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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/190/2023

ATAS/744/2023 du 05.10.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/190/2023 ATAS/744/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 octobre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Sacha CAMPORINI, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1967, a subi une intervention chirurgicale, en date du 22 octobre 2021, suite à une lésion du ligament triangulaire du carpe (ci-après : TFCC). L’intervention chirurgicale s’est déroulée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et a consisté en une arthroscopie diagnostic, puis à une réinsertion du TFCC par des points trans-osseux et enfin la pose d’une plaque palmaire AMO. La docteure B______, médecin interne au sein de l’unité de chirurgie de la main, a effectué l’opération.

b. En mai 2022, l’assuré, inscrit auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage et à ce titre assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) a déclaré un sinistre LAA pour les chômeurs, exposant qu’en date du 22 mai 2022, alors qu’il se trouvait chez lui, il avait ressenti une grosse douleur « au poignet droit suite à l’essorage d’un torchon par torsion manuelle ».

c. Les premiers soins avaient été administrés par la Dre B______, en date du 25 mai 2022, dans le cadre de la consultation médicale de suivi, soit le contrôle à sept mois, suite à l’intervention chirurgicale du 22 octobre 2021. Il était mentionné dans le rapport médical que le patient était revenu spontanément à la suite d’un traumatisme de torsion du poignet, il y avait 48 heures, avec sensation de claquement et avec depuis, des douleurs importantes au bord ulnaire du poignet lui rappelant ses anciennes douleurs. Le patient avait depuis l’événement du 22 mai 2022 remis son attelle, dans l’attente de revoir son médecin. Cette dernière avait signé un certificat d’arrêt de travail à 100%, pour accident, à partir du 23 mai 2022.

d. La SUVA a confirmé la prise en charge du cas, par courrier du 1er juin 2022 à l’assuré.

e. Dans son rapport d’arthrographie et arthro-IRM du 1er juin 2022, le docteur C______, spécialiste FMH en radiologie, a noté que sur le plan tendineux et ligamentaire, il n’y avait pas d’images de lésion transfixiante, il y avait une intégrité des ligaments de la première rangée des os du carpe, une intégrité des différentes structures tendineuses et, en particulier, pas d’argument en faveur d’une lésion de l’ECU et un status post AMO d’une plaque palmaire vissée.

f. En date du 27 juin 2022, la Dre B______ a établi un rapport de consultation médicale de suivi pour l’assuré. Le diagnostic principal, qui s’appuyait sur les conclusions du rapport du radiologue C______ du 1er juin 2022, était une entorse du TFCC avec un status post réinsertion arthroscopique en octobre 2021 puis un nouveau traumatisme le 23 mai 2022 avec arthro-IRM, parlant en faveur d’une entorse. Dans le cadre du contrôle à un mois (suite à l’événement du 22 mai 2022), le médecin constatait une petite fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC sur le versant de la RUD, mentionnant que cela restait dans la norme et que cela devait être traité comme une entorse simple, avec une poursuite de l’immobilisation selon douleurs. L’arrêt de travail à 100% pour accident était prolongé jusqu’au 31 juillet 2022.

g. En date du 16 août 2022, la SUVA a soumis le cas à son médecin d’arrondissement, soit le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, en lui demandant de répondre à plusieurs questions, notamment sur les causes des troubles et sur les suites de l’accident. Il était mentionné sur le formulaire adressé au médecin d’arrondissement, dans une zone rectangulaire encadrée en gris, « Notion d’accident remplie ? Il ne semble pas mais à vérifier ».

h. En date du 29 août 2022, le Dr D______ a communiqué son appréciation médicale. Il a considéré que sur la base des documents disponibles et dans le cadre de l’opération de réinsertion arthroscopique du mois d’octobre 2021, il y avait un état antérieur à l’état de fait. Sur la base des documents disponibles, le médecin ne voyait pas de modification déterminante de cet état antérieur et considérait que les lésions annoncées par l’assuré devaient plutôt être annoncées en rechute car, selon lui, il n’y avait pas d’atteinte qui puisse être en rapport avec un événement tel que celui décrit par l’assuré le 22 mai 2022. En conclusion, le Dr D______ considérait qu’il s’agissait d’une rechute de l’intervention chirurgicale réalisée en 2021.

