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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1808/2023

ATAS/95/2024 du 09.02.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1808/2023 ATAS/95/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 février 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1998, s’est inscrite à l’office régional de placement (ci-après : ORP) le 12 février 2023 pour un placement à 100% dès cette date.

b. Le 27 février 2023, l’assurée a sollicité de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) l’octroi d’indemnités de chômage.

Dans son formulaire, l’assurée a indiqué avoir effectué un stage de formation du 12 août 2019 au 11 août 2020 auprès de l’École B______ (ci-après : l’école) dans le cadre de sa formation d’employée de commerce.

c. Par décision du 10 mars 2023, la caisse lui a nié le droit aux prestations au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions des art. 13 et 14 loi de la fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Durant les deux ans qui précédaient son inscription, soit du 12 février 2021 au 11 février 2023, elle ne justifiait d’aucune période de cotisations et n’avait invoqué aucun motif de libération.

B. a. Le 21 mars 2023, l’assurée a pris note du refus de la caisse et sollicité des explications.

b. Par courriel du 27 mars 2023, la caisse a confirmé la motivation de sa décision et invité l’assurée à faire opposition si elle avait effectué au moins douze mois et un jour de formation à plein temps.

c. Le 3 avril 2023, l’assurée a formé opposition à la décision du 10 mars 2023. Elle avait été en études durant les deux ans précédant sa demande.

Elle a produit deux attestations d’études de l’école : la première confirmait son inscription pour une année de préparation à la maturité professionnelle du 2 septembre 2020 au 25 juin 2021 à raison de 37 leçons par semaine et la deuxième confirmait son inscription pour une année de préparation à la maturité professionnelle fédérale du 29 septembre 2021 au 24 juin 2022 à raison de 6 leçons par semaine.

d. Par décision sur opposition du 28 avril 2023, la caisse a rejeté l’opposition. Selon les attestations produites, les cours avaient été dispensés à temps partiel, ce qui ne permettait pas de retenir qu’elle avait été empêchée de travailler en raison de ses études, dès lors que le lien de causalité n’était pas établi entre l’absence d’une période de cotisations et ses études à temps partiel. L’assurée ne justifiait ainsi d’aucune période de cotisations durant son délai-cadre de cotisations et ne pouvait justifier d’aucun motif de libération.

C. a. Par acte du 26 mai 2023, l’assurée a formé recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation. Elle avait toujours rencontré des difficultés scolaires, de sorte qu’elle devait consacrer beaucoup de temps au travail à domicile. Cela correspondait à un taux d’activité de 100%. Elle se sentait « jugée, discriminée et non respectée » pour le travail supplémentaire qu’elle avait fourni pour réussir ses études.

Elle a produit une attestation d’études 2020/2022 de l’école datée du 17 avril 2023, mentionnant notamment une estimation du temps de travail personnel à dix heures par semaine pour les deux années scolaires.

b. Par réponse du 27 juin 2023, la caisse a conclu au rejet du recours. L’argument selon lequel la recourante avait dû consacrer beaucoup plus de temps de travail personnel que ce qui avait été évalué par l’école ne pouvait malheureusement pas être retenu dans la mesure où celui-ci n’était en définitive pas contrôlable. Il n’y avait donc aucun lien de causalité entre l’absence de période de cotisations et la formation.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LACI.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à l’indemnité de chômage, singulièrement sur la question de savoir si un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisations peut être admis en raison de la formation entreprise.

2.1 Selon l’art 8 al. LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage :

a. s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 10);

b. s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (art. 11);

c. s'il est domicilié en Suisse (art. 12);

d. s'il a achevé sa scolarité obligatoire, qu'il n'a pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l'AVS;

e. s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisations ou en est libéré (art. 13 et 14);

f. s'il est apte au placement (art. 15); et

g. s'il satisfait aux exigences du contrôle (art. 17).

Selon l’art. 9 al. 1 à 3 LACI, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisations, sauf disposition contraire de la loi (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisations commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).

Selon l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9, al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations remplit les conditions relatives à la période de cotisations.

