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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2089/2022

ATAS/580/2023 du 27.07.2023 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.09.2023, 8C_558/2023
En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2089/2022 ATAS/580/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juillet 2023

Chambre 3

 

En la cause

Madame A______
représentée par Maître Sara GIARDINA

 

 

recourante

 

contre

SWICA ASSURANCE SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée) travaillait en qualité de secrétaire à mi-temps pour l’Université de Genève et était assurée contre le risque d’accidents, professionnels ou non, auprès de SWICA ASSURANCES SA (ci-après : l’assureur), lorsqu’elle a été victime d’un sinistre, le 1er mars 2013 : elle était assise, côté passager, à bord d'une voiture conduite par une amie, roulant à une vitesse comprise entre 50 et 80 km./h., qui a été prise dans une collision (avant et arrière) sur l’autoroute. La tête de l’assurée a heurté le pare-brise. Elle s’est immédiatement plainte de douleurs au dos et à la nuque (cf. rapport de la police cantonale vaudoise du 13 mars 2013).

b. Les premiers soins ont été prodigués à l’hôpital de Morges. À titre de diagnostics, ont été retenus : une contusion du front et des cervicalgies sur un traumatisme d’accélération cranio-cervical (cf. rapport du 19 juillet 2013).

L’assurée, qui se plaignait de céphalées et de nucalgies, a ensuite été suivie par son médecin traitant, le docteur B______, lequel a posé les diagnostics de traumatisme cranio-cérébral (TCC) et d’entorse cervicale (cf. rapport du 15 mai 2013). Elle a été mise en arrêt de travail et l’assureur a pris en charge les suites de l'accident.

Par la suite, la situation s’est péjorée, l’assurée se plaignant de difficultés de concentration et d’acouphènes.

B. a. Par décision du 13 novembre 2014 – confirmée sur opposition le 12 avril 2016 –, l'assureur, se basant sur les conclusions de l’expertise de la Clinique CORELA, a mis fin au versement de ses prestations avec effet au 19 mai 2014, date au-delà de laquelle il a considéré que d’éventuels symptômes persistants (asthénie, hyperacousie, acouphènes) du TCC « bénin » dont avait été victime l’assurée, étaient à mettre sur le compte de facteurs non accidentels.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          un rapport du docteur C______, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie (ORL), rédigé en octobre 2013, relatant que l’intéressée se plaignait d’une hyperacousie et d’une sensation de distorsion auditive : les bruits forts déclenchaient des sensations nauséeuses, parfois des céphalées ; elle décrivait également des acouphènes non latéralisés, intermittents et fluctuants ; l’examen ORL était normal, sans atteinte auditive, hormis un hiatus sur la fréquence 6000 Hz des deux côtés, pouvant correspondre à une séquelle de traumatisme acoustique ; le bilan auditif ne permettait pas d’expliquer les symptômes d’hyperacousie ;

-          le rapport d’expertise rédigé le 13 janvier 2014 par deux médecins de la Clinique CORELA, soit les docteurs D______, neurochirurgien, et E______, oto-rhino-laryngologiste, concluant à une contusion cervicale et à un TCC bénin, avec syndrome post-commotionnel, en rapport de causalité avec l’événement du 1er mars 2013 ; l’assurée ne se plaignait alors plus de son rachis cervical, en rémission complète ; s’agissant du TCC, les médecins ont expliqué que, selon la littérature médicale, des troubles très divers pouvaient s’ensuivre, associant souvent une asthénie, des vertiges, des troubles du comportement discrets et assidus, des troubles cognitifs, notamment mnésiques, ainsi que des troubles neurosensoriels, dont l’hyperacousie faisait partie ; dans le cas particulier, l’assurée ne rapportait pas de céphalées, ce dont ils ont conclu que le TCC était en phase de rémission retardée ; selon eux, l’hyperacousie, en tant que syndrome post-commotionnel, aurait pu être améliorée beaucoup plus rapidement si un suivi adapté avait été mis en place ; en l’absence de lésion visible, l’évolution organique et anatomique était très certainement déjà celle d’une rémission, dès lors que les conséquences neurologiques disparaissaient habituellement dans un délai de trois mois ; ainsi, sur le plan neurologique pur, la guérison était selon eux acquise, mais la guérison finale dépendait de la prise en charge du syndrome post-commotionnel ; sous l’angle ORL, les experts ont retenu une hyperacousie douloureuse de stade IV (l’exposition au bruit, quelle que soit son intensité, devenait gênante, et les activités contraignantes [se déplacer, travailler, communiquer, sortir]), associée à des acouphènes évoluant depuis plus de huit mois, en relation de causalité vraisemblable avec l’accident ; le TCC avait participé à la survenue de cette pathologie à titre de mécanisme déclenchant ; le lien de causalité s’éteindrait trois mois après le début d’un traitement adapté ; si les plaintes perduraient au-delà, elles s’expliqueraient alors par les composantes émotionnelles importantes et le lien de causalité ne pourrait plus être affirmé ; la capacité de travail serait de 50%, dans toute activité, dans un environnement calme, dès l’instauration d’une prise en charge adaptée, puis de 100% après trois mois de traitement ;

-          un rapport rédigé le 26 janvier 2015 par le docteur F______, spécialiste FMH ORL, constatant une hyperacousie invalidante associée à des acouphènes survenus dans les suites immédiates d’un accident automobile, en mars 2013 ; l’assurée disait avoir remarqué un ralentissement dans ses capacités personnelles et mentales, notamment pour gérer les tâches avec fluidité et rapidité, en particulier lorsqu’elles étaient multiples, mais ses capacités s’étaient toutefois progressivement améliorées ; l’examen clinique ORL montrait une otoscopie normale des deux côtés ; de l’audiogramme tonal, le praticien concluait que l’assurée avait souffert d’un important barotraumatisme auditif, dans un contexte de TCC ; en dépit d’une amélioration progressive, il préconisait la reprise d’une activité professionnelle dans un milieu calme ;

-          un article, intitulé « l’hyperacousie et sa prise en charge », rédigé par Monsieur G______, audioprothésiste et président du Collège National français d’audioprothèse, décrivant l’hyperacousie comme un phénomène d’abord périphérique auquel s’ajoute, dans un second temps, une composante émotionnelle, au bout d’environ six mois ;