i. Par courrier du 2 septembre 2022, la SUVA a informé l’assuré que selon son service médical, les troubles que l’assuré présentait actuellement n’étaient plus en relation de causalité pour le moins probable avec un accident assuré. Les conséquences délétères de l’accident du 22 mai 2022 étaient actuellement éteintes. Il était encore mentionné que les troubles qui subsistaient étaient en relation avec l’intervention du mois d’octobre 2021 ; dès lors, la SUVA a annoncé qu’elle allait clore ce cas avec effet au 11 septembre 2022 et mettre fin aux prestations d’assurances. Il était conseillé à l’assuré de s’annoncer auprès de l’assurance qui avait pris en charge l’intervention du mois d’octobre 2021 car à compter du 12 septembre 2022, l’incapacité de travail ainsi que le traitement médical n’étaient plus à la charge de l’assurance-accidents mais à la charge de l’assurance-maladie.

j. Lors d’un entretien téléphonique du 9 septembre 2022 avec une employée de la SUVA, l’assuré a contesté le courrier du 2 septembre 2022 en se fondant sur l’avis du médecin des HUG qui selon ses dires, considérait qu’il s’agissait d’un nouvel événement et pas d’une rechute du cas de 2021. Il mentionnait que son arrêt de travail se poursuivait jusqu’à la fin du mois de septembre et qu’il comptait reprendre le travail au début du mois d’octobre.

k. Sur ces entrefaites, la SUVA a reçu de l’assuré le compte-rendu opératoire du 1er novembre 2021, concernant l’opération chirurgicale effectuée aux HUG par la Dre B______, qui mentionnait, comme diagnostic, une lésion du TFCC dans ses fibres ulno-carpienne dorsale et fovéolaire du poignet droit.

l. Le médecin d’arrondissement, le Dr D______, s’est à nouveau prononcé sur le cas en date du 4 octobre 2022. Il a mentionné que l’IRM qui avait été réalisée (le 1er juin 2022) ne montrait aucune anomalie ligamentaire. On constatait une petite fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC avec œdème. Le statut post réinsertion du TFCC était satisfaisant, sans aucune lésion nouvelle. Selon le médecin d’arrondissement, il n’y avait donc pas de conséquences ligamentaires objectivables et transfixiantes selon cette IRM de la torsion du poignet avec le torchon. La petite fissuration qui ne transperçait pas le TFCC ne pouvait pas être considérée comme associée à la torsion car il s’agissait d’un mouvement à basse énergie et ne pouvait pas être à l’origine des symptômes dès lors qu’il n’y avait pas de modification mécanique. L’attache du ligament était confirmée par l’absence de lésion transfixiante. Le médecin notait ne pas disposer de l’IRM faite avant la chirurgie (du mois d’octobre 2021) et qu’il était souhaitable de l’obtenir. Il était manifeste que la santé de l’assuré était affectée avant le sinistre dès lors que celui-ci avait subi l’intervention chirurgicale au mois d’octobre 2021, soit quelque mois avant son sinistre, pour un problème d’accident qui ne concernait pas la SUVA. En se fondant sur la normalité de l’IRM réalisée dans les suites immédiates de l’événement du 22 mai 2022, aucune atteinte à la santé au degré de la vraisemblance prépondérante ne pouvait avoir été causée par le sinistre annoncé. Le médecin laissait le soin à l’administration de se prononcer sur la notion d’accident concernant la torsion déclarée du poignet.

