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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/253/2021

ATAS/513/2024 du 26.06.2024 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/253/2021 ATAS/513/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par de Me Marie-Josée COSTA

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 

EN FAIT

A. a. Madame A______(ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1969, a été employée par la B______ en qualité de téléphoniste (ci-après : les B______) dès le 1er septembre 1986 et était couverte à ce titre contre le risque d’accidents par la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

b. Le 3 août 1988, alors qu’elle circulait au volant d’un véhicule automobile, elle a subi un accident qui lui a causé un polytraumatisme, avec notamment des fractures de la diaphyse fémorale et de la cheville. Les fractures ont été ostéosynthésées le jour de l’accident.

c. Par décision du 12 novembre 1990, l’assurance a octroyé à l’assurée une indemnité pour une atteinte à l’intégrité (ci-après IPA) de 15% et considéré que les conditions requises pour l’octroi d’une rente d’invalidité n’étaient pas remplies.

B. a. Le 9 juillet 1991, l’assurée, qui avait quitté son emploi aux B______, a annoncé à l’assurance une rechute au fémur gauche intervenue le 29 avril 1991.

b. Elle a été opérée le 8 novembre 1991 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui a procédé à une ostéotomie de raccourcissement de 15 mm du fémur droit avec enclouage centro-médullaire verrouillé par une plaque anti-rotation et une ostéotomie d’allongement et de dérotation interne du fémur gauche avec enclouage centro-médullaire et fixation par une plaque anti-rotation.

c. Elle a été opérée à nouveau le 4 novembre 1992, en raison d’une malposition du membre inférieur gauche, après enclouage pour opération d’allongement de ce côté, avec raccourcissement du côté controlatéral.

d. Le 18 avril 1994, l’assurée a subi une intervention consistant en l’ablation d’une bursite entourant l’entrée du clou centro-médullaire de la hanche gauche, laquelle lui causait de fortes douleurs.

e. Elle a repris le travail à 50% le 6 juin 1994 selon une note du gestionnaire de l’assurance.

f. Dans un rapport du 19 août 1994, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a indiqué que depuis l’opération du 18 avril 1994, les douleurs de l’assurée au fémur gauche et les crises aiguës de la hanche gauche avaient disparu. Le clou du fémur droit semblait être bien supporté. En revanche, il y avait une persistance de lombalgies et de douleurs sacro-iliaques à gauche, fort pénibles, journalières et pratiquement continuelles, qui répondaient assez mal au traitement chiropratique. La reprise du travail était possible à 50%, dès le 6 juin 1994.

g. Le 28 février 1997, l’assurance a accordé à l’assurée, pour les séquelles de l’accident du 3 août 1988, une demi-rente d’invalidité à partir du 1er novembre 1996 fondée sur une diminution de ses capacités de travail et de gain de 50%, sur la base des investigations sur le plan médical et économique.

h. Par décision du 16 août 2001, l’assurance a informé l’assurée avoir réexaminé son droit à une rente d’invalidité et que la rente déjà octroyée ne serait pas modifiée.

i. L’assurée a été opérée le 8 mai 2012, pour une reprise de la voie trochantérienne gauche, l’évacuation d’un hématome et l’ablation de sa paroi. Cette opération a été prise en charge par l’assurance.

C. a. Le 30 août 2016, E______, qui avait engagé l’assurée le 4 avril 2016 à 50% comme téléopératrice, a annoncé une rechute à l’assurance, intervenue le 8 août 2016.

b. Le 25 janvier 2017, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, chirurgie de la hanche et du bassin, de l’Hôpital de la Tour, a indiqué que l’assurée avait des douleurs diminuant nettement sa qualité de vie. Sa hanche pourrait bénéficier d’une tentative de traitement par transfert tendineux du grand fessier sur le grand trochanter.

c. Le 26 janvier 2017, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, chirurgien de la colonne vertébrale, a indiqué au docteur H______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, que l’assurée décrivait une douleur lombaire basse en barre, qui apparaissait après une quinzaine de minutes de marche et qui devenait ensuite insoutenable. Il pensait que la symptomatologie lombaire basse était en rapport avec l’arthrose facettaire et qu’une chirurgie de stabilisation postéro-latérale et une greffe osseuse pourraient soulager l’assurée. Celle-ci avait d’autre part une pathologie du moyen fessier à gauche qui était certainement en rapport avec une rétroversion permanente du bassin dans un effort de compensation de sa symptomatologie lombaire basse. De ce fait, il fallait proposer, dans un premier temps, une chirurgie de spondylodèse L4-S1 à l’assurée. Dans un second temps, une chirurgie de transfert tendineux pour traiter la pathologie fessière gauche pourrait être envisagée.

