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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2060/2023

ATAS/286/2024 du 25.04.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2060/2023 ATAS/286/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Virginie JAQUIERY, avocate

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), ressortissante kosovare née en 1968, s’est établie en Suisse en mars 2019.

b. L’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) le 7 juin 2022. Elle a exposé souffrir de diabète, d’arthrite et de calculs rénaux depuis 2019. Elle a mentionné un besoin d’aide depuis mai 2019 pour mettre et enlever ses vêtements, se lever du lit, couper les aliments, prendre sa douche ainsi que pour ses déplacements à l’extérieur, lors desquels elle devait être accompagnée. Elle devait également être aidée pour prendre ses médicaments et sa tension et mesurer le diabète. L’aide était dispensée par son époux. Elle disposait d’un déambulateur, de béquilles et d’une chaise pour la douche.

c. Dans un certificat du 30 mai 2022, le docteur B______, médecin au service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a attesté que l’assurée y avait été hospitalisée et y avait consulté à plusieurs reprises depuis mai 2019. Elle avait également subi des arrêts de travail régulièrement. Dans un certificat du 31 mai 2022, ce médecin a mentionné la nécessité d’un régime particulier en raison du diabète et de l’ostéoporose.

d. Dans un rapport du 12 juillet 2022, un médecin du service de rhumatologie des HUG a posé les diagnostics de polyarthrite rhumatoïde doublement séropositive érosive, de diabète de type 2 insulino-requérant et de polyneuropathie périphérique d’origine diabétique. L’assurée décrivait une raideur matinale de 60 minutes. Dans son rapport du 1er août 2022, ce médecin a indiqué que la polyarthrite rhumatoïde entraînait une perte d’autonomie, des limitations à la position statique et dans le port de charges depuis le 29 mars 2022, ainsi qu’une fatigue chronique. Les indications figurant dans la demande d’allocation pour impotent correspondaient aux constatations médicales. L’état de santé pourrait être amélioré par un traitement de fond de la polyarthrite.

e. Le Dr B______ a attesté le 19 décembre 2022 que les limitations mentionnées dans la demande d’allocation pour impotent correspondaient aux constatations médicales. Il a confirmé le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde, entraînant une limite du port de charges à 2 kg et du périmètre de marche à 300 m. L’assurée avait besoin d’aide pour la cuisine, le ménage et la douche. L’impotence pouvait être réduite par des moyens auxiliaires, lesquels étaient toutefois déjà en place.

f. Un rapport d’évaluation a été établi par l’OAI le 8 mars 2023 au domicile de l’assurée.

L’enquêtrice de l’OAI a indiqué que l’assurée avait subi une fracture du péroné en octobre 2021. Celle-ci était couchée lors de l’arrivée de l’enquêtrice. Elle avait essayé de se lever du lit, mais avait dû solliciter l’aide de son mari. Elle souffrait du nerf sciatique et avait de la peine à se mobiliser. Elle avait ensuite eu de la peine à marcher, puis s’était installée sur le canapé. Elle ne parlait pas le français et son mari avait traduit les questions et les réponses. Le couple résidait dans un studio. Il était difficile d’accéder au lit, placé entre un mur et le canapé. La baignoire de la salle de bain était munie d’un siège rabattable installé contre le mur, mais il fallait tout de même y entrer pour s’y asseoir. L’assurée disposait de cannes anglaises et d’un déambulateur, qu’elle avait entreposés à la cave. Elle ne les utilisait pas, préférant se déplacer au bras de son mari.

Pour l’acte se vêtir et se dévêtir, son mari disait qu’il devait aider l’assurée pour s’habiller, surtout depuis sa fracture en octobre 2021. Celle-ci semblait avoir de la peine à atteindre ses pieds. Son conjoint lui mettait ses chaussettes, en raison de ses douleurs liées à la sciatique, et l’aidait aussi à se chausser. Il admettait qu’elle pouvait parfois s’habiller sans aide. Un enfile-chaussettes et un long chausse-pied étaient exigibles pour l’aide à l’habillage. On ne pouvait admettre d’aide de tiers pour cet acte, car elle n’était pas régulière.

