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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3450/2022

ATAS/737/2023 du 02.10.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3450/2022 ATAS/737/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 2 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1979, de nationalité portugaise, a été employée par la B ______ en qualité de vendeuse au rayon fleurs depuis le mois de mars 1999, à raison de 35 heures par semaine sur 41 réalisées dans l'entreprise, depuis octobre 2010.

b. L'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) en juillet 2011 en raison d'un cancer de l'utérus, qui a fait l'objet d'une décision de refus du fait qu'elle avait repris son travail avant la fin du délai de carence d'une année.

B. a. L'assurée s'est trouvée en arrêt total de travail dès le 1er octobre 2018 en raison d'une tendinopathie et d'une bursite de l'épaule gauche et a perçu des indemnités journalières versées par la SWICA, assurance perte de gain, jusqu'au 29 septembre 2020.

b. Elle a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI le 14 février 2019 en se prévalant d'une bursite, tendinopathie, arthrose et déchirure de l'épaule gauche.

c. Dans un rapport médical du 22 mars 2019, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a listé les antécédents médicaux de l'assurée, soit, dès 2014 des douleurs sous-scapulaires gauches, en février 2015 une tendinopathie du tendon supra-épineux suite à une chute sur l'épaule gauche ayant entraîné quelques mois d'arrêt de travail, en juin 2018 une récidive de la douleur à l'épaule gauche et le 1er octobre 2018 un épisode de vive douleur avec irradiation vers le cou. Ce dernier évènement avait entraîné une impotence fonctionnelle complète du membre supérieur gauche et justifié la mise en place d'un suivi orthopédique spécialisé, le repos, la médication et une infiltration n'ayant amené aucune amélioration. À titre de diagnostics avec effet sur la capacité de travail, la médecin relevait une bursopathie sous-acromio-deltoïdienne, une arthrose acromio-claviculaire, une tendinopathie du supra-épineux et une déchirure ligamentaire. La capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle et celle dans une activité adaptée devait être évaluée par les spécialistes après l'opération que la patiente allait subir.

d. Le 16 avril 2019, l'assurée a subi une arthroscopie de l'épaule gauche avec réinsertion du sus-épineux, ténodèse du biceps (Juggerknot) et acromioplastie réalisée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, les diagnostics de rupture superficielle à plus de 50% du sus-épineux, ténosynovite du long chef du biceps et conflit supéro-externe ayant été posés.

e. Dans un rapport médical du 26 août 2019, le docteur E______ du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG a parlé d'une évolution lente suite à l'opération, l'assurée présentant toujours des douleurs et une raideur de l'épaule gauche. Sa capacité de travail dans une activité adaptée était encore nulle et devait être réévaluée, étant précisé qu'il existait une suspicion de capsulite de l'épaule et que l'opération datait de moins de six mois.

f. La docteure F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a également attesté que la capacité de travail de l'assurée était nulle tant dans l'activité habituelle que dans une activité adaptée, dans un rapport du 15 octobre 2019.

g. Dans un rapport de consultation du 4 novembre 2019, le Dr D______ a fait état d'une mauvaise récupération des amplitudes articulaires de l'assurée, le résultat étant toujours superposable à celui obtenu aux trois mois postopératoires. La cicatrisation ne suivait en outre pas le cursus biologique habituel. Le 27 novembre 2019, il relevait que la dernière imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) montrait une coiffe en position anatomique, avec cependant des signes inflammatoires marqués. La situation était en cours de stabilisation sur le plan chirurgical, avec cependant encore un travail à effectuer pour atteindre l'équilibre quant à la mobilité et à la force.

h. Dans un rapport médical du 21 février 2020, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a attesté que l'assurée présentait une incapacité totale de travail pour une activité de vendeuse dans un supermarché en raison des diagnostics d'épaule douloureuse après arthroscopie et d'une arthropathie acromio-claviculaire inflammatoire. L'évolution était stagnante, la mobilité de l'épaule étant toujours réduite et la patiente se plaignant de douleurs persistantes antérolatérales. Dans une activité tenant compte de l'atteinte à la santé n'impliquant pas le port de charges de plus de 3 kg de façon répétitive et le travail au-dessus des épaules, la capacité de travail était entière. Le Dr G______ renvoyait néanmoins aux HUG pour fixer le début de l'aptitude à la « réadaptation ». L'assurée était en outre limitée dans diverses tâches ménagères, telles que le nettoyage et l'utilisation de l'aspirateur.

i. Dans un rapport du 3 juin 2020, le service médical régional de l'OAI (ci-après : SMR), a jugé que l'assurée présentait une incapacité totale de travail dans son activité habituelle de vendeuse depuis le 1er octobre 2018 et une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis le 26 août 2019 respectant les limitations de port de charge de plus de 3 kg de façon répétitive et de travail du membre supérieur gauche, en raison d'omalgies gauches sur tendinopathie de la coiffe suturée et arthrose acromio-claviculaire inflammatoire persistante.

j. Dans le cadre des mesures d'intervention précoce mises en place par l'OAI, l'assurée a bénéficié d'une mesure d'orientation personnalisée (job coaching) du 1er septembre au 30 octobre 2019, puis d'une formation d'assistante administrative du 17 février au 30 septembre 2020 en vue de l'exercice d'une activité adaptée.

k. Le 9 novembre 2020, l'OAI a communiqué à l'assurée qu'elle bénéficierait d'un placement à l'essai en entreprise du 9 novembre 2020 au 7 mai 2021. Le stage était prévu à 70% jusqu'au 30 novembre 2020, puis à 80%.

l. La mesure a été arrêtée le 19 janvier 2021 après que l'assurée a présenté un certificat médical d'arrêt de travail à 100%. Selon l'entreprise qui l'avait occupée, il s'agissait d'une personne sérieuse voulant faire de son mieux, mais l'accumulation des horaires de cours et des heures de travail à ses douleurs ne lui permettait pas d'être efficace.

