses années. En l’état du dossier, il était en mesure de produire un certificat établi le 30 novembre 2023 par le docteur O______, chef de clinique auprès du service de psychiatrie adulte des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), attestant que l’état clinique du recourant engendrait une incapacité de travail de 100 % dans toute activité et qu’une évaluation était en cours pour évaluer son incapacité à long terme. Le recourant a ajouté que dans la mesure où il était dans l’attente d’autres rapports de la part de ses médecins, la chambre de céans était invitée à lui octroyer un délai supplémentaire pour lui permettre de compléter son recours à la lumière des rapports en question.

b. Par pli du 10 janvier 2024, le recourant a sollicité une nouvelle prolongation de délai pour compléter son recours. Malgré de multiples relances, il était toujours dans l’attente d’un rapport circonstancié de son médecin traitant.

Le 31 janvier 2024, le recourant a complété sa première écriture en produisant un rapport du 30 janvier 2024 du Dr O______. Se référant, entre autres, au rapport d’expertise du 29 mai 2020 du Dr M______, le Dr O______ a affiché son désaccord avec le Dr N______ en tant que ce dernier estimait, en substance, que les « performance[s] » de l’assuré n’étaient pas réduites pour des raisons psychiatriques mais dépendaient de sa motivation. Selon le Dr O______, l’anamnèse de l’assuré et l’évolution de son trouble démontraient une évolution contraire. En effet, il n’avait pas pu se former pendant l’enfance et l’adolescence en raison de son TDAH. Par la suite, l’utilisation de substances, ses traits de personnalité antisociale et l’emprisonnement de 2014 à 2020 avaient limité ses possibilités d’obtenir une formation spécifique. En outre, ses difficultés à se soumettre au suivi mis en place au centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) depuis mai 2023 et à effectuer un sevrage, en raison des nombreux échecs qu’il avait subis au cours de sa vie, « compliquaient l’obtention d’une stabilité clinique [permettant] qu’une formation et une [insertion] sur le marché du travail [fussent] possibles ».

Tirant argument de ce rapport, le recourant a fait valoir que dans son rapport du 30 janvier 2024, le Dr O______ développait l’anamnèse et la situation médicale de l’assuré et expliquait de manière circonstanciée les différents troubles de son patient et les raisons pour lesquels ceux-ci étaient à l’origine d’une incapacité de travail dans toute activité.

c. Par avis du 13 février 2024, le SMR a estimé que l’expertise psychiatrique du Dr N______, qui ne prenait pas en compte l’expertise du Dr M______, ne pouvait pas être suivie. Selon le SMR, le recourant présentait de graves troubles de la personnalité dyssociale et une dépendance aux toxiques. Il avait certes été abstinent en 2018 mais cela s’expliquait par son incarcération dans un centre rééducatif fermé. Actuellement, le Dr O______ décrivait clairement que le recourant était difficilement compliant aux soins psychiatriques proposés et qu’il avait repris des consommations de substances psychoactives. Aussi le SMR a-t-il considéré que le trouble de la personnalité dyssocial était sévère et incapacitant depuis l’âge de jeune adulte. Par ailleurs, ce trouble empêchait toute exigibilité de traitement ou d’abstinence. Enfin, un risque hétéro-agressif ne pouvait pas être exclu.

d. Par réponse du 5 mars 2024, l’intimé a indiqué qu’il se ralliait à l’avis du 13 février 2024 du SMR et considérait désormais que l’incapacité de travail du recourant était totale depuis le début de l’âge adulte, ce qui correspondait à mai 2013. Cela étant, il ne pouvait néanmoins pas prétendre à une rente ordinaire d’invalidité, étant donné qu’il ne comptait pas trois années de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité, soit en mai 2013. En outre, dans la mesure où les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité extraordinaire n’étaient pas non plus remplies, il convenait de conclure au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse par substitution de motifs.

e. Par réplique du 12 avril 2024, le recourant a soutenu qu’il était prématuré d’affirmer que les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire n’étaient pas réalisées. En effet, les invalides étrangers et les apatrides pouvaient prétendre à ce type de rente s’ils remplissaient comme enfants les conditions leur permettant de prétendre à cette époque (soit jusqu’à l’âge de 20 ans révolus) à des mesures de réadaptation. Ainsi, un tel droit à des mesures de réadaptation devait être examiné de manière rétrospective et requérait, cas échéant, des mesures d’instruction complémentaires. En tout état, il ressortait d’un nouveau rapport du Dr O______ que le recourant aurait pu prétendre à des mesures de réadaptation.