B. a. Par décision du 20 octobre 2022, la SUVA a retenu que, selon l’appréciation médicale, l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’événement du 22 mai 2022 pouvait être considéré comme atteint, depuis le 1er juin 2022 au plus tard. Il était ainsi confirmé que le cas était clos le 11 septembre 2022 au soir et qu’il serait mis fin aux prestations d’assurances (indemnités journalières et frais de traitement), dès après cette date.

b. Par e-mail du 6 novembre 2022 (signé par la suite par l’assuré et retourné à la demande de la SUVA), l’assuré s’est opposé à la décision du 20 octobre 2022 au motif que l’accident du 22 mai 2022 n’avait rien à voir avec son opération du mois d’octobre 2021, ce qui ressortait d’un rapport médical des HUG qui était joint en annexe. Il s’agissait d’un courrier signé par la docteure E______, médecin adjointe au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, qui s’adressait au médecin-conseil de la SUVA. La Dre E______ faisait état de l’opération qui s’était déroulée en octobre 2021 et dont l’évolution avait été favorable puis d’un nouveau traumatisme de torsion du poignet intervenu le 22 mai 2022. Elle mentionnait que, cliniquement, à la consultation du 25 mai 2022, on retrouvait une radio ulnaire distale stable mais douloureuse au testing. Suite à une nouvelle arthro-IRM effectuée le 11 (recte : 1er) juin 2022, on retrouvait le status post réinsertion du TFCC avec une fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC. Elle concluait que ce nouvel accident était traité comme une entorse du TFCC avec immobilisation par attelle et mentionnait que le patient avait été revu le 29 septembre 2022, en contrôle clinique, avec une bonne amélioration des douleurs et ne prenait plus d’antalgiques, il ne portait plus son attelle. Dès lors, la reprise du travail était autorisée à 100%, dès le 1er octobre 2022.

c. Par décision sur opposition du 6 décembre 2022, la SUVA a rejeté l’opposition et a mentionné qu’un éventuel recours n’aurait aucun effet suspensif. Récapitulant les faits ainsi que les appréciations du Dr D______, elle a maintenu sa position selon laquelle il n’y avait pas de conséquence ligamentaire objectivable et transfixiante de la torsion subie le 22 mai 2022. Le rapport médical de la Dre E______ du 31 octobre 2022 ne contenait aucun élément permettant de mettre en doute l’analyse effectuée par le médecin d’assurance. Par ailleurs, il était mentionné que la SUVA aurait pu et dû refuser la notion d’accident car, à la lecture de la déclaration de sinistre, rien ne permettait d’admettre que, lors de l’essorage du torchon, il s’était passé quelque chose d’extraordinaire hormis une grosse douleur. Or, des torsions des poignets étaient des gestes habituels lorsqu’on essorait un torchon à la main.

C. a. Par acte de son mandataire, posté en date du 20 janvier 2023, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition du 6 décembre 2022 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), demandant préalablement que la comparution personnelle de l’assuré soit ordonnée ainsi qu’une expertise aux fins de statuer sur la causalité des lésions subies par l’assuré suite à l’événement du 22 mai 2022. Sur le fond, l’assuré concluait à l’annulation de la décision du 6 décembre 2022 et à ce qu’il soit constaté qu’il avait été victime, le 22 mai 2022, d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA, qu'il lui soit octroyé les prestations d’assurances auxquelles il avait droit, soit notamment la prise en charge de ses traitements et des indemnités journalières à compter du 22 mai 2022, que la SUVA soit condamnée à verser lesdites indemnités journalières de manière rétroactive et qu’elle soit condamnée à prendre en charge les frais de traitement liés à l’événement du 22 mai 2022.