d. Le 10 février 2017, l’assurance a informé l’assurée que vu l’avis de son service médical, elle niait sa responsabilité pour l’opération lombaire proposée par le Dr G______, faute de lien de causalité avec l’accident de 1988.

e. Le 16 février 2017, l’assurance a informé l’assurée qu’elle allait verser les indemnités journalières du 8 août 2016 au 31 janvier 2017 à son employeur, dès lors qu’elle avait repris le travail dès le 1er février 2017. Les troubles lombaires dont l’assurée souffrait n’engageaient pas sa responsabilité. L’assurance continuerait à prendre en charge le suivi médical pour le traitement de sa hanche.

f. L’assurée a été opérée du dos le 10 avril 2017.

g. Par courriel du 21 septembre 2017, l’assurée a informé l’assurance qu’elle était incapable de travailler plus de deux heures par jour en raison de douleurs insupportables au niveau de la hanche et des fessiers et qu’il fallait réactiver son dossier en lien avec l’événement du 3 août 1988.

Elle transmettait un arrêt de travail, établi le 20 septembre 2017 par le Dr H______, à 75% en raison d’un accident (pathologie de la hanche gauche) du 20 septembre au 20 octobre 2017, date d’un contact avec le Dr F______ pour discussion de l’indication chirurgicale.

h. Le 21 septembre 2017, l’assurance a informé l’assurée qu’elle reprenait l’instruction du dossier et que la rente d’invalidité de 50% continuait à être versée.

i. L’assurée a été opérée le 20 février 2018 par le Dr F______, qui a procédé à la réinsertion du grand fessier de l’assurée.

j. Le 22 mars 2018, le Dr F______ a revu l’assurée à un mois de la réinsertion du grand fessier. Celle-ci avait une douleur tout au long du tractus iléo-tibial qu’il trouvait tout à fait normale, vu que cet appareil fatio-tendineux avait été remis en charge. La cicatrice était calme. La mobilité de la hanche était complète. Il faisait un bon de physiothérapie. La charge pouvait s’effectuer selon les douleurs, mais l’assurée allait garder encore ses deux cannes en raison d’un déséquilibre.

k. Le 20 avril 2018, le Dr H______ a indiqué que l’assurée était à deux mois de sa chirurgie de la hanche. Les progrès étaient lents et elle utilisait toujours deux cannes pour ses déplacements, sous peine de douleurs et boiterie. Par conséquent, il était absolument indiscutable que l’arrêt de travail était encore de 100% et pour une durée minimale de quatre mois à compter de la date opératoire, soit jusqu’au 31 mai 2018.

l. Le 13 avril 2018, l’assurance a informé l’assurée que l’opération du 20 février 2018 relevait de sa compétence. Il ressortait des renseignements communiqués récemment par le Dr H______ qu’elle présentait depuis quelque temps une incapacité de travail de 75% pour cause de maladie. L’assurance lui versait une indemnité journalière de 25% dès le 15 février 2018, date à laquelle le Dr H______ avait reconnu une incapacité de travail totale pour les suites de l’accident du 3 août 1988.

m. Le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin des assurances, a indiqué, le même jour, que deux mois après « PTH » lui semblaient un peu courts et qu’on pouvait suivre en partie les argumentaires du Dr H______ et poursuivre jusqu’au 1er juillet 2018. Par contre, à ce moment-là, la capacité de travail était exigible dans l’activité exercée par l’assurée. S’il persistait une incapacité de travail, elle n’était plus en rapport avec l’intervention.

n. Dans un rapport établi le 9 juillet 2018 par le docteur J______, spécialiste FMH en anesthésiologie et en traitement de la douleur, le diagnostic était une lombosciatalgie de topographie L5 persistant après trois chirurgies du rachis. Il y avait eu une péjoration des douleurs suite à la seconde chirurgie lombaire en 2012. La chronicité était avérée. L’assurée pouvait travailler à 50% comme téléphoniste.

D. a. Le 9 juillet 2018, l’assurance a indiqué au Dr H______ qu’elle était disposée à octroyer l’indemnité journalière à l’assurée jusqu’au 30 juin 2018. Au-delà de cette date, pour les seules suites de l’accident du 3 août 1988, une pleine capacité de travail pouvait être reconnue médicalement à l’assurée. Elle lui demandait de lui indiquer jusqu’à quelle date l’incapacité de travail maladie (75%) avait été reconnue par ses soins.

b. Le 10 juillet 2018, le Dr G______ a estimé que la situation de l’assurée était stabilisée sur le plan lombaire et que celle-ci souffrait essentiellement d’une douleur fessière gauche. Les douleurs lombaires étaient beaucoup influencées par la boiterie chronique en rapport avec la lésion de la musculation fessière gauche. L’assurée présentait une incapacité de travail de 50% en rapport avec sa lésion post-traumatique de la musculature fessière gauche (accident). La capacité de travail était limitée par la lésion fessière gauche et pas par la pathologie lombaire.

