Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3303/2023

ATAS/329/2024 du 14.05.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3303/2023 ATAS/329/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mai 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______
représentée par CAP Protection Juridique SA, mandataire

 

 

recourante

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1969, a été engagée en qualité de maître d’enseignement spécialisé par l’État de Vaud (ci-après : l’employeur) à compter du 11 juin 2018. À ce titre, elle était assurée contre les accidents professionnels et non professionnels auprès du Groupe Mutuel Assurances GMA SA (ci-après : l’assureur).

b. Par déclaration d’accident du 15 mars 2023, l’employeur a annoncé que l’assurée s’était blessée au poignet gauche le 20 février 2023 en poussant une porte de l’établissement dans lequel elle travaillait. Elle s’était tordu le poignet et avait subi une foulure/entorse.

c. Par rapport du 28 mars 2023, le docteur B______, médecin, a indiqué qu’il avait été consulté par l’assurée le 10 mars 2023 et avait constaté une mobilité du pouce gauche sensible, mais possible. Il a diagnostiqué une tendinite (extenseur) du pouce gauche et préconisé le port d’une attelle, la prise
d’anti-inflammatoires et du repos. Il n’y avait pas de fracture visible. La patiente avait rapporté un étirement et des douleurs à la base du pouce gauche en voulant ouvrir une poignée de porte et en forçant. L’incapacité de travail avait été totale du 10 au 27 mars 2023. Il avait adressé la patiente chez un orthopédiste.

d. Le 7 avril 2023, l’assurée a répondu à un questionnaire relatif à la description de l’évènement. Elle a déclaré : « en tentant d’ouvrir une porte dont la serrure était très dure avec les bras encombrés. Je transportais plusieurs blocs de papier pour l’imprimante et n’arrivais pas à déverrouiller la porte, après plusieurs tentatives de tourner la clé, j’ai forcé sur le poignet gauche ». Elle avait ressenti les premières douleurs lors de la dernière tentative de déverrouiller la porte. Il ne s’agissait pas d’une activité habituelle, car c’était la première fois qu’elle allait chercher du papier pour l’imprimante. À cause des travaux en cours dans la prison, le passage habituel (sans porte difficile à ouvrir) était condamné. Elle a signalé un évènement particulier en lien avec l’évènement, car les plans de circulation de l’établissement venaient d’être revus.

e. Dans un rapport du 24 avril 2023, le docteur C______, orthopédiste, a diagnostiqué un status post-traumatisme du poignet gauche avec une tendinite de l’extenseur du poignet gauche. Il a relaté une amélioration des douleurs, l’absence d’œdème, des douleurs à l’extenseur du poignet gauche, mais pas à la palpation. Son pronostic était favorable. L’incapacité de travail avait été de 100% jusqu’au 2 avril 2023 et était de 50% depuis lors.

f. Dans un avis du 9 mai 2023, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de l’assureur, a diagnostiqué un traumatisme du poignet avec une tendinite (extenseur) du pouce gauche. Cette lésion n’était pas une lésion corporelle citée à l’art. 6 al. 2 LAA.

B. a. Par décision du 16 mai 2023, l’assureur a conclu que l’évènement du
20 février 2023 ne correspondait pas à la notion d’accident, en l’absence d’une cause extérieure extraordinaire, et que les lésions étaient dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie, de sorte qu’aucune prestation ne pouvait être versée. Le cas relevait donc de la compétence de son
assurance-maladie.