À l’appui de sa position, le recourant a produit une attestation du 8 avril 2024 du Dr O______ indiquant qu’au vu des problèmes psychiatriques de l’intéressé, la mise en place de mesures de réadaptation d’ordre professionnel, du temps de sa jeunesse, était « à considérer comme un important instrument pour assurer un redressement social à long terme ».

f. Par avis du 30 avril 2022, le SMR a estimé en substance qu’il ne pouvait pas se rallier à cette attestation. Citant de larges extraits de l’expertise du 29 mai 2020 du Dr M______, il a estimé que le recourant présentait une atteinte psychiatrique incapacitante, séquellaire d’un trouble de l’attachement et du développement de l’enfant et que dans ce contexte, en se basant sur le parcours psychiatrique de l’intéressé, aucune mesure de réadaptation n’aurait pu être effectuée, même avant l’âge de 20 ans.

g. Le 6 mai 2024, l’intimé a dupliqué en soulignant qu’il ressortait du dernier avis du SMR que le recourant ne remplissait pas les conditions matérielles des mesures de réadaptation. En outre, par décision du 16 octobre 2003, l’OAI avait refusé
la prise en charge d’une formation scolaire spéciale parce que les conditions d’assurance n’étant alors pas réunies.

h. Le 14 juin 2024, le recourant s’en est rapporté à justice s’agissant du droit à des mesures de réadaptation professionnelle. Cependant, dans la mesure où l’intimé avait admis qu’il présentait une incapacité de travail totale depuis le début de l’âge adulte (cf. la réponse du 5 mars 2024), la décision litigieuse devait être annulée et son invalidité totale reconnue. Une telle reconnaissance lui permettrait de former une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), si par impossible son droit à la rente devait lui être refusé.

i. Le 17 juin 2024, la chambre de céans a transmis, pour information, une copie de cette écriture à l’intimé et informé les parties que la cause était gardée à juger.

j. Les autres faits seront cités, au besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge pas expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10).

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B LPA).

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

2.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt le 1er octobre 2022, soit six mois après le dépôt de la demande du 20 avril 2022 (cf. art. 29 al. 1 et 3 LAI), de sorte que les dispositions légales pertinentes seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             À teneur de l’art. 53 al. 3 LPGA, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé.

Dans sa réponse au recours, l’intimé a reconsidéré la décision litigieuse en ce sens qu’il reconnaissait désormais que le recourant présentait non pas une incapacité de travail de 30 %, mais une incapacité de travail totale depuis le début de l’âge adulte.

Le recours n’est toutefois pas devenu sans objet pour autant, la question litigieuse étant de savoir si le droit à une rente d’invalidité doit être de toute manière refusé, faute, d’une part, d’une durée de cotisation suffisante du recourant et, d’autre part, de la réalisation par celui-ci des conditions d’octroi de mesures de réadaptation en faveur de ressortissants étrangers âgés de moins de 20 ans.

4.              

4.1 Selon l’art. 1b LAI, sont assurées conformément à la présente loi les personnes qui sont assurées à titre obligatoire ou à titre facultatif en vertu des art. 1a et 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

À teneur de l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; al. 1). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2).

En vertu de l’art. 25 CC, l’enfant sous autorité parentale partage le domicile de ses père et mère ou, en l’absence de domicile commun des père et mère, le domicile de celui de ses parents qui détient la garde ; subsidiairement, son domicile est déterminé par son lieu de résidence (al. 1). Le domicile de l’enfant sous tutelle est au siège de l’autorité de protection de l’enfant (al. 2).

4.2 En vertu de l’art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations de l’assurance-invalidité, sous réserve de l’art. 9 al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse.

4.3 L’art. 6 al. 2 LAI constitue une règle de droit interne qui s’applique sous réserve des dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes (accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes - ALCP - RS 0.142.112.681) avec l’UE, de la Convention AELE et des autres conventions internationales de sécurité sociale conclues par la Suisse. Demeure également réservé l’arrêté fédéral concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l’assurance-vieillesse et survivants et dans l’assurance-invalidité du 4 octobre 1962 (RS 831.31.11). L’art. 6 al. 2 LAI vise donc les assurés qui ne tombent pas sous le coup de ces réglementations (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 5 ad art. 6). À cet égard, il sied de préciser qu’il n’existe pas, en l’espèce, de règles spéciales qui seraient applicables en lieu et place de l’art. 6 al. 2 LAI, étant relevé en particulier qu’il n’existe pas de convention bilatérale de sécurité sociale entre la Suisse et le Congo.

L’art. 9 al. 3 LAI, auquel l’art. 6 al. 2 LAI fait référence, dispose ce qui suit :

Les ressortissants étrangers âgés de moins de 20 ans révolus et qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit aux mesures de réadaptation – dont font partie les mesures médicales (art. 8 al. 3 let. a LAI) et les mesures d’ordre professionnel (art. 8 al. 3 let. b LAI) – s’ils remplissent eux‑mêmes les conditions prévues à l’art. 6 al. 2 LAI, ou si :

a)      lors de la survenance de l’invalidité, leur père ou mère compte, s’il s’agit d’une personne étrangère, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse et si

b)      eux-mêmes sont nés invalides en Suisse ou, lors de la survenance de l’invalidité, résident en Suisse sans interruption.

