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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2202/2023

ATAS/257/2024 du 24.04.2024 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2202/2023 ATAS/257/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 avril 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le
______ 1990 en Azerbaïdjan, est affilié auprès de Swica assurance-maladie SA (ci-après : SWICA ou l'intimée) pour l'assurance-maladie obligatoire des soins.

b. Dans un rapport du 25 septembre 2020, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale, a, pour le compte de l'assuré, présenté à SWICA une demande tendant à la prise en charge d'un traitement. Il a fait état d'une malformation squelettique (rétromaxillie avec un ANB a - 6) et d'une dysocclusion dentaire, en se référant à une orthopantomogramme du 7 juillet 2020, ainsi qu'à une téléradiographie du 28 février 2020. Il s’agissait d’une infirmité congénitale (prognathie inférieure congénitale) pour laquelle il préconisait une décompensation orthodontique et une chirurgie orthognatique consistant en une ostéotomie maxillaire d'avancement et probablement, en fonction de la décompensation dentaire définitive, en un léger recul mandibulaire par une ostéotomie sagittale bilatérale. Cette requête était accompagnée de deux rapports du 7 septembre 2020 établis par les docteurs C______ et D______ exerçant en Azerbaïdjan.

B. a. Par décision du 1er mars 2021, SWICA, en s'appuyant sur l'appréciation du
12 janvier 2021 de son médecin-conseil, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale, a refusé de prendre en charge les coûts du traitement combiné envisagé. Il était relevé que l'assuré n'avait pas suivi le traitement qui lui avait été recommandé lorsque le diagnostic de prognathisme avait été posé en 1999, soit avant qu'il n'atteigne l'âge de 20 ans. Le traitement aurait pu lui être prodigué au moment idéal, vers l'âge de 20 ans, voire avant en ce qui concernait le traitement orthodontique, il avait été retardé pendant des années après l'âge de 20 ans. Dans ces circonstances, le traitement sollicité n'était pas du ressort de l'assurance obligatoire des soins.

b. Par courrier du 30 mars 2021, l'assuré a contesté cette décision. À l'appui de son opposition, il a transmis un rapport complémentaire du Dr C______ du 18 mars 2021.

c. Par décision sur opposition du 21 juillet 2021, SWICA a maintenu sa position en se fondant sur l'appréciation de son médecin-conseil du 27 juin 2021.

d. Saisie d'un recours contre cette décision, par arrêt du 28 mars 2022 (ATAS/292/2022), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice
(ci-après : la chambre de céans) l’a partiellement admis et annulé la décision de SWICA. Elle a renvoyé la cause pour instruction complémentaire afin de déterminer si la malocclusion de stade III associée à une hypoplasie maxillaire correspondait à une « grave » asymétrie cranio-faciale au sens de l’art. 17 let. f ch. 3 de l’ordonnance du DFI sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 - ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS - RS 832.112.31). La chambre de céans a, pour le surplus, retenu que l’infirmité congénitale au sens de l’art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS était admise. Toutefois, elle a confirmé que le traitement ne pouvait pas être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins sous l’angle de l’art. 19a al. 1 let. a OPAS, en lien avec son al. 2 ch. 22. En l’absence de mention d’un syndrome de l’apnée du sommeil ou de troubles graves de la déglutition, les ch. 1 et 2 de
l’art. 17 let. f n’étaient pas applicables.

e. Par décision du 26 avril 2022, SWICA a refusé de prendre en charge le traitement considérant, sur la base des conclusions de son médecin-conseil, qu’une asymétrie cranio-faciale grave ne pouvait pas être admise en l’espèce car l’assuré présentait uniquement une occlusion croisée circulaire en relation avec la prognathie et une légère déviation dentaire de la ligne médiale sur la droite dans la mâchoire inférieure due à l’absence de dent n° 44.

f. Par courrier de son conseil du 25 mai 2022, l’assuré a fait opposition concluant à son annulation et à la prise en charge du traitement préconisé par le
Dr B______. Il a fait valoir que SWICA s’était vraisemblablement limitée à reprendre les éléments au dossier sans investigation supplémentaire.

g. Suite à la réception du dossier de SWICA, l’assuré a complété son opposition par envoi du 16 août 2022, auquel étaient joints les rapports du
Dr B______ du 18 juillet 2022, le rapport de polygraphie respiratoire du 21 juillet 2022 du docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne générale et en pneumologie, et le rapport du 21 juillet 2022 du docteur G______, spécialiste FMH en médecine interne générale. Il a fait valoir que son atteinte correspondait à une maladie grave et non évitable sous la forme d’une asymétrie cranio-faciale grave au sens de l’art. 17 let. f ch. 3 OPAS. À cela s’ajoutait que, compte tenu du diagnostic de syndrome d’apnée du sommeil, son cas relevait également de l’art. 17 let. f ch. 1 OPAS.

