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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2077/2022

ATAS/1119/2022 du 14.12.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2077/2022 ATAS/1119/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 décembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie-Josée COSTA

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1969.

b. Le 30 avril 2017, une planche lui est tombée sur un pied, ce qui lui a occasionné une facture au métatarse gauche.

c. Le 2 mai 2017, la doctoresse B______, médecine interne FMH, de la Clinique et Permanence d'Onex, a attesté d'une incapacité de travail de l’assurée à 100% du 30 avril au 31 mai 2017. Elle a régulièrement prolongé l’arrêt de travail depuis lors.

d. Le 4 mai 2017, l’accident a été annoncé à la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée), qui l’a pris en charge.

e. Par décision du 26 octobre 2017, la SUVA a informé l’assurée qu'elle la considérait capable de travailler dès le 1er novembre 2017 et qu'elle cesserait en conséquence de lui verser les indemnités journalières au 31 octobre 2017.

f. Dans un rapport du 3 novembre 2017, la Dresse B______ a indiqué que les diagnostics étaient une fracture le 30 avril 2017, avec persistance de douleurs chroniques et difficultés à se déplacer, un possible syndrome douloureux régional complexe du pied gauche et un état dépressif moyen. L’assurée avait des douleurs persistantes dans le gros orteil gauche. Il lui était impossible de rester debout et elle avait des difficultés à se déplacer plus de cinq minutes. Elle avait des troubles de la concentration, une fatigabilité importante, une difficulté d’adaptation et une lenteur. L’activité exercée n’était plus exigible. Une réadaptation serait possible, si l’assurée pouvait travailler assise sans avoir à trop se déplacer. Actuellement, seul un 10% était envisageable.

g. Le 22 novembre 2017, l’assurée a formé opposition à la décision du 26 octobre 2017.

h. Par décision du 10 janvier 2018, la SUVA a annulé sa décision du 26 octobre 2017 et retenu que l’assurée était capable de travailler à 50% dès le 3 novembre 2017 et à 100% dès le 8 janvier 2018. L’incapacité de travail à 100% n’était plus justifiée médicalement pour les seules suites de l’accident du 30 avril 2017.

i. Par courrier du 8 février 2018, l’assurée a formé opposition à la décision du 10 janvier 2018, concluant au versement par la SUVA des indemnités journalières à 100% dès le 30 avril 2017 jusqu’à épuisement de son droit.

j. Par décision sur opposition du 16 mars 2018, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assurée et maintenu sa décision du 10 janvier 2018.

B. a. Le 18 avril 2018, l’assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) contre la décision sur opposition du 16 mars 2018, concluant à son annulation et à l'octroi des indemnités journalières à 100% dès le 30 avril 2017 jusqu’à épuisement de son droit.

b. Par arrêt du 21 octobre 2020 (ATAS/995/2020), la CJCAS a considéré que la SUVA ne pouvait retenir que l’état de santé de l’assurée lui permettait de travailler à 50% dès novembre 2017 et qu’il était au contraire établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’elle était totalement incapable de travailler dès cette date et, à tout le moins, jusqu’à la décision querellée. La CJCAS a en conséquence admis le recours, annulé la décision du 16 mars 2018 et renvoyé la cause à la SUVA pour paiement à l’assurée des indemnités journalières à 100% dès le 1er novembre 2017.

c. Le Tribunal fédéral a confirmé cet arrêt le 28 octobre 2021 (8C_733/2020).

C. a. Le 22 décembre 2021, la SUVA a informé l’assurée qu’une expertise médicale s’avérait nécessaire pour l’examen de son droit aux prestations. Celle-ci porterait notamment sur ses troubles du rachis dès juillet 2018, sa capacité de travail avant et après les deux interventions qu’elle avait subies et la stabilisation de son état de santé.

b. Le 23 décembre 2021, la SUVA a informé l’assurée que l’expertise serait confiée à un neurologue, un orthopédiste et un médecin désigné pour le leadership de asim Begutachtung, à Bâle.

c. Le 17 janvier 2022, l’assurée a informé la SUVA qu’en raison de son état de santé, elle était très limitée dans tous les actes de la vie quotidienne et notamment dans ses déplacements, pour lesquels elle devait être accompagnée et utiliser une chaise roulante. Par conséquent, il ne pouvait pas être exigé d’elle de se déplacer jusqu’à Bâle, alors qu’il existait des centres d’expertises en Suisse romande. À cela s’ajoutait que l’un des médecins désignés était de langue maternelle allemande, ce qui est un non-sens pour une expertise. En conséquence, elle proposait de mandater le Centre d’expertise médicale de Lancy (ci-après : le CEML). Elle a également fait des remarques sur le contenu de la mission d’expertise.