-          un rapport complémentaire du 23 septembre 2015 des médecins de la Clinique CORELA répétant que l’assurée avait été victime d’un TCC « bénin » et maintenant qu’en l’absence de substrat organique avéré (ou de lésions des nerfs crâniens), le lien de causalité naturelle s’était éteint à trois mois.

c. Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a partiellement admis par arrêt du 15 février 2018 (ATAS/181/2018), au terme d’une procédure au cours de laquelle ont été versés au dossier, notamment :

-          l’avis émis le 30 novembre 2016 par le Service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR), reprochant aux médecins de la Clinique CORELA d’avoir évalué de manière prédictive une potentielle reprise de travail trois mois après l’expertise et constatant que, deux ans plus tard, le Dr F______ avait attesté la persistance d’une hyperacousie invalidante, objectivée par un audiogramme, consécutive au barotraumatisme accidentel ; le SMR considérait qu’il n’existait pas de raison de s’écarter de l’analyse convaincante de ce praticien ;

-          les réponses apportées par le Dr F______ le 4 septembre 2017 aux questions posées par la Cour :

- l’examen ORL réalisé lors de la consultation du 23 janvier 2015 était normal ; l’audiogramme tonal avait montré une anomalie fortement suggestive d’un traumatisme sonore ; ce dernier avait pu être causé par le choc durant l’accident, ce qui expliquerait l’hyperacousie, ainsi que les acouphènes ;

- il n’était pas possible de se prononcer sur la durée des symptômes (hyperacousie, acouphènes) après un barotraumatisme ; les dommages induits au niveau de l’oreille interne donnent lieu à des séquelles définitives ;

- l’audiogramme pratiqué après l’accident mettait en évidence l’absence de récupération objective ; il n’était pas possible d’affirmer, même en l’absence de substrat organique avéré, que les troubles devraient disparaître trois mois après l’accident ;

- il n’existait pas de traitement reconnu et efficace pour résoudre un acouphène, ni de moyen de réparer une éventuelle séquelle neuro-sensorielle post-traumatique de l’oreille interne, de sorte que l’affirmation selon laquelle la persistance des plaintes s’expliquait par l’absence de suivi médical approprié n’était pas justifiée ;

- il était difficile de se prononcer quant à la bénignité d’un TCC ; d’éventuelles séquelles n’étaient souvent pas objectivables ;

- dans la mesure où les symptômes d’hyperacousie ou d’acouphènes étaient toujours présents, les causes accidentelles de l’atteinte à la santé jouaient encore un rôle ;

- à la question de savoir à partir de quand le lien de causalité naturelle devait être considéré comme rompu, le spécialiste a répondu que les dommages étaient permanents, séquellaires et pouvaient engendrer des symptômes persistants ;

- quant à la capacité de travail, en l’absence d’éventuels troubles psychologiques, secondaires aux acouphènes, il l’évaluait à 100% ; une reprise des activités professionnelles à plein temps trois mois après l’expertise était donc envisageable, sous réserve de comorbidités psychologiques ou psychiatriques concomitantes, telles qu’une dépression.

La Cour de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

Au considérant 10 de son arrêt, la Cour de céans a constaté qu’il n’était pas contesté que l’assurée avait été victime d’un accident, qui avait eu pour conséquences une contusion cervicale et un TCC avec syndrome post-commotionnel, soit une hyperacousie douloureuse de stade IV, associée à des acouphènes.

Elle a estimé que le rapport de la clinique CORELA, bien que fondé sur une anamnèse détaillée, des examens cliniques et le dossier médical, n’était pas suffisamment motivé et n’emportait pas la conviction en tant qu’il concluait que le lien de causalité entre les symptômes persistants et l’accident se serait éteint trois mois après le début d’un traitement adapté. En particulier, la Cour de céans a fait remarquer que l’on peinait à comprendre les motifs pour lesquels les experts concluaient que, trois mois après le début d’un traitement adapté, mi-mai 2014, l’hyperacousie douloureuse subsistant encore et apparue en raison du TCC, fût-il bénin, ne serait plus imputable à l’accident.

Le Dr F______ avait pour sa part estimé que les causes accidentelles de l’atteinte à la santé jouaient encore un rôle, dans la mesure où les symptômes d’hyperacousie ou d’acouphènes étaient toujours présents en janvier 2015. La question se posait dès lors, vu la date relativement ancienne de l’accident et l’absence d’une guérison à tout le moins partielle six mois à compter du traitement débuté le 19 août 2014, de savoir si les symptômes persistants au-delà résultaient de causes exclusivement étrangères à l’accident. Il ressortait de l’article de M. G______ que les patients hyperacousiques pouvaient être soulagés en six mois (quelle que soit la cause), indépendamment de l’ancienneté de l’hyperacousie, ce qui ne semblait pas avoir été le cas de l’assurée.

La cause était renvoyée à l’assurance, à charge pour celle-ci de mettre en œuvre une nouvelle expertise médicale ORL indépendante qui aurait pour objectif de déterminer de manière détaillée : (I) la date à partir de laquelle le lien de causalité naturelle devait être considéré comme rompu, (II) la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle et dans une activité adaptée (les Drs F______, D______ et E______ ayant à cet égard une opinion divergente de celle du médecin traitant), puis de déterminer (III) si un traitement pourrait améliorer de manière notable l’état de santé ou (IV) si, au contraire, celui-ci devait considéré comme stabilisé et depuis quand et, enfin (V), s’il y avait atteinte durable et importante à l’intégrité physique de l’assurée.

C. a. La docteure H______, spécialiste FMH ORL, mandatée d’accord entre les parties pour la réalisation de ce nouvel examen, a rendu son rapport en date du 1er novembre 2018, sur la base d’un examen, d’un test d’hypersensibilité, d’un questionnaire de sensibilité auditive et d’audiogrammes vocal et tonal.