m. Dans un échange de courriers électroniques entre l'OAI et l'assurée, cette dernière a souligné qu'elle avait été placée en stage de réadaptation professionnelle alors qu'elle était toujours en formation, ce qui lui avait causé une surcharge et était incompatible avec son état de santé. Elle recherchait néanmoins un nouveau stage. L'OAI a répondu que le stage avait été prévu à temps partiel pour lui permettre de terminer ses cours.

n. La division réadaptation professionnelle de l'OAI a jugé, dans un rapport du 26 janvier 2021, que l'emploi administratif réalisé durant le placement à l'essai était compatible aux conclusions du SMR et à la formation suivie par l'assurée.

o. Par projet de décision du 22 février 2021, l'OAI a indiqué vouloir rejeter la demande de prestations. Il a retenu que l'assurée avait un statut mixte, se consacrant à 80% à son activité professionnelle et, pour les 20% restants, à l'accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. L'assurée était totalement incapable de travailler dans son activité habituelle mais avait une capacité entière de travail dans une activité adaptée dès le 26 août 2019, de sorte qu'elle présentait une invalidité dans la sphère professionnelle de 10%, correspondant à sa perte de gain après comparaison des revenus, alors qu'elle n'avait aucun empêchement dans son ménage. Une invalidité de 10% n'ouvrait pas le droit à des prestations de l'assurance-invalidité.

p. Le 4 mars 2021, l'assurée a contesté le projet de décision, relevant que son état de santé avait empiré car d'autres problèmes médicaux étaient apparus. Elle a joint un certificat médical de la Dre C______ du 1er mars 2021 attestant d'une nette péjoration de son état de santé depuis le mois de décembre 2020 se traduisant sous la forme de cervicalgies avec radiculopathie C6 gauche et faiblesse du myotome C6/C7 avec composante algique, névralgie d'Arnold à gauche avec hypersensibilité péri-auriculaire, et lumbago avec faiblesse de flexion de la cuisse et Lasègue positif. Une nouvelle prise en charge neurochirurgicale avait été instaurée et une reprise du travail, même partielle, n'était pas possible.

q. Invitée à communiquer à l'OAI de nouveaux éléments médicaux pour faire revoir son cas, l'assurée lui a adressé une seconde lettre d'opposition, en y joignant un nouveau rapport de la Dre C______ du 25 mars 2021. Cette dernière soulignait que l'apparition de nouvelles affections médicales ne permettait pas à l'assurée de poursuivre son stage de réadaptation ou de s'inscrire au chômage et qu'elle se trouvait en incapacité totale de travailler malgré toute sa bonne volonté pour se réinsérer. La médecin notait que l'assurée avait fait l'objet d'une résection du centimètre externe de la clavicule gauche en juin 2020 et que ses douleurs s'étaient intensifiées depuis décembre 2020, irradiant jusqu'à la nuque. Depuis janvier 2021, les douleurs s'étaient encore intensifiées malgré la prise d'un traitement médicamenteux et des infiltrations, s'accompagnant de très nombreuses contractures musculaires, d'hémicrânies gauches et d'une hyperalgie au niveau de l'émergence du nerf d'Arnold à gauche. Devant la persistance des douleurs, l'assurée avait développé un état dépressif pour lequel un traitement spécialisé allait débuter.

r. Dans un rapport du 27 mai 2021, la docteure H______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a posé les diagnostics suivants : probable névralgie du nerf d'Arnold avec échec du traitement infiltratif, cervicalgie irradiant le dermatome C6 gauche jusqu'au pouce, lombalgies chroniques et lombo-cruralgie L4/L3 non déficitaire, hernie discale C5/C6 droite en contact avec la moelle (côté asymptomatique). La patiente était plus gênée par les douleurs au niveau cervical à gauche que par ses lombalgies. Le pronostic concernant la colonne cervicale était peu favorable, du fait que plusieurs infiltrations avaient été un échec.

s. La docteure I______, spécialiste FMH en anesthésiologie, a rédigé un rapport le 7 juin 2021, dans lequel elle a diagnostiqué des omalgies gauches et des lombalgies chroniques associées à des modifications structurelles, des douleurs chroniques diffuses primaires, ainsi qu'un état dépressif à titre de diagnostics avec effet sur la capacité de travail. La capacité de travail de l'assurée dans une activité adaptée dépendait d'un reconditionnement physique et d'une prise en charge psychothérapeutique. L'activité devait éviter les efforts modérés à sévères, les mouvements répétitifs du membre supérieur gauche et devait permettre de changer régulièrement de position. Au surplus, les scores de qualité de vie de l'assurée étaient inférieurs à la moyenne de la population générale dans tous les domaines courants de la vie (ménage, loisirs et activités sociales).

t. Dans un rapport du 3 septembre 2021, la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et Madame K______, psychologue, auprès desquelles la recourante avait débuté un suivi en avril 2021, ont diagnostiqué un trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée et syndrome somatique (F43.21). Elles ont indiqué que l'assurée présentait un état dépressif moyen reposant sur les symptômes suivants : humeur dépressive, abaissement de l'humeur depuis plus de six mois, sentiment de tristesse et colère en lien avec la frustration très présente, perte d'intérêt pour les activités habituellement suscitant de l'intérêt et du plaisir, augmentation de la fatigabilité, accompagnée de difficultés importantes à mener à bien des activités professionnelles, sociales et ménagères. L'état de détresse et de perturbations émotionnelles de l'assurée, suite à la perte de son emploi et à plusieurs facteurs de stress (deuil, maladie et vulnérabilité somatique), entravait son quotidien, particulièrement ses performances sociales et professionnelles. L'atteinte avait également des répercussions dans les domaines courants de la vie et ne lui permettait en l'état aucune reprise d'activité, que ce soit dans l'activité habituelle ou dans une activité adaptée ; une réévaluation de l'état dépressif à six mois était nécessaire. La médication actuelle était 10 mg de Saroten et 1 mg de Temesta par jour.

u. À la demande du SMR, une expertise bidisciplinaire en rhumatologie et psychiatrie a été confiée aux docteurs L______, spécialiste FMH en médecine interne générale et rhumatologie, et M______, spécialiste FMH en psychiatrie et sychothérapie, réalisée au sein du N______ (ci-après : N______).

