Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1001/2023

ATAS/74/2024 du 07.02.2024 ( LAMAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.03.2024, 9C_172/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1001/2023 ATAS/74/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 février 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

HELSANA ASSURANCES SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), de nationalités suisse et française et née le ______ 1989, est domiciliée en France voisine. Depuis le 1er janvier 2015, elle est employée de l’Association genevoise des locataires à Genève.

b. Le 10 janvier 2015, elle a signé un formulaire adressé à la Caisse primaire d’assurance-maladie de Haute Savoie (CPAM), annonçant son changement de situation (prise d’emploi en Suisse).

Elle a par ailleurs sollicité de cette institution d’être mise au bénéfice du régime général de l’assurance-maladie français en date du 20 octobre 2016. Dite demande d’affiliation a été refusée par décision de la CPAM du 26 septembre 2017, qui a considéré que l’assurée n’avait pas fait usage de son droit d’option – unique et irrévocable – dans le délai de 3 mois suivant le début de l’activité salariée en Suisse et qu’elle était par conséquent tenue de s’affilier auprès de l’assurance-maladie suisse.

c. Le 11 octobre 2017, la recourante a signé à son domicile français une offre d’assurance obligatoire des soins selon la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal – RS 832.10), contresignée par un courtier en assurances à Genève, à la même date. Ledit document, qui mentionne un début de validité au 1er octobre 2017, a été transmis à HELSANA ASSURANCES SA (ci-après : HELSANA, l'assureur ou l'intimée) qui l’a réceptionné le 20 octobre 2017.

Le 25 suivant, l’assureur a établi une police d’assurance selon la LAMal valable dès le 20 octobre 2017, qu’elle a envoyée à l'assurée.

Cette dernière a déclaré à HELSANA par lettre du 30 octobre 2017 se rétracter et solliciter par conséquent l’annulation du contrat, car la date de début de validité de l’assurance ne prenait effet qu’au 20 octobre 2017, au lieu du 1er jour du mois.

L’assureur a opposé son refus et a maintenu l’affiliation contestée, exposant que s’agissant d’une travailleuse frontalière soumise à l’obligation de s’assurer contre le risque maladie en Suisse, et compte tenu de la tardiveté de l’affiliation intervenue plus de trois mois après la prise d’emploi, la date de prise d’effet de la couverture d’assurance correspondait à la date d’information à l’assureur suisse.

B. a. À compter de l’émission de la police d’assurance par HELSANA, des factures pour les primes mensuelles ont régulièrement été envoyées à l'assurée.

Cette dernière ne s’est acquittée d’aucune des primes d’assurance dues en vertu de la police susmentionnée, renouvelée automatiquement chaque année.

b. En 2020, HELSANA a demandé par courriel à son assurée de lui fournir ses nouvelles coordonnées postales, car les courriers qu’elle lui adressait revenaient en retour. Dans sa réponse du 16 juin 2020, l'assurée n’a pas communiqué sa nouvelle adresse. Elle a en revanche fait valoir qu’aucun contrat ne la liait à HELSANA pour les motifs déjà exposés et qu’elle était doublement affiliée, puisqu’assurée auprès de la sécurité sociale française.

L’assureur a adressé, le 18 août 2021, une demande d’informations fondée sur l’art. 76 du Règlement (CE) n° 987/2009 au Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (ci-après : CLEISS), dans le but d’obtenir la nouvelle adresse de l'assurée, laquelle lui a été communiquée le 27 septembre 2021.

c. L'assurée ne s’étant pas acquittée du paiement des primes, l’assureur lui a fait parvenir une décision le 5 octobre 2021 par laquelle la somme de CHF 5'095.40 lui était réclamée au titre du paiement des primes dues pour la période courant de janvier 2020 à juin 2021, frais de rappel et intérêts inclus. L'assurée a formé opposition à l’encontre de cette décision le 28 octobre 2021, invoquant la nullité du contrat, faute de consentement. En effet, elle avait souhaité être assurée pour couvrir son accouchement, lequel avait eu lieu le 18 octobre 2017.

d. Le 2 mai 2022, HELSANA a rendu une nouvelle décision à l’attention de l’assurée par laquelle la somme de CHF 10'915.40 lui a été réclamée au titre des primes dues pour la période d’octobre 2017 à décembre 2019, frais de rappel et intérêts inclus. Opposition a derechef été formée à l’encontre de cette seconde décision par acte du 2 juin 2022, reprenant son argumentation du 28 octobre 2021.

e. Après avoir informé une nouvelle fois l'assurée des motifs pour lesquels son affiliation ne pouvait être annulée et une rétractation ne pouvait entrer en considération, elle lui a fait savoir que seuls pouvaient éventuellement lui permettre de mettre un terme à son contrat d’assurance une confirmation de fin de contrat de travail en Suisse ou éventuellement un contrat de travail en dehors de la Suisse.