c. Le 13 août 2018, le Dr H______ a indiqué à l’assurance qu’il était clair pour lui que l’incapacité de travail de l’assurée était de 100%, moitié maladie, moitié accident, du 1er janvier au 14 février 2018. Ensuite, du 15 février au 30 juin 2018, l’incapacité de travail à 100% était à la charge intégrale de l’assurance-accidents. À partir du 1er juillet 2018, l’incapacité était à nouveau à charge de l’assurance-maladie à 50% et de l’assurance-accidents à 50%.

d. Le 7 septembre 2018, le gestionnaire du dossier a soumis le cas à la médecine des assurances, notant que l’assurance n’allait pas accepter que la capacité de travail maladie de 50% ne soit plus reconnue du 15 février au 30 juin 2018 pour la seule raison que l’incapacité de travail « accident » était totale durant cette période. Pour les seules suites de l’opération du 20 février 2018 et en faisant abstraction des troubles maladifs et de l’incapacité de travail qui en découlait, il demandait au Dr I______ s’il était toujours d’avis qu’il y avait lieu d’admettre une incapacité de travail de quatre mois ou s’il estimait que l’incapacité de travail de 50% reconnue à partir du 1er juillet 2018 engageait toujours la responsabilité de l’assurance.

e. Selon un rapport du 5 octobre 2018, le Dr I______, avait examiné l’assurée le 1er octobre 2018 et constaté que son état de santé n’était pas stabilisé et qu’il faudrait encore quelques mois pour cela, à une année de l’intervention. Il proposait un nouvel examen au début de l’année 2019. Les douleurs de l’assurée étaient extrêmement importantes. Elle avait de la difficulté à tenir l’appui monopodal gauche en raison des douleurs et d’une faiblesse. À l’examen clinique, la marche se faisait avec une boiterie et l’appui monopodal nécessitait un soutien du membre supérieur droit. L’assurée était actuellement totalement incapable de travailler en rapport avec l’intervention de février 2018.

f. Le 9 octobre 2018, l’assurance a informé l’assurée que tant qu’une incapacité de travail maladie de 50% était reconnue, elle verserait l’indemnité journalière sur la base d’un taux de 50%.

g. Le 14 mars 2019, le Dr H______ a indiqué que l’évolution de la hanche de l’assurée était fluctuante. Celle-ci avait toujours des douleurs, mais son état était en amélioration. Elle allait prendre un deuxième avis à Berne (Sonnenhof) pour cette problématique. Le pronostic restait réservé sur le plan des limitations fonctionnelles.

h. Le 4 juin 2019, le Dr F______ a indiqué qu’à une année d’une réinsertion du grand fessier de l’assurée, cette chirurgie avait amélioré de 50% la fonction de sa hanche. Par contre, l’assurée gardait les mêmes douleurs autour de la péri-hanche gauche et il n’y avait pas d’amélioration à attendre dans le futur.

i. Selon un rapport du 2 septembre 2019, l’assurée a été examinée le 26 août 2019 par le Dr I______, qui a considéré que son état pouvait actuellement être considéré comme stabilisé. L’incapacité de travail de celle-ci était complète, mais elle devait actuellement être pondérée entre l’atteinte lombaire basse et l’atteinte autour de la hanche gauche, qui avait progressé. Au final, la station assise prolongée n’était plus possible, car l’assurée devait à tout moment s’allonger ou se lever, du fait de douleurs et de tensions importantes sur la région fessière. Les limitations fonctionnelles étaient la marche et la station debout ou assise prolongées de plus de 30 minutes, l’accroupissement et l’agenouillement, le port de charges et la position assise de plus 20 minutes. Les moindres surcharges mécaniques entraînaient des douleurs rendant toute activité impossible.

j. Par décision du 17 septembre 2019, l’assurance a mis fin au versement de l’indemnité journalière et à la prise en charge du traitement médical au 30 septembre 2019, hormis une séance de physiothérapie toutes les deux semaines et un contrôle tous les six mois auprès du Dr H______ pendant un an, puis un contrôle annuel par la suite.

k. Le 24 septembre 2019, le gestionnaire de l’assurance a demandé au Dr I______ quelles activités l’assurée pourrait encore raisonnablement exercer compte tenu des séquelles de l’accident, avec quel horaire et quel rendement et quelle était son estimation d’une éventuelle nouvelle atteinte à l’intégrité liée à l’accident, étant rappelé qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 15% avait été octroyée à la fin de l’année 1990 pour les suites de celui-ci.

l. Le 30 septembre 2019, le Dr I______ a établi une nouvelle appréciation médicale, dans laquelle il retenait comme limitation fonctionnelle, la marche et la station debout et assise prolongées et supérieures à 30 minutes, l’accroupissement, l’agenouillement et le port de charges supérieures à 10 kg. Une activité adaptée était exigible, de type sédentaire et avec alternance des positions assise et debout. Il précisait que les limitations fonctionnelles étaient strictes et que les moindres surcharges mécaniques entraînaient des douleurs qui rendaient toute activité impossible et nécessitaient une période de repos et de traitement de l’ordre de quelques mois. Il n’y avait pas lieu de revoir l’IPAI fixée à 15% en 1990 concernant les suites du traumatisme au niveau du membre inférieur gauche.