b. Par réponse du 29 mars 2023, la SUVA a conclu à ce que le recours soit rejeté et subsidiairement à ce qu’il soit pris acte qu’elle avait expressément proposé de reconsidérer la décision et qu'il lui soit accordé un délai pour formellement s’exécuter, respectivement à la suspension de la présente cause en conséquence. Selon l’intimée, le caractère extraordinaire de la cause extérieure faisait défaut dans l’événement du 22 mai 2022. Par ailleurs, l’IRM du 1er juin 2022 n’avait montré aucune anomalie ligamentaire, ni transfixiante, ce qui entraînait qu’aucune lésion corporelle ressortant de la liste exhaustive de l’art. 6 al. 2 LAA ne pouvait être retenue. Par conséquent, la SUVA considérait que le recourant ne pouvait réclamer des prestations d’assurances au-delà du 11 septembre 2022. Bien que, selon elle, faute d’accident et de lésion corporelle assimilée, elle était en droit de ne pas prester ab initio, l’intimée restait encline à ne pas revenir sur la date de la mise à terme de l’obligation de prester, soit le 11 septembre 2022, dès lors que l’assurance-accidents (recte : l’assurance-maladie) compétente, à savoir la CSS, ne s’était pas opposée à la prise en charge du sinistre à compter du 12 septembre 2022. Elle s’en remettait à justice sur ce point et se rallierait à la chambre des assurances sociales si celle-ci voulait décider d’une substitution de motifs, voire si elle envisageait de mettre en garde le recourant contre un risque de reformatio in pejus. Subsidiairement, elle pouvait envisager une reconsidération et demander qu’il lui soit accordé un délai pour formellement s’exécuter, respectivement suspendre la présente cause.

c. Par réplique du 24 mai 2023, l’assuré a persisté dans la demande d’audition en comparution personnelle ainsi que l’expertise. L’assuré contestait également qu’il n’existât pas de lésion assimilée car cette dernière n’avait pas été dûment investiguée par le médecin des assurances. Selon l’assuré, la fissure du ligament triangulaire fibro cartilagineux complexe du carpe constatée par les Drs D______ et E______ n’avait pas été suffisamment investiguée de telle sorte qu’on ne pouvait pas déterminer s’il s’agissait d’une lésion assimilée ou si cette fissure était imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs qui pouvaient justifier l’arrêt des prestations.

d. Par duplique du 19 juin 2023, la SUVA a déclaré qu’il était vain de réclamer à des experts des éclaircissements supplémentaires au sujet d’une éventuelle lésion selon l’art. 6 al. 2 LAA dès lors que le Dr D______, spécialiste en chirurgie orthopédique, avait précisé dans son rapport du 7 octobre 2022 qu’à la vue de l’IRM du 1er juin 2022, il n’y avait pas de conséquence ligamentaire objectivable et transfixiante de la torsion subie le 22 mai 2022 et que la petite fissuration, qui ne transperçait pas le TFCC, ne pouvait pas être considérée comme associée à la torsion car il n’y avait pas de modification mécanique. De plus, une éventuelle IRM datant d’avant l’opération du poignet en octobre 2021, soit plusieurs mois avant l’événement du 22 mai 2022, n’était pas pertinente pour déterminer la question de la couverture car elle aurait, tout au plus, étayé la séquelle chirurgicale expliquée. Par contre, l’IRM du 1er juin 2022 réalisée dans les suites immédiates de l’événement annoncé ne montrait aucune anomalie ligamentaire.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

4. Le litige porte sur la question de savoir si l’intimée doit prendre en charge, au-delà du 11 septembre 2022, les frais et indemnités journalières découlant de l’événement du 22 mai 2022.

5.

5.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 3.1).

5.2 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

5.3 Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un mouvement non coordonné. Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n°U 502 p. 184 consid. 4.1, RAMA 1999 n°U 345 p. 422 consid. 2b).

La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).

Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).

6.

6.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.

6.2 Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d’un accident, seul le caractère extraordinaire de l’accident pouvait faire défaut, mais l’existence d’une cause extérieure était en revanche indispensable (cf. ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés. C’est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l’époque du message de 1976 à l’appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893).

Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accident. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre l'état antérieur, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent en faveur ou en défaveur de l'usure ou de la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

7.         

7.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

7.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4). 