Dans son rapport, le Dr B______ a développé les raisons pour lesquelles la malformation squelettique était une maladie non évitable, étant précisé que cette dernière impliquait des difficultés importantes à la mastication et à l’élocution qui était par ailleurs en voie de péjoration, la malformation avait également un fort impact psychologique. Il était ajouté qu’il était suspecté un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, lequel s’il était objectivé impliquerait l’application de l’art. 17 let. f ch. 1 OPAS.

Selon le rapport de polygraphie, il était confirmé la présence d’un trouble respiratoire du sommeil, sous la forme d’hypopnées, mais surtout d’apnées purement obstructives, couplé à une perturbation modérée de son oxygénation nocturne. Le Dr F______ retenait l’indication à un traitement de son trouble respiratoire. Il relevait qu’une correction chirurgicale maxillo-faciale lui paraissait particulièrement indiquée puisque la mise en place d’un traitement par support ventilatoire CPAP serait rendu difficile par l’adaptation d’une interface à sa rétromaxillie. Une réévaluation de l’évolution du trouble respiratoire devait être réalisée trois à six mois après une éventuelle chirurgie de correction orthognatique.

Le Dr G______ a précisé que l’assuré disait souffrir depuis son enfance de troubles affectifs liés à sa morphologie faciale par anomalie mandibulaire. Celle-ci était également responsable de troubles fonctionnels de la mastication et entraînait, selon l’assuré, un préjudice esthétique avec retentissement sur sa vie sociale. L’assuré s’était toujours senti rejeté, ce qui conduisait à un manque de confiance en soi et à un isolement peu propice à un développement psychologique harmonieux.

h. Sur demande de SWICA, par courrier du 20 novembre 2022, le Dr F______ a précisé : « La relecture manuelle du tracé polygraphique du 22 juillet 2022 permet de confirmer son trouble respiratoire du sommeil modéré comme purement obstructif malgré l’interprétation automatique de la polygraphie effectuée. Pour répondre à votre question, il s’agit d’une limite de l’examen et compte tenu de l’enjeu médico-légal lié à cette interprétation, une polysomnographie diagnostic permettra de mieux faire la distinction entre les deux et avec une certitude nettement supérieure ».

i. Par courrier du 13 avril 2023, l’assuré a conclu à la prise en charge de son traitement par SWICA sur la base des art. 19a al. 2 ch. 22 et 17 let. f ch. 1 OPAS. Il a produit à titre d’éléments complémentaires le rapport du professeur H______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale, du 3 avril 2023 et le courrier du Dr B______ du 22 novembre 2022.

Dans son courrier, le Dr B______ a relevé que l’examen clinique et radiologique montrait une rétromaxillie avec ANB négatif et une occlusion croisée antérieure. Le traitement pour traiter cette dysmorphie était une approche combinée. Il prévoyait au moins une ostéotomie maxillaire d’avancement ou probablement une ostéotomie bi-maxillaire. Selon lui, le cas de l’assuré relevait des art. 19a ch. 22 et 17 let. f ch. 1 OPAS.

Dans son rapport, le Prof. H______ a relevé que les plaintes actuelles se caractérisaient par des douleurs à la mobilisation mandibulaire et au niveau des deux articulations temporo-mandibulaire, qui faisaient également l’objet de craquements compatibles avec une luxation discale antérieure bilatérale. L’assuré présentait par ailleurs un syndrome d’apnées obstructives du sommeil modéré, objectivé lors de la polysomnographie du 30 novembre 2022. Le traitement de cette dysmorphie passait par une approche combinée orthodontico-chirurgicale. Il confirmait les conclusions du courrier du Dr B______ du 22 novembre 2022.