5.              

5.1 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

En dépit des termes légaux codifiés à l’art. 8 LPGA, le droit des assurance sociales – avant tout l’assurance invalidité – ne repose pas sur une notion uniforme de l’invalidité, mais sur une notion relative et spécifique aux prestations considérées (cf. Margit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 7 ad art. 8). Cela peut se déduire de l’art. 4 al. 2 LAI (cf. ci-après : consid. 6).

5.2 Selon l’art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l’assuré qui, lors de la survenance de l’invalidité, compte trois années au moins de cotisations.

En vertu des art. 39 al. 1 LAI et 42 al. 1 LAVS, le droit à une rente extraordinaire d’invalidité est réservé aux ressortissants suisses qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, s’ils ont le même nombre d’années d’assurance que les personnes de leur classe d’âge, mais n’ont pas droit à une rente ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant une année entière au moins.

Conformément à l’art. 39 al. 3 LAI, ont aussi droit à une rente extraordinaire les invalides étrangers et apatrides qui remplissaient comme enfants les conditions fixées à l’art. 9 al. 3.

Le renvoi opéré par l'art. 39 al. 3 LAI aux conditions de l'art. 9 al. 3 LAI a pour but de définir les conditions d'assurance que doivent réaliser les ressortissants étrangers et apatrides invalides pour bénéficier d'une rente extraordinaire d'invalidité. Les termes « remplissaient comme enfants les conditions fixées à l'art. 9 al. 3 » visent, d'une part, les exigences relatives à l'année entière de cotisations et aux années de résidence en Suisse du ressortissant étranger, respectivement de son père ou de sa mère (conditions d'assurance). Ils impliquent, d'autre part, que l'intéressé a bénéficié ou aurait pu bénéficier de mesures de réadaptation, soit que le droit à ces mesures lui a été ou aurait pu lui être reconnu, parce qu'il satisfaisait ou aurait pu satisfaire aux conditions matérielles de la prestation de réadaptation visée par l'art. 9 LAI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_156/2010 du 20 avril 2011 consid. 4.2.3, in RSAS 2011 p. 513, qui renvoie au ch. 7104 des directives concernant les rentes de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale [DR]). Le point de savoir si les conditions d'assurance étaient réalisées et si la personne concernée a eu droit ou aurait concrètement pu avoir droit à des mesures de réadaptation doit être examiné de manière rétrospective : il faut se demander si « comme enfant », l'intéressé satisfaisait à ces exigences. Selon la jurisprudence, tel n'est pas le cas lorsque pour la période courant avant son dix-huitième anniversaire, l'intéressé ne pouvait prétendre à des mesures de réadaptation d'ordre médical ou professionnel, parce qu'il avait bénéficié d'un traitement médical ayant pour objet l'affection en tant que telle (cf. art. 12 al. 1 LAI a contrario) et que son état de santé n'aurait pas permis de mettre en œuvre des mesures de réadaptation professionnelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 230/73 du 17 décembre 1973). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a précisé sa jurisprudence en ce sens que les termes « comme enfant » doivent être compris comme faisant référence à une personne n’ayant pas encore l’âge de 20 ans (et non pas 18 ans) révolus (ATF 140 V 246 consid. 7.3.2).

5.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

6.              

6.1 L’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Ce moment doit être déterminé objectivement sur la base de l’état de santé. Il ne coïncide pas forcément avec la date à laquelle une demande a été présentée, ni à celle à partir de laquelle une prestation a été requise ni avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 126 V 157 consid. 3b et références y citées). La LAI ne repose pas sur une notion uniforme du cas d'assurance. Celui-ci doit être envisagé et déterminé par rapport à chaque prestation entrant concrètement en ligne de compte (« System des leistungsspezifischen Versicherungsfalles ») : il convient d'examiner pour chaque prestation pouvant entrer en considération selon les circonstances, au sens de l'art. 4 al. 2 LAI, quand l'atteinte à la santé est susceptible, de par sa nature et sa gravité, de fonder le droit à la prestation particulière (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). Ainsi, l’art. 4 al. 2 LAI implique notamment que la réalisation des conditions d’octroi des prestations est limitée à un type de prestation donné et n’entraîne en principe pas d’autres effets au-delà des prestations entrant en considération (arrêt du Tribunal fédéral 9C_231/2016 du 1er juin 2016 consid. 2.1).

