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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3818/2022

ATAS/424/2023 du 12.06.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.07.2023, rendu le 21.12.2023, REJETE, 8C_441/2023, 8C_411/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3818/2022 ATAS/424/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juin 2023

Chambre 1

 

En la cause

A______ SA
représentée par Me Michael LAVERGNAT, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ SA (ci-après : la société), dont le siège est à Genève, a pour but social toutes activités de commerce de tous produits via internet. Monsieur B______ est administrateur président, Madame C______, administratrice vice-présidente, et Messieurs D______ et E______ administrateurs. Les administrateurs précédents ont été radiés en avril 2017, étant précisé que M. B______ disposait alors de la signature collective à deux. Le capital-actions était de CHF 474'000.- en 2012, CHF 500'000.- depuis le 1er septembre 2021, augmenté à CHF 1’100'000.- en mai 2022.

b. Par courrier du 16 mars 2020, A______ SA a demandé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) à 75% du 20 mars au 20 juin 2020 pour 20 de ses 25 employés.

c. Selon ledit préavis, signé par M. B______, la société confirmait avoir rempli le formulaire de manière conforme à la vérité et reconnaitre devoir effectuer un contrôle du temps de travail auprès des employés touchés par la réduction de l’horaire de travail, soit les heures de travail fournies, y compris les heures supplémentaires, les heures perdues pour des raisons économiques et toute autre absence.

d. Par décision du 18 mars 2020, l’OCE a indiqué que la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pouvait octroyer la RHT pour autant que les autres conditions du droit soient remplies, en précisant à nouveau les devoirs de contrôle indiqués plus haut.

e. Les 25 mars, 30 avril et 3 juin 2020, la société a transmis les décomptes signés et datés et a requis les indemnités pour RHT. La mention s’agissant de l’obligation d’attester les heures effectuées ou perdues par des justificatifs adéquats fournis par l’entreprise figure également sur ces documents.

f. Des indemnités RHT de CHF 73'661.40, CHF 29'922.80 et CHF 17'939.55 ont été versées à la société, pour les mois de mars, avril et mai 2020.

g. Par décision du 30 mars 2022, le secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) a demandé à la société la restitution de la somme de CHF 121'523.75, pour indemnités RHT versées à tort de mars à mai 2020, en l’absence d’un système de contrôle du temps de travail fiable ou d’autres documents qui auraient pu justifier que les heures perdues perçues l’avaient été à bon droit, à savoir que la perte de travail était effectivement due à des facteurs d’ordre économique.

h. La décision n’a pas fait l’objet d’une opposition.

i. Le 30 mai 2022, la société a demandé la remise de son obligation de restituer auprès de la caisse, en invoquant sa bonne foi et son absence de volonté dolosive, n’ayant pas cherché à dissimuler des renseignements à l’administration ni n’avait fourni d’informations erronées ou mensongères. Sa méconnaissance de ses obligations en matière d’enregistrement du temps de travail relevait de la négligence légère, ce d’autant qu’elle était alors en pleine mutation à la suite du départ de deux associés, l’internalisation des fonctions RH et finances et la délocalisation d’une partie du personnel. Elle avait tenté de mettre en place le dispositif requis mais n’était pas parvenue à implanter le logiciel durant les premiers mois de la crise, pensant de bonne foi s’acquitter de ses obligations en se basant sur un horaire déclaratif et la confiance en ses collaborateurs.

Le remboursement exposerait en outre la société à une situation de surendettement, nonobstant un échelonnement, et s’ajouterait aux mensualités de remboursement du prêt Covid, rendant la charge financière insupportable et insurmontable.

