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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1838/2022

ATAS/941/2022 du 26.10.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1838/2022 ATAS/941/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 octobre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

A______ Sàrl, sise ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Karim KHOURY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société ou la recourante) a déposé un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 3 mars 2020, concernant une personne pour la période du 19 mars au 19 avril 2020. Elle expliquait être active dans la vente de bijoux et que sa demande était liée aux mesures adoptées par les autorités fédérales en raison de la pandémie de Covid-19, qui interdisaient le rassemblement de plus de cinq personnes.

La personne responsable de la société était Madame B______ (ci-après la responsable) et la personne concernée par la RHT, Madame C______ (ci-après : l’employée).

b. Par décision du 8 avril 2020, l’OCE a fait partiellement opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT et considéré que la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pouvait l’octroyer à la société du 25 mars au 24 septembre 2020.

c. La société a transmis un nouveau préavis de RHT le 22 août 2020 à l’OCE pour la période du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021, indiquant que les salons de haute joaillerie en Suisse et à l’étranger, qui étaient la source de ses revenus, avaient été annulés en raison de la pandémie et qu’elle n’avait plus suffisamment de travail en ce moment pour son employée.

d. Par décision du 24 août 2020, l’OCE a accepté la demande de RHT pour la période du 1er septembre au 30 novembre 2020.

e. Le 11 janvier 2021, la société a transmis un nouveau préavis à l’OCE, annonçant une perte de travail de l’employée de 80% dès le 11 janvier 2021.

f. Par décision du 12 janvier 2021, l’OCE a accepté la demande du 21 janvier au 20 avril 2021.

g. Le 12 avril 2021, la société a demandé à l’OCE la prolongation de la durée de validité de la RHT à la durée maximale et la suppression du délai de préavis.

h. Par décision du 14 avril 2021, annulant et remplaçant la décision du 12 janvier 2021, l’OCE a accepté cette demande pour la période du 11 janvier au 10 juillet 2021.

i. La société a transmis un préavis de RHT à l’OCE le 30 juin 2021, indiquant que tous les salons de bijoux avaient été annulés depuis le début de la pandémie, ce qui l’empêchait de continuer son travail et de vendre ses créations et que ses activités allaient seulement reprendre en novembre 2021.

j. Le 8 juillet 2021, le service juridique de l’OCE a demandé à la société de lui transmettre d’ici le 15 juillet 2021 des renseignements et des documents.

k. Sur demande du service juridique de l’OCE, la société a indiqué, le 12 juillet 2021, que son unique source de revenu venait des ventes réalisées pendant les différentes expositions de bijoux en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Depuis l’année précédente, ces événements avaient été annulés à cause de la situation sanitaire liée à la Covid-19. Un salon était prévu Genève (GemGenève) en novembre 2021, mais jusqu’à cette date, elle était dans l’impossibilité de faire des ventes.

L’employée était responsable de l’organisation de cet événement ainsi que de la partie communication sur les réseaux sociaux pour promouvoir la participation de la société et encourager les ventes. Pour le moment, la charge de travail et la situation financière de l’entreprise ne justifiaient pas un poste à 100%. Cette situation changerait après le salon prévu en novembre.

De plus, ses usines de production de bijoux en Italie avaient du retard à cause des mesures Covid imposées par leurs autorités, de sorte que l’employée n’avait pas encore accès à la nouvelle collection et ne pouvait pas créer du contenu marketing pour celle-ci. Cette situation changerait après la fin du mois de septembre 2021.

Sa boutique en ligne n’était pas encore prête et la société n’avait pas d’espace de vente (boutique) pour recevoir des clients. L’employée s’occupait de la promotion de la marque par les réseaux sociaux, en produisant du contenu visuel pour trouver de nouveaux clients, et de la production de photos en haute définition de ses pièces.

La société a transmis à l’OCE des documents attestant de l’annulation de GemGenève 2020, Artistar Milan en 2020 et Baselworld 2021.

l. Par décision du 12 juillet 2021, l’OCE a accepté la demande de RHT de la société pour la période du 11 juillet au 31 décembre 2021.

m. Par courriel du 3 janvier 2022, la société a encore précisé au service juridique de l’OCE que les seules ventes qu’elle avait réalisées depuis avril 2020 avaient été faites à des amis proches. Le manque de visibilité et d’opportunités de ventes avait annulé la perspective d’obtenir des investissements extérieurs, qui avaient été prévus pour 2021 si la situation sanitaire s’améliorait.