Dans le rapport d'expertise du 18 juin 2022, l'expert rhumatologue a diagnostiqué un syndrome sous acromial gauche après l'opération d'avril 20l9, un syndrome cervical non déficitaire sur discopathie étagée et un syndrome lombaire non déficitaire sur probable discopathie ayant des répercussions sur la capacité de travail, tandis que les diagnostics de névralgie d'Arnold et de chondropathie focale du condyle fémoral externe du genou gauche n'étaient pas incapacitants. L'expertisée présentait des douleurs localisées à l'épaule gauche, irradiées au trapèze et au membre supérieur gauche accompagnées de paresthésies jusqu'au pouce gauche, des douleurs nocturnes l'obligeant à se lever, des cervicalgies, en particulier en position assise, ainsi que des lombalgies et des douleurs au membre inférieur gauche accompagnées de gonalgies et irradiées jusqu'à la région plantaire. L'examen clinique montrait une limitation douloureuse de la mobilité cervicale dans tous les plans, en particulier pour la latéroflexion, et une limitation modérée mais douloureuse de la mobilité lombaire ; l'élévation et l'abduction de l'épaule gauche étaient limitées de manière importante et la mobilisation du genou gauche douloureuse, sans limitation significative de la mobilité. L'expert a mentionné que l'activité administrative à laquelle l'assurée avait participé à titre de mesure de réadaptation ne lui avait pas convenu car elle nécessitait la position assise prolongée, ce qui aggravait les cervicalgies et les céphalées. En outre, il a relevé que les douleurs et paresthésies des membres supérieur et inférieur gauches ne retrouvaient pas de corrélation avec le status clinique, ni avec les examens complémentaires réalisés. En définitive, la capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle et celle dans une activité adaptée évitant le port fréquent de charges supérieures à 5 kg, les travaux au-dessus de l'horizontale et la station assise et debout prolongée était entière sans diminution de rendement depuis le 21 février 2020, date du rapport du Dr G______. Enfin, l'expert a jugé que toutes les activités ménagères respectant les limitations fonctionnelles pouvaient être exécutées, la « capacité de travail » en tant que ménagère étant évaluée à 70%.

Sur le plan psychiatrique, l'expert n'a relevé aucun diagnostic incapacitant. L'expertisée était sujette à un trouble panique, qui n'était cependant pas jugé incapacitant, tandis qu'un épisode dépressif majeur et un trouble somatoforme douloureux étaient écartés. Tel était également le cas du trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée retenu par la Dre J______, du fait que le fonctionnement de l'assurée au quotidien ne présentait pas de réelle perturbation et qu'il n'existait aucun facteur de stress aigu. L'expert a également relevé un décalage entre les allégations de souffrances psychiques et le fonctionnement au quotidien de l'assurée, qui semblait globalement préservé. Le traitement médicamenteux était en outre minime. La capacité de travail de l'assurée était donc entière depuis toujours sous l'angle psychiatrique et cette dernière ne présentait pas non plus de limitations dans l'activité ménagère.

Consensuellement, les experts ont retenu une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle, une capacité de travail entière dans une activité adaptée hormis durant la période du 18 avril 2019 à février 2020 et une capacité de 70% en tant que ménagère.

v. Le 7 juillet 2022, le SMR s'est rallié à l'expertise bidisciplinaire. Il a estimé que la capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle depuis le 1er octobre 2018, mais entière dans une activité adaptée depuis toujours, en dehors d'une période d'incapacité totale du 16 avril 2019 au 21 février 2020.

w. Par décision du 30 septembre 2022, l'OAI a accordé à l'assurée une rente entière d'invalidité, du 1er octobre 2019 au 30 avril 2020. Compte tenu de son statut mixte, l'assurée présentait un degré d'invalidité de 80% jusqu'au 30 avril 2020, soit trois mois après l'amélioration de son état de santé. Elle ne pouvait prétendre à l'octroi de prestations par la suite, la perte de gain s'élevant à 10%. D'autres mesures professionnelles n'étaient pas adéquates.

C. a. Par courrier du 11 octobre 2022 adressé à l'OAI et transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) pour objet de sa compétence, l'assurée a formé recours à l'encontre de la décision du 30 septembre 2022, relevant qu'elle était dans l'incapacité de travailler et sollicitant que ses médecins ou elle-même soit contactés. Elle a produit un nouveau rapport de la Dre C______ du 11 octobre 2022 dans lequel cette dernière estimait que la décision ne tenait pas compte de la situation actuelle de la recourante, de nouveaux problèmes de santé étant apparus depuis le 14 janvier 2021, justifiant une incapacité totale de travail et l'octroi d'une rente complète.

b. Le 9 novembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, l'expertise bidisciplinaire du 18 juin 2022 étant probante et le nouveau rapport de la médecin traitante n'amenant aucun élément nouveau.

c. Par courrier du 30 novembre 2022, la recourante a relevé que les experts qu'elle avait consultés s'étaient prononcés sur ses problèmes de santé des années 2019 et 2020, et non sur ses nouvelles atteintes à la santé présentes depuis 2021.

d. La chambre de céans a entendu les parties le 6 mars 2023 en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré avoir commencé son emploi à la B______ à plein temps et avoir réduit son temps de travail en 2010 à la suite d'un cancer de l'utérus, effectuant 35 heures sur un horaire normal de 41 heures. Elle n'avait ensuite pas augmenté ce taux, son corps ne le lui permettant pas, mais aurait continué à travailler à 100% sans problèmes de santé.

Dans le cadre des mesures de l'AI, elle avait suivi une formation d'assistante administrative à 100% et des cours à côté, de novembre à décembre 2020, occupations qu'elle avait alors dû arrêter en raison d'une symptomatologie nouvelle se présentant sous forme de douleurs aux cervicales. Elle n'avait donc pas pu terminer la formation et obtenir de diplôme, mais avait apprécié le stage et l'aurait continué sans douleurs.