b. Le 16 juin 2023, l’assurée a formé opposition contre cette décision. Si l’on pouvait considérer l’ouverture d’une porte comme étant une situation objectivement quotidienne, elle avait bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’une activité habituelle, puisque c’était la première fois qu’elle cherchait du papier pour l’imprimante. Elle avait également indiqué que l’accident ne s’était pas déroulé dans des circonstances extérieures normales, relevant que le passage habituel « sans porte difficile à ouvrir » était condamné en raison de travaux. Elle était loin d’imaginer qu’elle rencontrerait une telle résistance au moment d’ouvrir la porte, ce d’autant plus qu’elle portait en même temps plusieurs blocs de papier, et que cela entraînerait une lésion. Elle n’avait jamais souffert du poignet gauche auparavant. Il y avait donc lieu d’admettre le caractère extraordinaire du facteur dommageable extérieur, si bien que l’évènement du 20 février 2023 était constitutif d’un accident. En outre, une radiographie du 10 mars 2023 avait permis de constater un début d’arthrose. Plusieurs médecins avaient évoqué la notion de « traumatisme », de sorte qu’il y avait lieu de constater que les lésions n’étaient aucunement dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. Elle déplorait l’absence d’instruction complémentaire, afin notamment de déterminer avec certitude la nature de la lésion subie, qu’elle soit une fracture ou une déchirure du tendon par exemple.

Elle a joint un rapport de la docteure E______, radiologue FMH, relatif à une radiographie du poignet gauche réalisée le 10 mars 2023, concluant à un examen du poignet gauche sans lésion traumatique radiographiquement décelable.

c. Par décision sur opposition du 12 septembre 2023, l’assureur a confirmé sa décision du 16 mai 2023. Bien que l’assurée ait dû fournir un effort plus important pour ouvrir une porte en raison de la résistance de la serrure, il ne pouvait être retenu que l’effort fourni ait excédé la norme de ceux de sa vie quotidienne ou professionnelle. Cet état de fait ne lui permettait donc pas d’admettre qu’elle avait été confrontée à une cause extérieure extraordinaire ayant entravé le déroulement naturel de son mouvement corporel. Que l’assurée n’ait jamais souffert de son poignet gauche avant l’évènement n’était pas déterminant. Les Drs B______ et D______ avaient diagnostiqué un traumatisme avec une tendinite de l’extenseur du poignet gauche, et la radiographie du poignet gauche n’avait pas révélé de lésion traumatique. Dès lors, la lésion subie par l’assurée ne faisait pas partie de celle énumérée à l’art. 6 al. 2 LAA. Par ailleurs, un « traumatisme » au sens médical ne correspondait ni à un accident au sens juridique, ni à une lésion corporelle assimilée à un accident. Enfin, il n’était pas tenu de procéder à une instruction complémentaire, puisque toutes les pièces médicales du dossier permettaient au médecin-conseil de se prononcer sur l’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident. En revanche, la décision mentionnait effectivement à tort la présence de « lésions qui sont dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie », erreur dont il s’excusait.

C. a. Par acte du 12 octobre 2023, l’assurée, représentée par une mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision sur opposition du 12 septembre 2023. Elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise, sous suite de frais et dépens. L’accident s’était produit dans des circonstances manifestement insolites. Si elle n’avait pas porté en même temps plusieurs blocs de papier, elle aurait très certainement utilisé son autre main libre pour faciliter l’ouverture de la serrure. Elle avait ainsi exécuté un mouvement brusque et non coordonné avec son poignet gauche afin d’ouvrir la porte tout en évitant que les blocs de papier ne tombent. L’existence du caractère extraordinaire du facteur extérieur était donnée et l’assureur devait prendre en charge le sinistre du 20 février 2023.

La recourante a notamment produit plusieurs courriels envoyés par
Monsieur F______, directeur de la prison de la Tuilière (Vaud), les 20, 21 et 22 février 2023, concernant le plan de circulation de l’établissement pénitentiaire modifié en raison de travaux.

Elle a également communiqué un rapport du docteur G______, radiologue FMH, suite à une échographie du poignet gauche réalisée le 23 mai 2023, laquelle avait permis de conclure à une tendinite de De Quervain gauche discrète à modérée, sans autre anomalie.

