Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3244/2020

ATAS/56/2023 du 01.02.2023 ( LCA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 22.03.2023, rendu le 09.08.2023, ADMIS, 4A_141/2023
En fait
En droit

<rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3244/2020 ATAS/56/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er février 2023

4ème Chambre

 

En la cause

A______, c/o Monsieur B______, à COLLONGE-BELLERIVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

 

demanderesse

 

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA, sise Richtiplatz 1, WALLISELLEN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe EIGENHEER

 

 

défenderesse

EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______ ou la demanderesse) est inscrite au registre du commerce genevois depuis le 4 juillet 2014 et a pour activité principale la vente, l’achat, la promotion, les investissements, la gérance et le courtage dans le domaine immobilier. Son siège social est situé chez Monsieur B______ (ci-après : l’administrateur), à Collonge-Bellerive. Ce dernier est administrateur de la société depuis le 4 juillet 2014 et Monsieur C______ en est l’administrateur président (ci-après : l’administrateur président) depuis le 30 janvier 2020. Ils détiennent chacun 50% des actions nominatives de la société.

b. En 2017, A______ a commencé à générer des bénéfices substantiels sur différentes promotions immobilières, soit CHF 2'427'571.- pour cette année, puis CHF 395'600.30 en 2018. En 2019, les salaires de ses employées ont été augmentés et le bénéfice a été de CHF 1'857'125.-.

c. En janvier 2018, A______ a souscrit une police d’assurance-maladie collective auprès de l’Allianz Suisse Société d’Assurances SA (ci-après : l’assurance ou la défenderesse), valable dès le 1er janvier 2019, laquelle couvrait le risque d’assurance maladie collective pour son personnel.

d. Madame D______ (ci-après l’intéressée) est l’épouse de l’administrateur et elle a commencé à travailler pour A______ le 1er janvier 2018 en qualité de responsable du marketing à 40% pour un salaire mensuel brut de CHF 7'500.- versé douze fois l’an, selon les termes de son contrat de travail. A______ lui a versé un bonus de CHF 30'000.- en décembre 2018. Elle a touché un salaire brut de CHF 10'000.- en janvier et février 2019, puis, selon un avenant à son contrat de travail du 15 janvier 2019 signé le 28 février 2019, son salaire annuel a été porté à CHF 300'000.-, avec effet au 1er janvier 2019. Son salaire est resté le même, selon le décompte de contribution au 1er janvier 2021 de la caisse de prévoyance professionnelle d’A______ (la CIEPP).

e. Madame E______ est l’épouse de l’administrateur président et elle travaille également pour A______, s’occupant principalement du secrétariat, depuis le 1er janvier 2018.

f. Le 14 janvier 2019, A______ a annoncé à la CIEPP ainsi qu’à l’assurance un salaire annuel AVS de CHF 120'000.- pour chacune de ses deux employées pour l’année 2019.

g. Dès 2020, l’administrateur président est devenu employé d’A______.

B. a. Inscrite au registre du commerce depuis le 31 juillet 2003, F______ (ci-après : F______) a pour activité l’exploitation d’une station d’essence Shell, avec kiosque, à Genève. Cette société a été fondée par l’intéressée et son époux, chacun d’eux détenant 50% des parts sociales.

b. Comme A______, F______ est au bénéfice d’une police d’assurance maladie collective contractée auprès de l’assurance.

c. L’intéressée y travaille depuis le 1er octobre 2003. Selon un courrier adressé par son époux à l’assurance le 31 octobre 2019, son taux d’activité était de 50% avec un horaire variable, car elle travaillait également pour d’autres sociétés. Elle s’occupait de la comptabilité et des ressources humaines dans l’une de leurs stations Shell, à Genève, pour un salaire mensuel brut de CHF 8'000.-.

C. a. Inscrite au registre du commerce depuis le 31 juillet 2014, G______ (ci-après : G______) a pour activité l’exploitation de commerces de détail, l’assistance dans la vente au détail, la logistique et le marketing.

b. Elle est également au bénéfice d’une police d’assurance maladie collective contractée auprès de l’assurance. L’intéressée est associée de cette société depuis janvier 2018. G______ a déclaré à l’assurance que celle-ci touchait un salaire annuel brut de CHF 60'000.- et qu’elle avait une occupation irrégulière.

Le 21 novembre 2019, la société fiduciaire L______ en charge de la comptabilité de G______ a indiqué à l’assurance que l’intéressée percevait des avances sur résultats basées sur son temps de travail en tant qu’indépendante et qu’elle exerçait la fonction de manager en charge de superviser le travail des autres associés et des salariés de l’entreprise.

D. a. Le 14 mai 2019, le docteur M______, oncologue, a diagnostiqué chez l’intéressée un cancer du sein. Dès cette date, celle-ci a été en incapacité totale de travail pour une durée indéterminée.

b. Le 23 mai 2019, F______ a déclaré à l’assurance cette incapacité de travail.

c. Par courriel du 24 mai 2019, A______ a informé l’assurance que sa masse salariale pour l’exercice 2019 s’élevait à CHF 420'000.-, en lui laissant le soin de lui adresser un décompte rectifié. Cette annonce était due à l’augmentation du salaire de l’intéressée qui est passé CHF 120'000.- à CHF 300'000.- avec effet rétroactif au 1er janvier 2019.

d. L’assurance a soumis une proposition de modification de la police d’assurance maladie collective à A______ augmentant la prime annuelle d’assurance, laquelle a été signée le 31 mai 2019 par l’administrateur président.