6.1.1 Pour le droit à la rente, l’invalidité est réputée survenue au moment où la personne assurée présente une incapacité de travail d’au moins 40 % en moyenne depuis une année sans interruption notable, et qu’une fois le délai d’attente écoulé, cette incapacité perdure à 40 % au moins (cf. art. 28 al. 1 let. b et c). Le cas d’assurance ne peut toutefois survenir qu’au plus tôt le premier jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire (art. 29 al. 1 LAI ; ATF 126 V 5 consid. 2b). En revanche, l’événement assuré n’est pas réputé survenu et, partant, une rente n’est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l’art. 8
al. 1bis et 1ter n’ont pas été épuisées (cf. art. 28 al. 1bis LAI ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 39 ad art. 4).

Pour les invalides de naissance et les invalides précoces, le cas d’assurance est en règle générale réalisé au moment où ils atteignent leur dix-huitième année. Cette règle ne s’applique toutefois qu’à la condition qu’ils ne bénéficient pas à ce moment-là, de mesures de réadaptation. Dans de tels cas, le début de l’invalidité pour le droit à la rente est fixé à l’échéance ou à l’interruption des mesures de réadaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/00 du 20 novembre 2000 consid. 3 ; Michel VALTERIO, op cit., n. 41 ad art. 4 LAI).

6.1.2 Aux termes de l’art. 10 al. 1 LAI, le droit aux mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle et aux mesures d’ordre professionnel prend naissance au plus tôt au moment où l’assuré fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

En ce qui concerne les autres mesures de réadaptation et les mesures de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a LAI, le droit à celles-ci prend naissance dès qu’elles sont indiquées en raison de l’âge et de l’état de santé de l’assuré (art. 10 al. 2 LAI).

6.1.3 À teneur de l'art. 12 al. 1 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l'assuré a droit, jusqu'à l'âge de 20 ans, aux mesures médicales qui n'ont pas pour objet le traitement de l'affection comme telle, mais sont directement nécessaires à la réadaptation professionnelle ou à sa réadaptation en vue de l'accomplissement de ses travaux habituels, et sont de nature à améliorer de façon durable et importante sa capacité de gain ou l'accomplissement de ses travaux habituels, ou à les préserver d'une diminution notable.

Lorsque des mesures médicales sont en cause, l’invalidité est réputée survenue au moment où l’infirmité constatée rend objectivement nécessaire, pour la première fois, un traitement médical ou un contrôle permanent ; c’est le cas lorsque la nécessité du traitement ou du contrôle commence à se faire sentir et qu’il n’y a pas de contre-indication. Ces principes valent également lorsqu’il faut déterminer la survenance de l’invalidité chez les mineurs souffrant d’une infirmité congénitale (ATF 133 V 303 consid. 7.2 et les arrêts cités).

6.1.4 L'art. 12 LAI a notamment pour but de délimiter le champ d’application de l'assurance-invalidité, d'une part, et de l'assurance-maladie et accidents sociale, d'autre part. Cette délimitation repose sur le principe selon lequel le traitement d'une maladie ou d'une lésion ressortit en premier lieu au domaine de l'assurance‑maladie et accidents, sans tenir compte de la durée de l'affection (ATF 104 V 79 consid. 1 ; 102 V 40 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_452/2014 du 29 octobre 2014 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, seules les mesures qui ne visent pas à guérir ou à atténuer des états pathologiques labiles doivent être prises en charge par l'assurance-invalidité. Alors que ce principe s'applique sans autre aux adultes, il est sensiblement différent concernant les jeunes n’ayant pas atteint l’âge de 20 ans révolus : pour cette catégorie d’assurés, l'AI doit prendre en charge les mesures médicales – en tenant compte de la phase de développement physique et mental dans laquelle ils se trouvent – malgré le caractère momentanément encore instable de leur affection, lorsque, sans ces mesures, une guérison imparfaite ou un état stabilisé défectueux surviendrait dans un proche avenir, compromettant ainsi leur formation professionnelle ou leur capacité de gain, voire les deux (arrêt du Tribunal fédéral 9C_912/2014 du 7 mai 2015 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 23/04 du 23 septembre 2004 consid. 4.1). En revanche, il existe des affections psychiques qui, selon les connaissances de la science médicale, ne peuvent pas être soignées sans un traitement durable et ne ressortissent donc pas à l’assurance-invalidité. En effet, on ne saurait parler, en pareil cas, d'un « caractère momentanément encore instable de l’affection ». Or, en présence d'un traitement durable d’une affection, il n’est plus possible de retenir que celui-ci poursuit (également) un but de réadaptation professionnelle. Le but de réadaptation de la thérapie fait donc défaut. Étant donné que dans ces cas, le besoin de traitement persiste de manière inchangée même à l'âge adulte, il n'y a aucune raison d'appliquer la pratique spécialement applicable aux assurés avant l'âge de 20 ans révolus (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 23/04 du 23 septembre 2004 consid. 4.2).