E. a. Par décision du 21 novembre 2019, l’assurance a considéré que la situation ne s’était pas notablement aggravée s’agissant des suites de l’accident après la fixation de la rente à 50% et a refusé d’en augmenter le taux.

b. Le 13 décembre 2019, l’assurée a formé opposition à cette décision.

c. Dans une appréciation du 27 novembre 2020 sur dossier, le Dr I______ a indiqué que les limitations étaient strictes, dans la mesure où si l’on s’en écartait un peu, les douleurs rendaient toute activité impossible et nécessitaient une période de repos et de traitement de l’ordre de quelques mois. Les limitations fixées lors de l’appréciation du 30 septembre 2019 étaient plus conséquentes que lors du bilan final antérieur du 17 octobre 1995, mais cette aggravation ne pouvait être mise sur le compte du problème inférieur gauche, ni de manière vraisemblable au niveau du rachis lié à une spondylodèse L5-S1. Il était difficile de dissocier les limitations fonctionnelles actuelles du contexte global, dans la mesure où les atteintes étaient anatomiquement extrêmement proches et que les limitations étaient à prendre dans leur globalité. La hanche, le bassin et le rachis lombaire étaient en effet en continuité fonctionnelle, du fait de leurs attaches anatomiques.

d. Par décision sur opposition du 11 décembre 2020, l’assurance a rejeté l’opposition et dit qu’elle ne pouvait entrer en matière sur la conclusion de l’assurée tendant à l’octroi d’une IPAI, qui dépassait le cadre de la décision querellée.

S’agissant de son droit à une rente d’invalidité, l’assurance rappelait que l’assurée présentait, parallèlement à ses troubles d’origine accidentelle, des atteintes du rachis d’origine dégénérative, qui avaient fait l’objet d’une spondylodèse L4-S1 le 10 avril 2017 que l’assurance avait refusé de prendre en charge, ce que l’assurée n’avait pas contesté.

Les limitations fonctionnelles retenues en 1996-1997 et 2019-2020 étaient très similaires, voire identiques. Aussi, dans les faits, si l’on ne pouvait pas parler d’une amélioration de l’état de santé de l’assurée, force était de constater qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% dans une activité sédentaire dans laquelle elle pouvait librement alterner les positions assise et debout. Par conséquent, une augmentation notable du taux d’invalidité n’était pas établie. Les arguments soulevés par l’assurée n’y changeaient rien. L’évaluation de l’assurance-invalidité n’était pas pertinente, dès lors qu’elle prenait en compte les troubles lombaires dont la prise en charge n’incombait pas à l’assurance. D’autre part, l’évaluation de l’invalidité d’origine accidentelle estimée à 75% par le Dr H______ devait être rejetée du fait qu’il n’incombait pas au médecin de se prononcer sur l’invalidité, qui était une notion principalement économique.

F. a. Le 25 janvier 2021, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, préalablement, à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée et, principalement, au constat que l’intimée avait commis un déni de justice en ne statuant pas sur son droit à l’IPAI ainsi qu’à l’octroi d’une rente d’invalidité de 75% à compter du 1er octobre 2019, avec suite de dépens.

b. Par réponse du 24 mars 2021, l’assurance a informé la chambre de céans qu’elle avait rendu une décision par laquelle elle niait à la recourante le droit à une IPAI supplémentaire le 18 février 2021. En conséquence, le recours pour déni de justice était devenu sans objet. Au surplus, l’intimée confirmait l’absence de droit de la recourante à une rente d’invalidité fondée sur un taux supérieur à 50%, précisant ne pas prétendre que celle-ci serait apte à reprendre une activité à plus de 50%. La recourante ne pouvait tirer argument du fait que l’intimée avait accepté initialement de prendre en charge ses troubles à la hanche gauche, car elle avait la possibilité de mettre fin à ses prestations avec effet ex nunc et pro futuro sans avoir à se fonder sur un motif de révocation. Afin de faire taire tout débat quant à la valeur probante des rapports du Dr I______, l’assurance avait soumis la cause à la docteure L______, spécialiste FMH en chirurgie générale et traumatologie, de la division de médecine des assurances de l’assurance, qui avait confirmé, le 23 mars 2021, une capacité de travail de la recourante de 50%, sans baisse de rendement, dans une activité adaptée.