e. Le 30 août 2019, ce dernier a transmis à Monsieur H______, chef de vente de l’assurance (ci-après : l’employé de l’assurance), le formulaire type de déclaration de maladie lui annonçant que l’intéressée était totalement incapable de travailler dès le 14 mai 2019.

f. Le même jour, l’employé de l’assurance a transmis la déclaration de maladie au service des sinistres de l’assurance pour le versement des prestations à A______.

g. Le 7 septembre 2019, l’assurance a indemnisé A______ à concurrence de CHF 13'151.- pour l’incapacité de travail de l’intéressée du 12 au 31 août 2019 faisant suite au délai d’attente de 90 jours.

h. Dans un rapport du 5 septembre 2019, le docteur I______, spécialiste FMH en gynécologie obstétrique, a diagnostiqué un cancer invasif du sein droit de l’intéressée, précisant que les premiers symptômes de la maladie s’étaient manifestés dès avril 2019. L’intéressée était totalement incapable de travailler dès le 13 mai 2019 pour une durée indéterminée.

i. Le 23 septembre 2019, l’assurance a requis d’A______ la remise des bulletins de salaire de l’intéressée pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019.

j. Le 9 octobre 2019, G______ a annoncé à son tour à l’assurance la maladie de l’intéressée.

k. Le 11 octobre 2019, une gestionnaire de l’assurance s’est interrogée sur le cas de l’intéressée, du fait que celle-ci était employée à 50% auprès de deux sociétés assurées par l’assurance et qu’elle était en arrêt de travail depuis le 14 mai 2019 pour un cancer du sein. Les différentes déclarations de salaire de l’intéressée lui paraissaient surprenantes et elle a demandé une investigation sur cette situation.

l. Le 24 octobre 2019, l’assurance a reçu l’extrait du compte individuel AVS de l'intéressée, qui faisait apparaître un revenu de CHF 286'492.- en 2018 provenant d’A______ à hauteur de CHF 120'000.-, de F______ à hauteur de CHF 104'000.- et de«D______» (soit G______) à hauteur de CHF 60'000.-.

m. Le 25 octobre 2019, l’assurance a requis d’A______, F______ et G______ les contrats de travail de l’intéressée, ses douze dernières fiches de salaire, les virements bancaires s’y rapportant, les relevés de ses honoraires de travail et une description de son activité avec l’indication de son lieu de travail.

n. Le 30 octobre 2019, A______ a transmis à l’assurance la documentation sollicitée et indiqué que l’intéressée avait un large carnet d’adresses et qu’elle était essentiellement chargée de trouver des terrains permettant à A______ d’effectuer des promotions immobilières ainsi que des clients pour l’achat des projets réalisés. Cette activité ne nécessitait pas un lieu fixe de travail ni des heures de travail ponctuelles. L’intéressée était amenée à se déplacer dans plusieurs communes du canton de Genève en journée, le soir et parfois le week-end. L’augmentation substantielle de son salaire était justifiée par le fait qu’A______ allait réaliser un chiffre d’affaires d’environ CHF 4'000'000.- pour 2019 en grande partie grâce à son intervention qui avait permis à A______ d’acquérir des terrains en 2018 et au début de l’année 2019. Le diagnostic de son cancer avait été posé en mai 2019, soit bien après l’augmentation de son salaire.

o. Le 26 novembre 2019, l’assurance a demandé à A______ de s’expliquer au sujet du fait que les salaires de l’intéressée étaient versés, selon les relevés bancaires, à son époux.

Elle demandait également des explications sur les modifications du salaire de l’intéressée ainsi que sur les rattrapages et avances de salaire ressortant de ses fiches de salaires. Il y avait notamment des mentions se référant à mars 2019 sur les fiches de salaire pour le mois de mars à septembre 2019.

p. Le 6 décembre 2019, l’intéressée a informé l’assurance que son salaire d’A______ était payé sur le compte familial. L’augmentation de salaire pour l’année 2019 à CHF 300'000.- annuel avait été décidée en février de la même année, raison pour laquelle l’ajustement apparaissait en mars. Cette augmentation avait été décidée avant que sa tumeur ait été diagnostiquée. En avril, elle avait demandé une avance de salaire pour des raisons personnelles, laquelle lui avait été accordée, et qui avait par la suite fait l’objet d’une déduction sur ses salaires. F______ avait reçu le remboursement de salaire de l’assurance, mais pas G______ ni A______.

L’intéressée a transmis à l’assurance un relevé de compte privé sociétaire Raiffeisen au nom de son époux pour la période du 28 septembre 2018 au 29 novembre 2019 et un relevé de son propre compte privé auprès du même établissement pour la période du 1er juin 2018 au 6 décembre 2019.

q. Le 27 mars 2020, Monsieur J______(ci-après : l’expert), c/o K______, mandaté par l’assurance, a établi un rapport intermédiaire pour celle-ci contenant ses premières constatations et une série de questions et de documents à solliciter des trois sociétés qui employaient l’intéressée. Il en ressort notamment que le taux d’occupation total de l’intéressée pour les trois sociétés était proche de 200%.

r. Le 1er avril 2020, l’assurance a informé A______ et G______ qu’elle avait demandé une expertise comptable. Ces sociétés étaient priées de transmettre les informations et documents requis par l’expert.

s. Le 2 avril 2020, l’expert a posé à l’intéressée plusieurs questions en lien avec ses rapports professionnels avec A______, F______ et G______ et transmis une liste de documents à lui remettre.