d. Le 3 mars 2022, la SUVA informé l’assurée que dans la mesure où celle-ci avait fait l’objet de nombreuses investigations en Suisse romande, elle entendait mettre en œuvre l’expertise en dehors de cette région. Elle avait décidé de confier l’expertise à deux médecins travaillant dans des hôpitaux de Berne, lesquels étaient spécialisés en orthopédie et en neurologie. Dans le cadre de la réalisation de l’expertise, un interprète qualifié participerait aux examens et le déplacement accompagné jusqu’à Berne serait pris en charge. La SUVA transmettait à l’assurée une nouvelle version de la mission d’expertise.

e. Le 18 mars 2022, l’assurée a fait valoir qu’elle n’avait jamais été expertisée par le CEML et qu’il était peu judicieux de faire une expertise avec un interprète. Elle s’étonnait du fait que le champ de la médecine générale ait disparu de la mission d’expertise et contestait l’état de fait de la mission d’expertise.

f. Le 11 avril 2022, la SUVA a informé l’assurée que compte tenu de ses craintes quant à la présence d’un interprète, elle avait décidé de confier l’expertise au centre médical d’expertises CEMEDEX de Fribourg, soit au docteur C______, orthopédiste, et au docteur D______, neurologue. Elle refusait de désigner le CEML, car l’assurée avait été suivie par de nombreux médecins exerçant dans le canton de Genève, afin de préserver l’impartialité des experts. Dans certains centres d’expertise, un médecin spécialiste FMH en médecine interne générale coordonnait les expertises pluridisciplinaires, ce qui était le cas pour le centre bernois. Cela étant, une expertise comportant des volets orthopédique et neurologique était suffisante en l’espèce. L’état de fait de la mission d’expertise n’était pas partial et ne contenait pas d’erreurs.

g. Le 4 mai 2022, l’assurée s’est opposée à la désignation des médecins du CEMEDEX, reprenant en substance ses précédents arguments.

h. Par décision incidente du 27 mai 2022, la SUVA a maintenu son refus de désigner le CEML et précisé qu’elle ne voyait pas de contre-indication à un déplacement accompagné de l’assurée à Fribourg.

S’agissant de l’état de fait rédigé dans la mission d’expertise, il n’était pas partiel et ne contenait pas d’erreurs sur des éléments essentiels, pas plus qu’il ne retenait comme établies les conclusions de ses médecins. Les experts étaient invités à se prononcer sur la période courant dès le 17 mars 2018 et auraient à disposition l’ensemble du dossier constitué.

D. a. Le 27 juin 2022, l’assurée a formé recours contre la décision précitée concluant à son annulation, à ce qu’il soit tenté d’amener les parties à s’accorder quant à la désignation des experts et dit qu’il fallait maintenir la discipline de médecine générale et exiger des conclusions consensuelles sans prioriser une spécialité.

b. Par réponse du 15 juillet 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Le 25 août 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Lorsqu’il y a désaccord quant à l’expertise telle qu’envisagée par l’assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente. Il s’agit d’une décision d’ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l’opposition n’est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/03 du 25 novembre 2004) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances (cf. art. 56 al. 1 LPGA).

2.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi contre une décision contre laquelle la voie de l’opposition n’est pas ouverte, il est donc recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de confier une expertise au CEMEDEX de Fribourg, plus particulièrement au Dr C______ pour le volet orthopédique et au Dr D______ pour le volet neurologique, ainsi que sur le libellé de l’état de fait de la mission d’expertise et des questions à soumettre aux experts.

4.              

4.1  

4.1.1 Les personnes assurées peuvent peut faire valoir contre une décision incidente d'expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple le grief que l'expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l'étendue de l'expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l'expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid.  3.4.2.7 p. 257; 138 V 271 consid. 1.1 p. 274 s.). Il convient de privilégier une mise en œuvre consensuelle d'une expertise, car si celle-ci repose sur un accord mutuel, ses résultats seront plus concluants et mieux acceptés par l'assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256).