Dans son rapport du 23 mars 2021, la Dre L______ concluait que du point de vue des séquelles accidentelles de 1988, on ne pouvait reconnaître une aggravation déterminante de l’état de santé de la recourante pouvant influencer sa capacité de travail. Ni la hernie du fascia lata, ni l’infiltration graisseuse, n’étaient responsables de la symptomatologie douloureuse exacerbée de sa hanche gauche. Une activité adaptée aux limitations était possible à 50%.

c. Le 20 avril 2021, la recourante a fait valoir que l’intimée avait commis un déni de justice en ne statuant sur l’IPAI que plusieurs semaines après le dépôt de son recours dans le seul but d’éviter une condamnation et alors qu’elle aurait dû le faire en 2019 déjà. Par conséquent, elle avait droit à des dépens.

L’assurance citait la jurisprudence permettant à l’assureur-accidents de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation de prester. Or, pour appliquer cette jurisprudence, il fallait démontrer que les prestations versées résultaient d’une appréciation incorrecte de l’état de fait. L’assurance ne motivait en rien quels seraient les motifs concrets qui permettraient d’appliquer cette jurisprudence au cas d’espèce. Elle semblait oublier que les prestations versées suite à l’annonce de rechute découlaient d’une aggravation reconnue et non contestée de son état de santé, qui avait notamment abouti à une intervention le 20 février 2018, soit une cure de hernie du fascia lata et une bursectomie trochantérienne. Les prestations versées jusqu’à septembre 2019 l’avaient été à juste titre. L’appréciation de la Dre L______ n’avait aucune valeur probante.

d. Le 25 novembre 2021, l’intimée a fait valoir que si la recourante avait requis une IPAI complémentaire par ses écritures d’opposition des 13 décembre 2019 et 19 février 2020 et qu’elle n’avait ensuite plus fait mention de cet objet. Dans le cadre de ses rappels, la recourante, assistée d’un conseil, n’avait pas attiré l’attention de l’intimée sur cet objet. L’intimée avait requis un complément d’instruction de son médecin-conseil qui avait confirmé l’absence de droit à une IPAI complémentaire. Suite au recours, l’intimée s’était immédiatement prononcée sur l’IPAI. Elle avait ainsi pallié à la carence du dossier et son comportement ne constituait pas un déni de justice. Aucune indemnité ne devait donc être allouée à la recourante pour ce motif.

e. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 15 juin 2022.

f. Par ordonnance du 5 juin 2023 (ATAS/398/2023) la chambre de céans a ordonné une expertise de la recourante qu’elle a confiée au professeur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Elle a estimé que l’expertise du Dr I______ ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante, constatant que l’intimée n’était elle-même manifestement pas convaincue de la valeur probante des conclusions du Dr I______, puisqu’elle avait fait procéder, au stade de sa réponse au recours, à une nouvelle appréciation du cas par la Dre L______. Comme l’avait relevé la recourante, l’on pouvait également constater que le Dr I______ ne bénéficiait pas du rapport établi le 10 juillet 2018 par le Dr G______ dans le dossier qui lui avait été remis par l’intimée et qu’il s’était ainsi prononcé sur un dossier incomplet. Une anamnèse plus poussée lui aurait sans doute permis de le constater et de compléter le dossier.

Les rapports du Dr I______ des 2 septembre 2019 et 26 novembre 2020 ne discutaient pas les conclusions différentes aux siennes des médecins traitants de la recourante. Il avait en outre varié dans son appréciation des limitations de la recourante s’agissant du port de charges, retenant dans ses appréciations des 2 septembre 2019 et 27 novembre 2020 qu’il était très limité et, le 30 septembre 2019, qu’il était limité à 10 kg, sans motivation sur ce point. De même, il a retenu le 2 septembre 2019 que la position assise devait être limitée à 20 minutes et, le 30 septembre suivant, qu’elle était limitée à 30 minutes. Mais surtout, dans son rapport du 2 septembre 2019, le Dr I______ a indiqué que les moindres surcharges mécaniques entraînaient des douleurs rendant toute activité impossible. Il paraissait ainsi retenir une incapacité totale de travail. Or, dans son rapport du 30 septembre 2019, il a retenu qu’une activité adaptée était exigible, ce qui paraissait contradictoire à teneur de son rapport du 2 septembre 2019. De plus, il ne précisait ni le taux ni le rendement de l’activité exigible. Par ailleurs, dans son rapport du 27 novembre 2020, le Dr I______ avait indiqué que les limitations de la recourante définies le 30 septembre 2019 étaient plus conséquentes que lors du bilan final du 17 octobre 1995, mais que cette aggravation des restrictions ne pouvait être mise sur le compte du problème inférieur gauche, ni de manière vraisemblable au niveau du rachis lié à une spondylodèse L5-S1, qui limitait la biomécanique de tout l’ensemble du bassin et du rachis lombaire, dans le sens d’un Hip-Spine syndrome. Cette conclusion n’était pas convaincante au regard du rapport établi le 10 juillet 2018 par le Dr G______, selon lequel l’incapacité de travail de la recourante qui persistait découlait de la lésion fessière gauche et pas de la pathologie lombaire. Elle était également remise en cause par le rapport établi le 23 juin 2020 par le Dr H______, qui retenait que les examens réalisés en 2011 et 2012 confirmaient une lésion évolutive de la hanche et de la fesse gauche de la recourante depuis l’accident, laquelle était la source d’une incapacité majeure.

