Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2780/2023

ATAS/752/2023 du 05.10.2023 ( PC )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2780/2023 ATAS/752/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 5 octobre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______

représentée par Me Véronique MAURON-DEMOLE, avocate

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1953, originaire de C______, est arrivée à Genève en 1997, selon le registre tenu par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

b. Elle a été mise au bénéfice de prestations complémentaires à sa rente de vieillesse dès le 1er novembre 2017. La décision d’octroi du 16 avril 2018 retenait que l’intéressée était domiciliée à Genève (chemin de la D______ à Genève) de manière ininterrompue depuis 1997. Elle avait droit à des prestations complémentaires fédérales d’un montant de CHF 1'152.- et des prestations cantonales de CHF 531.- par mois.

c. Par lettre du 6 décembre 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a indiqué à l’intéressée que son droit aux prestations complémentaires s’élèverait à CHF 2’351.- par mois dès janvier 2023 (PCF de CHF 1'797.- et PCC de CHF 554.-), un montant de CHF 628.- étant réservé aux primes d’assurance-maladie.

d. Le SPC a demandé une enquête à l’OCPM au sujet du domicile de l’intéressée, au motif qu’il avait été constaté, lors de la révision du dossier en septembre 2022, que l’intéressée n’avait pas fait valoir auprès du SPC de frais médicaux depuis qu’elle était bénéficiaire de prestations complémentaires, que d’après ses relevés bancaire 2021 et 2022, il apparaissait que l’intéressée avait fait tous ses retraits à Bienne et qu’à teneur de l’extrait de frais médicaux établi par l’assurance-maladie ceux-ci provenaient à 90% d’établissements médicaux à Bienne. L’intéressée n’avait pas demandé de participation au coût du loyer en affirmant résider à Genève chez sa sœur. Dans un courrier du 24 octobre 2022, le SPC l’avait interrogée pour savoir si son centre d’intérêt était à Bienne et l’intéressée avait répondu qu’elle s’était installée à Genève pour des raisons de santé. Cet élément semblait toutefois contredit par les pièces de l’assurance-maladie et les relevés bancaires.

e. L’enquête a été rendue le 9 mars 2023. Il ressortait des données de l’OCPM que les deux sœurs étaient enregistrées à l’adresse précitée. Selon les renseignements de la Poste, l’intéressée était enregistrée à Genève. Elle avait fait réexpédier son courrier à la rue B______ à C______ du 28 mars au 30 mai 2020, du 3 au 30 juin 2020 et du 3 juillet au 30 juillet 2020. Les distributions à l’adresse de C______ étaient confirmées. La consommation électrique de l’appartement genevois n’était pas conforme à la consommation annuelle moyenne d’un tel logement habité par deux personnes (en moyenne 1910 kWh/an alors que le logement en cause avait des factures de consommation de moins de 500 kWh/an depuis 2015, une consommation de 649 entre mi 2019 et mi 2020, puis une consommation négative (-144 kWh) de mi-2020 à mi-2021 et une consommation presque nulle (19 kWh) mi-2021 à mi-2022. Les informations reçues de la régie immobilière démontraient que la locataire depuis 1990 était la sœur de l’intéressée. Aucune sous-location ou occupation illicite de l’appartement n’avait été annoncée. Il n’y avait pas de retard de paiement ni contentieux. La société assurant la conciergerie depuis 2018 était E______. Une visite sur place avait permis à l’enquêteur de rencontrer le concierge (entrepreneur individuel ayant succédé à la Sàrl précitée dès 2019). Il « identifiait » parfaitement l’intéressée et la sœur de celle-ci. Il les rencontrait occasionnellement, à raison d’une à deux fois par mois. Il a précisé que depuis un an (mars 2022) il ne les voyait encore plus rarement (étant précisé qu’il n’habitait pas dans le même immeuble et ne croisait pas tous les locataires chaque fois qu’il y travaillait). L’enquêteur n’a pas rencontré l’intéressée lors de ses visites des 2, 3 et 7 mars 2023. Interrogée par l’enquêteur, la seule voisine vivant sur le même palier que l’appartement de l’intéressée (deux appartements au 9ème étage) a affirmé n’avoir plus rencontré les deux sœurs voisines « depuis longtemps ». Depuis la période COVID-19 ses rencontres occasionnelles étaient devenues plus rares, voire inexistantes. La voisine pensait que les sœurs devaient résider à une autre adresse. La greffière de la commune de C______ a quant à elle indiqué que l’intéressée n’était plus inscrite sur ladite commune mais à Genève selon le registre. Enfin, convoquée le 9 mars 2023 par courrier A+ du 7 mars (distribué le 8 mars à Genève selon la Poste) à un entretien, l’intéressée ne s’est pas présentée. Au vu des éléments recueillis, l’enquête ne permettait pas de considérer que l’adresse genevoise mentionnée à l’OCPM était celle où l’intéressée avait son domicile permanent ou son lieu de vie. L’OCPM a été informé de l’enquête et a modifié l’inscription dans son registre avec la mention sans domicile connu.