6.2 Au moment de la survenance de l’invalidité spécifique aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI), les conditions d’assurance selon l’art. 1b LAI en relation avec les art. 1a et 2 LAVS (en tenant compte, le cas échéant, de l’art. 6 et de l’art. 9 al. 2 et 3 LAI ou des dispositions d’une convention internationale) doivent être remplies pour ouvrir droit aux prestations (Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Bundesgestz über die Invalidenversicherung [IVG], 4ème éd. 2022, n. 158 ad art. 4 LAI et les arrêts cités).

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

7.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

7.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 - RAI - RS 831.201 ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

7.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.              

8.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante
(ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.             En l’espèce, la décision litigieuse considérait, avant la réponse du 5 mars 2024 de l’intimé, que le recourant ne remplissait pas les conditions permettant l’octroi d’une rente d’invalidité, vu le rapport d’expertise du Dr N______, concluant à une capacité de travail résiduelle de 70 %, présente depuis le début de l’âge adulte dans une activité adaptée, soit une activité au niveau d’acquisition très simple intellectuellement, répétitive et ne nécessitant pas une attention optimale, sans horaires irréguliers, sans relations sociales intenses ou stressantes, sans multitâche, sans conduite professionnelle et en dehors du milieu de la restauration compte tenu du risque lié à la consommation d’alcool.

La chambre de céans constate qu’il ressort du rapport d’expertise du 22 juin 2023 du Dr N______ que plusieurs entretiens (en lieu et place d’un seul ayant effectivement eu lieu) étaient prévus mais n’avaient pas pu être menés. De surcroît, cet expert ne s’est pas penché sur le rapport d’expertise du 29 mai 2020 du Dr M______, motif pris qu’il était « indisponible ». Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’expertise diligentée par l’OAI se baserait sur des observations approfondies et des investigations complètes et qu’elle aurait été rendue en pleine connaissance du dossier, si bien qu’il n’apparaît pas contestable – et qu’il n’est pas non plus contesté – que le rapport d’expertise du 22 juin 2023 est dépourvu de valeur probante.

Pour retenir, dans sa réponse du 5 mars 2024, que le recourant présentait une incapacité de travail totale dès 18 ans, l’intimé s’est fondé sur l’avis du 13 février 2024 du SMR. Ce dernier considère que le trouble de la personnalité dyssocial est sévère et incapacitant depuis l’âge de jeune adulte et empêche par ailleurs toute exigibilité de traitement ou d’abstinence (en rapport avec la consommation de substances psychoactives), ce qui est motivé, entre autres, par le fait que le recourant est difficilement compliant aux soins psychiatriques proposés par le Dr O______ et qu’il a repris la consommation de substances psychoactives, son abstinence passagère (en 2018) s’expliquant en effet par son incarcération dans un centre rééducatif fermé à cette époque. Le SMR s’appuie également sur les éléments ressortant du rapport d’expertise du 29 mai 2020 du Dr M______, parmi lesquels on trouve un bilan neuropsychologique réalisé en octobre 2018, mettant en évidence « un niveau de fonctionnement intellectuel dans la moyenne inférieure, avec des déficits exécutifs au premier plan, associés à un trouble de la mémoire de travail verbal, des fluctuations attentionnelles, ainsi qu’une atteinte de la cognition sociale. Les déficits relevés sont décrits comme compatibles avec une origine multifactorielle, c’est-à-dire à la fois liés au faible niveau d’éducation scolaire, aux séquelles de trouble envahissant du développement, à la poly-toxicomanie et au trouble psychiatrique » (cf. rapport d’expertise du 29 mai 2020 du Dr M______, p. 8).

La chambre de céans constate que l’avis du 13 février 2024 du SMR explique bien les raisons pour lesquelles il s’écarte du rapport d’expertise – non probant – du
Dr N______, qu’il est motivé à la lumière de l’ensemble du dossier médical et qu’il est en accord avec les rapports des 30 novembre 2023 et 30 janvier 2024 du Dr O______ en tant que ceux-ci concluent à une incapacité de travail dans toute activité. Aussi cet avis du 13 février 2024 du SMR peut se voir reconnaître valeur probante.

10.         Une incapacité totale de travail étant ainsi établie depuis mai 2013, au degré de
la vraisemblance prépondérante, soit depuis la majorité du recourant, il reste à déterminer si ce dernier peut prétendre à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

10.1 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69 %, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70 %, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49 %, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5 % (cf. al. 4).

La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à
l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

10.2 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100 % ou plus (al. 2 let. a).

10.3 L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son
al. 1, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la LAVS, à l’exclusion
toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).

Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).

Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l’ESS font foi. D’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l’ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l’âge et tiennent compte du sexe
(art. 25 al. 3 RAI). Les valeurs statistiques sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l’entreprise selon la division économique ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux (art. 25 al. 4 RAI).