Par pli du 14 novembre 2022, HELSANA a invité l’assurée à lui faire parvenir d’ici au 15 décembre suivant une confirmation d’exemption à l’obligation d’affiliation au régime suisse, ou une confirmation de fin d’activité salariée en Suisse. A défaut, une décision serait rendue sur la base des pièces en possession de l’assureur.

L'assurée n’a fourni aucun des documents sollicités.

f. Par décisions séparées du 27 février 2023, HELSANA a rejeté les oppositions de l’assurée. En résumé, elle a considéré que l’offre d’assurance ne lui étant parvenue que le 20 octobre 2017, elle ne pouvait rétroagir à la date de signature ni au premier jour du mois, car l’affiliation était tardive puisqu’intervenant plus de trois mois après la prise d’emploi en Suisse. En l’absence de preuve d’exemption à l’obligation d’affiliation en Suisse ou de fin des rapports de travail dans ce pays, l’opposante était tenue de s’assurer en Suisse. Enfin, les règles relatives à la rétractation ne trouvaient pas application s’agissant d’un contrat d’assurance sociale et non d’un contrat d’assurance complémentaire régit, quant à lui, par la loi fédérale sur le contrat d’assurance. En conséquence, elle était tenue de s’acquitter des primes dues selon la police d’assurance émise, peu importait que des prestations aient été versées ou non par l’assureur.

C. a. Par acte posté le 20 mars 2023 et reçu par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) le lendemain, l'assurée a interjeté recours contre ces décisions.

Elle a notamment exposé que dans la mesure où l’offre d’assurance avait été signée par l’assureur le 11 octobre 2017, et que dite offre prévoyait comme date de début du contrat le 1er octobre 2017, cette date faisait foi pour le début des relations contractuelles. A défaut, si l’on devait admettre que c’était la date de réception par l’assureur qui prévalait, il fallait par conséquent retenir comme date d’entrée en vigueur du contrat le 11 octobre 2017.

Ensuite, elle a fait valoir que les juridictions françaises étaient compétentes pour traiter de son litige, ce que l’assureur intimée aurait admis en la menaçant de la poursuivre par-devant ces dernières, les conditions générales d’assurance d’HELSANA renvoyant par ailleurs au code des assurances français.

La recourante a relaté avoir droit au libre choix de l’assurance et indiqué s’être valablement rétractée, en raison d’une « réticence dolosive, défaut de consentement, et défaut de conformité » dans le « délai légal d’une semaine ». La recourante a rappelé que l’assureur n’avait pas voulu couvrir son accouchement survenu le 18 octobre 2017.

Elle a également exposé que les engagements perpétuels étaient prohibés et qu’une possibilité de rétractation devait lui être reconnue, sauf à violer le droit conventionnel européen.

Elle a ajouté que l’assureur avait obtenu de façon illicite son adresse en France en s’adressant au CLEISS, et que dans la mesure où HELSANA avait eu accès à cette information, elle avait également accès à la preuve de son affiliation à la sécurité sociale française. A ce sujet, et malgré le fait qu’elle estimait ne pas avoir à apporter de preuve quelconque à l’assureur qui n’était qu’un tiers pour elle, elle produisait, en annexe à son recours, la facture trimestrielle de sa cotisation maladie à la sécurité sociale française, payable au 31 mars 2023.

Enfin, elle a fait valoir un courrier du 22 juillet 2022 d’HELSANA, lequel faisait suite à sa seconde opposition. Aux termes dudit courrier, son opposition avait bien été prise en considération, toutes les factures avaient été annulées et l’opposition était clôturée informellement suite à l’annulation rétroactive du contrat.