La société était une petite start up qui ne produisait pas encore un chiffre d’affaires suffisant pour payer ses charges. Elle n’avait en effet réalisé que quelques ventes au cours des deux dernières années. Elle s’était retrouvée dans une situation dramatique, raison pour laquelle elle avait demandé la RHT pour son employée. Celle-ci s’occupait de l’organisation et de la promotion visuelle de ses stands pendant les événements et elle s’était retrouvée sans travail. C’était pour cette raison que la demande avait été de plus de 80%. Pendant le reste de son temps de travail, son employée s’occupait de la création de contenus à partager sur le compte Instagram de la société ainsi que de quelques tâches administratives.

L’employée était engagée en tant que graphiste. Elle s’occupait de la production du contenu visuel pour les différents formats média. Elle avait pu travailler sur la promotion du salon GemGenève (invitations, créations de vidéo et contenus promotionnels) pendant quelques jours en septembre et octobre 2021. Cette activité avait représenté 15% de son emploi du temps chaque mois. Depuis juin 2021, elle travaillait sur la création de contenus pour le compte Instagram et faisait quelques tâches administratives. Cela représentait également environ 15% de son temps contractuel.

En 2018, la société n’avait pas eu de chiffre d’affaires. Elle avait eu des revenus à hauteur de CHF 1'200.- en décembre 2019, CHF 1'485.60 en octobre 2020, CHF 7'471.85 en février 2021 et CHF 6'497.55 en novembre 2021.

Elle était une toute nouvelle marque dans le marché suisse et faisait face à des géants comme Cartier, Tiffany & Co, Boghossian etc. Une marque de bijoux prenait du temps à s’implanter et à se développer. Son site internet devrait être un grand point de vente, mais il n’était pas encore prêt à cause du manque de fonds. En plus, elle ne disposait pas d’un show room pour recevoir ses clients. Elle dépendait entièrement des investissements extérieurs et ne générait pas encore de profits solides. Il était donc actuellement impossible de maintenir les charges fixes (loyer, salaires etc.) avec les quelques ventes réalisées au cours des deux dernières années. Sa participation au salon GemGenève 2021 n’avait pas généré les résultats financiers souhaités. Pour cette raison, elle n’avait pas pu préserver le contrat avec l’employée qui ne travaillait plus pour elle depuis novembre 2021. La société espérait pouvoir l’engager à nouveau dans le futur.

La recourante a notamment produit ses bilans dont il ressort qu’elle bénéficiait de capitaux étrangers à long terme-tiers à hauteur de CHF 228'723.85 en 2019 et de 333'550.64 en 2020 et de dettes à long terme-tiers postposées à hauteur de CHF 310'000.- en 2019 et 2020.

n. Par décision du 19 janvier 2022 annulant et remplaçant la décision du 14 avril 2021, l’OCE a constaté que la société avait réalisé un chiffre d’affaires record en 2021 par rapport aux années précédentes malgré la crise de la Covid et considéré que ses explications quant à ses difficultés financières ne pouvaient être prises en considération, tout comme le fait qu’elle n’avait pas pu vendre ses créations en 2021 faute de salons. Par ailleurs, il appartenait à la société d’essayer d’élargir ses activités, entre autre en développant la vente en ligne, ce qu’elle n’avait pas effectué. Les explications de la société ne justifiaient pas une perte de travail pour l’employée de plus de 80% de juin à juillet 2021. Par conséquent, l’OCE n’accordait la RHT à la société pour son employée à 85% que pour la période du 11 janvier au 31 mai 2021.

o. Par décision du 20 janvier 2022, l’OCE a annulé et remplacé la décision du 12 juillet 2021, considérant que la perte de travail de la société n’était pas plausible pour la période en cause au regard notamment du chiffre d’affaires transmis pour l’année 2021. Au surplus, l’employeur n’avait pas droit à l’indemnité RHT dès la résiliation des rapports de travail avec la collaboratrice impactée par ladite indemnité, soit dès le 6 septembre 2021, date à laquelle sa collaboratrice s’était vue licenciée. En conséquence, l’OCE faisait opposition au préavis RHT du 30 juin 2021.

B. a. Le 18 février 2022, la société, assistée d’un conseil, a formé opposition aux décisions de l’OCE des 19 et 20 janvier 2022, reprenant les arguments déjà développés et faisant valoir que la perte de travail de son employée était inévitable. Le fait que le chiffre d’affaires avait effectivement légèrement augmenté en 2021, malgré la Covid-19, ne changeait rien au fait que son employée avait été majoritairement inactive pendant cette année-là. L’augmentation du chiffre d’affaires était due à l’achat de quelques bijoux haut de gamme par des clients et anciens prospects rencontrés lors d’événements antérieurs à la pandémie. Le chiffre d’affaires de 2021 restait extrêmement bas par rapport à la masse salariale (CHF 4'200.- x 13 = CHF 54'600.-) et aux frais de la société, notamment pour sa présence lors des événements. Ainsi, retenir qu’une augmentation aussi infime et négligeable du chiffre d’affaires équivalait à une absence de difficultés financières était totalement erroné. Certes, grâce à quelques ventes, la situation financière avait été légèrement améliorée, mais celle-ci demeurait tout de même très difficile. Un simple calcul du chiffre d’affaires moins les charges, notamment salariales, permettait de le constater.