S’agissant de l’acte « se lever, s’asseoir, se coucher et changer de position », l’assurée avait demandé l’aide de son mari pour se lever. Celui-ci avait précisé que c’était en raison de l’inflammation de son nerf sciatique, et qu’elle pouvait parfois se lever sans aide. Pour se lever du canapé, elle avait demandé l’aide de son mari au moment du départ de l’enquêtrice. Il serait exigible qu’elle s’asseye sur une chaise pour avoir plus de facilité à se lever. Une barre de redressement vers le lit serait exigible pour maintenir l’autonomie, et la position du lit devrait aussi être modifiée pour y accéder plus facilement. L’aide de tiers ne pouvait pas non plus être admise pour cet acte, car elle n’était pas régulière.

L’assurée déclarait pouvoir manger sans aide.

S’agissant de la toilette, elle avait besoin de l’aide de son mari pour entrer dans la baignoire, s’y asseoir, et se laver. Il serait exigible d’installer au moins une planche de bain, qui lui permettrait de s’asseoir et de faire pivoter ses jambes dans la baignoire, et des poignées de sécurité pour s’y tenir. À défaut de moyens auxiliaires adéquats, aucune aide ne pouvait être admise pour cet acte. Pour aller aux toilettes, l’assurée avait parfois besoin d’être accompagnée, mais il n’y avait pas besoin d’assistance régulière. Des moyens auxiliaires tels qu’un rehausseur avec accoudoir lui permettraient de s’y asseoir et de s’en relever plus facilement. L’aide n’était pas régulière, de sorte qu’elle ne pouvait être admise pour cet acte.

L’assurée avait beaucoup de peine à se déplacer à l’intérieur depuis sa fracture du tibia. Elle avait peiné à faire quelques pas en chaussettes le jour de l’évaluation. Son mari l’accompagnait à tous les rendez-vous médicaux. L’utilisation d’un moyen auxiliaire serait exigible pour les déplacements à l’intérieur, et aucun besoin d’aide ne pouvait être retenu. En revanche, l’aide pour les déplacements à l’extérieur devait être admise, les médecins ayant indiqué que le périmètre de marche était de 300 mètres. L’assurée ne parlait pas le français, mais elle pouvait entretenir des contacts sociaux dans sa langue.

Au sujet de l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l’enquêtrice a souligné que l’assurée ne présentait donc pas d’atteinte psychique. Elle avait besoin d’aide pour les situations quotidiennes, surtout en raison de sa mauvaise compréhension du français. Les affaires administratives étaient assumées par son mari pour des raisons de langue.

Aucun besoin d’assistance pour faire face aux situations quotidiennes n’était retenu. L’assurée avait besoin d’aide pour la préparation des repas, la tenue du ménage et l’entretien du linge. Elle pouvait toutefois déléguer ces tâches. Elle pourrait aussi se préparer au moins le petit déjeuner et réchauffer un repas tout prêt. L’aide du mari avait été prise en compte pour les déplacements, et elle ne pouvait être admise une deuxième fois à titre d’accompagnement pour les activités hors du domicile. L’assurée pouvait prendre ses médicaments sans aide. En conclusion, seule une aide régulière et importante pour se déplacer était admise depuis octobre 2021. Les conditions d’octroi d’une allocation pour impotent n’étaient ainsi pas réalisées.

g. Le 13 mars 2023, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il envisageait de lui nier le droit à une allocation pour impotent.

h. Par courrier du 22 mars 2023, l’assurée a contesté ce projet. Elle a affirmé que l’infirmière avait bien constaté son état de santé, notamment qu’elle n’avait pas de force pour mettre ses chaussettes. Elle avait acquis un chausse-pied. Son mari avait montré à l’enquêtrice tous les accessoires installés, telles que la planche sur la baignoire, qui s’était finalement révélée inadaptée, ainsi que la chaise spéciale acquise pour la baignoire. Elle n’avait aucune force physique pour faire face aux tâches élémentaires de la vie et avait besoin que son mari soit constamment à ses côtés. Elle avait également besoin d’un régime spécial, mais n’avait pas les moyens d’acheter les aliments nécessaires. Une aide de l’OAI lui permettrait d’engager une personne qui prendrait soin d’elle et de financer son régime alimentaire.

i. Par décision du 15 mai 2023, l’OAI a formellement rejeté la demande d’allocation pour impotence.

B. a. Le 19 juin 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à ce qu’il soit constaté qu’elle a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir les actes élémentaires de la vie quotidienne et au renvoi de la cause à l’intimé pour déterminer son degré d’impotence.

L’assurée se dit incapable de se vêtir et se dévêtir toute seule, par exemple pour se chausser, et ce, malgré un enfile-chaussettes et un long chausse-pied.