En conclusion, c’était de manière indue que l’assureur lui réclamait le paiement de primes.

b. Reprenant les termes de ses décisions sur opposition, HELSANA a conclu, par écritures du 21 avril 2023, au rejet des recours et à la confirmation des décisions sur opposition attaquées.

c. Par ordonnance du 5 juin 2023, les deux causes enregistrées sous les numéros A/1001/2023 et A/1002/2023, ont été jointes sous le numéro A/1001/2023 et la cause gardée à juger.

d. Suite à la reprise de l’instruction, l’intimée a été invitée à produire tout document provenant du ou adressé au service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) au sujet de la recourante, cette dernière ayant produit un courrier que lui avait adressé HELSANA le 22 juillet 2022 dans lequel il était fait référence à l’annulation, par le SAM, de son affiliation, et que, par voie de conséquence, son contrat d’assurance était annulé avec effet rétroactif.

L’intimée a exposé, documents à l’appui, que le courrier du 22 juillet 2022 a été adressé à la recourante par erreur, car il concernait une autre assurée, dont le nom figurait sur les documents annexés. Elle a adressé une lettre à la recourante le 4 août 2022 demandant de lui retourner les documents en question, lesquels concernaient une autre personne, demande à laquelle la recourante n’avait pas donné suite.

e. Invitée à produire l’annexe mentionnée dans sa pièce 5 (courrier du 22 juillet 2022 d’HELSANA), ainsi que le recours déposé contre la décision de refus d’affiliation à la sécurité sociale française et la décision définitive rendue dans cette procédure, Monsieur B______, l’époux de la recourante, a déposé une écriture de six pages datée du 15 décembre 2023, sans produire un quelconque document. M. B______ a fait savoir que son épouse étant gravement atteinte dans sa santé et ayant trois enfants à charge, il avait d’autres occupations plus importantes que de chercher les documents inutiles requis pour satisfaire les « caprices » du tribunal. Il a ensuite rappelé que selon son épouse et lui-même, la chambre de céans n’était pas compétente, vu la nationalité française de la recourante, son domicile en France, le fait que le contrat avait été signé en France et que les conditions particulières du contrat renvoyaient au code des assurances français. Il ne comprenait dès lors pas que la chambre « évoque » l’affaire. Il a allégué ne pas avoir reçu l’annexe mentionnée dans le courrier d’HELSANA, dite annexe étant de toute manière superflue, puisque le courrier se suffisait à lui-même. Ce dernier démontrait que l’intimée renonçait à toutes ses prétentions : elle devait donc être déboutée de toutes ses demandes. Sur le fond, il a repris les griefs déjà développés, ajoutant que son épouse continuait à recevoir des factures de primes et des rappels, ce qui était selon lui constitutif de contrainte. Il a également fait mention du fait qu’il fondait des doutes quant à la légitimité d’un assureur privé à rendre des décisions exécutoires dans un délai de 30 jours. Il a réitéré qu’en l’absence de prestations de la part de l’intimée, il n’y avait pas de droit pour celle-ci de percevoir des primes d’assurance. Enfin, s’agissant des documents sollicités en lien avec l’affiliation à la sécurité sociale française, l’époux de la recourante a considéré qu’il s’agissait de documents ne concernant en rien la chambre de céans, que son épouse « est affiliée à la sécurité sociale française, point. Cela est largement suffisant » pour l’information de la justice helvétique.

f. Ces écritures ont été transmises aux parties pour information et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, quoiqu’en dise la recourante, dès lors que l’objet du litige concerne le paiement de primes dues en vertu d’un contrat d’assurance selon la LAMal.

S’agissant du renvoi au code des assurances français dans les conditions générales d’assurance de l’intimée allégué par la recourante, celui-ci est absent des documents émis par HELSANA, lesquels ne citent que des textes législatifs suisses. A titre superfétatoire, on ajoutera que de toute manière, eu égard à la matière concernée, à savoir l’assurance obligatoire contre le risque maladie, le code des assurances ne serait pas le texte législatif applicable, le domaine étant régi par le code de la sécurité sociale. Ces codes ne contiennent par ailleurs pas de normes de procédure, de telle sorte qu’ils ne seraient de toute évidence pas utiles pour déterminer l’autorité judiciaire compétente.

L’argumentation de la recourante est enfin contradictoire, puisqu’elle a elle-même saisi la chambre de céans pour faire trancher son litige avec l’intimée. Ce faisant, elle reconnaît de facto la compétence de l’autorité judiciaire saisie.

1.2 En vertu de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal de assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège.