L’experte a retenu le diagnostic d’hyperacousie dans les suites d’un TCC, accompagnée de misophonie et de phonophobie. Elle a noté qu’avant l’accident, il n’y avait aucune pathologie pouvant expliquer les troubles actuels et leur évolution. Elle a estimé que le bruiteur adopté par l’assurée était adapté et adéquat et devait être porté autant que possible. Il n’y avait aucun autre traitement ORL spécifique à proposer. En revanche, la surcharge émotionnelle liée à ce problème (l’assurée se plaignant d’asthénie après quelques heures de travail) pourrait être évaluée par un examen psychiatrique, complété par un bilan neuropsychologique, vu les difficultés d’organisation également relevées. L’experte a souligné que, par définition, l’hyperacousie, la misophonie et la phonophobie ne sont pas objectivables. La description faite par l’assurée était toutefois adéquate. L’accident était la seule et unique cause des troubles actuels. Sans sa survenance, ces troubles ne seraient pas apparus. Les plaintes de la sphère ORL étaient dues à 100% à l’évènement. Une amélioration était peu probable, hormis une diminution de l’impact émotionnel dans la vie quotidienne. L’assurée avait déjà repris une activité professionnelle. Le travail devait s’effectuer dans un milieu ambiant peu bruyant et les horaires adaptés sur un taux d’occupation de 50%.

b. Par courrier du 27 décembre 2018, l’assurance a indiqué à l’experte que son rapport, dans la forme dans laquelle il lui était parvenu, « ne pouvait être accepté ». L’assurance a notamment fait valoir que, dans la mesure où les atteintes ne pouvaient être objectivées, le lien de causalité entre les troubles ORL et l’accident ne pouvait être admis au degré de la vraisemblance prépondérante. Au surplus, elle a reproché à l’experte de s’être basée sur le sophisme post hoc ergo propter hoc.

c. Par courrier du 12 mars 2019, la Dre H______ a confirmé à l’assurance que hyperacousie, misophonie et phonophobie n’étaient pas objectivables. Elle a néanmoins maintenu que l’origine de toutes les plaintes formulées par l’assurée était « sans aucun doute » à mettre en relation avec l’accident du 1er mars 2013 selon un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne s’agissait pas là d’une simple possibilité, mais d’une « évidence clinique ».

d. Par courrier du 14 mars 2019, la Dre H______ a en outre répondu au conseil de l’assurée, qui lui avait posé des questions complémentaires. À cette occasion, elle a réaffirmé que l’accident devait être considéré comme le facteur unique des troubles auditifs et que le lien de causalité naturelle n’avait pas été rompu.

e. L’assurance a alors émis le souhait de procéder à une nouvelle expertise, ce à quoi l’assurée s’est opposée, en soutenant que les griefs émis à l’encontre du rapport de la Dre H______ étaient dénués de tout fondement. Elle a reproché à l’assurance de remettre en question le rapport de l’experte au seul motif que ses conclusions lui déplaisaient.

f. Le 10 octobre 2019, SWICA a rendu une décision incidente ordonnant la mise sur pied d’une nouvelle expertise par un spécialiste ORL.

g. Par écriture du 12 novembre 2019, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans.

h. Lors d’une audience de comparution personnelle, en date du 12 mars 2020, l’assurée a sollicité la mise sur pied du complément d’expertise neuropsychologique suggéré par l’experte H______, ce à quoi l’assureur ne s’est pas opposé.

i. Le 26 mai 2020, l’assurée a produit un rapport du Professeur I______, chef de service du département des neurosciences cliniques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG ; service d’ORL).

Le professeur a retenu les diagnostics d’hyperacousie, de légère perte auditive bilatérale prédominant à droite et de troubles de la concentration et fatigue insuffisamment explorés sans examen neuropsychologique. Il a expliqué que les causes probables d’une hyperacousie, de manière générale, sont un traumatisme acoustique, un Whiplash (traumatisme de la colonne cervicale) ou un traumatisme crânien. S’agissant plus particulièrement de l’assurée, le professeur a répondu : « Pour moi, il n’y a pas de doute, le trauma crânien, le trauma acoustique, le Whiplash du 01.03.2013 sont à l’origine des symptômes décrits par la patiente ». Le professeur a exclu certaines causes moins probables, telles qu’une maladie neurologique (sclérose en plaques, par exemple). Le lien précis avec l’origine des symptômes, quelques heures après l’accident, permettait de rendre très improbables les autres causes non liées à celui-ci, même si une exclusion formelle à 100% n’était pas possible. Selon lui, une amélioration de l’état de santé était encore possible, bien que difficile, sept ans après l’accident. Le professeur disait partager les conclusions de la Dre H______ et préconisait lui aussi un bilan neuropsychologique. Il a émis l’avis que le lien de causalité naturelle n’était pas rompu. Il y avait selon lui clairement causalité entre l’hyperacousie et l’accident. S’agissant des difficultés de concentration et de la fatigue, il a qualifié le lien de « très probable », tout en préconisant de demander l’avis d’un expert en neuropsychologie sur ce point. Le professeur a évalué la capacité de travail dans l’activité habituelle à 50%. Dans une activité adaptée s’exerçant dans le silence, il n’y avait pas de diminution de la capacité de travail due à l’hyperacousie, mais il fallait explorer les difficultés de concentration et la fatigue, possiblement consécutives au traumatisme crânien. L’hyperacousie était désormais plutôt stabilisée et durable, avec un léger acouphène.

j. L’assurance a indiqué avoir demandé un bilan neuropsychologique.

k. Par arrêt du 24 septembre 2020 (ATAS/971/2020), la Cour de céans a pris acte de l’accord des parties de procéder à un complément d’expertise neurologique et de renvoyer la cause à l’assureur pour ce faire, à charge pour ce dernier de réexaminer par la suite la nécessité ou non de procéder à un complément d’expertise ORL.

D. a. Madame J______, docteure en psychologie et neuropsychologie, psychologue spécialiste en neuropsychologie, a rendu son rapport d’expertise neuropsychologique en date du 7 septembre 2020.

Les tests de validation des symptômes se sont révélés adéquats et les réponses de l’assurée également. Aucune incohérence n’a été relevée entre la description des activités quotidiennes et les diagnostics médicaux.

Subjectivement, l’assurée se plaint surtout d’une importante fatigue qui influence de nombreuses compétences de son quotidien. Objectivement, sur le plan cognitif, a été constaté un ralentissement dans la réalisation de certaines tâches complexes ou demandant de la réflexion et l’intégration de différents paramètres. Ce ralentissement rend les tâches de planification déficitaires.