Elle avait été opérée en 2019 et 2020 par le Dr D______. La seconde opération, au cours de laquelle elle avait été hospitalisée un jour, avait été réalisée car elle souffrait depuis la première opération de douleurs qui descendaient dans le bras et montaient jusqu'à la tête, en raison d'une inflammation. Cette opération n'avait cependant rien amélioré, tout comme des infiltrations, des ultrasons et un traitement laser. Des examens avaient révélé une hernie cervicale mal placée, non opérable à cause du risque.

Il lui était difficile de porter des choses, comme par exemple une casserole, de passer l'aspirateur ou de se doucher et son mari l'aidait beaucoup, notamment pour faire à manger le soir ou les courses. Elle se levait tôt, car elle ne dormait que deux - trois heures d'affilée en raison des douleurs, prenait son petit-déjeuner et essayait de faire son lit et préparer le repas pour le midi. Elle restait couchée l'après-midi ou essayait de sortir faire une promenade.

Elle ne savait pas si elle était capable de travailler à 100% et ne se voyait pas retravailler à l'heure actuelle, car la situation était déjà difficile à domicile. Si son état de santé le lui permettait, elle serait volontaire pour recommencer à travailler, bien qu'elle n'avait aucune idée du métier qu'elle serait capable de faire. Elle était prête à entrer dans une mesure de l'OAI.

Selon sa médecin traitante, elle était en incapacité de travail totale. Elle n'avait pas encore discuté de sa capacité de travail avec sa psychiatre. Elle avait débuté le suivi psychiatrique sur indication de sa médecin généraliste et le fait de parler avec une personne extérieure l'aidait. Sur avis de sa psychiatre actuelle, elle avait cessé de prendre le Saroten et prenait du Temesta et du Trittico, ce dernier médicament en tant qu'antidépresseur et pour aider au sommeil.

L'expertise au N______ s'était bien passée. Elle n'avait pas lu le rapport. Sa médecin traitante était d'accord avec les conclusions, dans la mesure où le rapport disait qu'elle était en incapacité de travail. Au téléphone, une collaboratrice de l'OAI lui avait dit que l'expertise portait sur ses problèmes de santé de 2019-2020 et que son dossier avait été fermé pour les problèmes subséquents, ce qu'elle ne comprenait pas. Elle avait néanmoins discuté de ses problèmes aux cervicales avec les experts.

Elle présentait des douleurs en permanence aux cervicales, même en position assise, irradiant de la tête au bras gauche. Une hernie discale lui donnait des douleurs au bas du dos. Elle avait fait des examens à ce propos mais pas encore consulté de spécialiste. Elle avait également des douleurs au genou gauche, pour lesquelles elle avait reçu des infiltrations et consulté le docteur O______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui lui avait dit que son cartilage et sa rotule étaient abîmés. Il n'avait toutefois pas préconisé le port d'une prothèse en raison de son jeune âge. Son cancer de 2010 n'avait heureusement pas connu de récidive.

Le représentant de l'OAI a relevé que le stage avait débuté le 9 novembre 2020 à un taux partiel de 70% puis, dès le 1er décembre, à un taux de 80% pour permettre à la recourante de terminer sa formation, en raison certainement du Covid. L'activité d'assistante administrative avait été reconnue comme étant adaptée par le service de réadaptation.

À l'issue de l'audience, un délai a été imparti à l'intimé afin qu'il se détermine sur le moment de la cessation de la rente, sur la question de la capacité de travail de la recourante dès février 2020 au regard de la nouvelle intervention chirurgicale de juin 2020, sur le caractère adapté de l'activité d'assistante administrative compte tenu des conclusions de l'expertise du N______, ainsi que sur l'opportunité d'une nouvelle mesure professionnelle.

e. Dans son écriture du 14 mars 2023, l'intimé a admis qu'il convenait de verser la rente d'invalidité jusqu'au 30 mai 2020 et non jusqu'au 30 avril 2020. S'agissant de la capacité de travail de la recourante dès février 2020 compte tenu de la nouvelle opération de juin 2020, les experts avaient été rendus attentifs à celle-ci par la recourante et en avaient tenu compte dans leurs rapports respectifs. L'activité d'assistante administrative était en outre adaptée au vu des conclusions de l'expertise, une telle activité permettant l'alternance des positions, bien qu'elle s'effectue majoritairement assise. Enfin, le service de réadaptation considérait que la recourante avait les compétences et la formation nécessaires pour un poste administratif, si bien qu'une nouvelle mesure professionnelle ou une aide au placement n'étaient pas opportunes.