En l’espèce, la recourante est domiciliée en France. Son employeur est quant à lui domicilié à Genève. La compétence ratione loci de la chambre de céans est dès lors également établie.

2.             Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 61 LPGA et art. 38 al. 4 let. a LPGA p.a. ; art. 36 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 [LaLAMal - J 3 05] ; art. 89B et 89C let. a de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.              

3.1 La recourante, représentée par son conjoint (droit de représentation reconnu par l’art. 9 al. 1 LPA), considère que l’intimée, en tant qu’entreprise privée, ne disposerait pas du pouvoir de rendre des décisions pouvant acquérir force de chose jugée. Il faut comprendre de cet argument que la recourante nie la validité des décisions, respectivement décisions sur opposition prises par l’intimée.

3.2 Les caisses-maladie autorisées à pratiquer l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (cf. art. 2 et 4 ss de la loi fédérale sur la surveillance de l’assurance-maladie sociale [LSAMal – RS 832.12] agissent comme détentrices de la puissance publique, puisque la loi leur donne la compétence de rendre des décisions (art. 49 LPGA applicable par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAMal).

3.3 L’intimée est une caisse-maladie autorisée à pratiquer l’assurance-maladie sociale (cf. Liste des assureurs-maladie admis publiée par l’office fédéral de la santé publique à l’adresse suivante : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/
home/versicherungen/krankenversicherung/krankenversicherung-versicherer-aufsicht/verzeichnisse-krankenundrueckversicherer.html).

Elle est donc légitimée de par la loi à rendre des décisions.

4.              

4.1 La recourante conteste ensuite la validité de la police d’assurance sur laquelle se fonde l’intimée pour lui facturer des primes. Elle fait avant tout valoir le fait qu’elle se serait valablement rétractée, en respectant le délai légal.

4.2 La rétractation est une faculté connue sous la dénomination de « droit de révocation » garantie, en matière d’assurances, à l’art. 2a de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA – RS 221.229.1) depuis le 1er janvier 2022. Cette possibilité offerte à un assuré de retirer sa proposition envoyée à un assureur dans un délai de 14 jours n’existait pas auparavant. C’est même le système inverse qui prévalait, puisque la personne concernée était liée par la proposition transmise durant 14 jours.

4.3 Le droit des assurances sociales, et en particulier la législation applicable en matière d’assurance-maladie obligatoire ne connaissent pas le droit de révocation. L’argumentation de la recourante sur ce point tombe donc à faux.

L’art. 2a LCA, entré en vigueur plus de quatre ans après l’envoi de son offre à l’intimée ne serait par ailleurs d’aucun secours à la recourante en vertu du principe de la non-rétroactivité des lois.

Le grief doit donc être écarté.

5.             Sur le fond, le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut être tenue au paiement des primes d’assurance-maladie facturées par l’intimée dans ses décisions litigieuses.

5.1 Doit être examinée préalablement la question de savoir si la recourante est affiliée à l’assurance-maladie obligatoire suisse.

5.2 Il est constant que la recourante est ressortissante d’un État partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681). Il n’est pas contesté non plus qu’elle réside en France et qu’elle est employée en Suisse. Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.

5.3 Jusqu'au 31 mars 2012, les parties à l'ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (RO 2004 121). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'Annexe II à l'ALCP avec effet au 1er avril 2012. Il a été prévu, en particulier, que les parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004 – RS 0.831.109.268.1).

5.4 Aux termes de l’art. 11 § 1 du règlement n° 883/2004, sous réserve des art. 12 à 16, les personnes auxquelles le règlement est applicable sont soumises à la législation d’un seul État membre, déterminée selon les art. 11 à 16 (principe de l’unicité de la législation). Ainsi, conformément à l’art. 11 § 3 let. a) du règlement 883/2004, le travailleur salarié est en principe soumis à la législation de son État d’occupation salariée, même s’il réside sur le territoire d’un autre État membre. En d’autres termes, le travailleur frontalier est soumis, en vertu de ce principe, à la législation de l’État où il travaille (principe de la lex loci laboris) : l’État compétent est l’État d’emploi (art. 11 § 3 let. a) du règlement n° 883/2004).