b. Dans sa réponse du 7 novembre 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Les circonstances évoquées par la recourante, en particulier le fait que c’était la première fois qu’elle allait chercher du papier à l’imprimante et qu’elle n’avait pas pu prendre le passage habituel sans porte difficile à ouvrir en raison du chantier, n’entraient pas dans l’analyse du critère de la cause extérieure extraordinaire. Les éléments déterminants étaient le fait que, les bras chargés de papier et n’arrivant pas à ouvrir la porte verrouillée, la recourante avait forcé sur son poignet gauche. Ce n’était qu’au stade du recours qu’elle avait mentionné un mouvement brusque et non coordonné, et la tentative d’éviter que les blocs de papier ne tombent. Ces éléments constituaient une seconde version, donnée après avoir eu connaissance du refus. Il y avait donc lieu de conclure que la recourante avait forcé sur son poignet pour ouvrir une porte, sans autre élément particulier. S’il se pouvait que cela ait représenté un certain effort, plus important que celui auquel elle s’attendait, l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire ne pouvait être retenue. Pour le surplus, la recourante ne semblait pas contester l’absence de lésion assimilée à un accident, tout en étant précisé qu’une tendinite était une inflammation du tendon et ne correspondait pas à une déchirure du tendon.

c. Par réplique du 1er décembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions. Contrairement à ce que prétendait l’intimée, elle n’avait pas invoqué au stade du recours seulement l’existence d’un mouvement brusque et non coordonné, et la tentative d’éviter que les blocs de papier ne tombent. Elle en avait déjà fait état dans son opposition du 16 juin 2023 et dans le questionnaire du 7 avril 2023, en indiquant qu’elle transportait plusieurs blocs de papier et qu’elle avait tenté d’ouvrir la porte en ayant les bras encombrés. L’intimée avait changé sa version des faits, puisqu’elle avait initialement déclaré que ces lésions étaient dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie, ce qui s’était avéré faux.

d. Dans sa duplique du 16 janvier 2024, l’intimée a également maintenu ses conclusions. L’opposition ne mentionnait pas de mouvement non coordonné. Même si tel devait être le cas, cela constituerait également une seconde version au sens de la jurisprudence, dans la mesure où elle avait été donnée après son refus. Pour sa part, elle n’avait pas modifié sa version des faits, mais s’était référée à l’avis de son médecin-conseil, selon lequel la lésion diagnostiquée ne correspondait pas à une de celles listées à l’art. 6 al. 2 LAA. Ladite lésion ne relevait donc pas de sa compétence pour ce seul motif, de sorte que le point de savoir s’il était dû ou non de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie n’était plus déterminant.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours.

La chambre de céans est par conséquent compétente ratione materiae et ratione loci pour statuer sur le recours.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de la part de l’intimée, singulièrement sur l’existence d’un accident ou de lésion assimilée à un accident.

3.             Aux termes de l’art. 6 LAA, si la présente loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1). L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie (al. 2) : les fractures (let. a) ; les déboîtements d’articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

Conformément à l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

3.1 La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l’atteinte ; le caractère involontaire de l’atteinte ; le facteur extérieur de l’atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

Suivant la définition même de l’accident, le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d’un accident, il ne suffit pas que l’atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d’extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72
consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l’effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l’effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n’y a pas d’accident, au sens de ce qui précède, lorsque l’effort en question ne peut entraîner une lésion qu’en raison de facteurs maladifs préexistants, car c’est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

Si la jurisprudence prend en considération les habitudes professionnelles d’une personne qui prétend à des prestations d’assurance, elle le fait avant tout dans le cadre des lésions dues à des efforts (soulèvement et déplacement de charges notamment) pour examiner si l’effort doit être considéré comme extraordinaire. Pour les mouvements du corps, l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire doit être admise lorsqu’un phénomène extérieur modifie de manière anormale le déroulement naturel d’un mouvement, ce qui a pour effet d’entraîner un mouvement non coordonné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2013 du
14 janvier 2014 consid. 5).

Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d’un « mouvement non coordonné ». Lors d’un mouvement corporel, l’exigence d’une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d’un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l’environnement extérieur. Dans le cas d’un tel mouvement non coordonné, l’existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d’exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b).

La preuve d’un accident causant des lésions touchant l’intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l’extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu’elle est d’origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).

Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d’une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l’extérieur. Lorsque tel n’est pas le cas, il est plus vraisemblable que l’atteinte soit d’origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).