g. Le Prof. M______ a rendu son rapport d’expertise le 7 février 2024, retenant comme atteintes en lien de causalité avec l’accident du 3 août 1988, avec un degré de vraisemblance certain :

-          une fracture diaphysaire du fémur gauche ;

-          un défaut de rotation externe du membre inférieur gauche, conséquence directe de l’ostéosynthèse du fémur gauche du 3 août 1988 ;

-          une fracture trimalléolaire de la cheville gauche ;

-          une arthose tibio-tarsienne gauche, conséquence de la fracture trimalléolaire datant de l’accident ;

-          des tendinopathies des fessiers, une hernie du fascia lata, une bursite pré-trochantérienne, une ossification hétérotopique en regard du grand trochanter et une insuffisance chronique des abducteurs à gauche : des pathologies qui étaient en relation d’une part avec les différentes interventions chirurgicales dans la région de la hanche gauche et d’autre part avec la boiterie de la recourante qui engendraient une surcharge sur ces muscles.

L’expert a retenu comme atteintes en lien de causalité avec l’accident du 3 août 1988, avec un degré de vraisemblance probable :

-          une épicondylite droite (surcharge due à l’utilisation de cannes),

-          un état anxio-dépressif,

-          des lombosciatalgies chroniques (en lien avec la boiterie chronique).

Lors de l’examen clinique de la recourante le 6 septembre 2023, le statu quo ante n’était pas atteint en ce qui concernait la hanche gauche. En revanche, il était atteint pour la cheville gauche depuis 1989. L’accident n’avait pas décompensé un état maladif préexistant.

La capacité de travail actuelle était de 0% essentiellement en raison des douleurs chroniques et des limitations fonctionnelles. D’autre part, certaines médications antalgiques comme la morphine et ses dérivés pouvaient entraîner des troubles de la vigilance et de la concentration.

La capacité était la même dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La recourante n’était pas capable de reprendre son activité professionnelle et cette incapacité était la conséquence directe des séquelles liées à l’accident de 1988.

La capacité de travail avait pu être maintenue à 50% jusqu’en 2018. La recourante était totalement incapable de travailler actuellement en lien direct avec les coxodynies gauches, qui étaient au premier plan lors de l’anamnèse et de l’examen clinique du 6 septembre 2023.

h. Le 11 mars 2024, la recourante a estimé que l’expertise pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Elle modifiait en conséquence ses conclusions, en ce sens que compte tenu de l’incapacité totale dans toute activité fixée par l’expertise, elle devait se voir reconnaitre le droit à une rente d’invalidité entière de l’intimée à compter du 1er octobre 2019. Elle concluait également à la prise en charge des traitements médicaux recommandés par les experts et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 30%.

i. Le 26 avril 2024, l’intimée a contesté la valeur probante de l’expertise judiciaire et conclu au rejet du recours.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             La recourante a fait valoir que l’intimée aurait dû statuer dans la décision querellée non seulement sur son droit à une rente d’invalidité, mais également sur son droit à une IPAI, de sorte qu’elle avait commis un déni de justice.

Par réponse du 24 mars 2021, l’intimée a informé la chambre de céans qu’elle avait rendu une décision le 18 février 2021 par laquelle elle niait le droit à la recourante à une IPAI supplémentaire à celle déjà octroyée et que le recours pour déni de justice était devenu sans objet.

En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).

Lorsqu’il existe un intérêt actuel au recours au moment où celui-ci est formé, mais qu’il tombe ultérieurement en cours de procédure, le recours pour déni de justice doit être déclaré sans objet et rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1).

Lorsqu’un procès devient sans objet, il s’impose de statuer néanmoins sur les frais afférents à la procédure engagée, par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l’état de fait existant avant l’événement mettant fin au litige et de l’issue probable de celui-ci (cf. ATF 125 V 373 consid. 2a).

La décision de l’intimée du 21 novembre 2019 – confirmée par la décision sur opposition du 11 décembre 2020 – ne portant que sur le droit de la recourante à plus d’une demi-rente d’invalidité, son droit à une IPAI plus élevée que celle fixée le 12 novembre 1990 n’entre pas dans l’objet du présent litige.