À la réponse de savoir s’il existait des antécédents médicaux influençant l’état de santé actuel, l’experte a répondu par la négative. Les troubles dont l’assurée se plaint concordent avec le dossier, l’anamnèse et les constats établis. L’assurée a été victime d’un Whiplash et d’un TCC diagnostiqués lors de son hospitalisation ; les jours qui ont suivi, elle a souffert de symptômes post-traumatiques classiques (maux de tête, sensation de tête dans le coton, problèmes de concentration, hypersensibilité au bruit, mais surtout fatigue et fatigabilité). Le syndrome post-commotionnel est donc confirmé.

L’experte a relevé que l’hyperacousie était au départ le handicap le plus invalidant et a probablement masqué le reste. La plainte majeure de l’assurée est la fatigue, qui influence son quotidien de différentes manières (changement des habitudes, allongement du temps pour exécuter une tâche, besoin de repos, manque de concentration) et cela est cohérent, tant avec le diagnostic de TCC qu’avec ce que l’experte a observé de manière clinique (bégaiement, répétition des consignes longues, pauses) et de manière objective (ralentissement, difficulté à avoir accès à l’information quand il y en a plusieurs en même temps). Chez l’assurée, cette fatigue est liée à la fois à l’hyperacousie, mais également au syndrome post-commotionnel. En effet, même quand l’environnement n’est pas bruyant, elle souffre de fatigabilité.

Selon l’experte, l’accident est la seule cause des troubles de la santé constatés et ce, au degré de la vraisemblance prépondérante. Le statu quo ante n’a jamais eu lieu d’être. Il est évident, selon elle, que les troubles auditifs occasionnent plus de fatigue, en lien avec la nécessité de gérer le bruit. De la même manière, si une activité cognitive est réalisée dans le bruit, cela affecte la performance. Toutefois, certaines performances, dont le ralentissement, sont, elles, en lien avec le syndrome post-commotionnel persistant. Ce ralentissement, présent quand il y a beaucoup d’informations à gérer en même temps ou si l’information est transmise trop vite, provoque des troubles dans différents domaines cognitifs (planification, lecture, compréhension orale ou réflexion lors de tâches complexes). En d’autres termes, certaines plaintes ne sont pas liées à l’hyperacousie, mais sont le reflet des séquelles du syndrome post-commotionnel persistant (ralentissement dans les tâches, difficulté à gérer plusieurs paramètres en même temps, difficulté à entamer une tâche). Ces limitations se manifestent de manière comparable dans tous les domaines de la vie.

Au vu de la thymie légèrement abaissée et fragile de l’assurée, l’experte a suggéré un soutien psychothérapeutique, en précisant qu’il n’était pas absolument nécessaire.

À sept ans de l’événement, et compte tenu de la stabilité acquise depuis quelques années, une amélioration lui semblait peu possible. Selon l’assurée, la stabilité était survenue trois ans plus tôt environ.

La fatigue et l’hyperacousie sont des freins dans tout type d’activité professionnelle. L’assurée a trouvé un emploi qu’elle peut pratiquer à son rythme, dans un environnement calme, en choisissant ses horaires, et en ayant la possibilité de se reposer. De plus, cet emploi est composé d’activités ressourçantes et relativement silencieuses, ce qui permet également de réduire d’éventuelles sources de stress. Le 50% effectué par l’assurée est rendu possible sur le long terme grâce à cette souplesse. Il lui serait en revanche vraisemblablement impossible d’exercer un emploi classique, où elle devrait par exemple travailler quatre heures de suite sur cinq jours dans un environnement peut-être plus stressant et bruyant.

En conclusion, les différents troubles évoqués sont des séquelles de l’accident du 1er mars 2013. Ils confirment le syndrome post-commotionnel persistant, dont la séquelle principale est la plus handicapante reste la fatigue, qui engendre de nombreuses conséquences psychosociales, cognitives et émotionnelles. L’hyperacousie est également une séquelle importante, à propos de laquelle l’experte a indiqué qu’il ne lui appartenait pas de conclure, renvoyant ainsi à l’avis de l’ORL.

b. Dans un courrier daté du 29 septembre 2020, l’assurance a indiqué à l’assurée qu’elle s’étonnait des conclusions de l’experte, puisque la clinique CORELA avait ordonné un scanner cérébral le 13 décembre 2013, qui avait confirmé l’absence de toute image post-traumatique, telle qu’une fracture, et que le TCC avait été qualifié de bénin par les experts de la clinique CORELA, vu le scanner cérébral normal. L’assurance, considérant que la seule appréciation en neuropsychologie ne suffisait pas à établir un lien de causalité naturelle, annonçait vouloir mettre sur pied une expertise.

c. Après s’y être opposée dans un premier temps, l’assurée y a consenti.

d. Le 19 novembre 2020, l’assureur a adressé à l’assurée une décision incidente ordonnant la mise sur pied d’une nouvelle expertise multidisciplinaire comportant des volets en oto-rhino-laryngologie, neurologie et en psychiatrie, auprès du CEMEDEX.

e. Le CEMEDEX a rendu son rapport en date du 16 juillet 2021. Y ont contribué les docteurs K______, neurologue, L______, spécialiste ORL, et M______, psychiatre.

Ce rapport fait état d’un examen ORL normal, tout en soulignant l’impossibilité, du point de vue neurologique, d’objectiver un acouphène, une sensibilité au bruit ou une limitation de concentration, voire une fatigabilité, l’examen neurologique étant situé dans les limites normales.

Ont été retenus les diagnostics suivants : TCC avec entorse cervicale, hyperacousie persistante huit ans après le TCC, avec contusion labyrinthique, absence de diagnostic psychiatrique, troubles de la concentration et de l’attention et fatigue, évalués spécifiquement par Mme J______, neuropsychologue.

Les médecins ont relevé que si certains des troubles présentés suite au TCC avec contusion labyrinthique et distorsion cervicale (troubles de la marche et de l’équilibre, acouphènes, hyperacousie avec misophonie, céphalées, douleurs cervicales, troubles d’ordre neuropsychologique et retrait social) avaient régressé (le retrait social, l’acouphène, la misophonie, les troubles de l’équilibre, les céphalées et les nuqualgies), il persistait encore des troubles auditifs de type hyperacousie, ainsi que des troubles d’ordre neuropsychologiques qu’il fallait qualifier de lésions séquellaires définitives.