t. Le 16 avril 2020, A______ a répondu à la demande de l’expert, par l’intermédiaire de son conseil, qu’un grand nombre des questions posées à l’intéressée étaient sans lien avec le sinistre en cause et qu’elles relevaient du secret des affaires. Le cahier des charges de l’intéressée n’avait pas changé depuis son engagement, mais son activité avait permis à A______ de faire d’importantes affaires, ce qui avait abouti à un bénéfice conséquent en 2019 et en 2020, malgré la crise sanitaire. Cela avait justifié l’augmentation de son salaire en 2019, lequel avait pris effet à janvier 2019, mais n’avait été versé qu’en mars 2019, avec un rattrapage pour les mois de janvier et février 2019. En avril 2019, une avance de salaire avait été versée à l’intéressée. Ce n’était que le 14 mai 2019 que le Dr L______ lui avait diagnostiqué un cancer du sein, selon un rapport du 29 août 2019, à la suite de l’apparition d’un nodule.

A______ a transmis en annexe de ce courrier une partie des documents demandés, précisant que les documents sensibles et confidentiels ne seraient transmis à l’expert qu’après son engagement de ne pas les transmettre à des tiers et à les détruire à la fin de son mandat. Le conseil de l’intéressée se tenait à disposition pour discuter de sa réponse et faciliter l’intervention de l’expert autant que possible.

u. A______ a relancé l’assurance par courriers des 25 et 29 juin 2020, puis par téléphone, n’ayant pas reçu de réponse à sa demande de versement des indemnités journalières.

v. A______ a continué à verser le salaire de l’intéressée pendant son incapacité de travail et celle-ci lui a cédé sa créance contre l’assurance.

E. a. Le 14 octobre 2020, A______ a déposé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice une demande en paiement contre l’assurance, concluant au versement CHF 268'280.40, représentant les indemnités journalières dues pour l’incapacité de travail de l’intéressée du 14 mai 2019 au jour du dépôt de la requête, le 1er octobre 2020, soit durant 428 jours, après déduction du délai d’attente de 90 jours et en tenant compte du versement de CHF 13'151.- déjà intervenu en septembre 2019. Des intérêts moratoires de 5% étaient également demandés à compter de la demande de prestations, qui valait mise en demeure, soit dès le 27 août 2019, ainsi qu’une indemnité de dépens. La demanderesse réservait ses prétentions pour la période postérieure au 1er octobre 2020.

b. Par mémoire de réponse et demande reconventionnelle, la défenderesse a conclu préalablement :

·         à la comparution personnelle des parties ;

·         et à l’apport par la demanderesse :

-          de ses états financiers (bilans, comptes de pertes et profits, annexes, journal, etc) pour les exercices 2017 à 2020 compris ;

-          de ses grands livres pour les exercices 2017 à 2020 compris ;

-          des certificats de salaires de 2017 à 2020 de l’intéressée ;

-          de tout justificatif propre à faire état d’une information communiquée à l’intéressée concernant l’augmentation de son salaire dès 2019 ;

-          de tous les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires et extraordinaires portant sur les résultats annuels de l’entreprise, avec feuilles de présence, pour les exercices 2018 à 2020 compris ;

-          de tous les procès-verbaux des séances du conseil d’administration pour les exercices 2017 à 2020 compris ;

-          de toutes les correspondances entretenues entre l’intéressée et les clients et partenaires commerciaux de la demanderesse en lien avec l’activité de cette dernière ;

-          de la convention d’actionnaires ;

-          de tous les documents propres à prouver les parts employeur et employés des cotisations sociales payées par A______ sur le salaire de l’intéressée pour la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 janvier 2021 et les dates auxquelles étaient intervenus ces paiements ;

·         à l’apport par G______ et l’intéressée :

-          de tous les contrats d’associés conclus avant et après l’entrée dans cette société par l’intéressée ;

-          de ses états financiers (bilans, comptes de pertes et profits, annexes, journal, etc) pour les exercices 2017 à 2020 compris ;

-          de tous les justificatifs propres à faire état de versements effectués par cette société en faveur de l’intéressée entre 2018 et 2020 ;

·         à l’apport par F______ et l’époux de l’intéressée :

-          de ses états financiers, comptes de pertes et profits, annexes, journal, etc) pour les exercices 2017 à 2020 ;

-          de tous les contrats de travail et avenants conclus entre F______ et l’intéressée et l’époux de celle-ci ainsi que leurs annexes ;

-          des certificats de salaire 2017 à 2020 de l’intéressée et de son époux ;

-          de tous les procès-verbaux d’assemblée des associés pour les exercices 2017 à 2020 ;

·         à l’apport par l’intéressée et son époux :

-          de leurs déclarations fiscales pour les années 2017 à 2020 ;

-          et des extraits intégraux de leur compte individuel AVS à fin 2020 ;

·         à l’audition de :

-          Monsieur N______, inspecteur des sinistres de la défenderesse ;

-          l’expert ;

-          l’intéressée ;

-          et l’épouse de l’administrateur président.

Principalement, la défenderesse a conclu au rejet de la demande et à ce que la demanderesse soit condamnée aux frais et dépens de l’instance.