2.2 Selon l’art. 14 al. 1 LACI, sont notamment libérées des conditions relatives à la période de cotisations les personnes qui, dans les limites du délai-cadre
(art. 9 al. 3) et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisations, pour cause de formation scolaire, reconversion ou perfectionnement professionnel, à la condition qu'elles aient été domiciliées en Suisse pendant dix ans au moins (let. a).

Cette disposition vise à soutenir financièrement les personnes sans emploi qui n’ont pas pu travailler en raison d’une formation, notamment (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p.133).

Il doit exister une relation de causalité entre le non-accomplissement de la période de cotisations et l'empêchement mentionné dans la loi. Cette causalité exigée par la disposition légale n'est donnée que si, pour l'un des motifs retenus par la loi, il n'était pas possible, ni raisonnablement exigible pour l'assuré d'exercer une activité, même à temps partiel (ATF 130 V 229 consid. 1.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_174/2015 du 11 février 2016 consid. 3 ; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundes-verwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3e éd. 2016, n. 234 p. 2335; RUBIN, op. cit., p. 136). C'est d'ailleurs en considération de cette exigence que le législateur a voulu que l'empêchement dure plus de douze mois au moins : en cas d'empêchement de plus courte durée, l'assuré dispose, en règle ordinaire, d'un laps de temps suffisant, durant le délai-cadre de deux ans, pour exercer une activité soumise à cotisations de six mois, respectivement de douze mois au moins (Message concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, FF 1980 III 567; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 98/03 du 10 juillet 2003 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral du 11 février 2016 8C_174/2015).

Selon le Bulletin LACI (teneur du 1er octobre 2012), l’assuré doit prouver l’existence de la formation accomplie en produisant un certificat de l’établissement de formation où sont indiqués la durée de la formation (début et fin) et les heures, y compris les heures de préparation, qu'il y a consacrées (p. ex. heures par semaine). Les formations accomplies en autoformation ne peuvent pas, en règle générale, être reconnues faute d’être suffisamment contrôlables. Constituent des motifs de libération les formations scolaires, les cursus de reconversion et de perfectionnement accomplis en Suisse ou à l’étranger (Bulletin LACI – B 187).

Lorsque l’assurance-chômage indemnise une personne libérée des conditions relatives à la période de cotisations, elle ne compense pas une perte de gain liée au chômage (c’est-à-dire liée à une perte de travail). Elle vise, pour des motifs sociaux précis, à soutenir financièrement une personne qui recherche du travail sans avoir cotisé préalablement (DTA 2007 p.199 consid. 5.2.3 ; RUBIN, op. cit., p. 134).

Constituent des motifs de libération au sens de l'art. 14 al. 1 let. a LACI, une formation scolaire, une reconversion ou un perfectionnement professionnel. Sont visées dans ce cadre toutes les activités qui ont pour but de préparer de manière systématique à une future activité professionnelle (ATF 122 V 43 consid. 3c/aa). Lesdites activités doivent être fondées sur un cycle de formation usuel réglementaire, reconnu juridiquement ou, à tout le moins, de fait. La formation doit être méthodique et organisée (SVR 1995 ALV p. 135 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurance C 157/03 du 2 septembre 2003). Cette définition correspond à la notion de formation au sens de l’art. 25 al. 5 LAVS (DTA 2005 p. 207 consid. 2.2 p. 209 ; 1991 p. 83 consid. 3a p. 85). Peuvent faire valoir un motif de libération au sens de l’art. 14 al. 1 let. a LACI, aussi bien les jeunes personnes entrant dans la vie active, que les adultes ayant déjà accompli une longue carrière professionnelle (RUBIN, op. cit., 2014, p. 137).

Ces activités doivent au surplus être suffisamment vérifiables, spécialement lorsque la durée consacrée à la formation, à la correction des travaux ou à la préparation aux examens, dépasse de peu la période minimale propre à faire admettre un motif de libération (DTA 2000 p. 144 consid. 2b). L’exigence du caractère suffisamment vérifiable est analogue à celle qui prévaut s’agissant de l’accomplissement d’une activité soumise à cotisations (ATF 108 V 103 consid. 2b). L’autorité peut ainsi exiger de l’assuré un certificat ou une attestation de l’établissement qui a dispensé la formation, afin de pouvoir vérifier l’existence, la durée et l’ampleur de la formation alléguée. L’autoformation n’est en principe pas admise car insuffisamment vérifiable (RUBIN, op. cit., p.137).