Les limitations fonctionnelles retenues sont d’ordre acoustique (vive intolérance aux ambiances bruyantes) et d’ordre neuropsychologique (fatigue, défaut de planification et de concentration rendant la création d’ateliers toujours plus difficile, car cela demande beaucoup d’organisation et de capacités intellectuelles). Ces limitations engendrent une lassitude, un sentiment de frustration et d’échec, une légère anxiété, sans atteinte psychiatrique significative.

Sur le plan ORL, les plaintes subjectives ont été objectivées.

Sur le plan neurologique, les experts ont indiqué avoir observé certains troubles (fatigue, désorganisation de la pensée), mais se sont référés pour le surplus à l’examen neuropsychologique.

Selon les experts, les troubles otologiques et neuropsychologiques sont en relation de causalité naturelle et unique avec l’accident et ce, au degré de la vraisemblance prépondérante.

Il a été relevé que l’expertisée s’était tournée d’elle-même vers une activité de coaching de vie et de thérapie animale avec création d’ateliers qui respectait les limitations otologiques, mais se confrontait à des limitations d’ordre neuropsychologique. La reprise d’une activité professionnelle adaptée paraît une bonne stratégie en vue d’une réinsertion, d’une mise en confiance et d’un épanouissement personnel à même de maintenir l’état de santé. La capacité de travail est de 25% dans l’activité de secrétaire (50% avec un rendement de 50%), tant sur le plan ORL que neurologique, sachant que toute activité dans un environnement bruyant n’est pas recommandable. Toute activité dans un milieu bruyant est à proscrire. Toute activité nécessitant des capacités d’organisation, de planification ou une attention soutenue, ne pourra s’effectuer qu’avec une baisse de rendement. Une activité respectant les limitations mentionnées peut être exigible à 60% (75%, avec une perte de rendement de 20%).

Sur le plan otologique l’atteinte à l’intégrité est de 5%, sur le plan neuropsychologique, de 15% (selon la table 8 de la SUVA), soit un total de 20%.

f. Par décision du 28 janvier 2022, confirmée sur opposition le 24 mai 2022, l’assureur a nié toute relation de causalité adéquate au-delà de décembre 2013 et nié à l’assurée le droit à toute prestation.

Il a considéré que les lésions somatiques avaient été guéries en décembre 2013, période à laquelle a été effectuée une expertise par la clinique CORELA, et que les conditions permettant de reconnaître l’existence d’un lien de causalité adéquate ne sont pas réunies.

E. a. Par écriture du 27 juin 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à ce que l’assureur soit condamné à prendre en charge les suites de l’accident jusqu’à ce jour.

La recourante soutient que l’assureur-accidents aurait admis les liens de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 1er mars 2013 et les atteintes typiques liées au coup du lapin, dans la mesure où le second n’a jamais été remis en question lors de la procédure ayant abouti au premier arrêt de la Cour de céans. En modifiant son raisonnement pour lui nier le droit aux prestations, l’assurance tenterait, selon elle, de procéder, en toute mauvaise foi, à une « révision sans élément nouveau » (sic).

La recourante souligne que toutes les expertises mises en œuvre ont confirmé que le statu quo sine ante n’avait jamais été atteint et que les atteintes étaient définitives.

Pour le reste, elle ne conteste pas que l’accident entre dans la catégorie des accidents moyennement graves. Elle soutient cependant que, les symptômes liés au coup du lapin se trouvant toujours au premier plan, la causalité adéquate doit être examinée sans distinction des composantes physiques et psychiques. Les critères permettant d’admettre la causalité adéquate seraient ainsi remplis.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 16 août 2022, a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 12 octobre 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Par écriture du 1er novembre 2022, l’intimée a fait de même.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

3.1 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a ; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

3.2 Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

5.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur la question de savoir si l’intimée était fondée à mettre un terme au versement de ses prestations avec effet au 19 mai 2014 (cf. décision du 13 novembre 2014, confirmée sur opposition le 12 avril 2016, puisque, dans la décision litigieuse, l’intimée n’a pas réclamé la restitution des prestations versées de janvier à mai 2014), singulièrement sur l’existence d’un lien de causalité entre les troubles encore présents à ce jour et l'accident du 1er mars 2013.

7.              

7.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

7.2 L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé ; il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

7.2.1 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

7.2.2 Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

7.2.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L'absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de 72 heures après l'accident assuré permet en principe d'exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d'admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d'autres symptômes apparaissant parfois après un période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l'absence de substrat objectivable ; il n'est pas nécessaire que ces derniers symptômes – qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d'un traumatisme de type « coup du lapin » – apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l'accident assuré (SVR 2007 UV n. 23 p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

7.2.4 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

7.3 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

7.3.1 En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).

7.3.2 En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; ATF 117 V 369 consid. 4b ; ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5).

7.3.3 En cas d'atteinte à la santé psychique, les règles applicables en matière de causalité adéquate sont différentes selon qu'il s'agit d'un événement accidentel ayant entraîné une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5) ou d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale et d'un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit organique objectivable (ATF 134 V 109 consid. 7 à 9 ; ATF 117 V 369 consid. 4b ; ATF 117 V 359 consid. 6a ; SVR 1995 UV n° 23 p. 67 consid. 2 ; sur l'ensemble de la question, cf. ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et SVR 2007 UV n° 8 p. 27 consid. 2 et les références).

Dans la première hypothèse, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa), tandis que dans la seconde, en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale (ATF 117 V 359 consid. 6a), d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 consid. 2) ou d'un traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 369 consid. 4b), on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb).

Cela dit, même en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un traumatisme cranio-cérébral, si les symptômes (non psychiques) du tableau clinique sont réellement à l'arrière-plan par rapport à l'importance des symptômes psychiques, ou si ces troubles psychiques apparaissent très tôt de manière prédominante, soit dans un délai maximum de six mois, ou si l'accident n'a fait que renforcer des troubles psychiques qui étaient déjà présents avant cet événement, ou encore lorsque les troubles psychiques constituent plutôt une atteinte à la santé indépendante et non seulement l'un des éléments du tableau clinique type (ATF 123 V 98 consid. 2), il convient d'appliquer les critères objectifs tels que définis à l'ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et à l'ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques).