À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a jugé que si le geste de desserrer un écrou bloqué peut, en raison de la résistance présentée, entraîner une sollicitation générant une tension musculaire élevée, un mouvement de serrage n’excède en principe pas ce qui est physiologiquement normal et psychologiquement contrôlé dans les gestes de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2014 du
22 mai 2015). Il a également nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13
p. 40).

3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016, déjà cité, consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a admis qu’un questionnaire dépourvu de tout commentaire explicatif, que doit remplir un assuré à la suite d’un accident, ne permet pas d’exclure la survenance d’un événement particulier, même si l’assuré n’en fait pas expressément mention lorsqu’il remplit le questionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2007 du 29 avril 2008 consid. 4). En outre, un document qui fait état d’un renseignement recueilli oralement ou par téléphone ne constitue un moyen de preuve recevable et fiable que s’il porte sur des éléments d’importance secondaire, tels que des indices ou des points accessoires. Si les renseignements portent sur des aspects essentiels de l’état de fait, ils doivent faire l’objet d’une demande écrite (ATF 117 V 282 consid. 4c).

4.             En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante ne souffre pas d’une lésion assimilable à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 LAA, de sorte que son droit aux prestations est subordonné à la survenance d’un accident.

Dans le questionnaire rempli le 7 avril 2023, au cours duquel elle a été invitée à préciser les circonstances de l’événement du 20 février 2023, l’intéressée a expliqué qu’elle avait dû forcer avec son poignet gauche pour déverrouiller la porte, dont la serrure était très dure, car elle portait plusieurs blocs de papier et avait les bras encombrés. Elle avait ressenti les premières douleurs lors de sa dernière tentative d’ouvrir la porte. Certes, la recourante a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une activité habituelle, car c’était la première fois qu’elle était allée chercher du papier pour l’imprimante et qu’elle n’avait pas pu emprunter le passage habituel, ajoutant encore au stade de l’opposition qu’elle ne s’attendait pas à rencontrer une telle résistance. Toutefois, force est de constater qu’elle n’a pas décrit un effort pouvant être considéré comme extraordinaire, une sollicitation de l’organisme plus élevée que la normale, ni de phénomène particulier qui l’aurait contrainte de fournir de façon involontaire un effort sur lequel elle n’avait eu aucune maîtrise, par exemple sous la forme d’un mouvement de torsion forcée du poignet ou de la main. Il ne s’agit donc pas d’un mouvement non programmé et non maîtrisé.

Dans le cadre de son recours, soit après avoir pris connaissance du refus de l’intimée de prendre en charge les suites de l’événement du 20 février 2023, l’intéressée a mentionné des circonstances « insolites » et un « mouvement brusque et non coordonnée », relevant avoir voulu éviter que les blocs de papier ne tombent. Il n’est pas nécessaire de trancher le point de savoir si la description figurant dans le mémoire de recours et les indications mentionnées dans le questionnaire du 7 avril 2023 et dans l’opposition du 16 juin 2023 constituent deux versions différentes et contradictoires de l’événement du 20 février 2023. En effet, même si les allégations postérieures à la décision sur opposition devaient être considérées comme un simple complément aux premières informations, le déroulement de l’événement ainsi décrit ne permet de toute façon pas de conclure à l’existence d’une cause extérieure générant un risque de lésion accru. En effet, l’action n’a pas été influencée par la survenance d’une circonstance rendant incontrôlable un geste que toute personne est fréquemment appelée à accomplir, soit ouvrir une porte d’une seule main. En particulier, ce geste n’a pas été effectué dans une position instable susceptible d’entraîner un mouvement violent non maîtrisé. Les circonstances décrites ne permettent donc pas de retenir la présence d’un mouvement non maîtrisable d’un point de vue physiologique, soit un empêchement non programmé et lié à l’environnement extérieur entravant le déroulement naturel du mouvement corporel.

4.1 La condition relative à l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire n’est ainsi pas réalisée.

Partant, les éléments constitutifs d’un accident ne sont pas réalisés, si bien que la décision de l’intimée sera confirmée.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le