7.4 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

7.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.        La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46), entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

10.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

11.    Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

12. En l’espèce, le recourant allègue que l’événement du 22 mai 2022 doit être considéré comme un accident et que l’avis du médecin des assurances n’est pas déterminant, raison pour laquelle une expertise doit être ordonnée. De surcroît, même si les conditions d’un accident n’étaient pas remplies, il allègue que la lésion doit être considérée comme assimilée à un accident.

L’intimée, de son côté, se fondant sur l’appréciation de son médecin d’arrondissement considère, d’une part, qu’il est douteux que les conditions d’un accident aient été réalisées lors de l’événement du 22 mai 2022 et que, d’autre part, il n’y a pas trace d’une lésion assimilée dans l’IRM qui a été effectuée le 1er juin 2022. À bien plaire et s’en rapportant à justice, la SUVA accepte de prendre à sa charge les frais de traitements et les indemnités journalières jusqu’au 11 septembre 2022 (ce qui correspond à la décision querellée) après quoi l’assurance-maladie du recourant les prendra en charge.

12.1 Si l’on reprend les circonstances de l’événement du 22 mai 2022 telles qu’elles ont été décrites par l’assuré, ce dernier a ressenti une vive « douleur au poignet droit suite à l’essorage d’un torchon par torsion manuelle ».

D’emblée, on observe que par rapport à la définition de l’accident selon l’art. 4 LPGA, « la cause extérieure extraordinaire » fait défaut.

Il sied de rappeler que selon la jurisprudence, la preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).

La chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’événement du 22 mai 2022 ne remplit pas les conditions permettant de le qualifier comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

12.2 Reste la possibilité, en fonction des éventuelles lésions qui ont pu apparaître suite à cet événement, de le considérer comme une lésion assimilée à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 LAA.

Le document permettant d’établir si une telle lésion était présente juste après l’événement est le rapport d’arthrographie et arthro-IRM du 1er juin 2022 effectué par le radiologue C______.

Ledit rapport est avant tout destiné à examiner les suites de l’opération chirurgicale effectuée en octobre 2021, soit le status post réinsertion du TFCC. Les suites de l’opération sont décrites en détail sur le plan osseux et cartilagineux. S’agissant de la description sur le plan tendineux et ligamentaire, il ressort clairement du rapport du radiologue qu’il n’y a « pas d’image de lésion transfixiante », qu’il existe une « intégrité des ligaments de la première rangée des os du carpe », il est attesté de « l’intégrité des différentes structures tendineuses ». Dans ses conclusions, le radiologue note une absence d’argument en faveur d’une lésion des ligaments de la première rangée des os du carpe ainsi que l’intégrité des différentes structures tendineuses. Il relève également une petite fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC.

Lors de sa consultation médicale de suivi du 27 juin 2022, soit un mois après l’événement, le médecin traitant du recourant, la Dre B______, rappelle la fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC qui apparait dans l’IRM mais elle ne fait mention d’aucune lésion pouvant être assimilée au sens de l’art. 6 al. 2 LAA.

L’autre médecin traitant du recourant, la Dre E______, dans son courrier du 31 octobre 2022 adressé au médecin d’arrondissement de la SUVA, rappelle la fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TFCC qui ressort de l’arthro-IRM du 11 (recte : 1er) juin 2022, mais ne mentionne la présence d’aucune lésion pouvant être assimilée au sens de l’art. 6 al.2 LAA.

En ce qui concerne le médecin d’arrondissement, le Dr D______, il sied de rappeler qu’il dispose des connaissances et d’expériences particulièrement développées en traumatologie ; les compétences des médecins d’arrondissement des assureurs ont d’ailleurs été reconnues par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 novembre 2022, 8C_355/2022 consid. 7.2 « Denn praxisgemäss sind die Kreisärzte nach ihrer Funktion und beruflichen Stellung Fachärzte im Bereich der Unfallmedizin. Da sie ausschliesslich Unfallpatienten, Körperschädigungen im Sinne des Art. 6 Abs. 2 UVG (früher: unfallähnliche Körperschädigungen gemäss Art. 9 Abs. 2 aUVV) ».

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé.

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4). 