7.3.4 D’après la science médicale, un traumatisme sonore peut engendrer un tinnitus. Ce point est admis de longue date aussi bien par l’assurance-militaire que l’assurance-accidents obligatoire, qui indemnisent l’atteinte à l’intégrité subie par un assuré en cas de tinnitus résultant d’un accident lorsque ce trouble présente un certain degré d’intensité et qu’on peut établir qu’il est durable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_451/2009 du 18 août 2010 consid. 5.1 et les références citées).

Cela étant, dans un arrêt publié aux ATF 138 V 248, le Tribunal fédéral a clarifié sa jurisprudence en matière de tinnitus et jugé qu'en l'absence de lésion organique spécifique attestée par des investigations réalisées au moyen d'appareils diagnostiques ou d'imagerie à laquelle associer les acouphènes, il y avait lieu de les considérer comme des symptômes cliniques sans substrat organique. Dès lors, l'existence d'un rapport de causalité adéquate entre ces symptômes et l'accident ne peut être admis sans faire l'objet d'un examen particulier, comme pour les autres tableaux cliniques sans preuve d'un déficit organique (arrêts du Tribunal fédéral 8C_867/2014 du 28 décembre 2015 consid. 2 ; 8C_720/2012 du 15 octobre 2013 consid. 6.2). En d’autres termes, en l’absence de lésion organique spécifique, la jurisprudence relative aux troubles psychiques consécutifs à un accident (soit l’ATF 115 V 133) s’applique par analogie pour l’examen du rapport de causalité adéquate avec l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_400/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4.1.2 et 4.1.3 et 8C_867/2014 du 28 décembre 2015 consid. 2).

Selon la jurisprudence, sont considérés comme objectivables les résultats de l'investigation (médicale) susceptibles d'être confirmés en cas de répétition de l'examen, lorsqu'ils sont indépendants de la personne de l'examinateur ainsi que des indications données par le patient. On ne peut ainsi parler de lésions traumatiques objectivables d'un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d'appareils diagnostiques ou d'imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1 p. 251 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C/612/2019 du 30 juin 2020 consid. 2.1 ; 8C_591/2018 du 29 janvier 2020 consid. 2 et les références). 

7.3.5 En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), l’examen des critères doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l'état de santé de l'assuré ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du coup du lapin – dont les composantes psychologique et physique ne sont pas facilement différenciées – (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et consid 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2017 consid. 4.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insegamt » une amélioration sensible de l'état de santé de l'assuré (RUMO-JUNGO / HOLZER, Bundesgestz über die Unfallversicherung [UVG] 2012 ad art. 6 p. 60).

L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident, étant précisé que l’amélioration attendue par la continuation du traitement médical doit être significative. Des améliorations mineures ne suffisent pas. Cette question doit être examinée de manière prospective. La clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques d’une part et les troubles somatiques d’autre part n’entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

7.3.6 Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité en présence de troubles psychiques, d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou d’un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit organique objectivable, il y a lieu d'abord d'opérer une classification des accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; ATF 115 V 133 consid. 6).

Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 117 V 359 consid. 6a). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d'autres circonstances concomitantes qui n'ont pas directement trait au déroulement de l'accident, comme les lésions subies par l'assuré ou le fait que l'événement accidentel a eu lieu dans l'obscurité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies – qui constitue l'un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l'examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2015 du 25 août 2016 consid. 3.3).

Lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est par exemple cogné la tête ou s'est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles peut, en règle générale, être d'emblée niée, sans même qu'il soit nécessaire de trancher le point de savoir si l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin », d'une lésion analogue à une telle atteinte ou d'un traumatisme cranio-cérébral (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; ATF 117 V 359 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 428/2006 du 30 octobre 2008 consid. 4.2). En effet, selon l'expérience de la vie et compte tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des accidents, on peut en effet partir de l'idée, sans procéder à un examen approfondi sur le plan psychique, qu'un accident insignifiant ou de peu de gravité n'est pas de nature à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. Dans l'hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs étrangers à l'accident, tels qu'une prédisposition constitutionnelle. Dans ce cas, l'événement accidentel ne constituerait en réalité que l'occasion pour l'affection mentale de se manifester. Ce n'est donc qu'à titre exceptionnel qu'un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d'une incapacité de travail et de gain. Il faut alors que les conséquences immédiates de l'accident soient susceptibles d'avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d'accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/01 du 4 mars 2002 consid. 2c).

Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité adéquate entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; par analogie ATF 115 V 403 consid. 5b). Dans ces cas, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue ATF 115 V 403 consid. 5b).

Sont réputés accidents de gravité moyenne, les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l'accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l'ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l'événement assuré.

Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l'accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique (115 V 133 consid. 6c/aa ; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa).

7.3.7 En cas de troubles psychiques, les critères posés par l’ATF 115 V 133 (op. cit.) sont les suivants :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Ces critères diffèrent quelque peu lorsqu’il s’agit d’examiner l’existence d’un lien de causalité adéquate entre un accident de gravité moyenne et des atteintes à la santé sans preuve de déficit organique consécutives à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un traumatisme crânio-cérébral. En effet, dans un ATF 134 V 109, le Tribunal fédéral a précisé sur plusieurs points sa jurisprudence au sujet de la relation de causalité entre des plaintes et de tels traumatismes. Selon cet arrêt, il y a lieu de s'en tenir à une méthode spécifique pour examiner le lien de causalité adéquate en présence de tels troubles (consid. 7 à 9). Le Tribunal fédéral n'a pas modifié les principes qui ont fait leur preuve, à savoir la nécessité, d'une part, d'opérer une classification des accidents en fonction de leur degré de gravité et, d'autre part, d'inclure, selon la gravité de l'accident, d'autres critères lors de l'examen du caractère adéquat du lien de causalité (consid. 10.1). Cependant, il a renforcé les exigences concernant la preuve d'une lésion en relation de causalité naturelle avec l'accident, justifiant l'application de la méthode spécifique en matière de traumatisme de type « coup du lapin » (consid. 9) : l'existence d'un traumatisme de type « coup du lapin » et de ses suites doivent être dûment attestées par des renseignements médicaux fiables (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 117 V 359 consid. 4b). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a modifié en partie les critères à prendre en considération lors de l'examen du caractère adéquat du lien de causalité (consid. 10). Ces critères sont désormais formulés de la manière suivante :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident (inchangé) ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions (inchangé) ;

- l’administration prolongée d’un traitement médical spécifique et pénible (formulation modifiée) ;

- l’intensité des douleurs (formulation modifiée) ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident (inchangé) ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes (inchangé) ;

- et, enfin, l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré (formulation modifiée ; arrêt 8C_491/2012 du 3 mai 2013 consid. 3.2).