La question de savoir si l’intimée a commis un déni de justice en ne se prononçant pas dans sa décision du 21 novembre 2019 sur le taux de l’IPAI de la recourante suite à l’aggravation de son état de santé est sans objet, dès lors que l’intimée a rendu une décision à ce sujet le 18 février 2021. La chambre de céans devra toutefois se prononcer dans le présent arrêt sur l’éventuel droit de la recourante à l’octroi de dépens en raison d’un déni de justice dans le présent arrêt.

Le litige ne porte pas sur le droit au remboursement des frais médicaux de la recourante qui ne faisait pas l’objet de la décision querellée.

Il porte principalement sur le droit de la recourante à plus d’une demi-rente d’invalidité dès le 1er octobre 2019.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident en cause est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

3.2 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

En cas de lombalgies et lombosciatalgies, la jurisprudence admet qu’un accident a pu décompenser des troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire, auparavant asymptomatiques. En l’absence d’une fracture ou d’une autre lésion structurelle d’origine accidentelle, elle considère toutefois que selon l’expérience médicale, le statu quo sine est atteint, au degré de la vraisemblance prépondérante, en règle générale après six à neuf mois, au plus tard après une année. Il n’en va différemment que si l’accident a entraîné une péjoration déterminante, laquelle doit être établie par des moyens radiologiques et se distinguer d’une évolution ordinaire liée à l’âge (arrêts du Tribunal fédéral 8C_315/2023 du 9 janvier 2014 consid. 6.1 et les références ; 8C_50/2023 du 14 septembre 2023 consid. 7.1 et les références).

En présence d’une boiterie ou d’un raccourcissement de la jambe, on ne peut nier le lien avec les douleurs, en cas de mauvais point d’appui, sans examen du cas concret et en se référant seulement aux études scientifiques. En effet, il existe des cas où il est prouvé qu’un mauvais point d’appui dû à un accident peut entraîner des douleurs lombaires comme cela a été jugé à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral des assurances (voir RAMA 2003 n° U 38/01 p. 337 consid. 5.5.2).

3.3 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; 112 V 371 consid. 2b; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), si la capacité de gain s’améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

3.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.              

4.1  

4.1.1 L’expertise judiciaire répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante, ce que la recourante admet, mais ce que l’intimée conteste.

4.1.2 Cette dernière fait valoir que l’expert avait des lacunes dans le domaine assécurologique, puisqu’il reconnaissait que l’accident de 1988 était la cause directe des fractures diaphysaire du fémur gauche et trimalléolaire de la cheville gauche et, dans le même temps, que le statu quo ante avait été atteint pour la cheville en 1989, mais pas encore en ce qui concernait la hanche gauche. Or, en présence d’une fracture, le retour à un statu quo ante était impossible, puisque l’état antérieur ne pouvait simplement jamais être récupéré.

Le statu quo ante est atteint lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident. Contrairement à ce que soutient l’intimée, un retour au statu quo ante est possible en cas de fracture. Si l’état antérieur ne peut pas être récupéré de façon parfaite, force est d’admettre qu’un état de santé similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident peut être atteint, sans quoi la notion de statu quo ante n’aurait pas de sens. Il suffit que la fonction du membre fracturé ait pu être récupérée sans restriction. Ce premier grief doit en conséquence être rejeté.

4.1.3 L’intimée fait valoir que l’expert avait excédé ses compétences en retenant un état anxio-dépressif en lien de causalité avec l’accident en cause.

Il faut admettre que l’expert n’avait pas à poser un diagnostic psychiatrique, mais cela est sans conséquence, dès lors qu’il n’a pas tenu compte de ce diagnostic dans son appréciation de la capacité de travail. En effet, à teneur de sa motivation, la capacité de travail de la recourante était de 0%, essentiellement en raison des douleurs chroniques (coxodynies gauches au premier plan constatées lors de l’examen clinique) et des limitations fonctionnelles qui étaient objectivées. Ce grief doit donc être également écarté.

4.1.4 L’intimée fait valoir qu’en ce qui concernait les lombosciatalgies, l’expert ne discutait pas les rapports du Dr G______, qui avait retenu à l’époque que celles-ci étaient certes influencées par la boiterie chronique, mais qu’elles étaient bien d’origine dégénérative.