Elle a également besoin d’une aide quotidienne pour se lever, s’asseoir et se coucher.

S’agissant de l’acte « manger », son époux fait les courses et prépare les repas. Etant très affaiblie, elle ne peut couper elle-même ses aliments.

Elle ne peut faire sa toilette sans aide. Malgré l’installation d’une planche sur la baignoire et d’une chaise spéciale, il ne lui est pas possible de se doucher seule, comme l’atteste le rapport du 19 décembre 2022 du Dr B______.

Elle a parfois besoin d’être accompagnée aux toilettes.

Elle n’est pas en mesure de se déplacer à l’extérieur en raison de son état de santé.

De plus, elle ne parle pas le français, de sorte qu’elle ne peut entretenir des contacts sociaux sans son mari.

Celui-ci achète et prépare ses médicaments. Elle dépend de lui pour la plupart des actes de la vie quotidienne, de sorte qu’il ne peut travailler.

La recourante allègue en outre avoir des pertes de connaissances une à deux fois par mois, ce qui peut la mettre en danger si elle se retrouve seule, ce qui entraîne un besoin de surveillance personnelle et permanente

b. Dans sa réponse du 4 juillet 2023, l’intimé a conclu à l’irrecevabilité du recours en raison de sa tardiveté, le mémoire de recours n’ayant été posté que le 20 juin 2023, soit après l’expiration du délai de recours. Il a réservé ses conclusions sur le fond si le recours devait être considéré recevable.

Informé par la Cour de céans que le recours avait été posté le 19 juin 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours dans sa réponse du 17 juillet 2023. Le rapport de son enquêtrice tenait dûment compte des atteintes à la santé de la recourante et avait valeur probante.

c. Le 28 août 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle soutient avoir besoin d’une aide indirecte pour se vêtir, car son mari doit rester près d’elle pour l’assister en tant que de besoin. Bien qu’elle soit capable fonctionnellement d’accomplir cet acte, elle ne le ferait qu’imparfaitement si elle était seule.

Pour les fonctions « se lever, s’asseoir et se coucher », elle allègue qu’un complément d’enquête devrait établir si les moyens auxiliaires préconisés seraient efficaces.

De même, un complément d’enquête serait selon elle nécessaire pour évaluer l’incidence de moyens auxiliaires pour faire sa toilette.

d. Dans sa duplique du 13 septembre 2023, l’intimé a persisté dans sa conclusion tendant au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une allocation pour impotent.

5.             Aux termes de l'art. 9 LPGA, est réputée impotente toute personne qui, en raison d'une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l'aide d'autrui ou d'une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne.

5.1 Selon l'art. 42 LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotente. L'art. 42bis est réservé (al. 1er). L'impotence peut être grave, moyenne ou faible (al. 2). Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d'une atteinte à sa santé, a durablement besoin d'un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie. Si une personne souffre uniquement d'une atteinte à sa santé psychique, elle doit, pour être considérée comme impotente, avoir droit au moins à un quart de rente. Si une personne n'a durablement besoin que d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l'impotence est réputée faible. L'art. 42bis al. 5 est réservé (al. 3).

5.2 L’art. 37 du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI - RS 831.201) précise que l'impotence est grave lorsque l'assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s'il a besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle (al. 1er). Aux termes de l’art. 37 al. 2 RAI, l'impotence est moyenne si l'assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a), d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b), ou d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 (let. c). Selon l’art. 37 al. 3 RAI, l'impotence est faible si l'assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin de façon régulière et importante, de l'aide d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a), d'une surveillance personnelle permanente (let. b), de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l'infirmité de l'assuré (let. c), de services considérables et réguliers de tiers lorsqu'en raison d'une grave atteinte des organes sensoriels ou d'une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d), ou d'un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38. 

L’aide est régulière lorsque l’assuré en a besoin ou pourrait en avoir besoin chaque jour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5). Elle est importante lorsque l’assuré en a besoin pour au moins une fonction partielle d’un acte ordinaire, qu’il ne pourrait sinon accomplir qu’au prix d’un effort excessif ou de manière inhabituelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_809/2015 du 10 août 2016 consid. 5.1.2). Lors de l’évaluation du besoin d’aide, il ne doit être tenu compte de moyens auxiliaires que s’ils sont effectivement pris en charge par l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_674/2007 du 6 mars 2008 consid. 7.2 portant sur la prise en compte d’une douche transformée aux frais de l’assuré).