Ainsi, en présence d’un traumatisme de type « coup du lapin », l'examen des critères est effectué sans faire de distinction entre les composantes physiques ou psychiques : ainsi, les critères relatifs à la gravité ou à la nature particulière des lésions subies, aux douleurs persistantes ou à l'incapacité de travail sont déterminants, de manière générale, sans référence aux seules lésions ou douleurs physiques (ATF 117 V 359 consid. 6a ; ATF 117 V 369 consid. 4b).

Quelle que soit l’hypothèse, tous les critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; ATF 115 V 133 consid. 6c/bb ; ATF 115 V 403 consid. 5c/bb).

8.             On ajoutera qu’aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).

8.1.1 D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phrase) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2ème phrase). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).

8.1.2 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 113 V 218 consid. 2a ; RAMA 1988 p. 236) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb). L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1 de l'annexe 3).

8.1.3 La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; ATF 124 V 209 consid. 4.cc ; ATF 116 V 156 consid. 3).

9.            

9.1.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux.

En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

9.1.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.         En l’espèce, l’intimée, si elle ne conteste plus l’existence d’une relation de causalité naturelle entre l’accident et les atteintes de l’assurée, nie en revanche celle d’une relation de causalité adéquate au-delà de décembre 2013 (date de l’expertise CORELA attestant selon elle de la guérison des lésions somatiques). On notera que, dans sa décision antérieure de novembre 2014, confirmée sur opposition le 12 avril 2016, l’intimée n’avait mis fin au versement des prestations qu’à compter du 19 mai 2014, date au-delà de laquelle elle estimait alors que le lien de causalité naturelle était rompu.

La recourante, pour sa part, soutient que, puisque les symptômes liés au coup du lapin sont toujours au premier plan, la causalité adéquate doit être examinée sans distinction des composantes physiques et psychiques et que les conditions permettant de reconnaître l’existence d’un tel lien sont réunies.

10.1 Il y a lieu de constater qu’il n’est pas contesté qu’il y a eu accident et que celui-ci a eu pour conséquence une contusion cervicale et un TCC. Pour le surplus, il convient de relever que la recourante ne se plaint plus à ce jour que de deux types d’atteintes : d’une part, l’hyperacousie, qui a fait l’objet de l’expertise du CEMEDEX, notamment, d’autre part, les problèmes neuropsychologiques, investigués plus particulièrement par la neuropsychologue J______.

Les atteintes ORL ont été confirmées par tous les spécialistes (les Drs C______, F______, H______, I______ et L______). Quant aux atteintes neuropsychologiques, elles ont été mises en évidence par Mme J______ et ont également été observées par les experts du CEMEDEX, même si l’examen de ces derniers n’a pas porté spécifiquement sur ce plan. Lesdites atteintes apparaissent donc incontestables. Leur existence n’est d’ailleurs pas niée par l’intimée.

10.2 L’existence d’un lien de causalité naturelle – dont l’absence servait de justification à la première décision de refus de prester de l’intimée – ne semble plus être contestée par l’assurance. À juste titre puisqu’il s’agit-là d’une question médicale et que le lien de causalité naturelle avec l’accident a été confirmé de manière catégorique par Mme J______ et les experts du CEMEDEX s’agissant des troubles neuropsychologiques, par le Dr F______, par la Dre H______ et l’expert L______ s’agissant des troubles ORL.

10.3 Se pose en revanche la question de l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les atteintes ORL et neuropsychologiques et l’accident.

La recourante soutient que l’assureur-accidents aurait admis les liens de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 1er mars et les atteintes typiques liées au coup du lapin, dans la mesure où le second n’a jamais été remis en question lors de la procédure ayant abouti au premier arrêt de la Cour de céans. En modifiant son raisonnement pour lui nier le droit aux prestations, l’assurance tenterait, selon elle, de procéder, en toute mauvaise foi, à une « révision sans élément nouveau » (sic).

À cet égard, la Cour de céans relève que l’on ne saurait reprocher à l’intimée de n’avoir pas déjà développé son argumentation relativement à la causalité adéquate lors de la première procédure dans la mesure où, s’agissant de conditions cumulatives et où l’intimée contestait l’existence d’un lien de causalité naturelle, la question de celui d’une causalité adéquate n’avait pas à être examiné.

La recourante défend ensuite l’opinion que la relation de causalité adéquate devrait être examinée selon les critères énoncés par l’ATF 117 V 369 cité supra, c'est-à-dire sans faire la distinction entre les troubles psychiques et physiques.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, l’hyperacousie doit être envisagée de la même manière que les acouphènes (ou tinnitus). En effet, tout comme ces derniers, dans la jurisprudence fédérale susmentionnée supra (ATF 138 V 248), l’hyperacousie ne peut être attribuée à une atteinte organique objectivable d’origine accidentelle, attestée par des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie à laquelle l’associer : en l’occurrence, les examens auxquels il a été procédé sur le plan ORL se sont révélés normaux. C’est la raison pour laquelle l’hyperacousie doit être qualifiée de symptôme clinique sans substrat organique.

De la même manière, les difficultés neuropsychologiques mises en évidence ne reposent, elles non plus, sur aucun substrat organique, vu l’examen neurologique normal.

C’est le lieu de rappeler que, même en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un TCC, si les symptômes somatiques du tableau clinique sont à l'arrière-plan par rapport à l'importance des symptômes psychiques, il convient d'appliquer les critères objectifs tels que définis à l'ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et à l'ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques. Les symptômes dont se plaint la recourante aujourd’hui encore étant sans substrat organique, ils doivent être, comme tels, assimilés à des symptômes psychiques restés au premier plan.

En présence d’un accident devant être – de l’avis des deux parties comme de la Cour de céans – qualifié de moyennement grave, l’examen des critères de causalité adéquate doit donc s’effectuer conformément à ceux énoncés dans l’ATF 115 V 133 (cf. consid. 7.3.7 supra), c’est-à-dire en procédant à une distinction entre les composantes physiques et psychiques : ainsi, les critères relatifs à la gravité ou à la nature particulière des lésions subies, aux douleurs persistantes ou à l'incapacité de travail sont déterminants en référence aux seules lésions ou douleurs physiques.