j. Une polysomnographie a été réalisée le 30 novembre 2022. Celle-ci a permis de diagnostiquer un syndrome d’augmentation de résistance des voies aériennes supérieures (SRVAS). Il a été confirmé la nature purement obstructive des hypopnées documentée en nombre et sévérité moindre en comparaison au tracé du 22 juillet 2022. À l’analyse respiratoire, l’assuré a présenté 9,4 hypopnées respiratoires par heure, purement obstructives, et 0,6 apnée obstructive par heure. Le Dr F______ concluait à une ronchopathie simple avec syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) léger sous la forme d’hypopnées obstructives en quantité limitée. Le tracé de polysomnographie confirmait la nature purement obstructive des hypopnées en nombre et sévérité moindres en comparaison avec la polygraphie de juillet 2022. Un traitement par CPAP pourrait se justifier, mais compte tenu de la rétromaxillie, une chirurgie orthognatique aurait probablement la capacité de contrôler le SRVAS et de corriger la rétromaxillie sur le plan esthétique. Le Dr F______ concluait son rapport en précisant que l’assuré discuterait avec le Prof. H______ notamment des chances de succès d’une chirurgie orthognatique sur son trouble respiratoire du sommeil. Il précisait que, sur la base de ce tracé polysomnographique et de la législation, l’assuré ne remplissait pas strictement les conditions pour un remboursement de sa chirurgie par l’assurance maladie obligatoire.

k. Par appréciation du 13 mai 2023, le médecin-conseil de la SWICA, le docteur I______, a considéré que le rapport de polysomnographie du 30 novembre 2022 avait constaté un syndrome d’apnée du sommeil léger et non modéré comme le retenait le Prof. H______. Les résultats s’étaient améliorés par rapport à l’examen précédent. Il était noté que le Dr F______ avait précisé que l’assuré ne remplissait pas les critères de prise en charge par l’assurance obligatoire des soins. Par conséquent, ce rapport ne justifiait pas une prise en charge du traitement.

La gravité de la dysgnathie était visible sur les anciennes photographies et relevaient d’une classe III. Elle permettait toutefois une occlusion rendant possible une mastication normale, bien que non idéale. Il était incontestable que la situation aurait conduit à une prise en charge des coûts par l’assurance-invalidité avant ses 20 ans ou peut-être même peu après. La première demande de prise en charge avait été faite à l’âge de 30 ans, alors que la situation était avérée depuis plus de dix ans. Il était trop tard pour demander une prise en charge par l’assurance maladie obligatoire. Les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité n’étaient pas remplis. Aucune prise en charge ne pouvait être recommandée sur la base des nouveaux examens.

l. Par décision du 1er juin 2023, SWICA a rejeté l’opposition.

C. a. Par acte daté du 2 juillet 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition auprès de la chambre de céans en concluant à l’annulation de la décision du 1er juin 2023 et à la prise en charge du traitement du prognathisme. Le recourant fait valoir que le médecin-conseil a évalué l’asymétrie sur la base de photographies et non pas par un examen clinique. Le Prof. H______ lui avait confirmé l’absence de classification internationale quant à la gravité d’une asymétrie. Ce dernier avait recommandé que le médecin-conseil examine son cas sous différents angles, ce qui avait été refusé par l’intimée. Son médecin généraliste avait par ailleurs souligné l’impact psychologique. Quant au
Dr B______, il avait noté que le traitement était fortement recommandé.

En annexe, le recourant a notamment produit son échange avec SWICA dans lequel il demandait à être examiné par le médecin-conseil et le courrier du
Prof. H______ du 27 juin 2023.

Dans celui-ci, le Prof. H______ suggérait au recourant de demander à être examiné par le médecin-conseil et notait qu’à sa connaissance, il n’y avait pas de classification internationale permettant d’évaluer la gravité des apnées obstructives du sommeil et de l’asymétrie faciale.

b. Invité à se déterminer, l’intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. Elle invoque qu’au vu de l’arrêt de la Cour de céans du 28 mars 2022 le recourant ne peut plus se prévaloir ni de l’art. 19a al. 1 let. a OPAS avec son
al. 2, ni de l’art. 17 let. f ch. 2 OPAS. Les conditions de l’art. 17 let. f ch. 1 et 3 n’étaient pas réalisés, de sorte que le traitement avait été refusé à juste titre.

c. Le recourant n’a pas fait d’observations dans le délai imparti.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a ; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. ATAS/360/2021 du 15 avril 2021 consid. 3).

2.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans le délai prévu par la loi, compte tenu du report au premier jour utile (art. 38 al. 3 LPGA), le recours sera déclaré recevable.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si, dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins, l'intimée doit prendre en charge le traitement orthodontique et chirurgical maxillo-facial que préconise le Dr B______.

4.              

4.1 Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social, ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat d'un médecin ou d'un chiropraticien (al. 2 let. a).