Il est dans l'intérêt des parties d'éviter une prolongation de la procédure en s'efforçant de parvenir à un consensus sur l'expertise, après que des objections matérielles ou formelles ont été soulevées par la personne assurée. Ce n'est que si le consensus ne peut être atteint que l'assureur pourra ordonner une expertise, en rendant une décision qui pourra être attaquée par l'assuré (ATF 138 V 271 consid. 1.1).

La recherche d'un consensus est nécessaire lorsque l’assuré fait valoir des objections « admissibles » de nature formelle, en rapport avec le cas concret, ou matérielle, en rapport avec la spécialité médicale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2013 du 6 septembre 2013 consid. 2.3 et les références).

Indépendamment des griefs invoqués par la personne assurée contre l'expert, la désignation de celui-ci par l'assureur doit être annulée et la cause lui être renvoyée lorsqu'il n'a pas essayé de parvenir à un accord avec la personne assurée sur le choix de l'expert, en violation des droits de participation de celle-ci dans la procédure de désignation de celui-ci. Ce n'est pas uniquement en présence de justes motifs de récusation à l'encontre de l'expert que la personne assurée peut émettre des contre-propositions (ATAS/226/2013 du 28 février 2013 consid. 5 et ATAS/263/2013 du 13 mars 2013 consid. 6). La personne assurée ne peut toutefois s’opposer à la désignation d’un expert sans donner des motifs valables, tels que des doutes sur son indépendance ou sa compétence. Dans le cas contraire, cela reviendrait à lui accorder un droit de veto sur le choix d'un expert (ATAS/1029/2017 du 16 novembre 2017 consid. 6).

4.1.2 Aux termes de l'art. 15 al. 1 LPA, dont les causes de récusation s'appliquent aux experts en application de l’art. 39 al. 2 LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser :

a) s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire ;

b) s’ils sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple ;

c) s’ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire ;

d) s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

L’expert doit être, d’une part, subjectivement impartial : il ne doit pas, par exemple, avoir fait des déclarations sur l’issue du litige, y avoir un intérêt personnel, être parent ou allié avec l’une des parties, etc. Il doit, d’autre part, être objectivement impartial, dans le sens de la jurisprudence susmentionnée (cf. J. MEINE, l’expert et l’expertise - critères de validité de l'expertise médicale, in l'expertise médicale, 2002, p. 27). Le simple fait que le médecin consulté soit lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas de douter a priori de l’objectivité de son appréciation, ni de soupçonner une prévention (cf. ATF 125 V 353).

Il existe une présomption d’impartialité de l’expert, de sorte que la personne assurée doit apporter la preuve du contraire permettant de renverser cette présomption (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 752/03 du 27 août 2004).

Les parties à une procédure ont le droit d’exiger la récusation d’un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Les impressions individuelles d’une des parties au procès ne sont toutefois pas décisives. Un expert passe pour prévenu lorsqu’il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s’agit toutefois d’un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’expert. L’appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l’expertisé, la méfiance à l’égard de l’expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 127 I 198 consid. 2b; ATF 125 V 351 consid. 3b/ee; ATF 123 V 175 consid. 3d).

4.2 En ce qui concerne le droit des parties de se prononcer sur les questions à soumettre à l’expert, la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée à ce sujet. L’autorité doit donc prendre position sur les questions décisives (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 3.1 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid 4.3 ; 2D_36/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.1 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève-Zurich-Bâle 2011, p. 521 n. 1573). Cela implique que l’assureur doit également tenir compte des remarques des parties et ne peut écarter leurs conclusions sans motif valable. Dans la mesure où la mission de l'expert doit faire l'objet d'une décision incidente en cas de désaccord, elle peut ensuite être contrôlée par l’instance de recours.

5.              

5.1  

5.1.1 En l’espèce, la recourante a fait valoir que l’intimée n’avait pas respecté les exigences jurisprudentielles en matière de mise sur pied consensuelle de l’expertise et qu’elle avait refusé d’entrer en matière sur la proposition de désigner le CEML sans argument valable.

Elle n’avait jamais été soignée par les médecins de ce centre, de sorte que leur impartialité, indépendance et neutralité étaient garanties. Un déplacement important pour réaliser l’expertise était nuisible à son état de santé. Il n’était donc pas exigible de lui demander de faire plusieurs centaines de kilomètres alors qu’il existait des centres plus proches.