Ce principe peut être assorti d’exceptions. En effet, en application de l’art. 3 § 2 du règlement n° 883/2004, l’Annexe XI dudit règlement régit les modalités particulières d’application des législations de certains États membres. Il en ressort notamment que les personnes soumises aux dispositions légales suisses peuvent, sur demande, être exemptées de l’assurance maladie obligatoire (LAMal) en tant qu’elles résident dans l’un des États suivants et peuvent prouver qu’elles y bénéficient d’une couverture en cas de maladie : Allemagne, Autriche, France, Italie et, dans certains cas, la Finlande et le Portugal (voir également l’annexe II, section A, § 1 let. i) ch. 3b). Cette faculté est communément appelée droit d’option (ATF 142 V 192, consid. 3.2). La procédure applicable est décrite à la let. b du ch. 3 sous « Suisse » de l’annexe XI. La demande doit être déposée dans les trois mois qui suivent la survenance de l’obligation de s’assurer en Suisse.

Le droit suisse a été adapté pour tenir compte du droit d’option instauré par la réglementation européenne. Selon l’art. 2 al. 6 OAMal – disposition qui doit être lue en corrélation avec les art. 3 al. 3 let. a LAMal et 1 al 2 let. d OAMal –, sont, sur requête, exceptées de l’obligation de s’assurer les personnes qui résident dans un État membre de l’UE, pour autant qu’elles puissent être exceptées de l’obligation de s’assurer en vertu de l’ALCP et de son annexe II et qu’elles prouvent qu’elles bénéficient dans l’État de résidence et lors d’un séjour dans un autre État membre de l’UE et en Suisse d’une couverture en cas de maladie.

Le législateur français a mis en œuvre le droit d’option par la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale, qui a institué à cette fin l’art. L 380-3-1 du Code de la sécurité sociale. Depuis le 1er juin 2014, cette disposition précise que les travailleurs frontaliers résidant en France sont affiliés obligatoirement au régime général d’assurance maladie (CMU) en cas d’option.

Les modalités de l’exercice du droit d’option en matière d’assurance-maladie entre la Suisse et la France ont été explicitées dans l’Accord franco-suisse du 7 juillet 2016 (ci-après : l’accord ; document consultable à l’adresse : www.bag.admin.ch sous la rubrique Assurance-maladie – Assurés domiciliés à l’étranger – Obligation de s’assurer – Travailleurs frontaliers en Suisse). Ce texte, entré en vigueur le 1er octobre 2016, relève que l’exemption est définitive et irrévocable, que le dépôt d’une demande d’exemption est nécessaire et effectuée au moyen d’un formulaire conjoint aux deux pays concernés (art. 3) et que les personnes assujetties en France pour les soins en cas de maladie sans avoir déposé formellement de demande d’exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse peuvent, dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur de l’accord, demander à être exemptée de l’assurance-maladie obligatoire suisse en suivant la procédure d’exemption prévue à l’art. 3 (art. 4).

A Genève, l’institution compétente pour l’exemption de l’obligation de s’assurer dans l’assurance-maladie obligatoire est le SAM (cf. liste des institutions cantonales compétentes publiée par l’office fédéral de la santé publique à l’adresse www.bag.admin.ch).

Il n’est pas non plus établi que la recourante, au moment où elle a signé l’offre d’assurance adressée à l’intimée, était assurée de manière équivalente en France. Au contraire, la CPAM a refusé son affiliation. Cette décision a semble-t-il fait l’objet d’un recours et la recourante est désormais affiliée au régime français de sécurité sociale. Cela étant, dans la mesure où la recourante a refusé de produire la décision finale rendue par les autorités françaises dans cette procédure – contrevenant ainsi à son obligation de collaborer mentionnée tant à l’art. 28 LPGA qu’à l’art. 22 LPA s’agissant de la procédure de recours – il sera statué sur la base des pièces en possession de la chambre de céans. En l’occurrence, il n’est pas démontré qu’au moment de l’envoi de l’offre d’assurance à HELSANA, la recourante était assurée auprès de la sécurité sociale française. La première des conditions cumulatives pour obtenir une exemption de l’obligation d’assurance en Suisse fait donc défaut.

Quoi qu’il en soit, dès lors que la recourante n’a pas déposé de demande formelle d’exemption auprès du SAM – ce qui est constant – elle ne saurait de toute manière se prévaloir de ce droit, dite demande étant obligatoire.

Enfin, le délai exceptionnel de douze mois supplémentaires pour déposer une demande d’exemption à l’obligation d’assurance en Suisse prévu à l’art. 4 de l’accord ne lui est également d’aucun secours, faute d’avoir sollicité son exemption selon les formes requises.