Elle a annexé le bilan au 31 décembre 2021, faisant état d’un chiffre d’affaires au 30 juin 2020 de CHF 14'728'237.81 (sur douze mois) et au 31 décembre 2021 de CHF 16'996'753.75 (sur 18 mois), un résultat de l’exercice de CHF – 436'086.10 au 30 juin 2020 et de CHF – 340'181.11 et un résultat reporté de CHF 413'401.19 au 30 juin 2020 et de CHF 753'582.30 au 31 décembre 2021.

j. Par décision du 20 juillet 2022, l’OCE a refusé la remise de la somme de CHF 121'523.75, aux motifs que la société ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi au moment de la perception des indemnités en question, car elle savait – avant même de les percevoir – qu’elle ne possédait pas de système de contrôle du temps de travail fiable ou d’autres documents permettant de justifier les heures perdues, alors que cette obligation ressortait de nombreux documents qu’elle avait signés.

k. La société a formé opposition à cette décision le 12 septembre 2022, considérant que l’OCE n’avait pas pris en compte le contexte particulier entourant les faits, notamment la crise sanitaire, avait abusé de son pouvoir d’appréciation dès lors qu’il ne pouvait pas être exigé de la société qu’elle parvienne dans les premiers mois de la pandémie à obtenir un système d’enregistrement du temps de travail, au vu de la pénurie généralisée des biens et du fait qu’il n’était ni possible ni reconnaissable pour le citoyen lambda de déduire une obligation particulière quant aux exigences minimales attendues en la matière, et violait son droit d’être entendu puisqu’il n’avait pas tenu compte de ses arguments.

l. Par décision sur opposition du 25 octobre 2022, l’OCE a rejeté l’opposition faite le 12 septembre 2022, au motif que la société avait été informée à plusieurs reprises de la nécessité et de l’obligation de mettre en place un système d’enregistrement et d’avoir les moyens permettant de justifier les heures perdues, dans son préavis daté et signé le 16 mars 2020 et les décomptes signés les 25 mars, 30 avril et 3 juin 2020. La société savait donc, avant de percevoir les indemnités RHT, qu’elle ne possédait pas un tel système de contrôle du temps fiable. Aucune analyse complémentaire n’était donc nécessaire et le comportement de la société était manifestement constitutif d’une négligence grave excluant la bonne foi. Si elle avait fait preuve de la « vigilance exigible », elle aurait pu facilement se renseigner auprès des autorités compétentes, pour vérifier sa bonne conformité avec ses obligations. La situation sanitaire et la procédure simplifiée de demandes RHT auraient également dû l’amener à redoubler de vigilance, étant pour le surplus rappelé qu’elle était soumise à la même procédure et aux mêmes obligations que l’ensemble des employeurs qui demandaient les indemnités RHT.

B. a. Le 17 novembre 2022, la société a formé recours contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi de la remise. En substance, elle a fait valoir sa bonne foi en reprenant son argumentation précédente. De toute bonne foi, elle avait pensé remplir ses obligations en se basant sur un système déclaratif et la confiance qu’elle avait dans ses employés, rappelant que le SECO prévoyait la possibilité de se baser sur les relevés manuscrits des collaborateurs, voire sur un horaire fixe prédéfini, pour les petites entreprises, et que ses collaborateurs étant en télétravail dans un autre pays, il n’existait aucun moyen fiable de vérifier leurs enregistrements. L’autorité intimée ne remettait pour le surplus pas en question la réalisation de la seconde condition à la remise, le remboursement l’exposant à une situation de surendettement car la charge financière était insupportable et insurmontable.

b. Le 13 décembre 2022, l’OCE a persisté dans les termes de sa décision, la société n’apportant aucun élément nouveau permettant de la revoir.

c. Le 20 janvier 2023, la recourante a persisté.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA, art. 62ss et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut bénéficier d’une remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 121'523.75.

 

4.              

4.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.

Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

4.2 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

4.3 Selon l’art. 95 al. 2 loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), la caisse exige de l’employeur la restitution de l’indemnité allouée en cas de réduction de l’horaire de travail ou d’intempéries quand cette indemnité a été versée à tort. Lorsque l’employeur est responsable de l’erreur, il ne peut exiger de ses travailleurs le remboursement de l’indemnité.

