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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/14/2024

ATAS/563/2024 du 05.07.2024 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/14/2024 ATAS/563/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 5 juillet 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Maître Samir DJAZIRI

 

 

recourant

 

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA

 

intimée

 


EN FAIT

A.           a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1976. Il travaille depuis le 1er janvier 2013 pour B ______ et est assuré à ce titre contre les conséquences des accidents professionnels et non professionnels ainsi que les maladies professionnelles par ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

b. L’assuré a eu un accident de motocycle le 7 novembre 2017, lors duquel il a été blessé.

c. Selon un rapport établi le 24 novembre 2017 par le service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), il présentait une tétraparésie sévère, une fracture instable C4-C6, des contusions pulmonaires, une lacération hépatique, des lacérations de grade III du rein droit, des fractures déplacées des cornes supérieures du cartilage thyroïde et une fracture comminutive de l’aile iliaque droite. Il avait été opéré en urgence et était resté plusieurs jours aux soins intensifs pour une prise en charge aiguë et la surveillance des atteintes des organes internes et du statut neurologique.

d. Par ordonnance pénale du 26 octobre 2018, le Ministère public a déclaré l’assuré coupable d’avoir conduit un motocycle en état d’ébriété qualifiée (alcoolémie minimale de 1.99‰) et l’a condamné à une peine de 100 jours-amende, avec sursis assorti d’un délai d’épreuve de trois ans, et à une amende de CHF 1'400.- à titre de sanction immédiate. L’ordonnance mentionne dans les faits que l’assuré était le seul blessé des suites de l’accident et qu’il avait souffert de tétraplégie partielle due à la lésion de la moelle épinière au niveau cervical ainsi que de diverses fractures, de lacération du foie ainsi que du rein et de contusions. Entendu par la police le 15 juin 2018, l’assuré avait déclaré avoir consommé de l’alcool avant de conduire et ne pas se souvenir du reste des faits. Il était célibataire, père de cinq enfants, informaticien, pour un salaire mensuel de CHF 7'900.-, et sans antécédent judiciaire. L’infraction à l’art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) était absorbée par l’art. 91 al. 2 let. a LCR. Les motivations de l’assuré relevaient de la pure désinvolture vis-à-vis des règles de la LCR.

e. Le 12 novembre 2018, l’assuré a formé opposition à l’ordonnance pénale précitée.

f. Le 4 février 2020, le Tribunal de police a constaté que l’opposition à l’ordonnance pénale du 26 octobre 2018 avait été retirée et que dès lors celle-ci devait être assimilée à un jugement entré en force.

g. Le 22 décembre 2020, l’assuré a transmis à l’assurance l’ordonnance pénale du 26 octobre 2018, en faisant valoir que le taux de réduction ne pouvait excéder 40%, en application de l’art. 37 al. 3 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), car le taux d’alcool à prendre en considération était de 1.99‰. Par ailleurs, aucune réduction ne pouvait être retenue en application de l’art. 37 al. 2 LAA, étant donné qu’il n’avait été reconnu coupable que de conduite en état d’ébriété.

h. Dans un rapport du 15 février 2021, le service de paraplégie de la clinique romande de réadaptation Sion (ci-après : la CRR) a indiqué avoir revu ce jour l’assuré, qui disait aller bien globalement. Il pouvait marcher sans moyens auxiliaires et était autonome dans les activités de la vie quotidienne. À l’examen clinique, il avait été constaté une bonne motricité aux membres supérieurs et une légère diminution de la force musculaire au genou ainsi qu’à la dorsiflexion des chevilles à 4/5 à gauche.

i. Par décision du 24 août 2022, l’assurance a, en application de l’art. 37 al. 3 LAA, réduit les prestations octroyées à l’assuré en espèce de 50% pour conduite d’un véhicule en état d’ébriété. Le fait de circuler au volant d’un véhicule sous l’emprise de l’alcool à un taux moyen de 2.07‰ constituait un délit (infraction passible d’une peine d’emprisonnement). Le taux de réduction était fixé en rapport du taux d’alcoolémie, pour un taux supérieur à 2‰, celui-ci était fixé à 50%.

La perte de maîtrise avait été confirmée par l’ordonnance pénale, mais l’infraction de l’art. 90 al. 1 LCR avait été absorbée par l’art. 91 LCR. Concernant la vitesse inadaptée (art. 32 LCR), elle n’avait pas été retenue dans le jugement pénal. L’assurance renonçait par conséquent à appliquer une réduction de 20% en application de l’art. 37 al. 2 LAA.

j. L’assuré a formé opposition à cette décision le 26 septembre 2022 arguant, en substance, que la gravité des lésions qu’il avait subies constituait une circonstance qui justifiait de renoncer à toute réduction des prestations d’assurance. Subsidiairement, il faisait valoir que l’alcoolémie retenue dans l’ordonnance du 26 octobre 2018 s’élevait à 1.99 ‰ de sorte que le taux de réduction ne pouvait excéder 40%.