L’expert judiciaire a indiqué dans son rapport qu’il était d’accord avec le Dr G______ sur le fait que la boiterie et la posture découlant des coxodynies gauches péjoraient probablement la symptomatologie dorsolombaire de la recourante. Dans la mesure où le Dr G______ a indiqué dans son rapport du 10 juillet 2018 que les douleurs lombaires de la recourante étaient beaucoup influencées par la boiterie chronique en rapport avec la lésion de la musculation fessière gauche, l’on ne peut soutenir, comme l’intimée le fait, que le Dr G______ estimait que les douleurs lombaires étaient d’origine purement dégénérative, et ce quand bien même il avait indiqué dans son premier rapport du 26 janvier 2017 qu’il pensait que la symptomatologie lombaire basse était en rapport avec l’arthrose facettaire. L’expert a d’ailleurs précisé que les lombosciatalgies pouvaient ne pas être en rapport direct avec le traumatisme de 1988, mais qu’elles étaient très certainement aggravées par les problèmes de posture de la recourante et qu’il existait donc un lien de causalité indirect entre ses lombalgies et son atteinte à la hanche gauche. En cas de lombalgies et lombosciatalgies, la jurisprudence admet qu’un accident peut décompenser des troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire, auparavant asymptomatiques. En l’absence d’une fracture ou d’une autre lésion structurelle d’origine accidentelle, elle considère que selon l’expérience médicale, le statu quo sine est atteint, au degré de la vraisemblance prépondérante, en règle générale après six à neuf mois, au plus tard après une année. Il n’en va différemment que si l’accident a entraîné une péjoration déterminante, laquelle doit être établie par des moyens radiologiques et se distinguer d’une évolution ordinaire liée à l’âge. Il en résulte que le fait que l’atteinte lombaire de la recourante soit principalement dégénérative n’implique pas qu’elle n’ait pas à être prise en charge par l’intimée, si les conditions de l’art. 36 LAA sont remplies, à savoir que l’état dégénératif a été aggravé par l’accident. Ce grief de l’intimée, contre l’expertise doit donc également être écarté.

4.1.5 L’intimée fait encore valoir que sur la base des limitations fonctionnelles retenues par l’expert, tant la capacité de travail de la recourante dans l’ancienne activité de téléphoniste que celle dans une activité adaptée seraient nulles, sans qu’il explique pour quelle raison elle ne pourrait pas exercer une activité sédentaire dans laquelle elle pourrait à sa guise alterner les position assise et debout.

À teneur de son rapport, l’expert a clairement indiqué que tant dans une activité adaptée que dans l’activité habituelle, la capacité de travail de la recourante était nulle, en raison des douleurs chroniques, avec les coxodynies en premier plan, et ses limitations fonctionnelles et l’effet des antalgiques comme la morphine et ses dérivés. Il a précisé que cette conclusion était fondée sur son examen clinique du 6 septembre 2023 et qu’il n’avait pas connaissance d’une activité qui pourrait être adaptée aux limitations de la recourante. Ces dernières pourraient être compatibles avec une activité sédentaire, mais au vu l’intensité des douleurs chroniques difficilement contrôlables obligeant celle-ci à changer de position tous les quarts d’heure, il ne semblait pas qu’une activité professionnelle soit compatible avec cette situation, sans compter l’effet des médicaments comme la morphine et ses dérivés, qui pouvaient entraîner des troubles de la concentration et de la vigilance qui limitaient également l’activité professionnelle. La motivation de l’expert sur la capacité de travail de la recourante est ainsi suffisante et convaincante.

4.1.6 En conclusion, la chambre de céans retient que les critiques formulées par l’intimée contre l’expertise judiciaire ne permettent pas de faire douter de sa valeur probante.

4.2 Sur la base de cette expertise, il convient de retenir qu’au jour de la stabilisation de l’état de santé de la recourante, à fin septembre 2019, son droit à une demi-rente, qui avait été fixé sur la base d’une capacité de travail de 50%, s’était modifié, au sens de l’art. 17 LPGA, puisqu’elle était dorénavant reconnue totalement incapable de travailler. La recourante a en conséquence droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2019, conformément à ses dernières conclusions.

Dans la mesure où la recourante obtient partiellement gain de cause dans la présente procédure, elle a droit à des dépens pour son recours et il n’est dès lors pas nécessaire de trancher la question de savoir si elle a droit en sus à des dépens en raison d’un déni de justice, ce qui ne justifierait pas une indemnisation plus élevée pour celle qui lui est octroyée.

5.             La décision du 11 décembre 2020 sera en conséquence annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2019.

Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire peuvent être mis à la charge de l'assureur (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), si ce dernier a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire sert à pallier des manquements commis dans la phase d'instruction administrative (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

En l’espèce, une expertise judiciaire a été ordonnée par la chambre de céans, qui a relevé des lacunes caractérisées dans le rapport d’expertise du Dr I______. Il se justifie dès lors de mettre les frais de l’expertise à la charge de l’intimée.

La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 3'500.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.      Déclare le recours recevable.

2.      Dit qu’il est sans objet en tant qu’il concerne un déni de justice.

Au fond :

3.        L’admet partiellement.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2019.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'500.- à la charge de l’intimée.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire, à hauteur de CHF 7'754.40, à la charge de l’intimée.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le