10.3.1 De manière générale, lorsque l'on se trouve en présence d'un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur sept pour que la causalité adéquate soit admise, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2019 du 8 octobre 2019 consid. 4.1.2).

10.3.2 La raison pour laquelle la jurisprudence a adopté le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l'accident repose sur l'idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d'une affection psychique. C'est le déroulement de l'accident dans son ensemble qu'il faut prendre en considération. L'examen se fait sur la base d'une appréciation objective des circonstances d'espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l'assuré, en particulier de son sentiment d'angoisse. Il faut en effet observer qu'à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l'existence du critère en question (arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1).

Le critère de « circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident » a été admis s’agissant d’un important carambolage sur l’autoroute, ou d’une collision entre une voiture et un camion dans un tunnel d’autoroute avec nombreux heurts contre le mur du tunnel, ou d’une collision entre une voiture et un semi-remorque, le conducteur du semi-remorque n’ayant pas remarqué le véhicule dans lequel se trouvait l’assuré l’a poussé sur une longue distance (300 m de côté), ou encore, d’une importante embardée du véhicule qui perd une roue sur l’autoroute alors qu’il circule à haute vitesse, avec plusieurs tonneaux et projection d’un passager hors du véhicule (arrêt du Tribunal fédéral 8C_817/2009 du 26 mars 2010 et les références).

En l'occurrence, les éléments qui rendent le déroulement des accidents précités particulièrement impressionnant ne se retrouvent pas dans celui dont a été victime la recourante, étant rappelé que celle-ci a été victime d’un accident sur l’autoroute, à vitesse réduite, alors que la circulation se faisait en accordéon, que la voiture la précédant a planté les freins, entraînant un impact à l’avant dans un premier temps, puis un impact à l’arrière, dans un deuxième temps.

10.3.3 Pour être retenu, le critère de la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques, postule d'abord l'existence de lésions physiques graves ou, s'agissant de la nature particulière des lésions physiques, d'atteintes à des organes auxquels l'homme attache normalement une importance subjective particulière (par exemple la perte d'un œil ou certains cas de mutilations à la main dominante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 4.3.2).

En l'espèce, les lésions que la recourante a subies (cervicalgies sur entorse cervicale, TCC) ne sauraient figurer parmi les atteintes à la santé graves au sens de la jurisprudence. Quant à l’hyperacousie, comme indiqué, dans la mesure où elle est sans substrat organique, elle ne saurait être assimilée à une atteinte physique à prendre en considération.

10.3.4 Pour l'examen du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U.369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N'en font pas partie les mesures d'instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U. 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). En outre, l'aspect temporel n'est pas seul décisif ; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêts du Tribunal fédéral 8C_361/2007 du 6 décembre 2007 consid. 5.3 ; U.92/06 du 4 avril 2007 consid. 4.5 et les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêts du Tribunal fédéral 8C_361/2007 du 6 décembre 2007 consid. 5.3 ; U.380/04 du 15 mars 2004 consid. 5.2.4 in RAMA 2005 n. U 549 p. 239). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d'un assuré dont le traitement médical du membre supérieur accidenté avait consisté en plusieurs opérations chirurgicales et duré dix-huit mois (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U.37/06 du 22 février 2007 consid. 7.3). La jurisprudence a également nié que ce critère fût rempli dans le cas d'un assuré ayant subi quatre interventions chirurgicales entre juillet 2010 et juillet 2015, au motif notamment que les hospitalisations avaient été de courte durée et qu'hormis lesdites interventions, l'essentiel du traitement médical avait consisté en des mesures conservatrices (arrêt du Tribunal fédéral 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3).

En l'espèce, ce critère n'est pas réalisé. Suite à son accident, la recourante n'a pas subi d'intervention chirurgicale. Quant aux atteintes physiques en lien avec le rachis cervical, elles étaient totalement amendées en décembre 2013, soit moins d’une année après l’accident.

10.3.5 Le dossier ne fait mention d’aucune erreur médicale, ni de douleurs physiques persistantes.

10.3.6 En ce qui concerne les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes, pour admettre ce critère, il doit exister des motifs particuliers ayant entravé ou ralenti la guérison et ce, même s'il n'a pas été possible de supprimer les douleurs de l'intéressé, ni même de rétablir une capacité de travail entière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 4.3.4).

Or, ce critère ne saurait être admis en l'occurrence, étant donné qu'il y a lieu de faire abstraction des troubles sans substrat organique (arrêts du Tribunal fédéral 8C_810/2019 du 7 septembre 2020 consid. 4.3.2 ; 8C_612/2019 du 30 juin 2020 consid. 3.3.5).

10.3.7 Le critère du degré et de la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l'assuré. Ainsi, il n'est pas rempli lorsque l'assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu'il présente.

Dans un arrêt 8C_566/2013 du 18 août 2014 dans lequel il s’était écoulé deux ans et sept mois avant que l'assuré ait pu récupérer une capacité de travail complète (dans une activité adaptée), entrecoupée par des périodes de capacité de travail partielle (à 50%), le Tribunal fédéral a considéré qu’il est douteux que le critère du degré et de la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques soit réalisé (consid. 6.2.7). Ce critère est en principe admis en cas d'incapacité totale de travail de près de trois ans sans interruption (arrêt du Tribunal fédéral 8C_116/2009 du 26 juin 2009 consid. 4.6).

En l'espèce, à la suite de son accident, la recourante n’a été dans l’incapacité d’exercer une activité pour des raisons somatiques que peu de temps. L’incapacité partielle qui subsiste encore à ce jour telle qu’attestée par le CEMEDEX (40% dans une activité adaptée), n’est justifiée que par l’hyperacousie et les troubles neuropsychologiques, tous deux sans substrat organique. Ce critère n’est donc pas non plus rempli.

10.4 Eu égard à ce qui précède, l’existence d’un lien de causalité adéquate ne peut être admise, de sorte que c’est à juste titre que l’intimée a nié à la recourante le droit à ses prestations. Le recours est donc rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le