Quant à la notion de soins ou de surveillance, elle est interprétée de manière restrictive par la jurisprudence. Les soins et la surveillance prévus à l'art. 37 RAI ne se rapportent pas aux actes ordinaires de la vie. Il s'agit bien plutôt d'une sorte d'aide médicale ou sanitaire qui est nécessitée par l'état physique ou psychique de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 43/02 du 30 septembre 2002 consid. 3).

S’agissant du besoin de surveillance permanente, cette notion doit être comprise non comme un besoin 24 heures sur 24, mais par opposition à un besoin transitoire. Elle peut également viser une situation où des crises peuvent être espacées de deux à trois jours, mais sont également susceptibles de survenir une ou plusieurs fois par jour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_825/2014 du 23 juin 2015 consid. 4.1.1).

5.3 Selon la jurisprudence, les six actes ordinaires suivants sont déterminants pour définir le degré d'impotence : se vêtir et se dévêtir ; se lever, s'asseoir, se coucher ; manger ; faire sa toilette (soins du corps) ; aller aux toilettes ; se déplacer à l'intérieur ou à l'extérieur, établir des contacts (ATF 121 V 88 consid. 3a).

5.3.1 S’agissant de l’acte « manger », il y a impotence lorsque l’assuré peut certes manger seul, mais ne peut couper ses aliments lui-même, ou lorsqu’il peut les porter à sa bouche seulement avec les doigts (ATF 121 V 88 consid. 3c). Il convient toutefois de souligner que même si l’assuré éprouve des difficultés pour couper des aliments, il est exigible en vertu de son obligation de diminuer le dommage qu’il utilise par exemple un couteau ergonomique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2014 du 18 août 2014 consid. 6.3). Il n’y a pas d’impotence si l’assuré n’a besoin de l’aide directe d’autrui que pour couper des aliments durs, car de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours et l’assuré n’a donc pas besoin de cette aide de façon régulière, ni dans une mesure considérable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_791/2016 du 22 juin 2017 consid. 4 et la référence). Un régime alimentaire, par exemple pour un assuré diabétique, ne fonde pas une impotence (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 19 ad art. 42 LAI).

5.3.2 En ce qui concerne les fonctions « se lever, s'asseoir, se coucher », le Tribunal fédéral a considéré que l’aide consistant à maintenir la chaise d’une assurée lorsqu’elle s’y assied puis à l’approcher de la table n’est pas importante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2009 du 4 juin 2010 consid. 3.2 et 3.4.2.3). Selon la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI) dans sa version au 1er janvier 2021, l’aide d’autrui nécessitée pour se lever de sièges bas (dont l’assuré n’a pas absolument besoin) ou du sol ou pour monter dans une automobile n’est pas importante et quotidienne (ch. 8016).

5.3.3 Dans l’acte « se doucher », il convient également de tenir compte de l’aide nécessitée pour pouvoir sortir de la chaise installée dans la douche (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 214/03 du 3 septembre 2003 consid. 3.2) ou de passer du déambulateur à une chaise de douche (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/03 du 4 février 2004 consid. 4.2).

5.4 En vertu de l'art. 38 RAI, le besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 42 al. 3 LAI, existe lorsque l'assuré majeur ne vit pas dans une institution mais ne peut pas en raison d'une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l'accompagnement d'une tierce personne (let. a) ; faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l'accompagnement d'une tierce personne (let. b) ; ou éviter un risque important de s'isoler durablement du monde extérieur (let. c) (al. 1). Si une personne souffre uniquement d'une atteinte à la santé psychique, elle doit pour être considérée comme impotente, avoir droit au moins à un quart de rente (al. 2). N'est pris en considération que l'accompagnement qui est régulièrement nécessaire et lié aux situations mentionnées à l'al. 1. En particulier, les activités de représentation et d'administration dans le cadre des mesures de protection de l'adulte au sens des art. 390 à 398 du code civil ne sont pas prises en compte (al. 3).