f. Le 12 mars 2023, sollicitée par la chambre de céans, la Dre C______ a indiqué qu'elle suivait la recourante à sa consultation depuis le 30 octobre 2014, à un rythme généralement mensuel, en tous les cas dès novembre 2020. L'opération de juin 2020 avait consisté en une résection du centimètre externe de la clavicule gauche et avait entraîné une incapacité de travail, qu'elle ne pouvait toutefois pas préciser car la recourante était à l'époque suivie par le Dr D______. L'évolution à la suite de l'opération avait été défavorable et un reclassement professionnel avait été demandé. Les diagnostics ayant actuellement une répercussion sur la capacité de travail étaient ceux de cervicalgies avec radiculopathie C6 gauche et faiblesse du myotome C6-C7 avec composante algique sur hernie discale, ainsi que de lumbago avec faiblesse de la cuisse. L'IRM cervicale mettait en évidence une hernie discale protrusive paramédiane droite C5-C6 avec conflit radiculaire (asymptomatique), ainsi qu'une saillie foraminale bilatérale C6-C7 et une protrusion discale C4-C5 gauche foraminale (symptomatiques). L'assurée présentait aussi les autres diagnostics suivants : névralgie du nerf d'Arnold gauche avec hyper sensibilité auriculaire, status post suture de la coiffe des rotateurs, ténodèse du biceps et acromioplastie de l'épaule gauche, status post du centimètre externe de la clavicule gauche, status post bypass gastrique, status post cancer de l'utérus et gonarthrose gauche. Concernant les limitations fonctionnelles, la recourante présentait des douleurs d'intensité 5/10 au repos, à tout le moins depuis 2021, qui étaient localisées dans quatre zones différentes : douleurs partant de l'émergence du nerf d'Arnold gauche et irradiant dans la zone péri-auricluaire et vers le bas en direction de l'omoplate, celles suivant le dermatome C5 (nuque, dessus de l'épaule, longeant la face antérieure du bras et de l'avant-bras) et le dermatome C7 (paume de la main jusqu'au médius), celles de l'épaule irradiant vers l'aisselle et postérieurement vers l'omoplate et celles partant de la hanche gauche et descendant latéralement le long de la cuisse jusque vers le genou. Dès que la recourante effectuait des gestes de la vie courante, l'intensité des douleurs augmentait rapidement, jusqu'à atteindre 8 à 10/10. De ce fait, tout geste ne pouvait pas être effectué de manière répétitive durant plus de dix minutes environ et nécessitait un repos de plusieurs heures pour que la douleur redescende à un niveau acceptable (5/10). En raison de la faiblesse du myotome C6-C7 à gauche, la recourante lâchait fréquemment des objets. Les douleurs étaient accentuées lorsqu'elle restait longtemps dans la même position, que ce soit en position assise, couchée ou debout. Les efforts importants, tels que porter des charges de plus de 1 kg ou passer l'aspirateur, n'étaient plus possibles. S'agissant de la capacité de travail dans une activité adaptée, tant que la douleur serait intensifiée après le moindre geste, aucune activité ne pouvait raisonnablement être envisagée. Le travail d'assistante administrative n'était pas adapté car il nécessitait de rester dans la même position durant des périodes trop longues et d'effectuer des gestes, ce qui intensifierait la douleur. La recourante était également limitée dans l'exercice de ses tâches ménagères : elle ne pouvait plus passer l'aspirateur, devait demander de l'aide à son mari pour se laver les cheveux et ne pouvait réaliser une quelconque tâche plus de dix minutes sans faire une pause de plusieurs heures avant de reprendre son activité. La Dre C______ a également décrit une journée-type de la recourante. Elle a au surplus indiqué qu'elle était d'accord avec la distinction posée par l'expert entre les diagnostics incapacitants et non-incapacitants. Par contre, elle n'était pas d'accord avec son évaluation d'une capacité de travail à temps complet dans une activité adaptée. Contrairement à ce qu'affirmait l'expert, la recourante ne pouvait pas exécuter toutes ses activités ménagères. Ce dernier ne tenait pas non plus compte de ses diagnostics incapacitants ; il était prouvé par IRM que la recourante souffrait de hernies cervicales et plusieurs infiltrations avaient été réalisées par un centre spécialisé dans la douleur, ce qui n'aurait pas été fait sans un substrat clinique réel. L'affirmation de l'expert au sujet de la capacité de travail de la recourante en tant que ménagère n'était de surcroît pas raisonnable, les tâches qu'il décrivait n'étant pas effectuées par la recourante, ou pas plus de dix minutes d'affilée, ni sa conclusion concernant la limite du port de charges de 5 kg, sachant que la recourante lâchait déjà une casserole ou une assiette en raison de la faiblesse du myotome C6-C7. Concernant l'absence de corrélation relevée par l'expert entre les douleurs alléguées par la recourante et les examens, la médecin-traitante a précisé que celle-là arrivait très bien à décrire la localisation des douleurs lorsqu'elle était reposée, alors que lorsqu'elle avait des douleurs intenses – notamment lors d'une position maintenue longtemps, ce qui avait dû être le cas lors de l'expertise – elle avait tendance à dire que tout son corps lui faisait mal. Au repos, les douleurs corrélaient avec le statut clinique et les examens. La Dre C______ a encore mentionné être d'accord avec l'appréciation de l'expert psychiatre qui ne retenait pas de diagnostic psychiatrique incapacitant et aucune incapacité de travail à ce titre. Les symptômes de dépression réactionnelle n'étaient apparus que peu à peu, au vu de l'échec des traitements contre les douleurs, notamment des infiltrations cervicales. La recourante était par ailleurs une patiente très motivée, acceptant tout traitement qui aurait une chance de la soulager et souhaitait ardemment que sa situation s'améliore pour reprendre un travail. La médecin traitante a par contre indiqué ne pas être d'accord avec le décalage mentionné par l'expert psychiatre entre les allégations de souffrance psychique et le fonctionnement quotidien de la recourante. Lors de l'examen psychiatrique, qui était intervenu après le trajet jusqu'au centre d'expertise et l'examen rhumatologique, la recourante devait présenter des douleurs tellement intenses que l'examen n'avait pas pu être réalisé dans des bonnes conditions. Dans une telle situation, la recourante avait tendance à dire que tout son corps lui faisait mal et que sa douleur était inacceptable, donnant ainsi l'impression d'un décalage. Finalement, elle jugeait que les troubles somatiques étaient responsables des troubles psychiques, et non le contraire.

La Dre C______ a communiqué en annexe à son rapport, les documents suivants :

-          Rapport de consultation du Dr D______ du 12 mai 2020 proposant de réaliser une résection du centimètre externe de clavicule à l'épaule gauche en raison de douleurs persistantes au niveau acromio-claviculaire n'ayant pas cédé malgré un traitement conservateur bien conduit et une infiltration ;

-          Rapport de consultation ambulatoire de suivi du Dr D______ du 12 août 2020 : la recourante rapportait une décompensation douloureuse à la suite d'une collision avec une personne lors de ses courses; l'examen clinique six semaines après l'opération mettait en avant des amplitudes articulaires limitées, tandis que le bilan radiologique ne montrait pas de signes d'ossification hétérotopique ; le traitement anti-inflammatoire, la physiothérapie et les auto-étirements devaient être poursuivis ;

-          Rapport de consultation ambulatoire de suivi du Dr D______ du 25 septembre 2020 : l'évolution était stagnante à l'anamnèse et l'examen clinique était superposable au précédent avec de fortes contractures dans la région du trapèze.