5.1.2 L’intimée a fait valoir qu’elle avait suffisamment essayer de mettre en œuvre l’expertise de façon consensuelle, ayant proposé des experts à Bâle, puis à Berne et enfin à Fribourg et ayant pris en compte les craintes formulées par la recourante quant à la présence d’un interprète. La recourante n’avait fait valoir aucun motif de récusation formelle contre les experts désignés en dernier lieu. La recourante était opposée à la désignation d’un centre d’expertise autre que le CEML. Dans de telles circonstances, un renvoi de la cause pour une désignation consensuelle des experts reviendrait à lui reconnaître un droit de veto. La recourante ayant été suivie par de nombreux médecins exerçant à Genève, il se justifiait de choisir un centre d’expertise hors de ce canton pour préserver l’impartialité des experts. De plus, l’intimée acceptait la prise en charge du déplacement accompagné jusqu’au centre d’expertise. Le long déplacement n’était pas un motif pouvant être soulevé dans le cadre la mise en œuvre d’une expertise.

5.1.3 En l’espèce, il faut constater que l'intimée a consulté la recourante et a pris en partie en compte ses souhaits, puisqu’elle a renoncé à faire procéder à l’expertise à Bâle, puis à Berne, avant de désigner le CEMEDEX, et qu’elle s’est engagée à prendre en charge un transport accompagné.

La recourante n’a pas produit de rapport médical attestant qu’elle ne pourrait pas se déplacer à Fribourg dans les conditions proposées par l’intimée.

Elle ne pouvait librement choisir son lieu d’expertise, selon sa convenance, mais devait faire valoir un motif de récusation formel ou matériel, ce qu’elle n’a pas fait, sous réserve du fait qu’elle a contesté qu’il n’y ait pas d’expert en médecine générale désigné, alors que cela avait été prévu dans un premier temps.

5.1.4 Comme l’a relevé à juste titre l’intimée, un expert en médecine général est parfois nommé en cas d’expertise pluridisciplinaire, mais cela n’est pas une obligation en cas d’expertise bidisciplinaire. En effet, selon le ch. 2077.1/18 de la Circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité (CPAI), dans sa teneur au 1er janvier 2018, ce n’est que lorsqu’une expertise nécessite trois disciplines médicales ou davantage, que la médecine générale ou la médecine interne est toujours représentée.

En l’occurrence, la recourante n’a pas motivé pour quelles raisons dans son cas particulier les experts orthopédiste et neurologue désignés ne suffiraient pas pour procéder à l’expertise. Or, selon la jurisprudence, il est possible de renoncer à une évaluation pluridisciplinaire et de procéder à une évaluation mono ou bi-disciplinaire, si la situation médicale ne concerne manifestement qu’une ou deux spécialités et que des éclaircissements interdisciplinaires, par exemple en médecine interne, ne sont pas nécessaires (ATF 139 V 349, consid 3.2 p. 352). Il ne ressort pas du dossier qu’un examen par un médecin en médecine interne ou en médecine générale serait nécessaire.

5.2 La recourante a encore fait valoir que l’état de fait du projet de mission d’expertise était très lacunaire et qu’il contenait des éléments déjà tranchés comme étant faux tant par la CJCAS que par le Tribunal fédéral. L’intimée faisait fi de tous les éléments au dossier et mettait uniquement en avant le fait que pour ses médecins, la recourante était apte à travailler à 50% à compter du 3 novembre 2017. Or, la CJCAS et le Tribunal fédéral avaient jugé que la recourante n’avait pas de capacité de travail à 50% à compter du 3 novembre 2017. L’intimée avait été condamnée à reprendre le versement des indemnités journalières à 100% à compter du 1er novembre 2017. Dès lors, l’état de fait était trompeur et susceptible d’influencer les experts qui auraient à se prononcer sur la situation de la recourante.

5.2.1 L’intimée a relevé que l’état de fait de la mission d’expertise mentionnait sa prise en charge des deux interventions chirurgicales subies par la recourante et des arrêts de travail en découlant. Au vu de la complexité du cas, il se justifiait que les faits essentiels soient rédigés de manière concise, étant rappelé que les experts seraient invités à se prononcer sur la base de l’ensemble des pièces du dossier.