f. A l’issue de l’enquête, le SPC a adressé, le 4 avril 2023, à l’intéressée un courrier l’informant que, faute de domicile à Genève au-delà du 1er janvier 2021, elle n’avait plus le droit à des prestations complémentaires et qu’elle devait restituer celles perçues à tort depuis cette date. Etaient jointes à ce courrier une décision datée du 13 mars 2023 selon laquelle le versement des prestations était stoppé le 31 mars 2023 ainsi qu’une décision datée du 20 mars 2023 selon laquelle elle devait restituer CHF 14'622.- perçus à tort depuis le 1er janvier 2021 dans les trente jours.

g. L’intéressée s’est opposée à ces décisions, le 13 avril 2023, en affirmant être domiciliée à Genève. Par pli du 9 mai 2023, l’intéressée a complété son opposition en expliquant avoir reçu les décisions chez sa sœur qui est propriétaire d’un logement à C______. Elle comptait faire invalider l’enquête auprès de l’OCPM qui retenait à tort qu’elle n’était plus domiciliée à Genève. Son médecin traitant était le docteur F______ à Genève et elle l’avait consulté les 5 novembre 2020, 3 février, 26 mai, 7 juillet, 15 septembre, 4 octobre, 12 novembre 2021 et 20 mai 2022. Son cardiologue, le docteur G______, était également à Genève et elle l’avait consulté les 9 novembre 2020 et 8 novembre 2021. Ses seules absences de Genève résultaient d’opérations médicales subies à Bienne où son dossier médical était « historiquement ». Elle contestait par ailleurs le montant de fortune retenu dans les plans de calcul établis rétroactivement.

h. Par décision du 1er juin 2023, le SPC a mis à jour le droit à la prise en charge des primes d’assurance-maladie. L’intéressée avait droit à CHF 619.70 à ce titre jusqu’au 31 mars 2023. Les prestations n’ont plus été versées à partir du 1er avril 2023.

i. Le 9 juin 2023 un conseil s’est constitué pour l’intéressée. Il a indiqué à l’OCPM avec copie au SPC qu’en sus des arguments soulevés par sa mandante au sujet de son domicile à Genève, cette dernière a également subi des examens médicaux à la Clinique des Grangettes à Genève en novembre 2017, janvier et septembre 2019 et septembre et octobre 2020. Lors du COVID, elle avait été confinée à Genève sur ordonnance du médecin cantonal puis s’était rendue dans la campagne, chez sa sœur. Elle avait dévié son courrier durant quelques mois, sans prendre domicile chez sa sœur. Le 23 janvier 2021, en visite chez sa sœur, elle a dû consulter en urgence à l’hôpital de Bienne pour une suspicion d’allergie. En juillet 2021, elle a dû être hospitalisée 6 jours à Bienne vu qu’elle avait déjà été reçue pour cette même problématique et qu’elle était près de sa famille. Le suivi a été fait à Bienne mais les rapports ont été envoyés à son médecin à Genève. Le rapport de l’enquêteur était pour le surplus illicite car fait en violation de la loi ad hoc et en violation du droit d’être entendu de l’intéressée.

j. A la suite de ce courrier, l’OCPM a corrigé l’inscription et réinscrit l’adresse de l’intéressée à Genève.

k. Par décision du 4 juillet 2023, le SPC a rejeté l’opposition du 13 avril 2023 et a indiqué qu’un recours n’aurait pas d’effet suspensif. Il s’est fondé sur le rapport d’enquête et plus précisément sur l’absence de consommation d’électricité dès 2021 et sur le fait qu’elle avait fait tous ses retraits bancaires à Bienne. L’appartement ne comportait qu’une chambre alors que l’intéressée y vivrait avec sa sœur.

l. Par décision du 9 août 2023, le SPC a également rejeté une opposition formée par l’intéressée contre la décision du 1er juin 2023, dans la mesure où elle ne percevait plus de prestations en lien avec ses primes d’assurance-maladie.