g. Également en réponse aux questions de la chambre de céans, la docteure P______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie, a répondu, le 24 mars 2023, qu'elle suivait la recourante à sa consultation depuis début février 2023, à une fréquence de tous les quinze jours environ. Elle a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1) et mentionné les limitations fonctionnelles suivantes : [perte] d'élan vital, fatigabilité, troubles du sommeil majeurs, irritabilité, intolérance au stress, perte de confiance, abaissement thymique, perte d'estime de soi, anxiété et ruminations. Les symptômes de la dépression avaient commencé en mars 2021 et s'étaient aggravés progressivement les mois suivants, avec l'apparition de limitations fonctionnelles depuis fin 2021-début 2022. Depuis début 2022, la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée était nulle. La recourante, dont elle décrivait une journée-type, était par ailleurs limitée dans ses tâches ménagères. La Dre P______ a par ailleurs expliqué pour quelles raisons elle n'était pas d'accord avec l'expertise du Dr M______ : la recourante souffrait d'un trouble dépressif récurrent au regard des épisodes de dépression qu'elle avait déjà eus dans le passé ; l'épisode dépressif était d'intensité moyenne au vu des symptômes rapportés et de ses constatations objectives (notamment humeur abaissée, tristesse, idées noires et suicidaires – qui n'apparaissaient pas dans d'autres troubles que celui de la dépression, sauf en cas de trouble de la personnalité de type borderline non pertinent en l'occurrence – et anxiété) ; contrairement à ce que l'expert avait retenu, la recourante avait réduit ses activités habituelles, s'était repliée et présentait des signes d'hyperphagie qui était une manifestation de certaines dépressions marquées par l'anxiété ; les trois symptômes typiques de la dépression étaient présents chez la recourante, associés à cinq autres symptômes, ce qui permettait de retenir ce diagnostic ; le diagnostic de trouble panique posé par l'expert devait être rejeté car les symptômes de la lignée anxieuse faisaient bien partie du tableau de la dépression. L'état psychique de la recourante entraînait des limitations et une incapacité de travail actuelle à 100% dans tout type d'activité. Il n'y avait pas de décalage entre les allégations de souffrance psychique et le fonctionnement quotidien de la recourante, qui avait dû être adapté et réduit ; le traitement avait par ailleurs été adapté, avec l'introduction d'un nouvel antidépresseur. Le fait que la recourante s'occupait comme elle le pouvait durant la journée était un mécanisme de défense plutôt sain qui lui permettait de lutter contre l'effondrement et ne remettait pas en question le diagnostic posé. La dépression était secondaire aux problèmes somatiques, mais pouvait ensuite renforcer l'intensité des douleurs ressenties.

h. Quant au Dr D______, il a répondu aux questions de la chambre de céans, indiquant que l'opération subie par la recourante en juin 2020 consistait en en une résection du centimètre externe de la clavicule gauche, qui avait justifié un arrêt de travail du 10 juin au 30 septembre 2020. Il avait retenu les diagnostics suivants concernant la recourante : rupture du sus-épineux, ténosynovite du long chef du biceps et conflit supéro-externe de l'épaule gauche à la suite de l'intervention du 16 avril 2019, arthropathie acromio-claviculaire à la suite de l'intervention du 10 juin 2020 et douleur fonctionnelle de l'épaule à l'issue de la dernière consultation effectuée le 21 octobre 2021. Compte tenu de la date de cette dernière consultation, il ne pouvait notamment pas se prononcer au sujet des limitations fonctionnelles de la recourante, de sa capacité de travail et d'éventuelles limitations dans sa sphère ménagère. À la question de savoir s'il était d'accord avec les diagnostics posés par le Dr L______, le Dr D______ a répondu qu'il avait gardé celui de douleur fonctionnelle selon la consultation du 21 octobre 2021. Il a par ailleurs indiqué que les douleurs décrites par la recourante étaient reproduites par la palpation et avaient donc bien un substrat clinique. Les examens paracliniques effectués n'avaient pas retrouvé de substrat pathologique, de sorte qu'il avait posé le diagnostic de douleur fonctionnelle.

i. Par écriture du 15 juin 2023, la recourante a indiqué être d'accord avec les rapports des Dres C______ et P______ transmis à la chambre de céans et avec les commentaires du Dr D______ concernant le problème dont il s'était occupé, soit l'épaule. Ce médecin attestait d'un substrat clinique à ses douleurs, qui étaient donc bien réelles depuis octobre 2021. Il ne s'occupait cependant pas de ses autres problèmes cliniques qui étaient responsables de son incapacité de travail au long cours.

j. Le 26 juin 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans un certificat médical de la Dre C______ du 20 juin 2023 attestant de son incapacité totale de travail pour cause de maladie du 22 juin au 21 juillet 2023.

k. Par écriture du 29 juin 2023, l'intimé a indiqué qu'il modifiait sa position dans le sens que le droit de la recourante à une rente d'invalidité était reconnu jusqu'en décembre 2020, sur la base d'une incapacité de travail jusqu'en octobre 2020, conformément à ce que retenait le Dr D______. En ce qui concernait le myotome allégué, celui-ci n'était pas validé par un électroneuromyogramme. Quant à l'aspect psychiatrique, une potentielle aggravation n'entrait pas en ligne de compte dans le cadre de la présente procédure, la recourante étant suivie depuis février 2023 uniquement, soit après le prononcé de la décision litigieuse. L'intimé a produit à l'appui de son écriture un avis médical du SMR également daté du 29 juin 2023, dans lequel la docteure Q______, spécialiste FMH en médecine interne générale, expose notamment que l'expert rhumatologue n'avait pas précisé la date de la deuxième opération de l'épaule gauche subie par la recourante, ni retenu d'incapacité de travail en lien avec cette intervention, laquelle entraînait cependant en général une incapacité totale durant quatre à six mois. Il fallait donc retenir une capacité de travail entière de la recourante depuis le mois de décembre 2020 uniquement, et non depuis février 2020. Plus précisément, il fallait reconnaître, sur le plan somatique, une incapacité totale de travail du 16 avril 2019 au 10 décembre 2020, soit six mois après la seconde opération.

l. Le 31 juillet 2023, la recourante a encore produit un certificat médical d'arrêt total de travail délivré par le Dre C______ pour la période du 22 juillet au 21 août 2023.

m. Le 5 septembre 2023, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait ordonner une expertise judiciaire bidisciplinaire qui serait confiée aux docteurs R______, spécialiste FMH en rhumatologie, et S______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et les a invitées à se déterminer sur la proposition de mission d’expertise et sur le choix des experts.

n. Le 25 septembre 2023, l’OAI s’est rallié à un avis du SMR du même jour, lequel demandait l’ajout de deux questions.

o. La recourante n’a pas fait d’observations.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI -RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du fait qu’un recours déposé devant une autorité incompétente doit être transmis d’office à la juridiction administrative compétente (comme y a procédé l'intimé) et le recourant en être averti, l’acte de recours étant réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité (art. 64 al. 2 et 89A LPA ; cf. aussi art. 30 et 58 al. 3 LPGA), le recours est recevable.

