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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/432/2023

ATAS/720/2023 du 21.09.2023 ( AI ) , REJETE

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/432/2023 ATAS/720/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 septembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

 

A______
représentée par Maître Laïla BATOU, avocate

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

 

ATTENDU EN FAIT

 

Qu’en date du 9 janvier 2023, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a rendu pas moins de cinq décisions concernant Madame A______ (ci-après : l’assurée) :

-          la première lui reconnaît le droit à une rente d’invalidité entière du 1er mars 2014 au 28 février 2015, puis du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, réduite à un quart de rente du 1er avril 2018 au 30 septembre 2019, puis, à nouveau, à une rente entière du 1er septembre 2020 au 31 mars 2021 ; cette même décision fixe par ailleurs les montants des rentes entières principale et complémentaires (deux enfants) dus à titre rétroactif pour la période du 1er mars 2014 au 28 février 2015 et celui de l’une des rentes complémentaires (quart de rente) pour enfant pour la période du 1er au 30 septembre 2019 ;

-          la seconde fixe les montants des rentes entières (principale et complémentaires [deux enfants]) dus à titre rétroactif pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 ;

-          la troisième fixe les montants du quart de rente et des rentes complémentaires (deux enfants) dus à titre rétroactif pour la période du 1er avril 2018 au 31 mai 2019 ;

-          la quatrième fixe les montants du quart de rente et d’une rente complémentaire pour enfant dus à titre rétroactif pour la période du 1er juin au 30 septembre 2019 ;  

-          la cinquième fixe les montants de la rente entière principale et d’une rente complémentaire pour enfant dus à titre rétroactif pour la période du 1er septembre 2020 au 31 mars 2021. 

Que le 7 février 2023, l’assurée a interjeté recours contre ces décisions, de sorte que cinq procédures ont été ouvertes sous les numéros de causes A/432/2023, A/433/2023, A/434/2023, A/435/2023 et A/436/2023 ;

Que la recourante a dans un premier temps conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité « de l’assurance-accidents » (sic) dès le 1er mars 2014, avec suite de frais et dépens ;

Qu’invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 14 mars 2023, a demandé la jonction des causes et réservé sa position sur le fond ;

Que par ordonnance du 22 mars 2023, la Cour de céans a joint les causes sous le numéro A/432/2023 ;

Que le 31 juillet 2023, la recourante a complété son recours et produit un certain nombre de pièces ;

Qu’elle a par ailleurs précisé ses conclusions dans le sens, préalablement, de la mise sur pied d’une expertise bidisciplinaire et, principalement, de l’octroi, avec intérêts :

-          d’une rente d’invalidité entière « de l’assurance-accidents » (sic) entre le 1er mars 2014 et le 28 février 2015,

-          d’une rente entière entre le 1er décembre 2016 et le 31 mars 2018,

-          d’une demi-rente (en lieu et place d’un quart de rente) entre le 1er avril 2018 et le 30 septembre 2019,

-          puis, à nouveau, d’une rente entière dès le 1er septembre 2020 (sans limitation dans le temps, c'est-à-dire au-delà du 31 mars 2021).

Que par écriture du 22 septembre 2023, l’intimé a indiqué admettre, au vu des nouveaux éléments médicaux produits, une aggravation de l’état de santé de l’assurée postérieure à l’évaluation dont elle a fait l’objet durant l’instruction, mais antérieure à la décision litigieuse, nécessitant la reprise de l’instruction sur les plans somatique et psychiatrique ;

Que pour le surplus, l’intimé ne s’est en revanche pas déterminé sur les autres prétentions de la recourante – en particulier celles relatives à l’octroi d’une rente entière entre le 1er décembre 2016 et le 31 mars 2018 et d’une demi-rente (en lieu et place d’un quart de rente) entre le 1er avril 2018 et le 30 septembre 2019.

 

CONSIDERANT EN DROIT

 

Que conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 9 octobre 2009 (LOJ; RS E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI; RS 831.20) ;

Que sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie ;

Qu’interjetés en temps utile, les recours sont recevables ;

Qu’à teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément ;

Que le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA ; que dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario) ;

Que le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur ;

Qu’en l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence) ; que lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente ; que si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 ; que si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références) ;

Que si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020 ; que selon la let. c, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, avaient au moins 55 ans, l’ancien droit reste applicable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_561/2022 du 4 août 2023 consid. 3.1 et la référence) ;

Qu’en l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022 ; que toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en septembre 2013 et le délai d’attente d’une année étant venu à échéance le 31 décembre 2013, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement à cette date (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 ;