4.4  

4.4.1 Selon le bulletin LACI RCRE / C2, il y a lieu de différencier l'ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations (ignorance de l’illicéité), du fait que l’assuré, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait exiger de lui, compte tenu des circonstances, aurait pu et dû reconnaître le vice juridique existant. En fait, l’assuré ne doit s’être rendu coupable non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'intéressé peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 112 V 97 consid. 2c et références ; DTA 1992 no 7 p. 103 consid. 2b). Un comportement fautif a trait le plus souvent à la violation de l'obligation d'annoncer ou d'informer, mais aussi au fait de ne pas se renseigner auprès de l'administration (DTA 1998 no 41 p. 234 consid. 4b et références). La bonne foi doit exister au moment de la perception des indemnités. Néanmoins, un assuré ne peut se prévaloir de la bonne foi au moment de la perception de l’indemnité, lorsqu’il devait s’attendre à une suspension de son droit aux indemnités de chômage en raison d’un comportement qu’il savait fautif. Cela est particulièrement le cas lorsqu’une sanction, pour des raisons inhérentes à l’instruction, ne peut intervenir que dans une période de contrôle ultérieure (p. ex. recherches de travail insuffisantes ou absence à un entretien de conseil). Enfin, en ce qui concerne la notion de bonne foi, la jurisprudence développée à propos de l'art. 47, al. 1, LAVS (valable jusqu’à l’entrée en vigueur de la LPGA) vaut par analogie en matière d'assurance-chômage. L’introduction de la LPGA n’a en rien modifié les notions relatives à l'appréciation de la bonne foi.

4.4.2 La bonne foi n'a pas été reconnue notamment lorsque les documents nécessaires au contrôle du temps de travail ont été jetés trop tôt (ATFA C 223/00 du 5.2.2001 consid. 3a ; ATFA C 162/03 du 24.3.2004) et s’agissant d’une entreprise requérant des indemnités de RHT ou INTEMP ne disposant d'aucun contrôle systématique du temps de travail (ATF 8C_120/2012 du 11.6.2012 ; ATF 8C_312/2012 du 19.6.2012).

4.5  

4.5.1 L’art. 5 OPGA définit comme suit les conditions relatives à la reconnaissance de la situation difficile : « Il y a situation difficile, au sens de l’art. 25, al. 1, LPGA, lorsque les dépenses reconnues par la loi fédérale du 6.10.2006 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC) et les dépenses supplémentaires au sens de l’al. 4 sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC. »

4.5.2 Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (ATF 105 V 74 consid. 4, art. 4, al. 2, OPGA).

4.5.3 Pour les employeurs, on admet l’existence d’une situation difficile lorsque la somme à rembourser est supérieure à 20 % du bénéfice net moyen (solde positif du compte des pertes et profits / compte d’exploitation) des trois derniers exercices. Par exemple, si le bénéfice net annuel moyen des trois derniers exercices s’élève à CHF 100'000.- et que le montant à restituer s’élève à CHF 26'000.-, la remise accordée à l’employeur est de CHF 6'000.- (6 % du bénéfice annuel moyen).

4.6 Selon le bulletin LACI RHT / B34, pour que l’horaire de travail et, par conséquent, les heures effectivement accomplies soient suffisamment contrôlables, il faut que l’entreprise dispose d’un système d’enregistrement du temps de travail de tous les travailleurs pour lesquels elle demande la RHT. Ce dernier (p. ex. cartes de timbrage, rapports sur les heures) doit pouvoir rendre compte quotidiennement des heures de travail fournies, y compris des éventuelles heures supplémentaires, de la perte de travail due aux conditions économiques, ainsi que de tout autre type d’absences telles que les vacances, les absences en cas de maladie, d’accident ou de service militaire. L’info-Service « L’indemnité en cas de RHT », la plateforme d’accès aux services en ligne (eServices ; art. 83, al. 1bis, let. d, LACI), le formulaire 716.300 « Préavis de RHT », de même que les décisions des autorités cantonales rendent clairement les employeurs attentifs à l’obligation pour les entreprises de procéder à un contrôle du temps de travail.

