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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4110/2022

ATAS/809/2023 du 17.10.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4110/2022 ATAS/809/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 octobre 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

représentée par Swiss Claims Network SA, soit pour elle M. Daniel STRUB, mandataire

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 11 janvier 2019, Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1971, mariée et mère d’un fils né en 1999, titulaire d’une autorisation d’établissement (permis C), de profession « préparatrice de sandwichs » au taux de 100% auprès d’une chaîne de grands magasins (ci-après : l’ancien employeur), a rempli le formulaire de détection précoce de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) pour adultes, en raison de : « mal au dos / asthme chronique / tendinites aux épaules / douleur sciatique ».

b. Le 6 février 2019, elle a déposé une demande de prestations de l’AI, mesures professionnelles et/ou rente, en raison de lombalgies (à partir de 2017), asthme chronique, tendinites aux épaules (dès 2015) ainsi que sciatique, à l’origine d’une incapacité totale de travail entre le 26 septembre 2018 et le 2 janvier 2019, comme attesté, notamment le 14 décembre 2018, par son médecin traitant, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

c. Dans le cadre de l’instruction menée, l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l’OAI, l'office ou l’intimé) a recueilli divers renseignements et documents, tout en reconnaissant à l’intéressée un statut d’active à 100%.

Mandaté par l’assureur perte de gain de l’ancien employeur, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation ainsi que rhumatologie, concluait, sur la base d’un examen rhumatologique du 19 novembre 2018 et dans un rapport du 30 novembre suivant, à une capacité de travail entière à partir du 1er décembre 2018.

Le 8 mars 2019, le Dr B______ faisait état d’une incapacité totale de travail depuis le 3 janvier 2019, ce à quoi s’ajoutaient d’autres rapports de ce médecin traitant des 11 février et 21 mai 2019 de même qu’un rapport d’IRM de la colonne lombaire établi le 14 novembre 2018 par le docteur F______, radiologue FMH.

d. Dans un avis du 6 juin 2019, le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) a retenu une capacité de travail nulle de l’assurée dans son activité habituelle mais entière dès le 3 janvier 2019 dans une activité adaptée, respectant les limitations fonctionnelles consistant à éviter ce qui suit : le port de charges de plus de 10 kg, le travail répétitif des poignets et des épaules, les bras surélevés, les ambiances froides et poussiéreuses ainsi que les positions en porte-à-faux du rachis.

e. En parallèle, dans le cadre de « mesures d’intervention précoce sous la forme d’un entraînement à l’endurance » et/ou mesures professionnelles octroyées par l’AI, l’assurée a bénéficié d’un accompagnement en cinq rendez-vous du 22 mai au 31 juillet 2019 auprès de Petite Entreprise pour la performance et la solidarité (PEPS ; avec un rapport du 3 septembre 2019), ainsi que de huit rencontres d’accompagnement entre juin et août 2019 avec Madame D______(qui a établi un rapport le 7 août 2019), ce à quoi s’est ajouté un stage d’évaluation aux Etablissements publics pour l’intégration (EPI ; qui ont rédigé un bilan le 2 septembre 2019) sur mandat de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE).

f. Par projet de décision du 20 août 2019 puis, à la suite d’une opposition du 9 septembre 2019 d’une assistante sociale de la commune (avec production d’un rapport du Dr B______ du 26 août 2019) suivie d’un avis du 17 septembre 2019 du SMR, par décision du 11 octobre 2019, l’OAI a, en l’absence d’une quelconque perte de gain, refusé le droit de l’intéressée à une rente d’invalidité.

g. Un recours a été interjeté le 7 novembre 2019 par l’assurée en personne, suivi d’une réponse de l’office du 5 décembre 2019 puis d’un retrait du recours par l’intermédiaire d’une association de défense des droits des personnes handicapées le 19 février 2020, ce qui a donné lieu à un arrêt rendu le 2 mars 2020 par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) prenant acte du retrait du recours et rayant la cause du rôle (ATAS/174/2020, dans la cause A/4122/2019).