Il concluait à l’annulation de la décision du 24 août 2022 et à ce qu’il ne soit pas prononcé de réduction de prestation, subsidiairement, à ce qu’elle soit limitée à 10%, et plus subsidiairement, à ce qu’elle n’excède pas 40%.

k. Par décision sur opposition du 24 novembre 2023, l’assurance a relevé qu’elle n’était pas liée par les jugements pénaux et que l’ordonnance pénale du 26 octobre 2018 ne retenait pas de circonstances particulières conduisant à une réduction de peine, mais seulement que les motivations du prévenu relevaient de la pure désinvolture vis-à-vis des règles instaurées par la LCR. Les lésions de l’assuré ne constituaient pas des circonstances particulières au sens de la jurisprudence. Ainsi, c’était à bon droit qu’elle ne s’était pas écartée de son obligation de réduire les prestations au sens de l’art. 37 al. 3 LAA.

Le Ministère public évoquait le taux minimal de 1.99 ‰ dans son ordonnance pénale, mais cela ne liait pas l’assurance. Pour elle, la détermination exacte du taux d’alcool était primordiale pour le calcul des prestations. Selon la jurisprudence et la doctrine, elle pouvait s’écarter du taux retenu par l’autorité pénale et retenir la valeur moyenne. Les enjeux des autorités pénales et de l’assurance-accident n’avaient pas la même finalité, de sorte que des divergences quant à la désignation des faits se justifiait.

L’assurance devait établir les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, paraissaient comme les plus vraisemblables et présentaient un degré de vraisemblance prépondérante. Or, il ressortait du rapport du CURML que l’alcoolémie de l’assuré lors de l’accident s’élevait à 2.07 g/kg : valeur moyenne, 1.97 g/kg : valeur minimale, 2.17 g/kg : valeur maximale. Partant, c’était à bon droit que l’assurance s’était fondée sur le taux moyen d’alcool pour déterminer l’octroi de ses prestations, de sorte que le taux de réduction de 50% devait être maintenu.

B.            a. Le 3 janvier 2024, l’assuré a formé recours contre la décision sur opposition de l’intimée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’aucune réduction des prestations de l’assurance ne devait être opérée, subsidiairement que la réduction des prestations n’excède pas 10% et plus subsidiairement encore qu’elle n’excède pas 40%, avec suite de dépens. Le recourant a également conclu à la restitution de l’effet suspensif, au motif que la réduction de 50% des prestations de l’assurance le placerait dans une situation financière précaire.

Sur le fond, il a fait valoir qu’il avait été particulièrement blessé lors de l’accident et qu’il avait donc été directement atteint par les conséquences de son acte. La gravité de ses lésions justifiait pleinement de renoncer à toute réduction des prestations de l’assurance-accident. Subsidiairement, le recourant relevait que l’alcoolémie retenue par l’ordonnance pénale du 26 octobre 2018 s’élevait à 1.99 ‰ et que cette ordonnance était assimilée à un jugement entré en force, à la suite de l’ordonnance rendue le 4 février 2020 par le Tribunal de police. Partant, l’intimée n’avait pas d’autre choix que de retenir le taux de 1.99‰. Conformément à la jurisprudence, le taux de réduction en application de l’art. 37 al. 3 LAA ne pouvait excéder 40%. Au vu du fait qu’il avait été lourdement blessé, il convenait de ne pas s’écarter de la quotité minimum de réduction, soit 10%.

b.   Par réponse datée du 1er mars 2024 et reçue le 5 suivant par la chambre de céans, l’intimée a conclu au rejet du recours et produit le dossier du recourant.

c.    Le 28 mars 2024, le recourant a fait valoir que les pièces de l’intimée avaient été expédiées le 4 mars 2024 et reçues le 5 mars 2024, soit tardivement après le délai imparti qui avait échu le 1er mars 2024, et qu’en conséquence ces pièces étaient irrecevables.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             Le présent arrêt ne porte que sur la demande de restitution de l’effet suspensif.

4.1

4.1.1 Le délai de réponse octroyé à l’intimé étant un délai d’ordre, la réponse de ce dernier et les pièces produites sont recevables même si elles ont été transmises après le délai requis (ATA/846/2012 du 18 décembre 2012 consid. 2b).

4.1.2 Selon l'art. 54 al. 1 let. c LPGA, les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré.

En vertu de l’art. 11 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), l'opposition a un effet suspensif, sauf si un recours contre la décision prise sur opposition n'a pas d'effet suspensif de par la loi, si l'assureur a retiré l'effet suspensif dans sa décision, si la décision a une conséquence juridique qui n'est pas sujette à suspension (al. 1). L'assureur peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision. Une telle requête doit être traitée sans délai (al. 2).