Sur demande reconventionnelle, la défenderesse a conclu à ce que la demanderesse soit condamnée à lui payer CHF 13'151.-, avec intérêts à 5% dès le 5 septembre 2019, à titre de remboursement des prestations versées indûment, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de dépens.

c. La demanderesse a conclu au rejet de la demande reconventionnelle et a répliqué.

d. La défenderesse a dupliqué sur demande principale et répliqué sur demande reconventionnelle.

e. La chambre de céans a entendu l’inspecteur des sinistres représentant la défenderesse, les administrateurs de la demanderesse, l’intéressée, l’épouse de l’administrateur président, l’expert et l’employé de l’assurance.

f. La cause a été gardée à juger après une audience de plaidoirie.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

L’art. 20 des conditions générales pour l’assurance maladie collective (CG) prévoit qu’en cas de litiges, dans le cadre de l’assurance collective d’indemnité journalière en cas de maladie souscrite par un employeur pour ses employés, leur lieu de travail en Suisse est également reconnu comme for juridique.

En l’occurrence, la demanderesse étant domiciliée à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

2.              

2.1 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

2.2 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2.3 En vertu de l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

La partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

2.4 Selon la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 CC, en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

3.             Le litige porte sur le droit de la demanderesse au versement par la défenderesse des indemnités journalières pendant la maladie de l’intéressée du 14 mai 2019 au 1er octobre 2020.

4.              

4.1 En matière d'assurances complémentaires, les parties sont liées par l'accord qu'elles ont conclu dans les limites de la loi, les caisses-maladie pouvant en principe édicter librement les dispositions statutaires ou réglementaires dans les branches d'assurances complémentaires (ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 consid. 5.1 ; ATAS/761/2017 du 5 septembre 2017 consid. 17). La LCA ne contient pas de règles d'interprétation des contrats. Comme elle renvoie au code des obligations pour tout ce qu'elle ne règle pas elle-même (art. 100 al. 1 LCA), la jurisprudence en matière de contrat est applicable. Il s'ensuit que, lorsqu'il s'agit de déterminer le contenu d'un contrat d'assurance et des conditions générales et/ou particulières qui en font partie intégrante, le juge doit, comme pour tout autre contrat, tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 du Code des obligations du 30 mars 1911, CO ; RS 220). Lorsqu'un assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s'engager selon les termes de ces conditions ; lorsqu'une volonté réelle concordante n'a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi (ATF 135 III 410, 413 consid. 3.2 ; ATF 133 III 675, 681 consid. 3.3 ; ATAS/761/2017 du 5 septembre 2017, consid. 17). À cet égard, les conditions générales, lorsqu'elles ont été incorporées au contrat, en font partie intégrante; elles doivent être interprétées selon les mêmes principes que les autres dispositions contractuelles (ATF 133 III 675, 681-682 consid. 3.3; ATF 122 III 118, 121 consid. 2a ; ATAS/761/2017 du 5 septembre 2017, consid. 17).

4.2 Par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO). Les éléments caractéristiques de ce contrat sont une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.2.1 et 4P.337/2005 du 21 mars 2006 consid. 3.3.2). 

Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l'existence d'un lien de subordination (ATF 125 III 78 consid. 4 p. 81; ATF 112 II 41 consid. 1a/aa p. 46 et consid. 1a/bb  in fine p. 47), qui place le travailleur dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et temporel, et dans une certaine mesure économique. Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée (arrêt précité du 3 septembre 2015 consid. 4.2.1 et les arrêts cités). Pour sa part, le mandataire doit certes suivre les instructions du mandant, mais il agit indépendamment et sous sa seule responsabilité, tandis que le travailleur se trouve au service de l'employeur. D'autres indices peuvent également aider à la distinction, tels l'élément de durée propre au contrat de travail, alors que le mandat peut n'être qu'occasionnel (arrêt précité du 21 mars 2006 consid. 3.3.2 et les références citées), le fait que les conditions de temps et de lieu dans lesquelles le travail doit être exécuté soient fixées dans le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4C.276/2006 du 25 janvier 2007 consid. 4.4.1), la mise à disposition des instruments de travail et le remboursement des frais (même arrêt consid. 4.5.1) ainsi que l'indépendance économique; ce dernier critère doit toutefois être relativisé, dès lors qu'une dépendance économique peut exister dans d'autres types de contrats que le contrat de travail, d'une part, et qu'elle n'existe pas nécessairement dans tous les contrats de travail, d'autre part (même arrêt consid. 4.6.1).  

Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_714/2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.4.2). En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit, révèlent l'existence d'un contrat de travail plutôt que d'un mandat (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.216/1994 du 21 mars 1995 consid. 1a; PHILIPPE CARRUZZO, Le contrat individuel de travail, 2009, n° 4 ad art. 319 CO p. 3 s.). 

Le critère de la subordination doit être relativisé en ce qui concerne les personnes exerçant des professions typiquement libérales ou ayant des fonctions dirigeantes. Comme l'indépendance de l'employé est beaucoup plus grande, la subordination est alors essentiellement organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_194/2011 du 5 juillet 2011 consid. 5.6.1). Dans un tel cas, plaident notamment en faveur du contrat de travail la rémunération fixe ou périodique, la mise à disposition d'une place de travail et des outils de travail, ainsi que la prise en charge par l'employeur du risque de l'entreprise (ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 4 e éd. 2006, n° 33 ad art. 319 CO; cf. aussi REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 2010, n° 44 ad art. 319 CO); le travailleur renonce à participer au marché comme entrepreneur assumant le risque économique et abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en contrepartie d'un revenu assuré (arrêt du Tribunal fédéral 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2).  

Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de déterminer si le travail est effectué de manière dépendante ou indépendante (ATF 129 III 664 consid. 3.2 p. 668; ATF 112 II 41 consid. 1a/aa p. 46). La régularité du versement de la rémunération est également un indice d'une activité dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_592/2016 du 16 mars 2017).