B. a. Par courrier du 4 septembre 2020, reçu le 8 septembre par l’OAI, le Dr B______ a sollicité une réévaluation du dossier AI de l’intéressée, en faisant état d’une péjoration de l’état de santé, vu la mise en évidence d’une atteinte rhumatismale inflammatoire, avec diagnostic de polyarthrite dans le contexte d’une maladie de Sjögren, et compte tenu de l’aggravation de l’état dépressif, qui nécessitait un traitement médicamenteux.

b. L’office a ensuite reçu des rapports de la doctoresse E______, spécialiste FMH en rhumatologie et rhumatologue traitante de l’assurée depuis février 2020, des 25 mars, 7 septembre, 21 octobre et 28 décembre 2020, ainsi que des réponses à des questions réceptionnées le 2 juin 2021, réponses à teneur desquelles il n’y avait aucune capacité de travail « dans une activité comme celles occupées dans le passé » et, compte tenu de la fatigue importante, en particulier dans le contexte du syndrome de Sjögren, et des difficultés de concentration, « une activité sans sollicitations répétées du rachis sous désarticulation serait éventuellement envisageable mais un temps très partiel, ne correspondant pas à [son] avis à une activité réelle ».

L’OAI a, en parallèle, réceptionné plusieurs rapports de radiologues établis en 2020, des résultats d’analyses médicales à la suite d’un prélèvement du 27 mai 2020, ainsi qu’un rapport du docteur G______, radiologue FMH, du 28 mai 2020 faisant suite à une radiographie le même jour des deux épaules, genoux et pieds.

L’office a enfin recueilli un « rapport retour emploi » établi le 2 juin 2020 par l’OCE constatant que l’assurée (qui a eu droit aux indemnités de chômage dès le 1er avril 2019 et en a reçues jusqu’en février 2021) n’était plus en mesure de réintégrer le marché du travail, de même que le dossier de l’OCE, dont le médecin-conseil, le docteur H______, médecin généraliste FMH, avait retenu le 2 décembre 2019, à la suite d’une visite médicale du même jour, une incapacité de travail définitive dans l’ancienne activité depuis « courant 2018 (« par épisodes ») » mais l’exigibilité d’une autre activité respectant les limitations fonctionnelles qu’il indiquait.

c. Par avis du 16 février 2021, le SMR a considéré qu’une modification de l’état de santé était rendue plausible.

d. Le 15 mars 2021, l’OAI a recueilli un extrait du compte individuel AVS (CI).

e. Par communication du 18 mars 2021, l’office a considéré que des mesures d’intervention précoce ainsi que d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle n’étaient actuellement pas indiquées.

f. Dans un questionnaire AI rempli le 1er avril 2021, le Dr B______ a fait état d’une capacité de travail exigible de 50% dans l’activité habituelle, les diagnostics étant, avec une incidence sur la capacité de travail, le syndrome de Sjögren, avec polyarthrites secondaires, et, sans une telle incidence, un état dépressif modéré.

g. Le 15 juillet 2021, le docteur I______, psychiatre et psychothérapeute FMH qui avait rencontré l’intéressée en mai 2020, a indiqué ne pas pouvoir répondre au questionnaire AI étant donné qu’il n’y avait pas de suivi psychothérapeutique chez lui.

h. Le 14 octobre 2021, l’assurée a – formellement – rempli le formulaire de demande de prestations de l’AI, mesures professionnelles et/ou rente, en raison de « douleurs dans les articulations / syndrome de Sjögren / asthme chronique / accident de cheville cassé pied gauche dans les deux côtés de l’os », à l’origine d’une incapacité totale de travail à partir du 19 juin 2021.

i. Le SMR ayant demandé le 13 octobre 2021 la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire via la plateforme MED@P avec volets rhumatologique, psychiatrique et de médecine interne, un rapport d’expertise a été signé le 7 mars 2022 par des médecins du centre d’évaluation et de consultations de la Clinique romande de réadaptation à Sion (CRR), à savoir les docteurs J______, spécialiste en rhumatologie (à la suite d’une anamnèse et un examen clinique le 8 février 2022 pendant 55 minutes), K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (à la suite d’un entretien le 9 février 2022 pendant 1h06) et L______, cheffe de service et spécialiste FMH en médecine interne générale (à la suite d’une anamnèse et un examen clinique le 8 février 2022 pendant 2h15).