Entrent dans la notion de formation au sens de l’art. 14 al. 1 let a LACI : la scolarité obligatoire, les études supérieures, les compléments au cursus universitaire, les reconversions, les perfectionnements professionnels, ainsi que les stages pratiques faisant partie intégrante d’une formation, pour autant que ces derniers ne soient pas rémunérés (RUBIN, op. cit., p.137).

Les périodes consacrées à la préparation aux examens sont comptées dans la période de formation entrant dans le champ d’application de l’art. 14 al. 1 let. a LACI, pour autant que toute activité lucrative soit exclue durant les périodes concernées. La période de préparation aux examens n’est ainsi admise dans la période de formation que si elle n’est pas plus longue que nécessaire (DTA 1991 p. 83 consid. 3b p. 87 ; arrêt du 8 avril 2009 [8C_312/2008] consid. 6.1). Sa durée dépendra des circonstances du cas individuel et notamment de l’éventuel exercice d’une activité à temps partiel en parallèle à la préparation (RUBIN, op. cit. p.138).

Selon la jurisprudence et la doctrine, un assuré ayant exercé une activité lucrative à temps partiel dans le délai-cadre ne peut se prévaloir d’un empêchement (lié ici à une formation) pour l’autre temps partiel que si la somme de son taux d’occupation dans l’activité lucrative et de son taux d’empêchement atteint 100%. Cela signifie que durant son empêchement, l’assuré doit avoir travaillé à hauteur de sa capacité de travail restante (Bulletin IC, chiffres B184, C17 et C19 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_318/2011 du 5 mars 2012 consid. 6.2).

2.3 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf disposition contraire de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).  

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références).

2.4 En l’espèce, il est constant que la recourante ne remplit pas – dans le
délai-cadre de cotisations du 12 février 2021 au 11 février 2023 – les conditions de l’art. 13 al. 1 LACI, de sorte que se pose la question de savoir si elle est libérée, par la formation entreprise, des conditions relatives à la période de cotisations.

Dans la décision entreprise, l’intimée a considéré que la recourante ne pouvait se prévaloir d’aucun motif de libération, puisque la formation entreprise ne l’occupait pas à plein temps, ce qui était de nature à rompre le lien de causalité entre le motif de formation invoqué et l’empêchement d’exercer une activité salariée. La recourante conteste ce raisonnement, estimant qu’en raison de ses difficultés scolaires, elle avait dû consacrer plus de temps au travail personnel que les dix heures par semaine estimées par l’école dans son attestation d’études.

Un tel argument ne suffit toutefois pas pour retenir un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisations. Outre le fait que la recourante n’apporte aucune pièce à l’appui des difficultés invoquées, mettant par hypothèse en évidence des troubles permettant de justifier des aménagements scolaires, elle perd de vue que, pour retenir un motif de libération, les formations suivies doivent être suffisamment contrôlables. C’est précisément pour cette raison que les formations accomplies en autoformation ne peuvent pas, en règle générale, être reconnues. On ne saurait ainsi se fonder sur des estimations individuelles du temps consacré à la formation. L’autorité peut, au contraire, exiger de l’assuré un certificat ou une attestation de l’établissement qui a dispensé la formation, afin de pouvoir vérifier l’existence, la durée et l’ampleur de la formation alléguée. Or en l’occurrence, l’attestation d’études du 17 avril 2023 produite par l’intéressée fait état de quinze cours par semaine, auxquels s’ajoutent dix heures de travail personnel, pour la période du 27 septembre 2021 au 24 juin 2022. Force est ainsi de retenir qu’une telle formation laissait à la recourante la possibilité d'avoir en parallèle une activité professionnelle, à tout le moins à temps partiel.

Dans ces conditions, il convient de considérer qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la formation suivie par la recourante et l'absence de cotisations durant la période cadre de deux ans précédant son inscription au chômage.

Partant, la décision litigieuse ne peut qu’être confirmée et le recours rejeté.

2.5 Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le