4.3 D'après l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective. Cette disposition étant de droit dispositif (non soumise à l'art. 341 CO; ATF 124 II 436 consid. 10e/aa p. 451), les parties peuvent conventionnellement diminuer le salaire en cours de contrat (arrêts du Tribunal fédéral 4C.242/2005 du 9 novembre 2005 consid. 4.1; 4C.426/2005 du 28 février 2006 consid. 5.2.1).

Selon l’art. 322a al. 1 CO, si, en vertu du contrat, le travailleur a droit à une part du bénéfice ou du chiffre d’affaires ou participe d’une autre manière au résultat de l’exploitation, cette part est calculée sur la base du résultat de l’exercice annuel, déterminé conformément aux prescriptions légales et aux principes commerciaux généralement reconnus.

En droit suisse, la rémunération du travailleur obéit au principe de la liberté contractuelle: le salaire convenu fait foi. Il n'en va toutefois pas ainsi quand les parties sont soumises, de quelque manière que ce soit, à une convention collective de travail prévoyant un salaire supérieur à celui qu'elles ont arrêté; dans ce cas, le salaire supérieur remplace le salaire convenu (art. 322 al. 1 et 357 al. 2 CO). Les dispositions d'une convention collective relatives aux salaires sont impératives et il ne peut y être dérogé (VISCHER, Commentaire zurichois, n. 11 ad art. 357 CO). Toutefois, selon la dernière phrase de l'art. 357 al. 2 CO, les dérogations stipulées en faveur des travailleurs sont valables (arrêt du Tribunal fédéral 4C.465/1999 du 31 mars 2000).

4.4 À teneur de l’art. 40 LCA, si l'ayant droit ou son représentant, dans le but d'induire en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l'obligation de l'assureur, ou si, dans le but d'induire l'assureur en erreur, il ne fait pas ou tardivement les communications que lui impose l'art. 39 LCA, l'assureur n'est pas lié par le contrat envers l'ayant droit. L'art. 39 LCA précise que sur demande de l'assureur, l'ayant droit doit lui fournir tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit ou à fixer les conséquences du sinistre.

D'un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit ainsi porter sur des faits qui sont propres à influencer l'existence ou l'étendue de l'obligation de l'assureur; en d'autres termes, il faut que, sur la base d'une déclaration correcte des faits en question, l'assureur n'ait à verser qu'une prestation moindre ou même aucune prestation. En outre, d'un point de vue subjectif, l'ayant droit doit avoir agi avec la conscience et la volonté d'induire l'assureur en erreur, sans qu'il importe qu'il soit parvenu ou non à ses fins. L'assureur peut alors refuser toute prestation, même si la fraude ne se rapporte qu'à une partie du dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_17/2011 du 14 mars 2011 consid. 2 et les références).

L'art. 40 LCA formule un moyen libératoire pour l'assureur, de sorte qu'il incombe à ce dernier de prouver les faits permettant l'application de cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 5C.11/2002 du 11 avril 2002 consid. 2a, in JdT 2002 I p. 531; 5C.240/1995 du 1er février 1996 consid. 2b). 

4.5 On est en présence d'un acte simulé au sens de l'art. 18 CO lorsque les deux parties sont d'accord que les effets juridiques correspondant au sens objectif de leur déclaration ne doivent pas se produire et qu'elles n'ont voulu créer que l'apparence d'un acte juridique à l'égard des tiers (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc p. 68; ATF 112 II 337 consid. 4a p. 343; ATF 97 II 201 consid. 5 p. 207 et les arrêts cités). La volonté de simuler un acte juridique est nécessairement liée à une intention de tromper (Täuschungsabsicht) (WIEGAND, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6e éd. 2015, n° 51 ad art. 18 CO; KRAMER, Berner Kommentar, 1986, n° 110 ad art. 18 CO). 

La volonté véritable des parties tendra soit à ne produire aucun effet juridique, soit à produire un autre effet que celui de l'acte apparent; dans ce dernier cas, les parties entendent en réalité conclure un second acte dissimulé (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc p. 68; ATF 112 II 337 consid. 4a p. 343). Juridiquement inefficace d'après la volonté réelle et commune des parties, le contrat simulé est nul (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc p. 68; ATF 97 II 201 consid. 5 p. 207 et les arrêts cités), tandis que le contrat dissimulé - que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu - est valable si les dispositions légales auxquelles il est soumis quant à sa forme et à son contenu ont été observées (ATF 117 II 382 consid. 2a p. 384 s.; ATF 96 II 383 consid. 3a p. 390; arrêt du Tribunal fédéral 4A_362/2012 déjà cité, consid. 4.1 et les références). 

On distingue la simulation totale de la simulation partielle (Teilsimulation); la première porte sur le contrat entier, alors que, dans la seconde, les déclarations échangées sont en partie vraies, en partie simulées (ATF 117 II 382 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4C.56/1994 du 26 septembre 1994 consid. 3a et les références doctrinales). La simulation partielle peut porter sur toutes sortes d'éléments du contrat; par exemple, dans une vente immobilière, les déclarations sur l'objet à vendre correspondent à la volonté réelle des cocontractants, car ces derniers n'entendent simuler que le prix convenu dans l'acte, le prix véritable étant dissimulé (WINIGER, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2e éd. 2012, n° 79 ad art. 18 CO). 