Dans l’« évaluation consensuelle » de leur rapport d’expertise – « expertise médicale », qui s’ajoute aux « expertise rhumatologique » et « expertise psychiatrique » –, ces experts ont indiqué les diagnostics retenus au plan somatique, aucun diagnostic psychiatrique n’étant en revanche retenu. La capacité de travail de l’expertisée était, à compter du 4 septembre 2020, de 80% dans l’activité de préparatrice en alimentation auprès de l’ancien employeur « une fois le diagnostic de maladie de Sjögren posé pouvant expliquer une fatigue générale », et, à partir du 19 juin 2021 et de manière définitive, nulle « dans l’activité exercée antérieurement » ; dans une activité plutôt sédentaire respectant les limitations fonctionnelles, à savoir l’évitement d’un « travail en conditions de froid » (en raison des exacerbations de l’asthme allergique), de longs déplacements, de la marche sur un terrain irrégulier ou en dévers ainsi que de la montée ou descente d’escaliers ou d’échelles, la capacité de travail était, « sur le plan rhumatologique », de 80%, « sauf durant la période du 19 juin au 18 décembre 2021 dans les suites de la fracture de cheville ».

j. Dans un rapport du 4 avril 2022, le SMR a retenu une aggravation de l’état de santé de l’assurée dès le 4 septembre 2020, a repris les atteintes à la santé diagnostiquées par les experts et a conclu, en suivant ceux-ci, à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle de préparatrice de cuisine froide auprès de l’ancien employeur à partir du 4 septembre 2020, de 80% dans une activité adaptée dès cette même date puis de 0% à compter du 19 juin 2021 et de 80% depuis le 19 décembre 2021. Les limitations fonctionnelles étaient : « baisse de l’endurance au travail, fatigue, éviter le travail en conditions de froid ou à la poussière, éviter la marche prolongée, terrain irrégulier, la montée ou descente d’escaliers ou d’échelles, éviter le port de charges lourdes de plus de 10 kg répétitives, les positions de travail avec les bras au-delà de l’horizontal de façon prolongée. Privilégier une activité de type sédentaire ».

k. Par projet de décision du 5 septembre 2022, se fondant notamment sur ce rapport du SMR et un calcul des revenus sans et avec invalidité selon le document « détermination du degré d’invalidité – part active » - donc avec un statut d’assurée active à 100% - établi le 12 août 2022 par sa division réadaptation professionnelle, l’OAI a envisagé de retenir une perte de gain de 9%, taux qui était inférieur à 40% et n’ouvrait ainsi pas le droit à une rente AI, d’autres mesures professionnelles n’étant par ailleurs pas nécessaires dans la situation de l’intéressée.

l. À la suite d’un courriel d’opposition de l’assurée du 26 septembre 2022, d’un courrier du même jour de la Dresse E______ retenant une capacité de travail de 50% au maximum dans une activité adaptée ainsi que d’un avis du SMR du 3 octobre 2022, l’office a, par décision du 3 novembre 2022, maintenu ses conclusions contenues dans son projet de décision précité.

C. a. Par acte du 1er décembre 2022 sous la signature d’une société mandataire, l’assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales, interjeté recours contre cette décision, concluant à son annulation et, cela fait, principalement, à la constatation d’une invalidité de 43% et à l’octroi d’une rente d’invalidité, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction et nouvelle décision (sous « II. Conclusions », p. 2-3). À la fin de ce recours (sous « V. Synthèse », p. 10), il était conclu à l’octroi d’un quart de rente jusqu’au 31 décembre 2021 et à une rente de 32,5% à compter du 1er janvier 2022.

Etaient invoqués un article « Syndrome de Sjögren : quand le suspecter et comment le confirmer ? » de la Revue médicale suisse (REVMED) – du 6 avril 2016 –, de même qu’un rapport de la Dresse E______ du 25 novembre 2022.

b. Par réponse du 25 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Selon un avis du 12 décembre 2022 du SMR, ces nouveaux documents présentés par la recourante n’amenaient pas de nouveaux éléments médicaux objectifs, sa précédente appréciation du cas étant ainsi maintenue.

c. La recourante ne s’est pas manifestée à la suite de la lettre du 26 janvier 2023 de la chambre de céans lui accordant un délai au 25 février 2023 pour consulter les pièces du dossier de l’OAI et formuler d’éventuelles observations et joindre toutes pièces utiles.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours et compte tenu des féries judiciaires - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 4 et 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             L'objet du litige porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente d’invalidité, seule prestations de l’AI à laquelle elle conclut dans son recours.