10.4 Si l’assuré ne peut commencer ou achever une formation professionnelle en raison de son invalidité, le revenu sans invalidité est déterminé sur la base des valeurs statistiques définies à l’art. 25 al. 3. En dérogation à l’art. 25 al. 3, seules des valeurs indépendantes du sexe sont utilisées (art. 26 al. 6 RAI).

10.5 Si l’assuré réalise un revenu après la survenance de l’invalidité, le revenu avec invalidité (art. 16 LPGA) correspond à ce revenu, à condition que l’assuré exploite autant que possible sa capacité fonctionnelle résiduelle en exerçant une activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 26bis al. 1 RAI).

Si l’assuré ne réalise pas de revenu déterminant, le revenu avec invalidité est déterminé en fonction des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI. Pour les assurés visés à l’art. 26 al. 6, des valeurs indépendantes du sexe sont utilisées en dérogation à l’art. 25 al. 3 (art. 26bis al. 2 RAI).

10.6 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

10.6.1 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174).

10.6.2 Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il n'est pas nécessaire de les chiffrer précisément, dans la mesure où le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail. Dans ce cas, le degré d'invalidité correspond en effet au degré d'incapacité de travail, compte tenu d'une éventuelle déduction du salaire fondé sur les statistiques. Il ne s’agit pas d’une « comparaison en pour-cent » au sens de l'ATF 114 V 310 consid. 3a, mais d’une simplification purement arithmétique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_111/2023 du 12 octobre 2023 consid. 6.2 et les références).

10.7 En l’espèce, l’intimé a considéré que l’absence d’activité professionnelle du recourant avant son atteinte à la santé ne reflétait pas sa volonté hypothétique et qu’en conséquence, il convenait de lui reconnaître le statut d’actif. L’intimé a également estimé qu’en l’absence d’activité exercée avant et après la survenance de l’invalidité, il était nécessaire de déterminer les revenus avec et sans invalidité sur la même tabelle statistique, si bien que le taux d’invalidité se confondait avec la capacité de travail raisonnablement exigible dans une activité adaptée. Ces appréciations, qui ne sont pas contestées, apparaissent correctes, si bien qu’il n’y a pas lieu de s’en écarter. On ajoutera que dans la mesure où le recourant a eu 18 ans le 23 avril 2013 et que sa capacité de travail est entièrement nulle depuis lors (ci-dessus : consid. 9), l’invalidité – pour le cas d’assurance « rente » – est survenue le 23 avril 2014 (cf. art. 28 al. 1 LAI ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_510/2020 du 2 novembre 2020 consid. 2.2). Pour le surplus, il n’est pas contesté que le recourant ne présentait pas, à cette date, un minimum de trois années de cotisations AVS, si bien qu’en application de l’art. 36 al. l LAI, il ne peut pas prétendre à une rente d’invalidité ordinaire.

11.         Il reste à examiner si en tant que ressortissant étranger, le recourant répond aux critères d’octroi d’une rente entière d’invalidité extraordinaire en application de
l’art. 39 al. 3 LAI.

11.1 On rappellera que les termes de l’art. 39 al. 3 LAI (« remplissaient comme enfants les conditions fixées à l’art. 9 al. 3 ») visent, d'une part, les exigences relatives à l'année entière de cotisations et aux années de résidence en Suisse du ressortissant étranger, respectivement de son père ou de sa mère (conditions d'assurance). Ils impliquent, d'autre part, que l'intéressé a bénéficié ou aurait pu bénéficier de mesures de réadaptation, soit que le droit à ces mesures lui a été ou aurait pu lui être reconnu, parce qu'il satisfaisait ou aurait pu satisfaire aux conditions matérielles de la prestation de réadaptation visée par l'art. 9 LAI (cf. ci‑dessus : consid. 5.2). En outre, les termes « comme enfants » se réfèrent à des ressortissants étrangers n’ayant pas encore l’âge de 20 ans révolus (ATF 140 V 246 consid. 7.3.2).

On ajoutera qu’aux termes de l’art. 5 al. 2 LAI, l’invalidité des assurés âgés de moins de 20 ans qui n’exercent pas d’activité lucrative est déterminée selon
l’art. 8 al. 2 LPGA.