4.2 Selon l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de la mastication (let. a), ou s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses séquelles (let. b), ou s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles (let. c).

Conformément à l'art. 33 al. 2 et 5 LAMal, en corrélation avec l'art. 33 let. d de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), le Département fédéral de l'intérieur (ci-après : DFI) a édicté les art. 17 à 19a OPAS, qui se rapportent à chacune des éventualités prévues à l'art. 31 al. 1 LAMal.

Ainsi, l'art. 17 OPAS énumère les maladies graves et non évitables du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal, qui ouvrent le droit à la prise en charge des coûts des traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins. L'art. 18 OPAS mentionne d'autres maladies graves susceptibles d'occasionner des soins dentaires (art. 31 al. 1 let. b LAMal) ; il s'agit de maladies qui ne sont pas, comme telles, des maladies du système de la mastication, mais qui ont des effets nuisibles sur ce dernier. L'art. 19 OPAS prévoit que l'assurance prend en charge les soins dentaires nécessaires aux traitements de certains foyers infectieux bien définis (art. 31 al. 1 let. c LAMal). Enfin l'art. 19a OPAS règle les conditions de la prise en charge des frais dentaires occasionnés par certaines infirmités congénitales (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.146/05 du 29 décembre 2006 consid. 1.2).

Selon une jurisprudence constante, la liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie est exhaustive (ATF 127 V 332 consid. 3a et 343 consid. 3b ; ATF 124 V 194 consid. 4).

4.3 En cas d’infirmité congénitale (art. 3 al. 2 LPGA) non couverte par l’assurance-invalidité, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des mêmes prestations qu’en cas de maladie (art. 27 LAMal).

Selon la jurisprudence, les traitements dentaires consécutifs à une infirmité congénitale au sens de l'art. 27 LAMal n'ouvrent le droit aux prestations de l'assurance-maladie obligatoire des soins que lorsque les conditions de l'art. 31 al. 1 LAMal sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2 et la référence).

4.4 Aux termes de l'art. 19a al. 1 OPAS, l'assurance prend en charge les coûts des traitements dentaires occasionnés par les infirmités congénitales, au sens de l'al. 2, lorsque les traitements sont nécessaires après la vingtième année (let. a) ou que les traitements sont nécessaires avant la vingtième année pour un assuré soumis à la LAMal mais qui n'est pas assuré par l'assurance-invalidité fédérale (let. b).

Au nombre des infirmités congénitales figure la prognathie inférieure congénitale, lorsque l'appréciation céphalométrique montre une divergence des rapports sagittaux de la mâchoire mesurée par un angle ANB d'au moins -1 degré et qu'au moins deux paires antagonistes de la seconde dentition se trouvent en position d'occlusion croisée ou en bout à bout (art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS), dont le Tribunal fédéral des assurances a précisé qu'elle doit être assimilée à une maladie grave du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal (ATF 129 V 80 consid. 6).

La jurisprudence a précisé que ne sont réputés nécessaires au sens de l'art. 19a
al. 1 let. a OPAS que les traitements dentaires occasionnés par une infirmité congénitale qui, pour des raisons médicales, requièrent une intervention au-delà de l'âge de 20 ans. Le Tribunal fédéral a en effet considéré que l'assurance obligatoire des soins ne peut pas être appelée à répondre des coûts résultant de traitements qui auraient pu être effectués avant cette limite temporelle mais qui ne l'ont pas été pour des motifs échappant à la sphère d'influence de l'assureur-maladie (ATF 130 V 294 consid. 5.2-5.5, précision de la jurisprudence rendue à l'ATF 129 V 80).

La nécessité d'un traitement dentaire occasionné par une infirmité congénitale après la vingtième année au sens de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS doit être admise lorsque des raisons médicales exigent que l'intervention soit pratiquée à ce moment-là seulement (ATF 130 V 459 consid. 1.2). Si, en dépit de l'indication médicale, l'intervention est reportée des années, voire des décennies durant, la condition liée à la nécessité de procéder après l'âge de 20 ans au traitement dentaire occasionné par une infirmité congénitale n'est plus remplie (ATF 130 V 459 consid. 3).