6.             De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

7.             Compte tenu des dernières conclusions de l'intimé, le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité postérieurement à décembre 2020.

8.             Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; ATF 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

Dans le cadre d'une révision de rente dans la constellation susvisée, la date de la modification est déterminée conformément à l'art. 88a RAI (ATF 131 V 164 consid. 2.2 p. 165 ; ATF 125 V 413 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_134/2015 consid. 4.1 et les références). En revanche, l'art. 88bis RAI n'est pas applicable dans cette éventualité, du moment que l'on ne se trouve pas en présence d'une révision de la rente au sens strict (ATF 125 V 413 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral I 621/04 du 12 octobre 2005 consid. 3.2 et les références ; voir aussi le ch. 4018 de la Circulaire de l'OFAS sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI], valable à partir du 1er janvier 2013).

9.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

10.         En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

11.         En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

12.          

12.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entrainer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

12.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

12.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

12.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

13.         Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaitre sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

14.          

14.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

14.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

14.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

15.          

15.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

15.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

15.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

15.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

16.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

17.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

18.          

18.1 En l'occurrence, l'intimé s'est fondé sur l'expertise bidisciplinaire réalisée par les Dr L______ et M______ pour rendre sa décision litigieuse, par laquelle il a accordé une rente d'invalidité à la recourante, limitée au 30 avril 2020.

Sur la base des nouveaux rapports médicaux obtenus dans le cadre de la procédure de recours, l'intimé a modifié ses conclusions et soutenu que la rente entière devait être versée jusqu'en décembre 2020, en raison de l'incapacité de travail liée aux suites postopératoires de l'intervention du 10 juin 2020.

Avec l'intimé, il faut retenir que le postulat de l'expert rhumatologue selon lequel la capacité de travail de la recourante se serait améliorée dès le mois de mars 2020 n'est pas soutenable. Cette conclusion ne tient en effet pas compte de la deuxième intervention que la recourante a subie en juin 2020, qui a justifié des arrêts de travail documentés et qui entraîne généralement, selon le SMR, une incapacité de travail d'au minimum quatre à six mois. À ce propos, on constate que la recourante a évoqué cette deuxième intervention lors de l'entretien qu'elle a eu avec l'expert, sans que ce dernier investigue de quelle opération il s'agissait (alors que les pièces au dossier n'en faisaient pas état) ou n'en discute dans le cadre de son évaluation médicale.

De plus, l'expert rhumatologue s'est fondé sur le rapport médical du Dr G______ pour affirmer que l'incapacité de travail de la recourante dans une activité adaptée était donnée jusqu'au mois de février 2020 uniquement. Or, même si ce médecin a indiqué que le potentiel de réadaptation de la recourante existait et qu'elle avait une capacité de travail exigible de 100% dans une activité adaptée, il a également renvoyé au Dr D______ pour déterminer le début de l'aptitude à la réadaptation. Ainsi, à défaut d'autres éclaircissements, le Dr L______ ne pouvait retenir, sur la seule base de la lecture du rapport médical du 21 février 2020, que la recourante disposait depuis lors d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée.

De surcroît, quand bien même cette question n'est pas décisive sur le plan du droit à la rente d'invalidité compte tenu de la nécessité d'une incapacité de travail d'au moins 40% en moyenne durant une année au sens de l'art. 28 al. 1 let. b LAI, l'expert rhumatologue ne motive pas son point de vue selon lequel la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée serait entière, hormis pour la période postopératoire à l'intervention du 16 avril 2019. On ne discerne en particulier pas pour quelle raison il a exclu une incapacité de travail préalablement à la réalisation de l'opération.

C'est en outre à tort, dans ses réponses aux questions du mandat, qu'il situe l'opération le 18 avril 2019.

Par ailleurs, alors même que la Dre C______ et le Dr D______ mentionnent que les douleurs de la recourante ont un substrat clinique – ce que ne semble pas contester le SMR – le Dr L______ le nie sans justification compréhensible, alors même que son examen clinique a mis en évidence une limitation douloureuse de différentes parties du corps.

Enfin, l'expert n'a pas suffisamment expliqué pour quelle raison il excluait une détérioration de la capacité de travail de la recourante dès décembre 2020, contrairement à l'avis plusieurs fois soutenu par la Dre C______ sur ce point, et alors même que la recourante a mis fin à son placement à l'essai dès le 19 janvier 2021 sur indication de sa médecin traitante compte tenu de l'évolution négative de son état de santé.

Les éléments qui précèdent permettent de mettre en doute les conclusions du Dr L______, de sorte qu'il apparaît nécessaire d'éclaircir la situation médicale de la recourante sous l'angle rhumatologique, en particulier concernant la période postérieure à décembre 2020.

18.2 S'agissant de l'expertise psychiatrique réalisée par le Dr M______, elle aboutit à des conclusions diamétralement opposées à celles des psychiatres traitantes de la recourante, lesquelles, contrairement à l'expert, retiennent la présence de troubles psychiques invalidants.

Le fait que les trois psychiatres retiennent chacun un diagnostic différent (trouble panique non invalidant selon l'expert, trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée invalidant selon la Dre J______ et trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen invalidant selon la Dre P______), rend nécessaire la réalisation d'une expertise psychiatrique judiciaire afin de départager leurs points de vue.