Les assurés mineurs sans activité lucrative sont réputés invalides s’ils présentent une atteinte à leur santé physique, mentale ou psychique qui provoquera probablement une incapacité de gain totale ou partielle (art. 8 al. 2 LPGA). Les assurés âgés de moins de 20 ans révolus, n’exerçant pas d’activité lucrative, sont dès lors réputés invalides s’ils présentent une atteinte à la santé physique, psychique ou mentale qui provoquera vraisemblablement une incapacité de gain totale ou partielle (art. 8 al. 2 LPGA en lien avec l’art. 5 al. 2 LAI). Dans ce cas, l’invalidité est déterminée en considérant le moment où ils entreront dans la vie active et il n’est pas nécessaire qu’elle soit immédiate. En d’autres termes, l’invalidité résulte ici d’un état de fait hypothétique (une détérioration probable de la capacité de gain) au lieu d’un état de fait donné comme chez les assurés âgés de plus de 20 ans révolus (Michel VALERIO, op. cit., n. 6 ad art. 5 LAI et les arrêts cités).

Si l'atteinte à la santé est grave au point qu'il est probable qu'aucune activité lucrative ne pourra être exercée à l'avenir, c’est-à-dire à l'âge de 20 ans révolus, il n'existe a priori aucun droit à toutes les mesures de réadaptation (au sens des
art. 12 ss LAI) qui dépendent d’une efficacité de la réadaptation sur le plan professionnel (cf. art. 8 al. 1 let. a et al. 1bis phr. 2 let. c LAI ; Ulrich MEYER/Marco REICHMUTH, op. cit., 4ème éd. 2022, n. 29 ad art. 5). Ainsi, sous réserve des exceptions prévues aux alinéas 2 et 2bis de l’art. 8 LAI, les assurés n’ont droit qu’aux mesures de réadaptation nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels. Quelles que soient les mesures et leur champ d’application, celles qui n’aboutissent qu’à une faible amélioration de la capacité de gain ou d’exercer leurs travaux habituels ne sont pas prises en charge par l’AI. La loi ne prévoit en effet pas l’octroi de mesures propres à conserver un reste de capacité négligeable et incertain (ATF 115 V 191 consid. 5c ; Michel VALTERIO, op cit., n. 6 ad art. 8 LAI).

11.2 Il sied également de rappeler qu’en l’espèce, une première demande de prestations, formée en août 2003, demandant des mesures médicales au sens de art. 12 LAI (psychothérapie) et des subsides pour la formation spéciale avait été refusée par décisions des 16 et 17 octobre 2003, sous l’angle des seules conditions d’assurance (art. 6 al. 2 et 9 al. 3 LAI) qui faisaient alors défaut. La deuxième demande de prestations, formée en septembre 2011, avait fait l’objet d’une décision de refus d’entrée en matière.

Dans le cadre de l’examen de la demande de prestations du 20 avril 2022, plus précisément après avoir reconsidéré pendente lite la décision litigieuse qui niait le droit à une rente sur la base d’un degré d’invalidité insuffisant, l’intimé ne s’est pas formellement prononcé sur la réalisation des conditions d’assurance pour la période postérieure aux décisions clôturant la procédure initiée suite aux deux premières demandes. Il a en revanche estimé, d’un point de vue rétrospectif (ci‑dessus : consid. 5.2), que le recourant ne remplissait de toute manière pas les conditions matérielles d’octroi de mesures de réadaptation avant l’âge de 20 ans, référence étant faite à l’avis du 30 avril 2024 du SMR.

11.2.1 Aussi convient-il d’examiner la valeur probante de cet avis du SMR, niant qu’il existait une possibilité pour le recourant d’effectuer une mesure de réadaptation compte tenu, d’une part, de son atteinte psychiatrique incapacitante, séquellaire d’un trouble de l’attachement et du développement et, d’autre part, de son parcours psychiatrique.

Le recourant soutient pour sa part qu’il remplissait les conditions matérielles d’octroi de mesures de réadaptation avant l’âge de 20 ans, référence étant faite à un certificat du 8 avril 2024 du Dr O______ (pièce 8 recourant), aux termes duquel « la mise en place de mesure[s] de réadaptation d’ordre professionnel, et en particulier dès l’âge de la jeunesse, est à considérer comme un important instrument pour assurer un redressement social à long terme ».

La chambre de céans constate toutefois que dans son rapport du 31 janvier 2024, le Dr O______ indique que le recourant est suivi sur plan psychiatrique depuis 2003, qu’il est connu pour la consommation de multiples substances (ecstasy, cannabis, cocaïne, héroïne) et qu’il a été hospitalisé à de nombreuses reprises
dès l’âge de 12 ans pour des troubles du comportement avec auto- et hétéro- agressivité. Il ajoute que « la difficulté à suivre le suivi mis en place et à effectuer un sevrage […] complique l’obtention d’une stabilité clinique [permettant] qu’une formation et une [insertion] sur le marché du travail soient possibles ».