De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

5.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l'occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit serait né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.              

6.1 Lorsque la rente d'invalidité a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité s'est modifiée de manière à influencer ses droits (cf. art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI ; RS 831.201]), ce qui a été admis en l’occurrence.

6.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant "dans son domaine d'activité" plutôt que "qui entre en considération"). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

6.3 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.4 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b); au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Selon l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assurée a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l'assuré.

6.5 Il s'ensuit d’emblée que, dans le cas présent, le droit éventuel à une rente d'invalidité de l'intéressée a le cas échéant été ouvert à partir du 1er septembre 2021, soit une année après le début de son incapacité de travail alléguée (4 septembre 2020, selon le courrier du 4 septembre 2020, reçu le 8 septembre par l’OAI, du Dr B______) et six mois après le dépôt de sa demande de prestations AI (8 septembre 2020).

De surcroît, l’incapacité totale de travail même dans une activité adaptée du 19 juin au 18 décembre 2021 (en raison d’une fracture de la cheville) reconnue par les experts puis par le SMR, ayant duré moins d’une année, est à elle seule insuffisante pour l’éventuelle reconnaissance d’un droit à une rente (cf. art. 28 al.  1 let. b LAI a contrario).

6.6 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

6.6.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

6.6.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 En l’espèce, le rapport d'expertise du 7 mars 2022 des Drs J______, K______ et L______ répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, cette expertise pluridisciplinaire a été conduite par des médecins spécialisés dans chaque domaine concerné, en vue d'établir une synthèse des différentes pathologies de l'expertisée, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Les experts ont personnellement examiné la recourante préalablement à l'établissement de leur rapport d'expertise, et ils ont consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé leurs propres constatations. Ils ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées. Enfin, leurs conclusions sont claires et bien motivées.

7.2 Le seul grief – de fond – de la recourante contre le rapport d’expertise, et donc aussi contre l’avis du SMR et la décision querellée, consiste en ce que l’intéressée se prévaut des rapports de sa rhumatologue traitante, la Dresse E______, qui font état d’une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée en raison du syndrome de Sjögren, à l’encontre du taux d’incapacité de travail de 20% due à la fatigue retenu par les experts, sous l’angle rhumatologique.

7.3 Il convient à cet égard de préciser qu’une activité adaptée doit tenir compte des limitations fonctionnelles telles qu’admises de manière synthétique et complète par le SMR et même par la Dresse E______ (dans son rapport du 25 novembre 2022) – sans contestation sur ce point de la part de l’intéressée –, à savoir « éviter le travail en conditions de froid ou à la poussière, éviter la marche prolongée, terrain irrégulier, la montée ou descente d’escaliers ou d’échelles, éviter le port de charges lourdes de plus de 10 kg répétitives, les positions de travail avec les bras au-delà de l’horizontal de façon prolongée », privilégier une activité de type sédentaire ».

Il est précisé que la baisse de l’endurance au travail et la fatigue sont déjà la cause de la réduction du taux de capacité de travail de 20% selon les experts et ne sauraient encore être ajoutées parmi les limitations fonctionnelles.

7.4 Dans l’« évaluation consensuelle » de leur rapport d’expertise – « expertise médicale », qui s’ajoute aux « expertise rhumatologique » et « expertise psychiatrique » –, ces experts ont mentionné, comme diagnostics, « du point de vue internistique », une obésité de grade 1 et un asthme allergique (J45.0) depuis la petite enfance sous traitement au fond, d’un point de vue rhumatologique, un possible syndrome de Sjögren sur la base des données anamnestiques et biologiques (M35.0), des lombalgies chroniques sur hyperlordose avec dysbalance musculaire, un syndrome de Baastrup et arthrose interapophysaire postérieure L4-L5 droite (M54.5), un status après fracture trimalléolaire de cheville gauche en juin 2021 traitée par ostéosynthèse (S82.8), mais aucun diagnostic psychiatrique (« expertise médicale », p. 13). À teneur de l’« expertise rhumatologique » (p. 11), le syndrome de Sjögren diagnostiqué par la rhumatologue traitante est « tout à fait possible au vu des données anamnestiques de syndrome sec, des polyarthrites et les résultats biologiques, même si la patiente ne répond pas complètement aux critères diagnostiques ACR 2016 » (cf. aussi « expertise médicale », p. 12).