5.5 En conclusion, c’est à juste titre qu’HELSANA a donné suite à la demande d’affiliation de la recourante qui ne saurait se soustraire au principe de l’obligation d’assurance.

A cet égard, la recourante se prévaut de la violation de certaines garanties constitutionnelles et conventionnelles sans préciser ces dernières. Peu importe en réalité, dans la mesure où le Tribunal fédéral a déjà jugé que l’obligation d’assurance n’est d’aucune manière contraire aux droits fondamentaux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 28/02 et K 30/02 du 29 janvier 2003, consid. 5 et les citations). Il s’agit-là d’une obligation légale, qui cesse aux conditions fixées par le législateur et qui ne sont présentement pas remplies (dispense ou fin des rapports de travail en Suisse ; cf. not. art. 7 al. 8 OAMal). Le changement d’assureur est quant à lui possible au choix de l’assuré, mais à des conditions également fixées par la législation applicable, notamment s’agissant du moment auquel il intervient et de l’absence d’arriéré de paiement auprès de l’ancien assureur.

Le non-versement de prestations de la part de l’assureur n’est également d’aucun secours à la recourante dans ce contexte, puisque celle-ci, en tant qu’assurée, est légalement tenue de s’acquitter du paiement des primes (art. 61 LAMal).

6.              

6.1 S’agissant de la date à partir de laquelle il y a lieu de considérer que la recourante est affiliée auprès d’HELSANA, à savoir le 1er, le 11 ou le 20 octobre 2017, elle n’est pas décisive pour trancher le présent litige, lequel porte sur le droit de l’intimée de facturer à la recourante des primes dès le mois d’octobre 2017.

La prime est en effet due pour l’intégralité du mois, même lorsque le rapport d’assurance débute ou se termine au cours d’un mois civil (ch. 5.1 des conditions d’assurance d’HELSANA [CA], dans leur version en vigueur dès le 1er janvier 2014).

On mentionnera toutefois, à des fins purement explicatives, qu’en cas d’affiliation tardive, soit au-delà du délai de 3 mois après la prise d’emploi en Suisse (art. 7 al. 4 OAMal), l’assurance ne prend effet qu’à la date de l’affiliation. Or, au cas d’espèce, et contrairement à ce que prétend la recourante, l’affiliation ne peut avoir eu lieu le 11 octobre 2017, date de la signature de l’offre d’assurance, puisque celle-ci n’a pas été signée ni même réceptionnée par l’intimée à cette date. C’est en effet un courtier (soit un tiers) qui a signé la proposition transmise à l’assureur, qui ne saurait se voir imposer la conclusion d’un contrat auquel elle est partie sans en avoir eu préalablement connaissance. C’est donc à bon droit que l’intimée a retenu que l’affiliation prenait effet au 20 octobre 2017.

6.2 L’intimée était également en droit de facturer des frais de rappel à la recourante, ceux-ci étant causés par son retard et son refus de communiquer ses nouvelles coordonnées postales, engendrant ainsi des retards supplémentaires (cf. not. ATF 125 V 276, consid, 2c/cc ; ch. 5.5 des CA d’HELSANA dans leurs versions en vigueur dès le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2021). Il résulte de cette jurisprudence qu’il y a faute de l’assuré qui, en raison de son comportement, contraint l’assureur à lui adresser des rappels pour l’exhorter à payer ses cotisations.

6.3 Les montants facturés par l’intimée à la recourante, contestés dans leur principe, ne le sont pas quant à leur détermination. Les montants réclamés par l’intimée correspondent aux primes impayées et aux frais qu’elle est en droit de réclamer. Ils seront donc confirmés.

6.4 Enfin, la recourante ne saurait rien déduire du courrier du 22 juillet 2022 d’HELSANA faisant mention d’une annulation avec effet à la date d’affiliation des factures envoyées, celui-ci ne concernant manifestement pas la recourante (référence à l’annulation d’une affiliation d’office par le SAM dans le courrier et annexe concernant une autre personne).

6.4.1 L’institution compétente pour l’exemption de l’obligation de s’assurer dans l’assurance-maladie obligatoire dans le canton de Genève est le service de l’assurance maladie (SAM).

7.             Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté et les décisions sur opposition du 21 avril 2023 confirmées. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61
let. fbis LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Laurence PIQUEREZ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le