Qu’en outre, dans la mesure où la recourante était âgée de 55 ans déjà en date du 1er janvier 2022, l’ancien droit reste applicable jusqu’à l’extinction ou la suppression du droit éventuel à la rente ;

Que l’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué ; que d’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble ; qu’en revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références) ;

Que les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références) ;

Qu’en l’occurrence, les décisions litigieuses couvrent la période débutant le 1er mars 2014 ;

Que le droit à la rente entière auquel conclut la recourante pour la période du 1er mars 2014 au 28 février 2015 lui a d’ores et déjà été reconnu par l’OAI, de sorte que cette question n’est en réalité pas litigieuse ;

Que le droit à une rente entière auquel conclut la recourante pour la période du 1er décembre 2016 au 31 mars 2018 lui a d’ores et déjà été reconnu par l’OAI à compter du 1er avril 2017 ;

Qu’en vertu de l’art. 53 al. 3 LPGA, l’assureur peut reconsidérer une décision contre laquelle un recours est formé jusqu’à l’envoi de son préavis ;

Que l’intimé a ainsi proposé implicitement – en se référant à la prise de position de son Service médical régional – la reprise de l’instruction et, partant, l’admission partielle des recours s’agissant de la période postérieure au 31 mars 2021, ce dont il convient de prendre acte et de lui renvoyer la cause pour instruction complémentaire sur ce point et nouvelle décision ;

Que le litige se limite donc aux questions suivantes :

-          l’octroi d’une rente entière entre le 1er décembre 2016 et le 31 mars 2017 – point sur lequel l’intimé ne s’est pas déterminé ;

-          l’octroi d’une demi-rente (en lieu et place d’un quart de rente, d’ores et déjà reconnu par l’intimé) entre le 1er avril 2018 et le 30 septembre 2019 ;

Que, s’agissant de ce dernier point, le recours apparaît manifestement infondé, dans la mesure où la recourante ne conteste aucunement la capacité de travail de 50% qui lui a été reconnue dès le 1er janvier 2018, pas plus que le calcul du degré d’invalidité auquel s’est livré l’intimé et qui l’a conduit à un taux d’invalidité de 48% ouvrant droit à un quart de rente (et non à une demi-rente, comme semble le penser à tort l’assurée [comparaison d’un revenu sans invalidité de CHF 48'897.- à un revenu d’invalide de CHF 24'607.-]) ;

Qu’à cet égard, on rappellera qu’en vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins ;

Que pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI) ;

Qu’il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale : ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a) ; que l’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1) ;

Que, s’agissant donc de l’octroi d’une demi-rente pour la période du 1er avril 2018 au 30 septembre 2019, le recours doit donc être rejeté ;

Que, s’agissant du droit à une rente entière auquel conclut la recourante pour la période du 1er décembre 2016 au 31 mars 2017 en arguant qu’il n’a été procédé à aucune instruction médicale pour cette période (entre le rapport médical du Dr B______ du 27 novembre 2013 et celui du Dr C______ du 4 avril 2016), la Cour de céans ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour se prononcer ;

Que par conséquent, il appartiendra à l’intimé d’examiner, outre la question de la capacité de travail de l’assurée au-delà du 31 décembre 2020, celle de sa capacité de travail entre le 1er décembre 2015 et le 31 décembre 2017, et de statuer à nouveau sur ce point ;

Que l’assuré qui obtient partiellement gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens ainsi que de ceux de son mandataire ;

Que tel est le cas en l’espèce, dès lors que l’intimé a admis que l’instruction du dossier nécessitait d’être complétée.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

A la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Prend acte de la décision de l’OAI de reconnaître à la recourante le droit à une rente entière d’invalidité du 1er mars 2014 au 28 février 2015.

3.        Prend acte de la décision de l’OAI de reconnaître à la recourante le droit à une rente entière d’invalidité du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

4.        Rejette les recours comme manifestement infondés en tant qu’ils concluent à l’octroi d’une demi-rente (en lieu et place d’un quart de rente) pour la période du 1er avril 2018 au 30 septembre 2019.

5.        Prend acte de la décision de l’OAI de reconnaître à la recourante le droit à une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2020 au 31 mars 2021.

6.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire portant sur la capacité de travail de l’assurée et nouvelle décision s’agissant des périodes suivantes :

-          du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2017 ;

-          au-delà du 31 décembre 2020.

7.        Condamne l’intimé à verser à la recourante la somme de CHF 1'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

8.        Renonce à percevoir un émolument.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

La greffière

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le