Il incombe à celui qui se prévaut de la simulation d'en apporter la preuve (art. 8 CC), étant précisé qu'on ne saurait admettre trop facilement que les déclarations ou attitudes des parties ne correspondent pas à leur volonté réelle; le juge doit se montrer exigeant en matière de preuve d'une simulation (ATF 112 II 337 consid. a p. 342; arrêts du Tribunal fédéral 4A_429/2012 déjà cité; 4A_96/2008 du 26 mai 2008 consid. 2.3, in SJ 2008 I p. 448). 

Dans un arrêt du 25 août 2016, le Tribunal fédéral a retenu une intention de simuler partielle d’un élément du contrat de travail sur le montant du salaire du demandeur, car il était établi que le salaire indiqué dans le contrat de travail écrit ne correspondait pas à la volonté réelle des parties et que celles-ci étaient bien plutôt convenues de rémunérer le demandeur sous la forme de commissions correspondant à des rétrocessions sur les affaires amenées par celui-ci. L'accord avait notamment pour but de tromper les autorités fiscales (arrêt du Tribunal fédéral A_90/2016 consid. 3.5).

5.              

5.1 En l’espèce, selon les déclarations des administrateurs et employés de la demanderesse, cette dernière est une petite entreprise, qui est exploitée par deux couples qui travaillent ensemble de façon informelle et sur pied d’égalité. Ils achètent des terrains sur lesquels ils font construire des villas et des appartements par des bureaux d'architectes qu’ils vendent sur plans. L’époux de l’intéressée s’occupe du développement et des architectes. Il est commerçant et a une bonne affinité avec l'architecture. L’administrateur président s'occupe de l'administration et des finances et il a travaillé dans le passé pour une étude d'avocats comme chef comptable. L’intéressée a pour tâche de trouver des terrains permettant à la demanderesse d’effectuer des promotions immobilières ainsi que des clients pour l’achat des projets réalisés. Cette activité ne nécessite pas un lieu fixe de travail ni des heures ponctuelles. Elle implique essentiellement l’entretien de son réseau relationnel, qui peut se faire tant en journée, que le soir et parfois le week-end. La demanderesse a pu acquérir un grand terrain grâce aux contacts de l’intéressée, ce qui lui avait permis de gagner quelques millions.

L’intéressée a notamment déclaré à la chambre de céans que pour son activité pour A______, elle travaillait chez elle et sur le terrain. Elle était née à Genève et connaissait beaucoup de monde. Elle prenait contact avec des propriétaires par le biais de ses connaissances et leur demandait s'ils voulaient vendre leur terrain. Elle avait travaillé pendant 5 ans à la régie du Rhône, comme responsable de la comptabilité immeuble, ce qui lui avait permis de connaître des propriétaires.

Pour F______, elle s’occupait de la comptabilité et des salaires et disposait d’un bureau où elle se rendait quelques heures par jour.

Elle s’occupait encore de la comptabilité de G______ pour laquelle elle disposait également d’un bureau. Son époux a précisé que G______ avait pour but de pouvoir travailler pendant les jours fériés et les dimanches dans des stations-services. Sa femme était l’une des onze ou douze associés de G______ et lui en était salarié. Il gérait le personnel. Tous les associés faisaient des heures de travail à la caisse des stations-services le dimanche.

5.2 La défenderesse soutient que le contrat de travail de l’intéressée était simulé et que la demanderesse a agi de manière frauduleuse à son préjudice, en lui demandant des indemnités journalières pour la période de maladie de l’intéressée.

Il n’était pas crédible que l’intéressée ait disposé du réseau et de l’expertise nécessaires pour occuper de façon concomitante ses différents emplois auprès de A______, F______ et G______, pour un revenu total de CHF 456'000.-, sans dépasser dans une large mesure son temps de travail annoncé de 100%. Il n’était pas non plus crédible que le salaire de l’intéressée soit versé par la demanderesse sur le compte de son époux.

Constituait un indice de fraude le fait que le contrat d’assurance avait fait l’objet d’une modification que la défenderesse avait acceptée le 31 mai 2019, sur la base d’une masse salariale augmentée de manière soudaine et substantielle, puisqu’elle passait de CHF 180'200.- à CHF 420’000.-, et que cette modification avait été requise par la demanderesse postérieurement à la survenance de la maladie de l’intéressée.

Était également suspect le fait que la demanderesse n’avait pas collaboré à l’établissement des faits en ne transmettant pas les pièces demandées par l’expert.

Le représentant de la défenderesse a indiqué à la chambre de céans le 2 février 2022 que la tardiveté de l’annonce de la maladie de l’intéressée ne justifiait pas en elle-même le non-paiement des prestations, mais qu’elle pouvait indiquer que celles-ci ne seraient pas dues avec d'autres éléments.

5.3  

5.3.1 Le contrat d’assurance, soit la police liant les parties, suppose l’existence d’un contrat de travail entre l’intéressée et la demanderesse afin de lui ouvrir le droit aux prestations d’assurance maladie collective, puisqu’est assuré, selon le contrat, le personnel de la demanderesse.

En l’occurrence, la demanderesse et l’intéressée ont conclu formellement un contrat de travail. Au vu du principe de la liberté contractuelle, rien n’empêchait la demanderesse et l’intéressée de convenir que le travail de cette dernière était celui d’une apporteuse d’affaires, sans horaires ni lieu de travail fixes, et d’un salaire élevé, pour tenir compte des affaires apportées à la société, plutôt que d’une participation de l’intéressée du bénéfice ou du chiffre d’affaires, selon l’art. 322a al. 1 CO.