Cela est d'autant plus vrai que la description d'une journée-type et des ressources de la recourante est fondamentalement différente selon l'expert psychiatre et les psychiatres traitantes

Il apparaît d'ailleurs que l'appréciation du Dr M______, selon laquelle les difficultés psychiques rencontrées par la recourante ne sont pas invalidantes, sont contredites de manière substantielle par la Dre P______ qui décrit précisément en quoi la recourante présente, contrairement à l'avis de l'expert, une perte d'élan vital et une réduction importante de ses activités quotidiennes.

La Dre P______ motive par ailleurs de manière précise le diagnostic qu'elle retient et les explications qu'elle donne pour réfuter celui posé par le Dr M______ – précisant que les symptômes de la lignée anxieuse présentés par la recourante font partie du tableau de la dépression, certaines dépressions étant marquées par une prédominance de ce type de symptômes – sont crédibles.

D'autres éléments, tels qu'une erreur de de classification du trouble panique par l'expert psychiatre (qui cite, dans l'évaluation consensuelle, le code F45.1 relatif au trouble somatoforme indifférencié) ou la contradiction existant entre le status psychiatrique, ne faisant pas état d'une altération de la mémoire, et l'indication que la recourante ne sait pas depuis quand elle a débuté un suivi psychiatrique, permettent en outre de douter de la fiabilité des conclusions du Dr M______.

De plus, contrairement à ce qu'indique l'intimé, l'aggravation potentielle sur le plan psychiatrique semble antérieure au prononcé de la décision, la Dre P______ relevant que les symptômes sont apparus en mars 2021 et que les limitations fonctionnelles existent depuis fin 2021-début 2022. La recourante avait par ailleurs débuté un suivi psychiatrique auprès de la Dre J______ au printemps 2021 et celle-ci avait diagnostiqué une atteinte psychique invalidante.

18.3 Au vu de ce qui précède, il est nécessaire de procéder à la réalisation d'une expertise judiciaire bidisciplinaire en rhumatologie et en psychiatrie, afin de déterminer la nature des troubles de la recourante, s'ils sont invalidants, respectivement depuis quand et à quelle hauteur.

Enfin, la nomination de deux experts dans les deux disciplines susvisées permettra de discuter consensuellement le cas et d'établir l'éventuelle influence réciproque des troubles psychiques sur les atteintes somatiques et vice-versa, étant relevé que selon la Dre P______ l'état de dépression de la recourante peut renforcer l'intensité des douleurs ressenties.

Du point de vue psychiatrique, la question D1 sera complétée et une question 11.3 sera ajoutée, dans le sens requis par l’intimé.

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise médicale psychiatrique et rhumatologique de Madame A______. La confie aux docteurs R______ et S______.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

Du point de vue rhumatologique :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment auprès des Drs D______, G______, I______, H______, C______ et O______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens, notamment sur le plan neurologique.

D. Établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 En particulier, l'état de santé de la personne expertisée s'est-il détérioré / amélioré depuis décembre 2020 ?

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.2 Dates d'apparition

6. Capacité de travail

6.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

6.1.1 Si non ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.1.2 Si oui, quelle activité lucrative ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

6.1.3 En particulier, est-il exigible de la personne expertisée qu’elle exerce comme assistante administrative ? Si oui à quel taux et depuis quelle date ?

6.2 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.3 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis décembre 2020 ?

6.4 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

7. Capacités fonctionnelles quant aux tâches ménagères

7.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer ses tâches ménagères ?

7.1.1 Si non ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte, et pour quelles activités ménagères ?

7.1.2 Si oui, à quel taux ? Depuis quelle date ?

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée

9. Appréciation des avis médicaux au dossier

9.1 Êtes-vous d'accord avec l'avis du Dr L______ ? En particulier avec la distinction qu'il opère entre les diagnostics incapacitants et les diagnostics non-incapacitants, avec son affirmation selon laquelle les douleurs et paresthésies du membre supérieur gauche et du membre inférieur gauche ne retrouvent pas de corrélation avec le status clinique ni avec les examens complémentaires réalisés, ainsi qu'avec l'estimation d'une capacité de travail de la personne expertisée de 100 % dans une activité adaptée ? Si non, pourquoi ?

10. Quel est le pronostic ?

11. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

12. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

 

Du point de vue psychiatrique :

A.           Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.            Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier auprès des Dres P______, J______ et I______.

C.            Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.           Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.                  Anamnèse détaillée et description d’une journée-type.

2.                  Plaintes de la personne expertisée.

3.                  Status clinique et constatations objectives.

4.                  Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

4.3 En particulier, l'état de santé de la personne expertisée s'est-il amélioré/détérioré depuis mars 2021 ?

5.                  Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.2 Date d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.                  Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ?

6.4 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.                  Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité et si oui, lequel, selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.                  Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social

d) familial

9.                  Capacité de travail

9.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son ancienne activité lucrative ?

9.1.2 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.1.3 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.2.1 Si non ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Si oui, quelle activité lucrative ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis 2021 ?

9.5 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10.              Capacités fonctionnelles quant aux tâches ménagères

10.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer ses tâches ménagères ?

10.1.1 Si non ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte, et pour quelles activités ménagères ?

10.1.2 Si oui, à quel taux ? Depuis quelle date ?

11.              Traitement

11.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

11.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11.3 Effectuer un dosage sanguin des médicaments psychotropes et antalgiques, afin d’analyser la compliance et/ou la biodisponibilité.

12.              Appréciation des avis médicaux au dossier

12.1 Êtes-vous d’accord avec les avis du Dr M______ ? En particulier avec le diagnostic posé et ceux exclus, l'absence de limitations fonctionnelles constatée et l’estimation d’une capacité de travail de la personne expertisée de 100% depuis toujours dans toute activité ? Si non, pourquoi ?

13. Quel est le pronostic ?

14. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

15. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

 

II. Appréciation consensuelle du cas

Les limitations fonctionnelles somatiques et psychiatriques s'influencent-elles réciproquement, et, si oui, de quelle façon ? Compte tenu des limitations fonctionnelles somatiques et psychiatriques, la personne expertisée dispose-t-elle globalement d’une capacité de travail ? Si oui, à quel taux et depuis quelle date ? Si non ou dans une mesure restreinte, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

III. Réserve le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le