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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1035/2022

ATAS/1035/2022 du 15.11.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1035/2022 ATAS/1035/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 novembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), s’est annoncé auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 22 février 2021 au 21 mai 2023.

b. Son dossier a été clôturé le 30 septembre 2021, suite à une prise d'emploi.

c. À compter de cette même date, l'assuré a déménagé en France, ce dont il a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

d. Le contrat de durée déterminée de l'assuré a pris fin en décembre 2021.

e. Le 28 janvier 2022, l'assuré a rempli un questionnaire en vue de l'exportation de ses prestations à l’étranger, plus précisément en France, où il a indiqué qu'il avait déménagé le 30 septembre 2021 (information confirmée dans sa demande de prestations en cas de recherche d'emploi à l'étranger du 31 janvier 2022).

f. Par décision du 31 janvier 2022, l’office régional de placement (ci-après : ORP) a nié à l’assuré le droit à l’exportation de ses prestations de chômage.

Il a été constaté qu'à l'échéance de son contrat de travail de durée déterminée, en décembre 2021, l'assuré était déjà résident français et que, de nationalité béninoise, il ne pouvait prétendre bénéficier de l'application des accords bilatéraux.

g. Le 3 février 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision en exposant en substance qu’il avait cotisé en Suisse durant plusieurs années. Il avait déménagé à Ferney-Voltaire après sa séparation, était père d’une petite fille habitant Genève avec sa maman, toutes deux de nationalité française. Lui-même disposait en France d’une carte de résidence de dix ans, avait demandé la nationalité française et souhaitait exporter ses droits afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa fille.

h. Par décision du 25 mars 2022, l’office cantonal de l'emploi (OCE) a rejeté l’opposition en rappelant que seuls les ressortissants des États membres de l’Union européenne (UE) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE) peuvent exporter leurs prestations depuis la Suisse vers les États membres, à l'exclusion des ressortissants d’États tiers.

L'OCE a relevé au surplus que l'assuré n'avait déposé sa demande de prestations en cas de recherches d'emploi à l'étranger qu'en date du 31 janvier 2022, soit plusieurs mois après son déménagement, de sorte que les conditions d’un droit à l’exportation des prestations ne seraient en tout état de cause pas remplies. En effet, le droit à l’exportation des prestations doit être invoqué au moins quatorze jours civils avant le départ, afin que les organes d’exécution aient suffisamment de temps pour évaluer la demande et prendre une décision.

B. a. Par écriture du 1er avril 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision. Il explique qu’il est séparé de sa femme, qu’il a une petite fille de 2 ans et qu’il souhaite en assumer la charge. Il explique qu’il est un travailleur et qu’il « aime travailler car il n’y a que le travail qui libère l’Homme » (sic). Il ajoute qu’il est un papa responsable et qu’il craint de devoir retirer sa fille de la crèche faute de moyens financiers.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 10 mai 2022, a conclu au rejet du recours.

c. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 27 octobre 2022.

En substance, le recourant fait valoir que le fait qu'il ait cotisé en Suisse devrait suffire à lui ouvrir droit à l'exportation des prestations. Il a souligné sa situation financière difficile et argué que, s'il avait été informé de cette situation, il aurait cotisé en France (sic). Il a répété être dans l'attente du résultat de sa demande de naturalisation en France et persisté dans son recours.

d. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé de nier au recourant le droit à l’indemnité de chômage, faute de domicile en Suisse, et de lui refuser l'exportation des prestations.

4.              

4.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente d'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).

4.2 Pour avoir droit à l'indemnité, l'assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse non seulement à l'ouverture du délai-cadre, mais pendant tout le temps où il touche l'indemnité (Gustavo SCARTAZZINI, Marc HURZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 4ème éd., 2012, p. 599, n. 59 et les références citées).

Cette exigence essentielle est l’expression de l’interdiction de l’exportation des indemnités de chômage, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l’existence d’une situation de chômage, est rendue plus difficile lorsque l’assuré réside à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003, consid. 1.1; Thomas NUSSBAUMER in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 2ème éd., 2007, p. 2233, n. 180).

4.3 La nationalité ne joue en principe aucun rôle en ce qui concerne le droit à l'indemnité de chômage, ce dernier étant subordonné à la condition du domicile en Suisse. Pour les étrangers, cette condition est précisée à l'art. 12 LACI. Le droit suisse ne prévoit en principe pas d'exportation des prestations, sauf dans un cas particulier découlant des accords bilatéraux (Boris RUBIN Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage Schulthess 2014 ad art. 8 N 7).

4.4 Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a établi une Circulaire relative aux conséquences des règlements (CE) 883/2004 et 987/2009 sur l’assurance-chômage (ci-après : Circulaire IC 883).

L'exportation des prestations permet à la personne assurée de faire valoir son droit aux prestations en vue de chercher un emploi dans un autre État membre sans devoir, en même temps, se tenir à la disposition des services de l'emploi (ORP) suisses (Circulaire IC 883 G1).

Cette règlementation permet de lever pour une courte période l’exigence de la clause de résidence des art. 8 al. 1 let. c et 12 LACI. Ceci implique que la personne assurée désireuse d'exporter doit disposer d'un domicile en Suisse au sens de l'art. 8 al. 1 let. c LACI, au moins jusqu'à la veille de l'exportation de ses prestations (Circulaire IC 883 G2).