Vu les spécificités des rapports entre l’intéressée et les administrateurs de la demanderesse, le critère de la subordination doit être relativisé et il y a lieu d’accorder davantage d’importance au fait que l’intéressée touche une rémunération fixe et que c’est la demanderesse qui assume le risque de l'entreprise.

Il résulte ainsi de l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret que l’intéressée et la demanderesse sont bien liées par un contrat de travail valable.

5.3.2 Si les conditions du contrat de travail liant la demanderesse à l’intéressée peuvent surprendre, rien ne permet de soutenir que celui-ci serait simulé. Il apparaît en effet que l’intéressée a bien déployé son activité d’apporteuse d’affaires à la société, ce qui est confirmé par ses propres déclarations ainsi que celles de son mari, de l’administrateur président et de l’épouse de celui-ci, lesquelles sont apparues convaincantes à la chambre de céans. Les bénéfices importants de la demanderesse corroborent ces déclarations, de même le fait que l’intéressée ait travaillé plusieurs années dans une régie, ce qui lui a procuré une expérience utile dans le domaine.

5.3.3 Il résulte des déclarations de l’intéressée, qui ont été confirmées par son mari, qu’elle exerce bien une activité pour les trois sociétés précitées. Cette activité dépend des besoins et n’est pas soumise à des horaires stricts. Son activité pour la demanderesse en particulier est très bien rémunérée. Comme cela a été précédemment relevé, dans la mesure où les trois sociétés et l’intéressée étaient manifestement d’accord avec les conditions de travail de celle-ci, il n’y a pas lieu de considérer que l’intéressée ne pouvait assumer l’ensemble de ses fonctions pour les trois sociétés, comme le soutient la défenderesse.

5.3.4 L’intéressée a déclaré que son salaire était versé sur le compte de son époux, qui était en fait un compte commun et que c’était elle qui gérait tous les frais de la maison. Elle avait un accès au compte de mon mari et lui au sien. Son époux a confirmé que c’était son épouse qui s'occupait de ses comptes personnels dont elle avait les codes et qu’elle faisait tous les paiements pour la famille.

Au vu des rapports spécifiques du couple de l’intéressée et du fait que les époux travaillent beaucoup ensemble, sur un pied d’égalité et en confiance, il n’apparaît pas si surprenant que le salaire de l’intéressée soit versé sur le compte de son époux et cela ne suffit en tous les cas pas à remettre en cause la réalité de son activité pour la demanderesse.

5.3.5 Au vu de la situation, l’on comprend bien que l’augmentation du salaire de l’intéressée était liée au fait que son activité avait permis une importante augmentation du chiffre d’affaires de la demanderesse et pas à une modification de son cahier des charges ou de ses responsabilités. Cela ressort notamment des déclarations de l’administrateur président, selon lesquelles la demanderesse était une société familiale qui avait beaucoup d'argent et pouvait se permettre de verser un gros salaire à l’intéressée. La demanderesse aurait pu prévoir une participation de l’intéressée du bénéfice ou du chiffre d’affaires, selon l’art. 322a al. 1 CO, mais cela ne signifie pas pour autant que son choix de la rémunérer davantage par le biais d’une augmentation de salaire soit illicite. L’on ne peut donc retenir que la demanderesse a procédé à un montage ayant pour but une distribution occulte de dividendes, comme l’a allégué la défenderesse.

5.3.6 Par courriel du 24 mai 2019, la demanderesse a informé l’assurance que sa masse salariale pour l’exercice 2019 s’élevait à CHF 420'000.-, en lui laissant le soin de lui adresser un décompte rectifié. Elle a signé la proposition de modification de la police le 31 mai 2019. Si ces actes ont eu lieu après le diagnostic de la maladie de l’intéressée, qui a été posé le 14 mai 2019 par le Dr L______, la décision d’augmenter le salaire de cette dernière était déjà intervenue à la fin du mois de février 2019, avec effet au début du mois de janvier 2019, selon les déclarations de l’administrateur président et de l’intéressée en particulier, qui sont corroborées par le fait qu’au mois de mars 2019, le bulletin de salaire de l’intéressée mentionnait son nouveau salaire. Il en résulte que l’augmentation de salaire de l’intéressée n’a pas été décidée en raison de son atteinte à la santé dans le but d’obtenir des prestations illicites de la défenderesse.

5.3.7 Le fait que celle-ci ait perçu une avance de salaire au mois d’avril 2019 ne peut pas non plus être considéré comme un indice de fraude, le diagnostic de cancer n’ayant pas encore été posé à cette date et les explications données par l’intéressée et l’administrateur président étant à nouveau convaincantes, en lien avec un bien immobilier de l’intéressée et de son époux à la montagne. L’intéressée a indiqué avoir demandé une avance de salaire de CHF 120'000.- pour faire des travaux dans leur chalet au mois d'avril et que cette somme avait ensuite été déduite de son salaire sur huit mois, ce qui ressort effectivement de ses fiches de salaire.

5.3.8 L’employé de l’assurance, qui a eu les contacts avec la demanderesse, a déclaré à la chambre de céans que l’administrateur président lui avait demandé la modification de la masse salariale et, par conséquent, du contrat, environ une semaine avant qu'il ait appris le cancer de l’intéressée, ce qui confirme encore que cette augmentation n’est pas liée à une intention de commettre une fraude au préjudice de la défenderesse en lien avec la maladie de l’intéressée, mais qu’elle était due aux activités fructueuses de la demanderesse.

5.3.9 La demanderesse conteste avoir refusé de collaborer avec l’expert. Elle avait produit certaines pièces, mais son conseil avait mis une limite aux pièces requises et demandé des assurances de confidentialité, auxquelles la défenderesse n’avait pas répondu.

