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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3617/2022

ATAS/791/2023 du 17.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3617/2022 ATAS/791/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 octobre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______

représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), né le ______ 1958, et B______, née le ______ 1935, se sont mariés en décembre 1997. L’épouse a sollicité des prestations complémentaires AVS/AI le 6 juin 2012. Par décision du 24 octobre 2012, confirmée sur opposition le 5 mars 2013, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) a nié le droit de l'assurée aux prestations complémentaires. Procédant d'office à un nouvel examen de la situation financière de l'assurée avec effet au 1er décembre 2012 et au 1er janvier 2013, le SPC a maintenu qu'elle n'avait pas droit à des prestations complémentaires AVS/AI (décisions du 27 novembre et du 18 décembre 2012).

b. Les époux ont demandé au SPC un nouvel examen de leur situation financière le 26 juin 2013. Par décision du 16 août 2013, le SPC a rejeté la demande de « réexamen », au motif que l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (OAI) avait considéré dans une décision (du 16 mai 2013) que l’époux n'avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé ; un revenu potentiel de sa part devait être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires. Au vu de l'opposition formée par l’époux, le SPC a confirmé sa position (décision sur opposition du 15 octobre 2013).

c. Le 15 novembre 2013, l’époux a déféré la décision sur opposition du 15 octobre 2013 à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans ou la Cour de justice), qui a notamment ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique du prénommé (rapport du 19 octobre 2015). Par jugement du 16 mars 2016, la Cour de justice a rejeté le recours. Le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt cantonal et renvoyé le dossier pour instruction complémentaire, dans la mesure où il a appris le décès de l’épouse survenu le 22 décembre 2015, en cours d’instance. Par arrêt du 25 juin 2016, la chambre de céans a annulé la décision de refus de prestations et renvoyé le dossier au SPC.

d. Par décision du 15 mars 2017, confirmée sur opposition, le 8 janvier 2019, le SPC a nié le droit aux prestations complémentaires à l’intéressé, son épouse étant décédée le 25 décembre 2015, son droit s’était éteint le 31 décembre 2015. Il ne pouvait pas faire valoir un droit propre à des prestations, dans la mesure où il n’était pas titulaire d’une rente AVS/AI.

B. a. Le 30 novembre 2021, l’intéressé a déposé une nouvelle demande de prestations complémentaires en indiquant être veuf depuis le 25 décembre 2015. Il a ajouté vivre, depuis un an et demi, avec C______, née en 1969, sa conjointe, en précisant que leur mariage (célébré en 2001 au Kosovo) n’avait pas été reconnu en Suisse.

b. Par décision du 29 mars 2022 confirmée sur opposition le 30 septembre 2022, le SPC a fait droit à la demande de l’intéressé en tenant compte de sa cohabitation avec sa deuxième épouse. Le loyer maximum était de CHF 19'440.- et la part reconnue dans les dépenses de l’intéressé de CHF 9'720.-. Le SPC ne pouvait pas tenir compte du mariage non reconnu en Suisse.

C. a. Par acte du 2 novembre 2022, l’intéressé a fait recours devant la chambre de céans contre cette décision, car il estimait que l’intégralité du loyer devait être pris en compte dans ses dépenses compte tenu de son obligation d’entretien du droit de la famille (art. 163 CC) envers son épouse qui ne travaillait pas. Il a exposé s’être marié le 8 août 2001 avec son actuelle épouse. Ce mariage n’avait pas été reconnu en Suisse, car contraire à l’ordre public suisse. Vu que sa précédente épouse était décédée en décembre 2015, son mariage serait reconnu s’il était célébré aujourd’hui. Dans les pièces produites, figuraient un acte de mariage du Kosovo et des courriels échangés avec l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) selon lesquels l’intéressé indiquait vivre avec C______ depuis 2017.

b. Par acte du 28 novembre 2022, le SPC a conclu au rejet du recours. Le mariage ne pouvant pas être reconnu en Suisse, il n’existait pas d’obligation d’entretien au sens du droit suisse de la famille. Par ailleurs, il n’était pas démontré que C______ était inapte à travailler.

c. Le 20 décembre 2022, l’intéressé a répliqué que son épouse ne pouvait pas travailler, car elle n’avait pas de formation et était une proche aidante compte tenu du fait qu’il était invalide et avait besoin de soins de son épouse.

d. À l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

2.              

2.1 Le litige porte sur la question de savoir si l’intimé était fondé à ne retenir qu’une moitié du loyer dans les charges du recourant qui prétend à ce que l’intégralité de celui-ci soit pris en compte.

2.2 Sur le plan fédéral, dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249 ; RO 2020 585). Dans la mesure où la décision du SPC date du 29 mars 2022 et qu’elle porte sur des prestations dès le 1er novembre 2021, il convient d’appliquer le nouveau droit.

2.3 L'art. 10 LPC définit les dépenses reconnues et fixe notamment les montants destinés à la couverture des besoins vitaux et le montant maximal reconnu pour le loyer d'un appartement.

Selon l'art. 10 al. 1ter LPC, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2021, pour les personnes vivant en communauté d’habitation, lorsqu’il n’y a pas de calcul commun en vertu de l’art. 9 al. 2 LPC, le montant pris en considération est le montant annuel maximal reconnu au titre du loyer pour une personne vivant dans un ménage de deux personnes.

L’art. 16c OPC-AVS/AI pose la règle du partage du loyer à parts égales pour les personnes vivant en communauté d’habitation dans les dépenses reconnues.