Il résulte de ces explications complémentaires du Dr O______ que l’instabilité clinique persistante du recourant sur le plan psychiatrique, y compris à l’âge de 28 ans, ne permet pas de considérer de manière rétrospective (ci-dessus : consid. 5.2) que ses troubles psychiques présentaient, avant l’âge de 20 ans, un « caractère momentanément encore instable » au sens de la jurisprudence sur les mesures médicales. En effet, en présence d'un traitement durable d’une affection, comme c’est le cas en l’espèce, il n’est plus possible de retenir que celui-ci poursuit (également) un but de réadaptation professionnelle. On rappellera par ailleurs que des mesures qui visent à guérir ou à atténuer des états pathologiques instables ne doivent pas être prises en charge par l'assurance-invalidité (cf. ci-dessus : consid. 6.1.4).

Dans son rapport du 31 janvier 2014, le Dr O______ fait par ailleurs dépendre une éventuelle formation et insertion sur le marché du travail du recourant de l’obtention préalable d’une stabilité clinique (non encore acquise à 28 ans). Il s’ensuit que l’état de santé de l’intéressé, qui fait l’objet d’un traitement durable depuis 2003, ne permet pas et n’aurait pas permis non plus de mettre en œuvre des mesures de réadaptation d’ordre professionnel avant l’âge de 20 ans, celles-ci n’étant rétrospectivement pas de nature à empêcher une incapacité de gain à l'âge de 20 ans révolus (cf. ci-dessus : consid. 5.2 et 11.1).

Dans ces conditions, le certificat du 8 avril 2024 du Dr O______ n’est pas de nature à mettre en doute les conclusions du 30 avril 2024 du SMR, lesquelles sont bien motivées à la lumière du parcours psychiatrique et du caractère incapacitant de l’atteinte à la santé. Aussi la chambre de céans considérera-t-elle qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant ne remplissait pas les conditions matérielles d’octroi de mesures de réadaptation avant l’âge de 20 ans révolus. La chambre de céans se dispensera en conséquence d’examiner si pour de telles mesures, les conditions d’assurance (art. 9 al. 3 LAI) étaient alors remplies après les décisions des 17 octobre 2003 et 20 octobre 2011.

11.2.2 Il résulte en synthèse de ce qui précède que bien que l’invalidité totale du recourant (100 %) soit survenue le 23 avril 2014 et lui aurait permis, en principe, de prétendre à une rente entière dès le mois d’octobre 2022, soit six mois après le dépôt de sa demande le 20 avril 2022 (cf. art. 29 al. 1 LAI), il n’en demeure pas moins que l’intéressé ne peut prétendre ni à une rente ordinaire – faute de présenter au moins trois années de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité (cf. art. 36 al. 1 LAI) – ni à une rente extraordinaire au sens de l’art. 39 al. 3 LAI, étant donné qu’il ne remplissait pas les conditions matérielles d’octroi de mesures de réadaptation avant l’âge de 20 ans révolus.

11.2.3 Dans son écriture du 14 juin 2024, le recourant fait néanmoins valoir que dans la mesure où l’intimé a admis dans sa réponse du 5 mars 2024 qu’il présentait une incapacité de travail totale depuis le début de l’âge adulte, ce qui ne ressort pas de la décision du 31 octobre 2023 attaquée – niant le droit à une rente d’invalidité en raison d’un taux d’invalidité de 30 %, fondé sur une capacité de travail de 70 % dans une activité adaptée dès le 1er mai 2013 –, il conviendrait d’annuler la décision précitée et de reconnaître son invalidité de 100 %, de manière à lui permettre de former une demande de prestations complémentaires (ci-après : PC) auprès du SPC.

Cette conclusion ne saurait être suivie. En effet, comme indiqué plus haut, la reconsidération pendente lite de la décision du 31 octobre 2023 (cf. ci-dessus : consid. 3), reconnaissant au recourant une incapacité de travail totale depuis le début de l’âge adulte et, partant, une invalidité de 100 %, ressort déjà de l’écriture du 5 mars 2024 de l’intimé et des considérants qui précèdent. En second lieu, il n’appartient pas à la chambre de céans de se prononcer sur le droit éventuel du recourant à des PC, singulièrement à des prestations indépendantes d’une rente de l’AVS ou de l’AI (« rentenlose Ergänzungsleistung »). En effet, aussi longtemps que l’autorité compétente – in casu : le SPC – pour se prononcer à titre principal sur certaines questions n’a pas rendu de décision à leur sujet, il n’y a pas de place pour une décision en constatation émanant d’une autre autorité sur les questions préliminaires – en matière de PC (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_126/2021 du
29 mars 2022 consid. 5.2). La chambre de céans s’abstiendra en conséquence de constater, dans le dispositif du présent arrêt, l’invalidité totale du recourant – qui n’est plus litigieuse depuis le 5 mars 2024.

12.         Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

13.         Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d’assurance-invalidité (cf. art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu en l’espèce de renoncer à la perception d’un émolument, le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

*****

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à la perception d’un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le