S’agissant de l’« appréciation des capacités, des ressources et des difficultés » (p. 14), d’après les experts en évaluation consensuelle, c’est essentiellement en raison de la survenue de la fracture tri-malléolaire de la cheville gauche que l’intéressée est inapte « probablement durablement » à reprendre son activité antérieure telle qu’exercée auprès de l’ancien employeur et ceci depuis le 19 juin 2021 (« expertise médicale », p. 14). L’expert rhumatologue écrit : « Actuellement l’assurée se déclare très fatiguée « cassée », incapable de reprendre la moindre activité professionnelle même moins physique. Les ressources ne sont cependant pas épuisées car elle s’exprime parfaitement en français, est entourée par son mari et son fils qui réalisent quasiment l’intégralité des tâches ménagères à domicile » (« expertise rhumatologique », p. 12). De l’avis des experts en évaluation consensuelle, « concernant une activité adaptée, c’est essentiellement la fatigue qui est susceptible de réduire l’endurance au travail. Par ailleurs, l’assurée est dotée d’autres ressources permettant de contrecarrer probablement une partie des ressources épuisées – elle est bien intégrée sur le premier marché du travail en Suisse, n’a pas de barrière linguistique, a toujours fait preuve d’un investissement et a donné pleine satisfaction auprès de ses employeurs, l’environnement familial est très soutenant. Ainsi, la fatigue fréquente au cours de la maladie de Sjögren, entraîne au plus 20% d’incapacité de travail quelle que soit l’activité sous forme de baisse de rendement » (« expertise médicale », p. 14).

Selon les experts en évaluation consensuelle, la capacité de travail de l’expertisée est, à compter du 4 septembre 2020, de 80% dans l’activité de préparatrice en alimentation auprès de l’ancien employeur « une fois le diagnostic de maladie de Sjögren posé pouvant expliquer une fatigue générale », et, à partir du 19 juin 2021 et de manière définitive, nulle « dans l’activité exercée antérieurement » ; dans une activité plutôt sédentaire respectant les limitations fonctionnelles, à savoir l’évitement d’un « travail en conditions de froid » (en raison des exacerbations de l’asthme allergique), de longs déplacements, de la marche sur un terrain irrégulier ou en dévers ainsi que de la montée ou descente d’escaliers ou d’échelles, la capacité de travail est, « sur le plan rhumatologique », de 80%, « sauf durant la période du 19 juin au 18 décembre 2021 dans les suites de la fracture de cheville ». Il n’y a pas de mesures médicales ou thérapeutiques particulières pouvant avoir un impact positif sur la capacité de travail (« expertise médicale », p. 15).

7.5 Selon le rapport du 25 novembre 2022 de la Dresse E______, la recourante souffre principalement d’une fatigue et fatigabilité ainsi que de polyarthralgies dans le contexte d’un syndrome de Sjögren diagnostiqué en 2020. Elle présente dans ce contexte une atteinte polyarticulaire, une fatigue et un syndrome sec sévère avec mise en place de prothèses dentaires entre l’âge de 20 et 30 ans. Une ostéoporose a également été diagnostiquée chez elle, favorisée par cette maladie inflammatoire. La patiente souffre probablement de cette pathologie depuis longtemps. Malgré la prise en charge en physiothérapie, antalgie, essai de modulation de la douleur par un antidépresseur et immunomodulation par « methotrexate », il n’y a pas eu d’évolution depuis le début du suivi par la rhumatologue traitante.

Toujours à teneur de ce rapport du 25 novembre 2022 de la Dresse E______, les limitations rapportées par l’assurée et également reconnues par le rapport d’expertise concernent les mouvements répétés notamment au niveau des membres supérieurs, le port de charges au-delà de 10 kg ; la patiente est très limitée pour les activités ménagères quotidiennes (la vaisselle par exemple), elle est dépendante de son entourage pour ces activités ; elle bénéficie d’aide de son fils pour les courses ; elle effectue régulièrement de la marche, comme moyen pour rester en forme.