5.             L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure entre les mêmes parties, une prétention identique à celle qui a été définitivement jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.1.2). L'autorité de chose jugée signifie que l’arrêt est obligatoire et ne peut plus être remis en question ni par les parties, ni par les autorités judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2007 du 23 janvier 2008 consid. 4.2). En règle générale, seul le dispositif d'un jugement est revêtu de l'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2020 du 5 mai 2020 consid. 1.4). Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012 consid. 4.2 et les références citées). De plus, la portée du dispositif ne peut souvent se déterminer qu’en fonction des motifs (ATF 123 III 16 consid. 2a ; ATF 116 II 738 consid. 2a).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

7.             En l'espèce, l’intimée retient que, au vu de l’arrêt de la chambre de céans du
28 mars 2022, le recourant ne peut plus se prévaloir ni de l’art. 19a al. 1 let. a OPAS avec son al. 2, ni de l’art. 17 let. f ch. 2 OPAS. Par ailleurs, les conditions de l’art. 17 let. f ch. 1 et 3 n’étant pas réalisés, le traitement avait été refusé à juste titre. De son côté, le recourant fait valoir que le traitement est nécessaire. L’asymétrie avait été évaluée sur la base de photographies et non pas par un examen clinique qui avait été refusé par l’intimée. Il fallait par ailleurs tenir compte de l’impact psychologique.

8.             Par arrêt du 28 mars 2022, la chambre de céans a admis l’existence d’une infirmité congénitale au sens de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS (prognathie inférieure congénitale). Toutefois, cet arrêt a également tranché que le recourant ne remplissait pas les conditions pour une prise en charge au sens de l’art. 19a al. 1 let. a OPAS. L’arrêt étant devenu définitif, le dispositif renvoyant pour le surplus expressément aux considérants, ces derniers ont également acquis force de chose jugée. Le refus de prise en charge selon l’art. 19a al. 1 OPAS ne peut donc plus être remis en question.

Partant, c'est à juste titre que l'intimée a refusé de prendre en charge le traitement sollicité au regard de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS en lien avec l'al. 2 ch. 22 de cette disposition.

9.              

9.1 Il reste dès lors à examiner si l'intimée doit prendre en charge les coûts du traitement en cause au titre de l'art. 17 let. f OPAS.

C'est le lieu de rappeler que l'infirmité congénitale dont souffre le recourant (prognathie inférieure congénitale au sens de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS), est assimilée à une maladie grave du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal, auquel se rapportent les éventualités prévues à l'art. 17 OPAS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2010 du 30 août 2010 consid. 6 et les références).

Au nombre des maladies graves et non évitables du système de la mastication ouvrant le droit à la prise en charge des coûts des traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins figurent notamment les dysgnathies qui provoquent des affections pouvant être qualifiées de maladies, tels qu'un syndrome de l'apnée du sommeil (art. 17 let. f ch. 1 OPAS), des troubles graves de la déglutition (ch. 2) ou des asymétries graves cranio-faciales (ch. 3).

9.2 Selon la jurisprudence, est « évitable » toute maladie du système de la mastication qui peut être évitée par une bonne hygiène buccale et dentaire. Dans ce sens, sont visées la carie et la parodontite. Seules les dysgnathies inévitables peuvent être reconnues comme maladie du système de la mastication et entraîner l'obligation de prise en charge de l'assureur. Cela étant, le fait qu'elles figurent à l'art. 17 let. f OPAS ne permet pas de les qualifier d'emblée d'inévitables. Par ailleurs, toutes les dysgnathies inévitables au sens de l'art. 17 let. f OPAS ne doivent pas nécessairement revêtir les formes les plus graves. Les dysgnathies dont il est question à l'art. 17 let. f ch. 1 OPAS ne doivent pas être graves en soi ; seuls leurs effets - à savoir le syndrome d'apnée du sommeil - doivent l'être. De même, les dysgnathies au sens de l'art. 17 let. f ch. 2 OPAS doivent entraîner des troubles graves de la déglutition. Seules les dysgnathies mentionnées à l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS revêtent en soi un caractère de gravité dans la mesure où elles provoquent des asymétries cranio-faciales graves ou correspondent à une cranio-sténose, une dysostose, une dysplasie des maxillaires ou à un trouble de la croissance comme l'élongation ou l'hypertrophie mandibulaire, ou encore l'hémi-atrophie faciale. Enfin, la liste contenue à l'art. 17 let. f OPAS n'est pas exemplative mais limitative : seules, et pour autant qu'elles puissent être qualifiées de maladies, les affections mentionnées aux ch. 1 à 3 provoquées par des dysgnathies inévitables sont susceptibles d'entraîner la prise en charge des coûts de traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins. Ainsi l'art. 17 let. f ch. 2 OPAS vise uniquement les troubles graves de la déglutition à l'exclusion d'autres troubles comme ceux de la mastication (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.146/05 du 29 décembre 2006 consid. 3 et 4.2 et les références)