L'accompagnement au sens de cette disposition n'est pas réservé aux personnes atteintes dans leur santé psychique ou mentale (ATF 133 V 450 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_28/2008 du 21 juillet 2008 consid. 3.2). Il représente une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé, mais ne comprend ni l'aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie, ni les soins ou la surveillance personnelle, de sorte que l’assistance déjà prise en compte pour ces actes ne peut fonder un droit à une allocation au sens de l'art. 38 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1056/2009 du 10 mai 2010 consid. 2 et 4.2). La Circulaire CIIAI précise que l'accompagnement est régulier lorsqu'il est nécessité en moyenne au moins deux heures par semaine sur une période de trois mois (ch. 8053). Sur ce point, le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette circulaire à la loi (ATF 133 V 450 consid. 6.2). Selon la jurisprudence, l'accompagnement s'étend aux travaux ménagers (cuisine, courses, lessive et ménage), dans la mesure où ceux-ci ne font pas partie des actes ordinaires. Dès lors que ces travaux représentent selon l'expérience générale de la vie un investissement temporel de plus de deux heures par semaine, le caractère régulier de l'aide nécessitée est également réalisé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1056/2009 précité consid. 4.3). Si certains actes sont rendus plus difficiles par l'infirmité, cela ne suffit pas pour conclure à l'existence d'une impotence, dans la mesure où l'assuré doit faire tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui afin d'atténuer autant que possible les conséquences de son invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 4.2.3).

L'accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne a besoin d’aide pour au moins l'une des activités suivantes : structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (problèmes de voisinage, questions de santé, d'alimentation et d'hygiène, activités administratives simples), et tenir son ménage. L’accompagnement pour les activités hors du domicile doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur. L'accompagnement visé à l’art. 38 al. 1 let. c RAI doit prévenir le risque d'isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l'état de santé de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4.1). 

6.             La nécessité de l'aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l'état de santé de l'assuré concerné, indépendamment de l'environnement dans lequel celui-ci se trouve. Seul importe le point de savoir si, dans la situation où il ne dépendrait que de lui-même, cet assuré aurait besoin de l'aide d'un tiers. L'assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l'obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape. S'agissant de l'aide que peuvent ou doivent apporter les proches formant une communauté familiale avec un assuré, la question de savoir comme s'organiserait cette communauté familiale dans le cas où elle ne devait pas percevoir de prestations d'assurance est certes importante, mais l'aide exigible ne doit pas devenir excessive ou disproportionnée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_330/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4 et les références). Sauf à vouloir vider l'institution de l'allocation pour impotent de tout son sens, on ne saurait exiger d’un conjoint ou d’un membre de la famille faisant ménage commun avec une personne assurée qu'il assume toutes les tâches ménagères de celle-ci après la survenance de l'impotence, si cela ne correspondait pas déjà à la situation antérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_567/2019 du 23 décembre 2019 consid. 6.2).

7.             En règle générale, le degré d'impotence d'un assuré est déterminé par une enquête à son domicile. Cette enquête doit être élaborée par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s'agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie et sur les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et finalement correspondre aux indications relevées sur place (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 2).

8.             En l’espèce, l’enquête réalisée fondant le refus de l’allocation pour impotent appelle les commentaires suivants.

S'agissant de l'acte consistant à se vêtir et se dévêtir, on relève d'abord que les difficultés décrites lors de l’évaluation semblaient selon l'enquêtrice imputables non à une atteinte permanente, mais à une inflammation du nerf sciatique, de sorte qu'il n'est pas certain que l’aide éventuellement nécessaire le soit régulièrement. Le mari de la recourante a en outre déclaré à l'enquêtrice que l’assurée peut parfois s'habiller et se déshabiller seule. Les allégations de la recourante sont par ailleurs quelque peu contradictoires, dès lors qu'elle soutient ne pas avoir la force d'enfiler ses chaussettes - étant souligné que l'acquisition de l'enfile-chaussette préconisé par l'enquêtrice est exigible, eu égard à l'obligation de diminuer le dommage - tout en soutenant dans sa réplique du 23 août 2023 qu'elle est à même de faire ces gestes, mais a besoin d'une aide indirecte, faute de quoi elle ne les accomplirait qu'imparfaitement. En l'absence de tout trouble d'ordre psychique qui nécessiterait par exemple des injonctions ou des instructions sur l'habillement adéquat, on ne saurait toutefois retenir le besoin d'une aide indirecte. Cela étant, et malgré ce qui précède, les médecins ont confirmé que les indications dans la demande d'allocation pour impotent correspondaient aux constatations médicales, et il paraît plausible que les atteintes rhumatologiques de la recourante soient de nature à entraîner des difficultés pour accomplir certains gestes lors de l'habillement. De plus, même si la recourante est selon les déclarations de son mari parfois en mesure de s'habiller seule, on ignore dans quelle proportion et à quelle fréquence elle doit solliciter l'aide de son conjoint, faute de précision à ce sujet dans l’enquête. Compte tenu de ces éléments, si on ne peut retenir un besoin d'aide indirecte, les renseignements consignés dans l’enquête ne suffisent pas à exclure un besoin d'aide régulière et importante pour cet acte.  