Depuis le 1er janvier 2021, le montant maximal annuel du loyer pouvant être pris en compte à titre de dépenses reconnues est fixé en référence au point de savoir si le requérant vit seul ou dans un ménage composé de plusieurs personnes, indépendamment de son état civil (art. 10 al. 1 lit. b LPC).

Aux termes de l'art. 9 al. 2 LPC, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints et des personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI sont additionnés.

Selon les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, état au 1er janvier 2022 (ci-après : DPC), une communauté d’habitation correspond à la situation dans laquelle une personne seule – c’est-à-dire une personne vivant seule, un conjoint vivant séparément ou une personne dont le conjoint vit dans un home ou un hôpital – vit avec une ou plusieurs personnes qui ne sont pas comprises dans le calcul de la PC (ch. 3232.06).

2.4 Sur le plan cantonal, les dépenses reconnues sont celles énumérées par la LPC et ses dispositions d'exécution (art. 6 LPCC).

2.5 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

2.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

3.              

3.1 En l’espèce, le recourant soutient qu’il vit en concubinage depuis 2017 avec son épouse C______, dont le mariage contracté au Kosovo en 2001 n’a pas été reconnu en Suisse.

3.2 Vu la cohabitation, il est conforme à la loi en vigueur de ne tenir compte que de la moitié du loyer du logement du recourant, indépendamment de son état civil (art. 16c OPC-AVS/AI et art. 10 al. 1 lit. b LPC).

4.              

4.1 Le recourant soutient qu’il a une obligation d’entretien envers son épouse au sens de l’art. 163 CC. Cette dernière serait entièrement à sa charge puisqu’empêchée de travailler compte tenu de son âge, de son absence de formation et du fait qu’elle doit consacrer son temps à lui fournir des soins.

4.2 S’agissant tout d’abord du fait que l’épouse du recourant serait entièrement à charge de ce dernier, il sied de constater que bien que marié avec C______ depuis 2001, le recourant n’a jamais fait état de cette union dans les précédentes procédures. Il n’a pas davantage soutenu qu’il aurait assumé une obligation d’entretien envers cette épouse. Il ne s’est prévalu d’une obligation de soutien envers elle (par la prise en charge de son loyer) et d’une obligation de soins que cette dernière assumerait envers lui que 20 ans après leur mariage célébré en 2001 (soit en 2021), pour prétendre à des prestations complémentaires supérieures à celles qu’il reçoit.

4.3 Si l’on peut en déduire que le recourant n’a fait venir sa deuxième épouse en Suisse et l’héberge que depuis le décès de la première épouse, selon les écrits du recourant, en 2017, force est d’admettre que la deuxième épouse était jusqu’alors capable d’assumer elle-même son entretien. Le recourant ne va en effet pas jusqu’à prétendre qu’il aurait entretenu sa deuxième épouse au moyen des prestations sociales qu’il a perçues pendant des années pour subvenir aux besoins de sa première épouse et aux siens, et cela alors que le SPC ignorait l’existence de cette seconde épouse. L’on ne saurait dès lors admettre aujourd’hui que la compagne actuelle du recourante ne serait soudainement plus en mesure d’assumer ses propres charges et que le recourant serait tenu sur la base de l’art. 163 CC de les assumer pour elle. L’on précisera que le fait que la compagne ait 53 ans ou qu’elle n’ait pas de formation ne justifie pas qu’elle ne travaille pas, alors qu’elle assumait auparavant son propre entretien. Il n’est enfin pas allégué qu’elle serait invalide. Au contraire, le recourant affirme qu’elle s’occupe de lui et non pas l’inverse. Il est donc exigible que la compagne du recourant mette en valeur sa capacité de gain et participe grâce à son salaire aux dépenses du ménage.

Il sera relevé à ce stade que, contrairement à ce qu’il paraît croire, le recourant n’est pas désavantagé par le fait que son union n’est pas reconnue par l’intimé. En effet, ce sont au contraire les époux dont le lien conjugal est reconnu qui sont désavantagés par rapport à des concubins, dès lors que le revenu (le cas échéant hypothétique) de l’activité lucrative du conjoint non bénéficiaire de prestations complémentaires est pris en compte dans les revenus déterminants, à hauteur de 80% (cf. art. 11 al. 1 lit. a et 11a al. 1 LPC).

Dès lors, si l’on tenait l’union du recourant pour un mariage valable, on devrait dans cette hypothèse aussi prendre en compte, dans les revenus déterminants, un revenu, éventuellement hypothétique, pour sa compagne, à concurrence de 80%.

4.4 Quant au fait que l’épouse du recourant ne serait pas en mesure de travailler, car elle devrait lui apporter des soins permanents, la chambre de céans relève que les nombreuses demandes de rentes d’invalidité déposées par le recourant ont été rejetées, le recourant n’étant pas invalide au vu des éléments médicaux au dossier (ATAS/208/2021 du 11 mars 2021).

L’invalidité du recourant a été niée malgré de nombreuses expertises et recours de ce dernier. Par voie de conséquence, il ne peut pas être suivi lorsqu’il indique que son épouse ne peut pas travailler, car elle doit lui fournir des soins.

Elle ne peut pas davantage être considérée comme une personne à charge du recourant qui devrait dès lors assumer seul le paiement du loyer de l’appartement partagé par le couple.

Eu égard à ce qui précède, le recours infondé sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

***

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le