5.2.2 En l’occurrence, l’état de fait de la mission d’expertise est certes très court et incomplet, il permet toutefois de donner aux experts un bref résumé de la situation. Ce résumé n’est pas déterminant et ne saurait influencer les experts, car ceux-ci doivent rendre leurs conclusions après avoir pris connaissance de l’ensemble du dossier, qui doit être complet. Ainsi, les critiques formulées par la recourante contre l’état de fait de la mission d’expertise doivent être écartées.

5.3  

5.3.1 Dans sa mission d’expertise, l’intimée a demandé aux experts :

-          au ch. 1 let. b «  Au regard des séquelles de l’accident du 30 avril 2017, pour les suites de l’intervention du 8 octobre 2019, au-delà du 2 février 2020, et jusqu’au 7 septembre 2021 (veille de la seconde opération), dans quelle mesure la capacité de travail de l’assurée, en termes d’horaire et de rendement était-elle limitée dans la profession habituelle d’employée de bureau ? »

-          au ch. 1 let. c «  Au regard des séquelles de l’accident du 30 avril 2017, pour les suites de l’intervention du 8 septembre 2020, au-delà du 4 décembre 2020, dans quelle mesure la capacité de travail de l’assurée, en termes d’horaire et de rendement était-elle limitée dans la profession habituelle d’employée de bureau ? »

5.3.2 La recourante a fait valoir que le libellé de ces questions était confus et ambigu et qu’il mettait en danger la compréhension des experts et donc leur appréciation. La recourante demandait qu’il soit modifié en ce sens :

-          au ch. 1 let. b « Au regard des séquelles de l’accident du 30 avril 2017 et des suites de l’intervention du 8 octobre 2019, au-delà du 2 février 2020 ».

-          au ch. 1 let. c « au regard des séquelles de l’accident du 30 avril 2017 et des suites des interventions ».

5.3.3 L’intimé a répondu que les questions qu’elle avait formulées le 17 janvier 2022 n’étaient pas inadéquates.

5.3.4 En l’occurrence, la CJCAS considère que les questions 1b et 1c telles qu’elles ont été rédigées par l’intimée sont compréhensibles et cohérentes par rapport au dossier. En effet, l’on comprend bien qu’est posée la question de la capacité de travail de la recourante dans sa profession habituelle après les périodes d’incapacité liées aux opérations des 8 octobre 2019 et 8 septembre 2020. Ces questions doivent ainsi être confirmées.

5.4  

5.4.1 La recourante a demandé qu’il soit précisé à la question 2 « les douleurs ou troubles lombaires » au lieu des troubles du rachis.

5.4.2 L’intimé a répondu que les douleurs étaient une notion subjective et que l’examen de la causalité devait se faire au regard de l’atteinte objective et non des douleurs qui en résultaient.

5.4.3 Il convient de confirmer la formulation de l’intimée qui apparaît plus adéquate, étant relevé que le rachis équivaut à la colonne vertébrale et qu’il inclut les vertèbres lombaires, dorsales et cervicales.

5.5  

5.5.1 La recourante a encore fait valoir qu’il fallait demander expressément aux experts de procéder à l’anamnèse, d’établir les séquelles et diagnostics découlant de l’accident et les limitations en résultant ainsi que de prendre position sur les différents avis médicaux au dossier.

5.5.2 L’intimée a fait valoir que la rédaction de l’expertise médicale se faisait après l’étude complète du dossier, l’anamnèse et l’examen clinique. En désignant un centre d’expertise médicale reconnu, on ne pouvait mettre en doute la compétence des experts à réaliser l’expertise.

5.5.3 L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

5.5.4 Il faut admettre avec l’intimée que les experts désignés, qui travaillent pour un centre d’expertise, ne peuvent ignorer les exigences retenues par le Tribunal fédéral pour reconnaître une pleine valeur probante à une expertise. Il en résulte que la mission d’expertise n’avait pas à être plus détaillée.

5.6  

5.6.1 La recourante a encore allégué que les experts devraient se déterminer sur l’évolution de son état de santé, de sorte que les questions sous ch. 4 devaient être distinguées pour les trois périodes retenues sous question 1, soit du 17 mars 2018 au 7 octobre 2019, du 3 février au 7 septembre 2020 et au-delà du 4 décembre 2020.

5.6.2 Dans la mesure où la question 1 de la mission d’expertise distingue la capacité de travail de la recourante selon ces différentes périodes, il n’apparaît pas nécessaire de faire compléter la question 4.

6.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le