A son chiffre B36, le bulletin précise que s’il s’avère ultérieurement, lors d’un contrôle chez l’employeur, que la perte de travail n’aurait pas dû être prise en considération parce qu’incontrôlable, faute de système de contrôle approprié, le SECO/TCRD exigera le remboursement de l’indemnité versée à tort. L'employeur ne pourra pas se prévaloir de sa bonne foi du fait que l'indemnité lui a été versée sans réserve à plusieurs reprises sur une longue période et ne pourra se soustraire à la décision de restitution (ATF 8C_469/2011 du 29.12.2011). L’employeur ne pourra pas non plus invoquer sa bonne foi pour demander une remise de l’obligation de restituer les prestations.

 

5.              

5.1 Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). Au demeurant, il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322, consid. 5a).

5.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.             En l’espèce, la recourante considère que l’intimé aurait dû retenir sa bonne foi, aux motifs qu’elle était en pleine mutation après le départ de deux de ses administrateurs et qu’elle avait cherché en vain à implanter durant la pandémie un logiciel de contrôle du temps de travail. Un tel logiciel aurait en tout état été inutile, s’agissant d’employés en télétravail, pour lequel le principe de la confiance suffisait, ce d’autant qu’elle était une petite entreprise, pour laquelle le SECO admettait de se fonder sur les relevés manuscrits des collaborateurs, voire sur un horaire fixe prédéfini. Enfin, son obligation n’était pas claire à teneur des formulaires qu’elle a signés.

La recourante ne conteste pas que l’obligation de disposer d’un système d’enregistrement du temps de travail ressortait des formulaires qu’elle a signés et renvoyés à l’intimé en vue d’obtenir des indemnités RHT. Si elle devait ne pas avoir compris son obligation, ce qui est douteux au vu du texte reporté sur lesdits formulaires, il lui appartenait de prendre contact avec l’intimé ou une autre autorité qui aurait été à même de répondre à ses questions. A tout le moins, aurait-elle dû s’assurer auprès de l’intimé que le système « fondé sur la confiance », qu’elle appliquait et qu’elle estimait suffisant, était admis pour retenir les heures à indemniser. Le fait qu’elle indique avoir voulu installer un système informatique de contrôle du temps de travail durant le confinement, mais en vain, démontre au demeurant qu’elle était pleinement consciente de son obligation et de son manquement, sans pour autant renoncer à demander des prestations auxquelles elle n’avait dès lors pas droit.

A cela s’ajoute qu’elle ne saurait se prévaloir du départ de deux de ses administrateurs pour justifier la méconnaissance de ses obligations, ce départ étant intervenu en 2017, soit près de trois ans auparavant, ce qui laissait à l’administrateur actuel – qui était au demeurant auparavant titulaire de la signature collective à deux, et qui avait connaissance du fonctionnement de la société – le temps de mettre le système de contrôle du temps de travail en conformité.

Les manquements de la recourante ne relèvent donc pas d’une omission légère et, dans ces circonstances et au regard des critères rappelés plus haut, c’est avec raison que l’intimé a estimé que la condition de la bonne foi n’était pas réalisée, ce qui s’oppose à la remise que la recourante requiert.

Les conditions de la remise étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’examiner le critère de la situation économique – critère que l’intimé avait au demeurant réfuté, contrairement à ce que la recourante soutient. En tout état, la recourante ne démontre pas qu’elle se retrouverait dans une situation économique difficile en cas de refus de remise, étant rappelé que le critère doit être réalisé au moment où la décision de restitution est exécutoire.

7.             Eu égard à ce qui précède, la décision de l'intimée s'avère conforme au droit. Le recours sera donc rejeté.

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l'art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.             Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.             Le rejette.

3.             Dit que la procédure est gratuite.

4.             Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties, ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le