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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1371/2022

ATAS/1044/2022 du 30.11.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

Épublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1371/2022 ATAS/1044/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 novembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, à CHÊNE-BOURG, représentée par le syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs SIT

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______1960 et de nationalité péruvienne, a travaillé à Genève depuis 2002, comme aide à domicile pour des familles privées, puis comme agente d’entretien pour des entreprises.

b. Elle s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 8 juin 2021 pour un placement dès le 1er juillet 2021 à 100%.

c. Par décision du 4 août 2021, le service juridique de l’OCE a prononcé contre elle une suspension de son droit à l’indemnité de trois jours pour ne pas avoir fait suffisamment de recherches d’emploi pendant son délai de congé.

d. L’assurée a suivi une mesure à Réalise I-Emploi du 5 juillet au 25 octobre 2021.

e. Par décision du 21 février 2022, le service juridique de l’OCE a suspendu pour huit jours le droit à l’indemnité de l’assurée en raison de son absence à un entretien de conseil en visioconférence prévu le 28 janvier 2022 à 14h30. La durée de la suspension avait été augmentée afin de tenir compte de son précédent manquement.

f. L’assurée a formé opposition à la décision précitée le 22 février 2022, faisant valoir qu’après plusieurs tentatives infructueuses de connexion pour cette visioconférence, elle avait contacté sa conseillère.

Elle a produit deux courriels adressés en espagnol à sa conseillère le jour du rendez-vous, le premier à 14h59 et le second à 15h43.

g. Par décision sur opposition du 18 mars 2022, l’OCE a considéré qu’il appartenait à l’assurée de prendre toutes ses dispositions pour être joignable à l’heure de son rendez-vous avec sa conseillère et qu’en cas de problème de connexion, elle aurait dû en informer immédiatement cette dernière, par exemple par téléphone, ce qu’elle n’avait pas fait, puisqu’elle avait envoyé son premier email à 14h59. Partant, une sanction était justifiée.

B. a. L’assurée, assistée d’une juriste du syndicat SIT, a formé recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 2 mai 2022, concluant à son annulation. Seul pouvait éventuellement lui être reproché un retard, mais pas une absence. Si une faute devait être retenue et la suspension maintenue, celle-ci devait être réduite à un seul jour.

Elle demandait son audition et celle de sa conseillère en personnel.

À l’appui de son recours, elle a produit une capture d’écran dont il ressort qu’elle a appelé sa conseillère à deux reprises le 28 janvier et « 15h14 ».

b. L’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision querellée.

c. Le 20 juin 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 7 septembre 2022.

e. Le 16 septembre 2022, la chambre de céans a posé des questions complémentaires à l’intimé qui lui a répondu le 4 octobre 2022.

f. La recourante a fait des observations et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans le délai et la forme requis, le recours est recevable (art. 60 LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ; LPA - E 5 10).

3.             Le litige porte sur la suspension de huit jours du droit à l'indemnité de la recourante en raison de son absence à un entretien de conseil en visioconférence prévu le 28 janvier 2022 à 14h30.

3.1 L’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (art. 17 al. 1 LACI).

Selon l’art. 17 al. 3 let. b LACI, l’assuré a l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées.

L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c), n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Le courrier-type de convocation à un entretien de conseil précise que toute absence injustifiée entraîne une suspension de l'éventuel droit de l'assuré aux indemnités de chômage et qu'en cas d'empêchement, il faut avertir le conseiller en personnel au moins 24 heures à l'avance.

L'assuré qui a oublié de se rendre à un entretien de conseil et qui s'en excuse spontanément ne peut pas être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité si l'on peut admettre, par ailleurs, sur le vu des circonstances, qu'il prend ses obligations de chômeur très au sérieux. Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli. Un éventuel manquement antérieur ne doit plus être pris en considération (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 123/04 du 18 juillet 2005).

La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). L’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) distingue trois catégories de fautes – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI).

Selon le barème du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), lorsque l’assuré n’observe pas les instructions de l’OCE, en ne se rendant pas à un entretien de conseil, sans excuse valable, l’autorité doit infliger une sanction de 5 à 8 jours lors du premier manquement et de 9 à 15 jours lors du second manquement. Dès le troisième manquement, le dossier doit être renvoyé pour décision à l'autorité cantonale (Bulletin LACI IC/D79.3A).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2).

3.2 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

4.             En l'espèce, la recourante a déclaré qu’elle était présente au moment du rendez-vous par visioconférence avec sa conseillère. Après avoir attendu d’être contactée par sa conseillère, elle avait compris qu’il devait y avoir un problème avec l’application et elle avait alors tenté de se connecter sans succès. Elle a produit deux courriels adressés à sa conseillère, le premier à 14h59, puis une capture d’écran de son téléphone portable attestant qu’elle a passé deux appels à sa conseillère, la dernière fois à 15h14. L’on ignore à quelle heure a été passé le premier appel. La recourante a déclaré avoir essayé de rédiger un premier message en français, puis y avoir renoncé, car cela prenait trop de temps. Elle n’a pas démontré avoir réagi avant 14h59, heure de l’envoi du premier message à sa conseillère. Il est toutefois vraisemblable qu’elle a réagi avant, mais sans doute pas de la meilleure façon, en perdant du temps à rédiger un message en français avant d’en rédiger un second en espagnol.

La chambre de céans retient que les déclarations de la recourante apparaissent crédibles, dans la mesure où sa version des faits est restée constante. Si l’on peut lui reprocher de ne pas avoir appelé plus rapidement sa conseillère, il faut relever qu’elle n’est pas restée inactive, puisqu’elle a essayé d’entrer en communication avec sa conseillère par Webex Meet, puis a rédigé des messages pour sa conseillère, d’abord en français, puis en espagnol. Sa réaction n’a sans doute pas été la meilleure, mais elle peut s’expliquer par le stress causé par la situation, en lien avec son manque d’aisance en informatique, étant rappelé qu’il s’agissait du premier rendez-vous en visioconférence avec sa conseillère et que la recourante ne s’était encore jamais servie de l’application Webex Meet. Le fait que sa conseillère lui ait montré comment l’utiliser à une reprise ne suffit pas à retenir que la recourante la maîtrisait parfaitement. Le rapport de Réalise I-Emploi établi le 27 octobre 2021 atteste que la recourante avait besoin de beaucoup de soutien pour les sujets qui dépassaient les compétences de l’emploi, qu’elle était de nature inquiète et pénalisée par son très faible niveau de français. Il en ressort également que son téléphone portable était très lent, ce qui a pu jouer un rôle dans les difficultés de connexion à l’application Webex Meet.

Au vu de l’ensemble des circonstances, la chambre de céans estime que la sanction prononcée apparaît disproportionnée et qu’il se justifie de réduire la suspension prononcée à deux jours.

5.             Il sera renoncé à l’audition de la conseillère en personnel de la recourante, laquelle n’apparaît pas nécessaire à l’établissement des faits de la cause.

6.             Le recours est ainsi admis partiellement.

La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition et fixe la durée de la suspension à deux jours.

4.        Alloue à la recourante une indemnité pour ses dépens de CHF 1'000.-, à la charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le