En l’occurence, il n’existe aucune appréciation d’un médecin traitant ou d’un expert privé qui laisserait subsister des doutes, même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de l’appréciation du Dr D______. En particulier, le courrier du 31 octobre 2022 de la Dre E______ ne contient aucun élément qui pourrait contredire l’appréciation du médecin des assurances.

Le Dr D______ s’est déterminé avec clarté dans son appréciation médicale du 4 octobre 2022, mentionnant que compte tenu de la normalité de l’IRM réalisée dans les suites immédiates du sinistre annoncé (soit le 1er juin 2022), il ne retient aucune atteinte à la santé au degré de la vraisemblance prépondérante qui puisse être causée par le sinistre annoncé.

Commentant l’IRM, il rappelle que cette dernière ne montre aucune anomalie ligamentaire, uniquement une petite fissuration non transfixiante de la face profonde de l’attache radiale du TCC. Il mentionne encore que le status post réinsertion du TFCC est satisfaisant, sans aucune lésion nouvelle et sa conclusion est qu’il n’y a pas de conséquences ligamentaires objectivables et transfixiantes - selon l’IRM du 1er juin 2022 - de la torsion du poignet avec le torchon. Il ajoute que la petite fissuration qui ne transperce pas le TFCC ne peut pas être considérée comme associée à la torsion dès lors qu’il s’agit d’un mouvement à basse énergie et ne peut pas non plus à être à l’origine des symptômes car il n’y a pas de modification mécanique dès lors que l’attache du ligament est confirmée par l’absence de lésion transfixiante.

Le médecin d’arrondissement rappelle également que la santé de la personne assurée était affectée avant l’événement du 22 mai 2022, d’une manière manifeste dès lors qu’elle avait fait l’objet d’une intervention chirurgicale au mois d’octobre 2021, soit quelque mois avant l’événement de mai 2022, pour un problème d’accident ne concernant pas la SUVA.

Finalement, le Dr D______ s’en remet à l’appréciation de l’administration en ce qui concerne la notion d’accident, car il ne s’agit pas de sa compétence.

Il note toutefois que si l’administration devait accepter la notion d’accident, « il pourrait accepter que le sinistre annoncé a pu déstabiliser temporairement l’état antérieur et ceci jusqu’à la date de réalisation de l’IRM, qui confirme l’absence de lésion objective liée à cet événement ».

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’événement du 22 mai 2022 n’a pas eu pour conséquence une lésion assimilée au sens de l’art. 6 al. 2 LAA.

Dès lors, la charge de la preuve appartient au recourant, puisque ce n’est que dans le cas d’une lésion assimilée que l’assureur à la charge de la preuve libératoire, soit de prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie. Or, le recourant n’a communiqué aucune pièce médicale pouvant établir ses griefs.

12.3 Enfin, en ce qui concerne la demande d’expertise indépendante formulée par le recourant, il sied de rappeler que le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé.

En l’occurrence, les conclusions du Dr D______ sont sérieusement motivées et il n’existe pas de contradictions dans ses appréciations. Aucun indice concret ne permet de remettre en cause leur bien-fondé. Son appréciation médicale présente une valeur probante.

La chambre de céans constate que, sur la base des documents rassemblés dans le dossier, il n’existe aucun doute, même minime, sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, ce qui implique qu’il n’y a pas lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Partant, et par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans fait siennes les conclusions du médecin d’arrondissement et considère qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une expertise judiciaire.

S’agissant de la demande de comparution personnelle du recourant, réitérée par courrier de son mandataire du 29 septembre 2023, en suivant le même raisonnement d’appréciation anticipée, la chambre de céans ne juge pas nécessaire d’entendre le recourant, ce dernier s’étant largement exprimé dans le cadre de la procédure. Par ailleurs, l’état de fait, soit les circonstances de l’événement, est clairement établi et les appréciations d’événement « accidentel » que le recourant prête à ses médecins traitants ne sont soutenues par aucun document médical.

13.    Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

14.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le