Par rapport à l’expertise AI qui atteste une incapacité de travail de 20% dans une activité adaptée en raison de la fatigue attribuée au syndrome de Sjögren, la Dresse E______ indique que « la patiente ressent non seulement une fatigue mais comme mentionné également dans cette expertise une sensation que son corps est « cassé » ce qui traduit bien une problématique de douleurs, qu’on peut décrire comme diffuse ou articulaire ou musculaire ». Certes, il n’y a pas de limitation importante à l’examen clinique (excepté occasionnellement lors des épisodes plus aigus d’omalgie ou de lombalgies), ni non plus une atteinte érosive comme celle rencontrée dans la polyarthrite rhumatoïde ; cependant, les douleurs de la recourante sont la traduction d’une activité de la maladie et sont « un facteur limitant clair aussi bien que la fatigue, de la capacité de travail, qui est [de l’avis de la Dresse E______] limitée non pas à 20% dans une activité adaptée comme décidé arbitrairement dans l’expertise, mais à 50% au minimum ». Selon la rhumatologue traitante, une activité à 50% dans un travail adapté permettant à l’intéressée de changer régulièrement de position, limitant les activités répétées notamment avec les membres supérieurs, serait certes associée à des douleurs et une fatigue, mais lui permettrait de pouvoir « récupérer » et par conséquent de s’investir de manière durable et adéquate dans son travail.

7.6 Dans son recours, l’assurée reproche aux experts, en particulier rhumatologue, de retenir uniquement la fatigue générale comme étant établie en lien avec le syndrome de Sjögren et de fixer sur cette base le taux d’incapacité de travail à 20% « de manière relativement arbitraire », et, « faute de substrat organique identifié » (« cliniquement objectivable »), de ne pas tenir compte de toutes les manifestations diffuses de cette maladie, « notamment les douleurs disséminées, limitations au niveau des membres supérieurs ». Selon la recourante, les experts n’apportent aucune explication clinique justifiant que l’on retienne finalement seulement une incapacité de travail de 20%, à l’inverse de l’appréciation précise et motivée de la rhumatologue traitante en faveur d’une incapacité de travail de 50%.

7.7 Cela étant, contrairement à ce que soutiennent la Dresse E______ et la recourante, les experts ont tenu compte des douleurs et des « limitations au membres supérieurs » dont celle-ci s’est plainte auprès d’eux.

En particulier, les experts rapportent les plaintes de l’intéressée aux épaules, donc « au niveau des membres supérieurs » (« expertise médicale », p. 7, de même que 12), l’expert rhumatologue écrivant quant à lui ses constatations à l’examen clinique concernant notamment le « status ostéo-articulaire », avec y compris des constations précises pour le rachis et les membres supérieurs (« expertise rhumatologique », p. 8 à 10). Les experts notent notamment que l’expertisée évalue l’intensité de sa douleur aux épaule à « 39 sur 100 à l’EVA » et au rachis dorsal ou lombaire à « 52 sur 100 à l’EVA » (« expertise médicale », p. 7, de même que 12).

En outre, « aux yeux des experts, l’assurée s’est montrée collaborante tout au long de la présente évaluation pluridisciplinaire, Elle n’a pas donné l’impression de majorer ses plaintes. Force est toutefois de relever que les constatations objectives ne corrèlent pas fidèlement avec les allégations douloureuses » (« expertise médicale », p. 13). Les experts énumèrent ensuite plusieurs exemples d’éléments factuels divergeant d’après eux des douleurs dont se plaint l’intéressée (peu de signes objectifs pour un conflit sous-acromial au niveau de l’épaule à l’exception du signe de Hawkins positif, caractère indolore de l’étude de contraction isométrique des différents tendons de la coiffe des rotateurs, absence d’images, par exemple en radiologie, mettant en évidence une anomalie cliniquement pertinente, absence de traitement spécifique, etc.). Cette motivation apparaît circonstanciée, ce d’autant plus que les experts expliquent plus bas de manière motivée pour quels motifs ils ne retiennent ni un trouble douloureux somatoforme persistant ni un trouble somatoforme indifférencié (cf. « expertise médicale », p. 13 ; aussi « expertise psychiatrique »).