L’expert a déclaré à la chambre de céans qu’il avait demandé des pièces à l’intéressée en avril 2020 et qu’il avait reçu assez rapidement une réponse partielle du conseil de la demanderesse (par courrier du 16 avril 2020), qui lui avait dit qu'il lui mettrait à disposition d'autres informations, à condition qu’il s’engage à détruire les documents et à ne pas les communiquer. Il avait informé la défenderesse qu’il refusait ces conditions et qu’il restait en attente des documents dont il avait besoin pour faire son travail. Il n’avait pas recontacté la demanderesse pour essayer de trouver un accord.

Il ressort des déclarations de l’expert que la demanderesse a collaboré au moins partiellement, en donnant une suite rapide à sa demande et en demandant des garanties de confidentialité, qui n’ont pas convenu à l’expert, sans que celui-ci réponde à sa demande. L’on ne saurait dans ces circonstances retenir une absence de collaboration constituant un indice de fraude. Par ailleurs, le fait que la demanderesse n’était pas gérée de façon très formelle explique que certaines pièces demandées ne pouvaient être transmises, comme les procès-verbaux de ses assemblées générales, ce qui ressort de déclarations de l’époux de l’intéressée du 24 novembre 2021.

5.3.10 En l’occurrence, la demanderesse a bien transmis tardivement le formulaire d’annonce du sinistre le 27 août 2019, soit plus de trois mois après le diagnostic du 14 mai 2019, alors qu’elle aurait dû le faire avant l’échéance du délai d’attente de trois mois, en application de l’art. 10 ch. 1 let b CGA et de la police d’assurance.

La défenderesse ne s’est toutefois pas prévalue du fait que l’annonce de la maladie de l’intéressé était tardive lors de la réception de celle-ci, ni dans ses écritures dans le cadre de la présente procédure, et elle a payé une partie des prestations demandées. Il convient ainsi de constater qu’elle a renoncé à se prévaloir de ce retard, qui ne peut plus être opposé à la demanderesse.

5.3.11 L’administrateur président a déclaré à la chambre de céans avoir parlé de la maladie de l’intéressée avec l’employé de l’assurance au mois de mai 2019 et que celui-ci lui aurait dit qu’il y avait trois mois d'attente et qu’il n’était pas pressé pour annoncer le cas à la défenderesse. L’employé de l’assurance a déclaré à ce sujet qu’ils avaient dû mal se comprendre et qu’il avait dit à l’administrateur président qu’il y avait un délai d’attente de trois mois pour toucher les prestations, dans le cadre de la modification de la police suite à l’annonce de l’augmentation de la masse salariale, comme c’était le cas auparavant, mais pas pour annoncer le sinistre, ce qui devait être fait sans délai. L’employé de l’assurance a ajouté que pour lui l’annonce lui avait été faite directement par l’administrateur président sans forme particulière et que dès qu’il l’avait su, il avait dû en informer le service des sinistres pour que celui-ci ouvre un cas de sinistre.

Il résulte des déclarations qui précèdent que l’administrateur président a pu comprendre à tort de ses discussions avec l’employé de l’assurance qu’il avait trois mois pour annoncer la maladie de l’intéressée à la défenderesse, voire que celui-ci s’en chargeait, ce qui peut expliquer son retard, qui ne constitue ainsi pas un indice sérieux d’une volonté de commettre une fraude de la part de la demanderesse, contrairement à ce qu’a soutenu la défenderesse.

5.4 En conclusion, la chambre de céans retient que la demanderesse a suffisamment démontré la réalité du contrat de travail de l’intéressée ainsi que l’absence de fraude et que la défenderesse n’a pas apporté de contre-preuves convaincantes. Si la situation de la demanderesse peut apparaître insolite, elle s’explique par son organisation familiale et son succès financier, qui est établi par pièces, et elle ne contrevient pas au droit.

6.             Les réquisitions de preuves de la défenderesse relatives à l’apport de pièces par A______, F______ et G______ n’apparaissent pas pouvoir remettre en cause ces conclusions et il n’y a pas dès lors pas lieu d’y donner suite. Elles seront rejetées.

7.             Au vu des considérations qui précèdent, la demande est justifiée et il convient d’y donner entièrement suite, étant relevé que la défenderesse n’a pas contesté les éléments sur lesquels la demanderesse a chiffré ses conclusions, ni les intérêts moratoires requis, et que l’action a été entamée en temps utile, soit dans les deux ans depuis l’évènement en cause (art. 87 LCA).

La demande reconventionnelle doit en conséquence être rejetée.

8.             La valeur litigieuse, telle que définie par les conclusions de la demanderesse s'élève à CHF 268'280.40, ce qui correspond à des dépens de CHF 18'289.80 selon l'art. 85 al. 1 RTFMC, auxquels il convient d’ajouter la TVA et les débours, de sorte que le montant total, arrondi, s’élève à CHF 19'698.- (art. 25 et 26 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 RTFMC).

9.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les demandes principales et reconventionnelles recevables.

Préalablement :

2.      Rejette les réquisitions de preuves de la défenderesse relatives à l’apport de pièces par A______, F______ et G______.

Au fond :

3.        Admet la demande principale.

4.        Rejette la demande reconventionnelle.

5.        Condamne la défenderesse à payer CHF 268'280.40 à la demanderesse, avec intérêts à 5% l’an dès le 27 août 2019.

6.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse une indemnité de CHF 19'698.- à titre de dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le