B. a. L’intéressée a recouru contre ces décisions à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) le 4 septembre 2023 et le 6 septembre 2023 et a sollicité la restitution de l’effet suspensif. Elle a joint à ses recours de nombreux récépissés d’achats faits à Genève ces dernières années (ticket de la COOP, MIGROS, MANOR, IKEA, EMMAÜS, tea room) ainsi que de nombreuses attestations de ses voisins à Genève.

b. Le SPC a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif s’agissant de la décision du 4 juillet 2023 en tant qu’elle consacrait l’arrêt du versement des prestations complémentaires dès le 1er avril 2023 et l’a admis en tant que la décision portait sur la restitution des prestations déjà versées. Il a conclu au rejet de l’effet suspensif concernant la décision du 9 août 2023 concernant les primes d’assurance-maladie.

c. A l’issue des échanges d’écritures sur effet suspensif, la cause a été gardée à juger sur la question de l’effet suspensif.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, le recours est par conséquent soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA-GE - E 5 10)].

2.              

2.1 Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

 

2.2 Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer, comme sous l’ancien droit, pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA.

2.3 En droit cantonal, selon l’art. 18 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03), l'opposition a un effet suspensif, sauf dans les cas prévus par l'art. 11 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA – RS 830.11) appliqué par analogie (al. 1). Le service peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision. Une telle requête doit être traitée sans délai (al. 2).

2.4 L’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE -E 5 10]) prescrit que sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1). Toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 2).

2.5 Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence). La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

2.6 L’intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références).

3.              

3.1 Quant au droit aux prestations complémentaires, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi notamment droit aux prestations complémentaires les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

3.2 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). S’agissant des conditions personnelles, le droit aux prestations complémentaires cantonales est notamment subordonné à la condition du domicile et de la résidence habituelle dans le canton de Genève (cf. art. 2 al. 1 let. a LPCC).

4.             En l’espèce, dans la décision sur opposition du 4 juillet 2023, l’intimé a nié le droit de la recourante à des prestations complémentaires faute de domicile à Genève et a sollicité la restitution des prestations versées après le 1er janvier 2021. Il a indiqué qu’un recours contre la décision n’aurait pas d’effet suspensif. Le SPC a également cessé le versement de prestations relatives à l’assurance-maladie dès le 1er juin 2023 pour le même motif.

La recourante a sollicité la restitution de l’effet suspensif pour, d’une part, continuer à recevoir des prestations complémentaires y compris celles en lien avec ses primes d’assurance-maladie et, d’autre part, ne pas être tenue de rembourser le montant exigé par l’intimé dans sa demande de restitution avant que la chambre de céans ne statue sur le bien-fondé de cette demande.

L’intimé, invité à se déterminer sur l’effet suspensif, s’est prononcé contre la restitution de celui-ci s’agissant du versement des prestations mais a admis que l’intérêt de la recourante l’emportait s’agissant de la demande de restitution.

La chambre de céans constate qu’il est conforme à la jurisprudence précitée d’assortir d’un effet suspensif le recours contre une décision de restitution, de sorte qu’il sera statué ainsi dans le présent arrêt.

S’agissant du versement des prestations complémentaires pour lesquelles le droit a été nié à partir du 1er janvier 2021 par l’intimé dans sa décision sur opposition, la chambre de céans sera amenée à déterminer si le rapport d’enquête et les pièces y relatives la convainquent du bien-fondé de la décision attaquée ou si au contraire elle juge qu’il est établi que la recourante a toujours vécu à Genève comme elle le soutient.

Au vu des pièces d’ores et déjà apportées à la procédure par la recourante, la chambre de céans constate les éléments suivants :

La recourante dispose d’un logement à Genève et y a son domicile, selon le registre de l’OCPM, depuis 1997. Elle paie ses impôts dans ce canton, où elle travaillait avant sa retraite, et reçoit sa correspondance à l’adresse mentionnée dans le registre de l’OCPM. A cet égard, que la recourante ait, durant le COVID, demandé le transfert de son courrier de Genève à C______ s’explique par le fait qu’elle a passé quelques mois (mai à juillet 2020) chez sa sœur résidant pour sa part dans sa propre maison à C______. L’on constate également que la recourante, âgée de 70 ans, avait préalablement eu le COVID et avait été confinée à son domicile à Genève par le médecin cantonal. L’on comprend dès lors sans difficultés qu’après avoir été confinée dans son petit appartement de trois pièces à Genève, la recourante ait voulu se rendre chez sa sœur pour un court séjour alors que les autorités exigeaient précisément des personnes âgées qu’elles se préservent en restant à la maison. Mis à part durant cette unique période, la recourante a toujours reçu toutes ses correspondances à son domicile genevois. L’on constate également que tant son assurance-maladie, que l’administration fiscale et l’intimé adressaient leurs correspondances à la recourante à son domicile genevois depuis des années.