Par ailleurs, selon les experts, « on peine à comprendre à l’instar des lésions structurelles, les empêchements que [l’expertisée] déclare dans l’activité ménagère indépendamment de la fracture de la cheville gauche en juin 2021 » (« expertise médicale », p. 13). Cela étant, il ressort de la description du « déroulement détaillé et représentation d’une journée type » (« expertise médicale », p. 9) – qui n’est pas contestée – que la recourante se lève à 9h00, fait des promenades, prépare les repas pour toute la famille à midi et le soir, fait la vaisselle à midi mais est aidée pour cette activité-ci le soir par son mari et leur fils, et « fait seule la poussière et les tâches ménagères légères » mais est aidée par les deux autres membres de la famille pour l’aspirateur, la serpillère et « faire et défaire les lits », de même que pour les courses. Partant, l’assurée dispose encore de ressources, même non entières, dans le cadre de ses tâches ménagères.

Enfin, par surabondance, ni la Dresse E______ ni la recourante ne motivent suffisamment pour quels motifs précis celle-ci serait entravée dans ses travaux spécifiquement par le ressenti des douleurs et au niveau des membres supérieurs, en plus du 20% d’incapacité de travail retenu par les experts et le SMR. À cet égard, si dans son courrier à l’office du 26 septembre 2022, cette spécialiste relève que « la patiente présente également des troubles dégénératifs du rachis et des atteintes tendineuses des épaules ayant déjà nécessité plusieurs infiltrations dans le passé », elle n’en tire aucune conclusion en matière de capacité de travail. Au demeurant, le SMR tient compte de limitations fonctionnelles liées aux membres supérieurs (« éviter le port de charges lourdes de plus de 10 kg répétitives, les positions de travail avec les bras au-delà de l’horizontal de façon prolongée »).

En définitive, la rhumatologue traitante, suivie par l’assurée, se contente pour l’essentiel de substituer sa propre appréciation en matière de capacité de travail (50% d’incapacité de travail au lieu de 20%) à celle des experts, sans faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par ceux-ci et qui seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause leurs conclusions.

7.8 Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise, à savoir une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée, respectant les limitations fonctionnelles reconnues par le SMR.

8.              

8.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.2 En l'occurrence, dans le cadre du calcul de « détermination du degré d'invalidité – part active » réalisé le 12 août 2022 et repris dans la décision querellée, l'office a retenu les revenus suivants en 2018, indexés jusqu’en 2020 (année de la naissance de l’éventuel droit à une rente) : un revenu annuel brut sans invalidité « pour un plein temps » de CHF 49’097.- (sur la base du questionnaire rempli le 20 février 2019 par l’ancien employeur, pour l’année 2018) et un revenu avec invalidité de CHF 55’722.- (sur la base de l’Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018, tableau « TA1_tirage_skill_level », niveau de compétence 1 [« tâches physiques ou manuelles simples »] pour une femme) pour un taux d’occupation de 100%, réduit de 20% pour atteindre CHF 44'578.-, soit une perte de gain arrondie à 9%. La recourante admet ces revenus, si ce n’est que le revenu avec invalidité est selon elle réduit de moitié pour atteindre CHF 27'861.- (50% de CHF 55’722.-).

8.3 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3. et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l'appréciation de l'abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence, le résultat exact du calcul du degré d’invalidité doit être arrondi au chiffre en pour cent supérieur ou inférieur selon les règles applicables en mathématiques. En cas de résultat jusqu'à x,49%, il faut arrondir à x % et pour des valeurs à partir de x,50%, il faut arrondir à x+1% (ATF 130 V 121 consid. 3.2).

8.4 En l'espèce, au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral, et compte tenu de l’âge non avancé de l’intéressée et de ses limitations fonctionnelles, on voit mal qu’un abattement pourrait le cas échéant aller au-delà de 10%.

Quoi qu’il en soit, le taux d'abattement global ne pouvant pas dépasser 25% (maximum), le degré d'invalidité minimal - de 40% - pour l'octroi d'une rente AI ne peut en l'occurrence en aucun cas être atteint. En effet, le 75% du revenu avec invalidité de CHF 44'578.- (cf., pour la façon de calculer, arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2017 du 12 mars 2018 consid. 5) donne CHF 33'434.- qui correspond à 68% du revenu sans invalidité ([CHF 33'434.- x 100] / CHF 49'097.- = 68%), d’où un taux d’invalidité de 32%. Ceci exclut en tout état de cause le droit de l'intéressée à une rente.

9.             Vu ce qui précède, la décision querellée est conforme au droit, et le recours sera dès lors rejeté.

10.         La procédure n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- (montant minimal) sera perçu de la recourante.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le