En ce qui concerne l'acte « se lever, s'asseoir, se coucher », l'enquêtrice a écarté un besoin d'aide régulière et importante, au motif que le repositionnement du lit, l'ajout d'une barre de redressement et l'utilisation d'une chaise plutôt que d'un canapé conféreraient à la recourante l'autonomie nécessaire. Sur ce point, l'enquête ne suffit cependant pas à exclure tout besoin d'aide, dès lors qu'on ignore si les aménagements suggérés par l'enquêtrice suffiraient effectivement à la recourante pour se lever, s'asseoir et se coucher sans aide, au vu de ses atteintes. Les mêmes conclusions s'imposent pour ce qui a trait à la toilette, car il n'est pas établi qu'une planche de bain permette à la recourante, eu égard à ses difficultés de mobilité, d'entrer dans la douche et de faire pivoter ses jambes sans assistance. Le Dr B______ a de plus expressément mentionné un besoin d’aide pour la douche.

La recourante soutient également avoir besoin d'aide pour manger, car elle ne peut couper ses aliments. Compte tenu des principes dégagés par la jurisprudence, on ne saurait considérer que l'assistance pour couper des aliments durs soit suffisante pour retenir un besoin d'aide importante et régulière. Eu égard à son obligation de diminuer le dommage, il est du reste exigible que la recourante adapte son alimentation, en consommant par exemple des produits déjà coupés ou moins fermes, ce qui ne paraît pas inconciliable avec les exigences diététiques liées au diabète et à l’ostéoporose.

C’est à juste titre que l’enquêtrice n’a pas tenu compte d’un besoin d’aide pour la fonction « aller aux toilettes », la recourante ayant admis n’avoir besoin que d’une aide ponctuelle pour s’y rendre.

Quant aux pertes de connaissance très épisodiques alléguées par la recourante, elles ne sont pas d'une fréquence suffisante pour fonder un besoin de surveillance déterminant pour le droit à une allocation pour impotent, conformément à la jurisprudence. Elles ne sont par ailleurs pas attestées médicalement.

Enfin, le besoin d'accompagnement pour les contacts que la recourante fait valoir n'est pas en lien avec une atteinte médicale, mais découle du fait qu'elle ne maîtrise pas le français, ce qui relève d'un motif étranger à l'invalidité. La préparation des médicaments, dont son conjoint s’occupe, ne paraît pas non plus rendue impossible en raison de son état de santé.

En revanche, en ce qui concerne l'aide nécessaire pour le ménage, l'enquêtrice n'a nullement détaillé les tâches qui restent à la portée de la recourante, et s'est contentée d'indiquer que celle-ci peut les déléguer. Il est vrai qu’une participation accrue de son conjoint est exigible, en vertu de l'obligation de diminuer le dommage. De plus, la recourante n'a pas d'enfants et vit dans un studio, ce qui a une incidence sur l’ampleur des tâches ménagères. Cela étant, conformément à la jurisprudence, l'intimé ne pouvait se contenter de considérer que le mari de la recourante pouvait prendre en charge le ménage. Il lui incombe au contraire d’examiner les tâches concrètement impossibles pour la recourante – au besoin en sollicitant l'avis de ses médecins sur ce point – puis de déterminer dans un second temps s’il est exigible que son conjoint s’en acquitte. 

Au vu de ces éléments, l’enquête n’est pas suffisamment détaillée pour trancher le droit aux prestations.

Il y a ainsi lieu de renvoyer la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Dans ce cadre, il lui appartiendra d’interpeller les médecins de la recourante sur les limitations précises concrètement induites par ses atteintes pour s’habiller et se déshabiller, se lever, s’asseoir et se coucher et pour faire sa toilette, ainsi que dans la tenue du ménage, et sur le point de savoir dans quelle mesure les aménagements et moyens auxiliaires suggérés par l'enquêtrice pallieraient les difficultés de la recourante, puis de procéder à un complément d’enquête si nécessaire, avant de rendre une nouvelle décision sur le droit à une allocation pour impotent.

9.             Le recours est partiellement admis.

La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations d’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.

 

***

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 15 mai 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.-.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le