La LPGA ne contient aucune disposition topique en matière d'effet suspensif. Selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 de la LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021). L'art. 61 LPGA, qui règle la procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, renvoie quant à lui à l'art. 1 al. 3 PA. Aux termes de cette disposition, l'art. 55 al. 2 et 4 PA relatif au retrait de l'effet suspensif est applicable à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral.

L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 55 PA à laquelle l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 46/04 du 24 février 2004 consid. 1, in HAVE 2004 p. 127), la possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 267/98 du 22 octobre 1998, in VSI 2000 p. 184 consid. 5; Hansjörg SEILER, in Praxiskommentar zum VwVG, n° 103 ad art. 55 PA). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 et 106 V 18; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_451/2010 du 10 novembre 2010 consid. 2 à 4, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

4.1.3 Selon l’art. 21 al. 1 LPGA, si l’assuré a aggravé le risque assuré ou en a provoqué la réalisation intentionnellement ou en commettant intentionnellement un crime ou un délit, les prestations en espèces peuvent être temporairement ou définitivement réduites ou, dans les cas particulièrement graves, refusées.

Selon l’art. 21 al. 2 LPGA, les prestations en espèces dues aux proches ou aux survivants de l’assuré ne sont réduites ou refusées que si ceux-ci ont provoqué la réalisation du risque intentionnellement ou en commettant intentionnellement un crime ou un délit.

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires.

Selon l’al. 37 al. 2 LAA, si l’assuré a provoqué l’accident par une négligence grave, les indemnités journalières versées pendant les deux premières années qui suivent l’accident sont, en dérogation à l’art. 21 al. 1 LPGA, réduites dans l’assurance des accidents non professionnels. La réduction ne peut toutefois excéder la moitié du montant des prestations lorsque l’assuré doit, au moment de l’accident, pourvoir à l’entretien de proches auxquels son décès ouvrirait le droit à des rentes de survivants.

Selon l’art. 37 al. 3 LAA, si l’assuré a provoqué l’accident en commettant, non intentionnellement, un crime ou un délit, les prestations en espèce peuvent, en dérogation à l’art. 21 al. 1 LPGA, être réduites, ou, dans les cas particulièrement graves, refusées. Si l’assuré devait, au moment de l’accident, pourvoir à l’entretien de proche auxquels son décès ouvrirait les droits à une rente de survivants, les prestations en espèce sont réduites au plus de moitié. S’il décède des suites de l’accident, les prestations en espèce pour les survivants, peuvent en dérogation à l’art. 21 al. 2 LPGA, aussi être réduite au plus de moitié.

La formulation potestative de l’art. 37 al. 3 LAA permet de tenir compte de cas exceptionnels, par exemple lorsque l’accident survenu lors de la commission d’un crime ou d’un délit n’est en relation qu’avec une faute légère ou sans aucune faute de la personne assurée. On peut en outre tenir compte du fait que les crimes et délits commis en état de légitime défense ou de nécessité ne sont pas punissables et ne donne donc lieu à aucune sanction au sens de l’art. 37 al. 3 LAA (ATF 120 V 224 consid. 4b ; RUMO JUNGO, disp. 169 et 219).

Les dérogations à la LPGA, instituées par l'art. 37 al. 3 LAA, ont été voulues par le législateur, qui entendait maintenir le régime des sanctions instauré par l'ancien art. 37 al. 3 LAA. Par ces dérogations, il avait en vue, principalement, les accidents causés par un conducteur pris de boisson. Cette intention ressort de manière non équivoque du rapport de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999 (FF 1999 p. 4168 ; ATF 134 V 277 consid. 3.3).

Le juge des assurances sociales ne peut, sans motifs pertinents, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaitre sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, quand il s’agit de fixer le taux d’alcoolémie de l’assuré en matière de réduction des prestations, il est admissible de se fonder sur un taux moyen, en l’absence d’indications plus précises, notamment d’éléments de fait ressortant d’un jugement pénal (arrêts du Tribunal fédéral U 394/05 du 10 novembre 2006 consid. 3.3 et 8C_252/2012 du 30 novembre 2012).

Même si la qualification pénale joue un rôle important lorsque le comportement à l’origine de l’éventualité assuré est une infraction réprimée par le droit pénal (cf. par exemple, en ce qui concerne les infractions du droit à la circulation routière, ATF 120 V 227 consid. 2 d ; 119 V 245 consid. 3 a), le juge des assurances sociales n’est lié par les constatations et l’appréciation du juge pénal, ni en ce qui concerne la désignation des prescriptions enfreintes, ni quant à l’évaluation de la faute commise. Toutefois, il ne s’écarte des constatations de fait du juge pénal que si les faits établis au cours de l’instruction pénale et leur qualifications juridiques ne sont pas convaincants ou s’il se fonde sur des considérations spécifiques du droit pénal qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 237 consid. 6 a).