9.3 En l'espèce, les chiffres 1 et 2 de l’art. 17 let. f OPAS ont été invoqués dans l’arrêt du 28 mars 2022 en ces termes :

« Ni les Drs C______ et D______, ni le Dr B______ n'ont relevé que le recourant souffre en raison de sa malformation d'un syndrome de l'apnée du sommeil ou de troubles graves de la déglutition. En particulier, les difficultés dans la mastication (courriel du recourant du 28 janvier 2021) ne sont pas graves au sens de la jurisprudence pour que le traitement envisagé soit pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ».

Comme cela ressort des principes rappelés ci-dessus, la liste de l’art. 17 let. f OPAS est exhaustive.

En tant que de besoin, il sera confirmé que l’atteinte du recourant doit être considérée comme non évitable conformément aux explications fournies par le
Dr B______ dans son rapport du 18 juillet 2022 puisqu’il s’agit d’une malformation squelettique constitutionnelle.

9.3.1 Le chiffre 2 de l’art. 17 f OPAS n’est pas pertinent en l’espèce puisqu’il n’est pas fait état de troubles graves de la déglutition, ce qui n’est pas contesté par les parties.

9.3.2 Le chiffre 1 de l’art. 17 let. f OPAS sera examiné puisqu’une polygraphie respiratoire réalisée le 21 juillet 2022 a désormais confirmé un trouble respiratoire du sommeil.

Cet examen a été complété pour préciser son résultat par une polysomnographie du 30 novembre 2022 qui a permis de diagnostiquer un syndrome d’augmentation de résistance des voies aériennes supérieures (SRVAS). Il a également été confirmé la nature purement obstructive des hypopnées documentée en nombre et sévérité moindre en comparaison au tracé du 22 juillet 2022.

Le Dr F______ a cependant conclu son rapport en précisant que le cas du recourant ne remplissait pas les conditions pour un remboursement de sa chirurgie par l’assurance maladie obligatoire, ce qui a également été confirmé par le médecin-conseil de l’intimée.

En effet, comme cela ressort du rapport du 30 novembre 2022, le Dr F______ a conclu à une ronchopathie simple avec syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) léger sous la forme d’hypopnées obstructives en quantité limitée.

Le syndrome de l’apnée du sommeil étant qualifié de léger, cela exclut une prise en charge sous l’angle de l’art. 17 let. f ch. 1 conformément à la jurisprudence en la matière.

9.3.3 S’agissant du chiffre 3 de l’art. 17 let. f OPAS, aucun des médecins du recourant bien qu’interpellés n’ont fait état d’éléments permettant de conclure à une asymétrie cranio-faciale grave, étant souligné que le Dr B______ a conclu que de la prise en charge relevait des art. 19a et 17 let. f ch. 1 OPAS. Quant au Prof. H______, il s’est limité à rejoindre les conclusions de son confrère.

De son côté, le médecin-conseil, qui disposait de photographies et de radiographies du recourant, a développé de manière convaincante les raisons pour lesquelles une asymétrie cranio-faciale grave ne pouvait pas être admise en l’espèce, étant rappelé que les médecins suivant le recourant n’ont pas apporté d’éléments contradictoires à son appréciation. Ces derniers ne réclament même pas la prise en charge du traitement sur la base de l’art. 17 let. f ch. 3 OPAS. Pour le surplus, la jurisprudence n'exige pas qu'un examen personnel de l'assuré soit systématiquement pratiqué (RAMA 2001 n° U 438 p. 345 ; ATF U 429/04 du 12 août 2005 ; ATF U 187/05 du 23 décembre 2005).

Les effets psychologiques n’étant pas mentionnés à l’art. 17 let. f OPAS, ils ne permettent pas une appréciation différente.

Par conséquent, c’est à juste titre que l’intimée a refusé la prise en charge du traitement sur la base de l’art. 17 let. f OPAS.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10.         Enfin, l’intimée requiert le versement d’une indemnité de dépens.

Elle ne peut toutefois pas y prétendre dès lors que selon la jurisprudence (ATF 126 V 149 consid. 4), les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n’ont pas droit à une indemnité de dépens, en dehors d’exceptions non réalisées en l’espèce, telles qu’un recours téméraire ou interjeté à la légère par l’assuré.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Marie-Josée COSTA

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le