Le champ d’action de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et de la Convention AELE s'applique, du point de vue personnel, aux ressortissants des États signataires (Circulaire IC 883 G6).

L'ALCP et, la Convention AELE et, partant, le Règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne s'appliquent pas aux ressortissants d’États tiers. Par conséquent, ces derniers ne peuvent pas exporter leurs prestations.

Le Règlement (UE) 1231/2010 du 24 novembre 2010 règle l'extension du champ d'application aux ressortissants d'États tiers (= non membres de l’UE ou de l’AELE) pour tous les États membres de l'UE, à l'exception du Danemark. Ce règlement ne s'applique pas à la Suisse, ni aux États de l'EEE. Comme auparavant, les droits des ressortissants des États tiers sont réglés selon les conventions bilatérales en vigueur en matière d'assurances sociales (Circulaire IC 883 B21), étant précisé que le Bénin – pays dont est originaire le recourant – n'a conclu aucune convention de ce type avec la Suisse.

4.5 Lorsqu’un office régional de placement (ORP) reçoit une « demande de prestations en cas de recherche d’emploi à l’étranger », il examine immédiatement le droit à l’autorisation d’exportation des prestations. Il convient notamment de vérifier si les conditions d’application personnelles et matérielles sont remplies.

Selon le ch. G37 de la Circulaire IC 883, la personne assurée fait valoir son droit à l'exportation des prestations au moyen du formulaire « demande de prestations en cas de recherches d'emploi à l'étranger ». Ce formulaire comporte notamment une case réservée à la date de départ prévue, ainsi qu'à la mention de l'État dans lequel la recherche d'emploi sera effectuée.

Le ch. G53 de la Circulaire IC 883 précise que la personne assurée n'a pas droit à l'exportation des prestations si elle n'a pas fait la demande avant son départ. En revanche, si le PD U2 n’a pas (encore) été émis ou a été perdu, l’ORP reconnaît le droit à l’exportation des prestations par le biais du document U008. L'institution compétente à l'étranger ne peut y remédier en demandant le document U008.

4.6 La brochure Info-Service intitulée « être au chômage » éditée par le SECO, mise à disposition de toutes les personnes qui s'inscrivent au chômage, et disponible en outre sur le site officiel de l'État de Genève, mentionne en page 21, sous le titre « prestations en cas de recherche d'emploi à l'étranger » :

« Si vous souhaitez chercher un emploi dans un État membre de l’UE ou de l’AELE, vous pouvez exporter à l’étranger, à certaines conditions, votre droit suisse à l’indemnité de chômage pour une durée maximale de 3 mois (exportation de prestations). »

Cette brochure est complétée par une autre, intitulée « prestations en cas de recherche d’emploi à l’étranger (États membres de l’UE/AELE) », basée sur les règlements (CE) 883/2004 et (CE) 987/2009, applicables en Suisse. Elle précise ne donner que des informations générales, rappelle que le texte légal est seul déterminant et invite les assurés, en cas de questions concrètes, à s'adresser aux organes d’exécution (ORP ; autorité cantonale et caisse de chômage).

5.             L’art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1er). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2).

L’alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais, par exemple, de brochures d’informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l’alinéa 2 prévoit l’obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu’il peut conduire à l’obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi.

Plus particulièrement, le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète, face à l'assureur (cf. EUGSTER, ATSG und Krankenversicherung : Streifzug durch Art. 1-55 ATSG, RSAS 2003 p. 226). Le devoir de conseil s'étend, non seulement aux circonstances de faits déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (MEYER, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in : Sozialversicherungsrechtstagung 2006, St-Gall 2006, p. 27 n° 35)

6.             En l'espèce, l'intimé fait valoir, d'une part, que la demande d'exportation était tardive (puisque postérieure de plusieurs mois au départ de l'intéressé), d'autre part, que le recourant ne remplit pas les conditions permettant l'exportation des prestations. Le recourant, quant à lui, se plaint de ne pas avoir été correctement renseigné par les autorités compétentes, alléguant que si tel avait été le cas, il n'aurait pas cotisé en Suisse.

Le recourant ne peut se prévaloir d’un défaut d’information de la part de l’ORP, dès lors qu’il a reçu, lors de son inscription au chômage, une brochure d’information qui mentionnait le droit à l’exportation des prestations et qu’il n’a manifestement pas cherché à obtenir des informations supplémentaires de son conseiller en personnel à cet égard avant son déménagement en France.

Et même si tel avait été le cas et qu'il ait été orienté à tort, la question de la tardiveté de sa demande peut rester ouverte dans la mesure où, quoi qu'il en soit, le recourant, du fait qu'il n'est – sa demande de naturalisation française n'ayant pas encore abouti – ressortissant d'aucun pays de l'UE ou de l'AELE, ne remplit à l'évidence pas les conditions personnelles permettant de bénéficier d'une exportation des prestations.

Il apparaît utile de rappeler qu'en tant que personne exerçant une activité lucrative en Suisse, la décision de cotiser ou non dans le pays n'appartenait pas à l'assuré. Ce dernier n'allègue par ailleurs à aucun moment que, s'il avait été informé des conséquences, il aurait renoncé à son déménagement hors de Suisse.

Enfin, on soulignera que le seul fait de cotiser en Suisse, fût-ce durant des années, ne suffit pas à ouvrir le droit aux prestations. Encore faut-il que les nombreuses conditions cumulatives énumérées supra soient remplies, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours, manifestement mal fondé, est rejeté.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le