4.1.4 Selon l’art. 54 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), si l’auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu’une peine serait inappropriée, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Cette disposition repose sur la constatation que l’auteur durement atteint par les conséquences directes de son acte paraît déjà suffisamment puni, ce qui rend une condamnation vide de sens et inapproprié (FF 1985 1021, 1028). L’art. 54 CP visent des faits qui peuvent être qualifiés de cas limites pour la plupart desquels le simple sentiment de justice commande déjà que l’on renonce à toute poursuite pénale. L’exemption de peine ne peut être envisagée que si la poursuite pénale se révèle inappropriée à tous les points de vue imaginables, notamment sous l’angle de la prévention spéciale et générale (FF 1985 II 1021 et 1031). La jurisprudence a reconnu l’existence d’une atteinte directe et grave justifiant l’application de l’art. 54 CP, notamment pour un homme qui avait provoqué un accident de la circulation qui avait entraîné la mort de son épouse et d’un tiers, passager d’un autre véhicule (Cass. VD du 29 août 1994, rés. RSJ 1996, p. 279) et pour un chauffeur routier qui avait souffert de plusieurs fractures à la suite d’un accident causé par la perte de maîtrise de son véhicule (JdT 1995 IV 126). L’autorité cantonale dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Lorsque l’application de l’art. 54 CP n’est pas d’emblée exclue, il convient, dans un premier temps d’apprécier la culpabilité de l’auteur au sens de l’art. 47 CP, puis de mettre en regard de la culpabilité les conséquences directes de l’acte (ATF 121 V 162 consid. 2b = JdT 1997 IV 12 ; 119 IV 280 consid. 1a = JdT 1994 I 760).

4.1.5 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutables, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante.

4.2 En l’espèce, il n’apparait pas d’emblée que le recourant aura gain de cause à l’issue du litige. Au contraire, les conditions pour une réduction de prestations d’assurance selon l’art. 37 al. 3 LAA apparaissent a priori remplies, dès lors qu’il a provoqué l’accident en commettant, non intentionnellement un délit. Une faute légère pourrait justifier une exception, mais tel n’apparaît pas être le cas, dès lors que le recourant a été condamné à 100 jours-amende avec sursis ainsi qu’à une amende pour avoir circulé au guidon d’un motocycle dans un état d’ébriété important, même en prenant en compte le taux minimal 1.97 g/kg, ce qui a gravement mis en danger la sécurité publique.

Le recourant a certes lui-même été blessé dans l’accident de façon assez grave, ce qui pose la question d’une exemption ou une réduction de peine, en application de l’art. 54 CP. La sanction pénale prononcée ne heurte toutefois pas de façon évidente le sentiment de justice, vu la mise en danger de la sécurité publique provoquée par le comportement du recourant et le fait que les conséquences de l’accident sur son état de santé à long terme n’apparaissent pas dramatiques, au vu du rapport établi le 15 février 2021 par la CRR, dont il ressort qu’il pouvait, à cette date, marcher sans moyens auxiliaires et qu’il était autonome dans les activités de la vie quotidienne.

De plus, l’art. 54 CP n’apparaît pas assimilable à un délit commis en état de légitime défense ou en état de nécessité, qui justifient une exception à la réduction des prestations selon la jurisprudence. En effet, dans le cadre de l’art. 54 CP l’exemption de peine est liée aux conséquences de l’infraction et non au fait que la faute apparaît légère ou inexistante, comme c’est le cas pour la légitime défense ou l’état de nécessité.

Il convient encore de relever que selon la jurisprudence précitée, lorsqu’il s’agit de fixer l’alcoolémie d’un assuré en matière de réduction des prestations, il est admissible de se fonder sur un taux moyen, en l’absence d’indications plus précises, notamment d’éléments de fait ressortant d’un jugement pénal, de sorte que la décision de l’intimée apparaît correcte sur ce point.

Par ailleurs, le recourant a fait valoir que faute de restitution de l’effet suspensif, il serait placé dans une situation financière précaire. Il en résulte que si l'effet suspensif était accordé et que le recours serait finalement rejeté, il serait à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse. Dès lors, l’intérêt de l’intimée à la non-restitution de l’effet suspensif l’emporte sur celui du recourant de continuer à percevoir les prestations entières de celle-ci.

5.             La demande en restitution de l’effet suspensif sera en conséquence rejetée.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le