S’agissant des suivis médicaux, il apparaît sur les pièces au dossier que l’hospitalisation de la recourante à Bienne l’a été en urgence de sorte que l’on ne saurait en tirer argument que cette dernière vivait à C______ et allait se faire soigner à Bienne. Une telle hospitalisation ou le suivi postérieur ne saurait consacrer la prise de domicile à Bienne. Ce d’autant moins qu’il est établi que son médecin traitant - qu’elle consulte presque chaque mois – se trouve à Genève à l’instar de son cardiologue. Si le suivi de l’hospitalisation a été fait à Bienne, force est néanmoins de constater que les documents de suivi ont été adressés au médecin de l’assurée à Genève. Il apparaît enfin que la recourante a également fait de nombreux examens médicaux à la Clinique des Grangettes ces dernières années. Ces éléments confirment dès lors les affirmations de la recourante et contredisent la thèse de l’enquêteur.

Quant aux retraits d’argent à Bienne, il apparaît que la recourante perçoit sa rente de vieillesse sur un compte ouvert en son temps dans une banque à Bienne. Elle a expliqué à cet égard que cette banque était plus facile d’accès et plus « sécurisée » pour elle. Cela apparaît crédible compte tenu de l’âge de la recourante et du fait qu’elle se rend régulièrement à Bienne pour un suivi médical et à C______ lorsqu’elle rend visite à sa sœur. Elle peut ainsi aisément faire des retraits à la banque à ces occasions sans que l’on puisse en déduire qu’elle ne vit pas à Genève.

Les affirmations du concierge qui ne vit pas dans l’immeuble de la recourante ou celles d’une voisine entendue par l’enquêteur ne suffisent pas à contredire que la recourante vivrait à Genève. Le COVID a, on le sait, obligé de nombreuses personnes âgées et vulnérables à éviter de sortir de chez elles et à réduire ou éviter les contacts sociaux. L’on comprend dès lors aisément que la voisine de la recourante et le concierge l’aient moins vue durant la pandémie. Il apparaît en outre au dossier que la recourante souffre de plusieurs atteintes à la santé qui, d’une part, la rendaient plus vulnérable que d’autres durant la pandémie - ce qui peut justifier son séjour à la campagne chez sa sœur pour être protégée et aidée au quotidien par un proche au lieu de rester isolée dans son appartement genevois - et qui d’autre part nécessitaient divers suivis médicaux et hospitalisations, dont l’une à Bienne durant le COVID. De nombreux voisins ont en outre attesté par écrit connaître la recourante et sa sœur, confirmant ainsi la présence de la recourante dans son lieu de vie à Genève.

Sans l’ensemble de ces éléments, l’on pourrait s’interroger sur la consommation d’électricité qui semble plus basse que la moyenne voire nulle par période. Cela étant, une personne âgée de 70 ans qui vit dans un petit appartement n’a pas nécessairement la même consommation que la moyenne des gens qui vivraient dans le même appartement. Par ailleurs, l’on doit admettre sur la base des nombreux récépissés de caisse que la recourante a produits pour démontrer sa résidence à Genève que cette dernière fait des dépenses régulières dans ce canton. Ces éléments démontrent qu’elle vit - certes chichement vu ses maigres revenus - à Genève. Elle achète régulièrement de la nourriture dans divers commerces, de menues fournitures voire parfois un meuble chez Emmaüs ou IKEA, et s’autorise avec ses maigres moyens de temps en temps un café dans un ou l’autre tea room genevois de son choix. L’examen de l’ensemble des récépissés de caisse ne laisse pas de place au doute quant au fait que la recourante a son centre de vie à Genève, quand bien même elle se rend régulièrement chez sa sœur dans le canton de Berne.

L’on ne saurait déduire du fait que la recourante n’a pas demandé au SPC de participation pour son loyer qu’elle dissimulerait des faits à ce service. Il est établi que le loyer est régulièrement payé et il est vraisemblable – comme l’indique la recourante - que sa sœur, qui est propriétaire de son propre bien immobilier à C______, l’aide à payer le loyer du petit appartement genevois, la recourante ne disposant pour sa part, hormis l’aide du SPC actuellement suspendue, que d’une rente de vieillesse de CHF 1'225.- par mois. Il en va de même des frais médicaux à propos desquels nombreux bénéficiaires de prestations complémentaires ignorent la possibilité de les faire prendre en charge par le SPC.

Pour tous ces éléments, il y a lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, la recourante l'emportera dans la cause principale. L’intimé n’ayant pas encore eu l’occasion de se prononcer sur le fond, la cause ne peut être tranchée en l’état mais l’effet suspensif sera cependant restitué.

Obtenant gain de cause sur la question de l’effet suspensif, la recourante qui est représentée a droit à des dépens qui seront arrêtés à CHF 800.-.

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Restitue l’effet suspensif à la décision sur opposition du 4 juillet 2023 et à celle du 9 août 2023.

3.        Alloue à la recourante CHF 800.- à titre de dépens à charge de l’intimé.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le