S’agissant de l’élargissement des activités, la société faisait valoir qu’ouvrir une boutique en ligne n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait. En effet, un tel développement d’une société demandait l’engagement de frais non négligeables qu’elle n’avait pas à sa disposition. De plus, l’ouverture d’une boutique en ligne était inutile sans une exposition préalable.

Il fallait retenir une perte de travail inévitable. L’employée concernée avait été majoritairement au chômage technique pendant la période litigieuse et la société n’avait pas eu de moyens d’éviter cette perte de travail. Finalement, elle avait licencié son employée le 6 septembre 2021 avec effet au 31 octobre 2021. Les conditions du droit à l’indemnité RHT étaient toutes remplies. La société concluait à ce que l’OCE lui accorde la RHT pour son employée au taux de 85% du 1er juin au 1er octobre 2021, en sus de la période du 11 janvier au 31 mai 2021.

b. Par décision sur opposition du 3 mai 2022, l’OCE a considéré que la société n’avait apporté aucun élément nouveau permettant de revoir la décision litigieuse. Il ressortait des éléments au dossier qu’elle connaissait des difficultés financières depuis plusieurs années déjà et que son chiffre d’affaires était déficitaire à tout le moins depuis 2019 et vraisemblablement également en 2021. La perte de travail n’apparaissait ainsi pas comme temporaire et la RHT n’avait pas permis de maintenir l’emploi menacé, étant précisé à cet égard que l’on peinait à comprendre les raisons du congé, communiqué à l’employée le 6 septembre 2021 pour le 31 octobre 2021, soit avant même sa participation au salon GemGenève qui s’était tenu du 3 au 7 novembre 2021, dès lors que selon la société, l’activité principale de l’employée était d’organiser et d’être présente pour la marque lors de ces événements.

Au vu des tâches confiées à celle-ci, il lui appartenait, vu l’annulation des salons, de redoubler d’efforts pour promouvoir la marque via les réseaux sociaux et de prospecter de nouveaux clients. La société avait déclaré que l’activité de l’employée pour la promotion de GemGenève n’avait représenté que 15% de son emploi du temps et qu’elle travaillait depuis juin 2021 également sur le compte Instagram de la société, ce qui représentait également 15% de son temps de travail, ce qui faisait un total de 30%. Cela ne correspondait pas à la perte de travail annoncée par la société qui allait de 81,82% à 88,69% pour les mois de juin à octobre 2021. La société n’avait pas allégué ni démontré avoir pris toutes les mesures possibles pour éviter la perte de travail et diminuer le dommage. En conséquence, la décision du 18 février 2022 était confirmée.

c. Par décision sur opposition du 4 mai 2022, l’OCE a confirmé sa décision du 20 janvier 2022, considérant que la perte de travail de plus de 80% du 11 juillet 2021 au 31 décembre 2021 n’était pas plausible, étant au demeurant précisé que dès le début du délai de congé contractuel, soit dès le 1er octobre 2021, le droit à l’indemnité RHT était éteint.

C. a. Le 3 juin 2022, la société a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre les deux décisions sur opposition rendues par l’OCE les 3 et 4 mai 2022, concluant à l’annulation de ces dernières et à l’octroi de l’indemnité pour RHT à hauteur de 85% pour la période du 1er juin au 10 juillet 2021 et du 11 juillet au 30 septembre 2021, subsidiairement, lui octroyer l’indemnité pour RHT à hauteur de 85% pour la période du 1er juin au 10 juillet 2021.

b. Par réponse du 30 juin 2022, l’intimé a estimé que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision précitée.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

3.             Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).

En l’espèce, il se justifie de joindre les procédures ouvertes contre les décisions sur opposition rendues par l’intimé les 19 et 20 janvier 2022, dès lors qu’elles se rapportent à une situation identique.

4.              

4.1 La recourante a invoqué que l’intimé ne pouvait pas reconsidérer ses décisions des 14 avril et 12 juillet 2021 au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA. Il convient également d’examiner s’il pouvait revenir sur ces décisions en application de l’art. 53 al. 1 LPGA (révision).

4.1.1 Aux termes de l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur peut revenir sur les décisions formellement passées en force, lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

Une décision est sans nul doute erronée non seulement si elle a été rendue sur la base de normes fausses ou non pertinentes, mais encore lorsque les dispositions pertinentes n’ont pas été appliquées ou qu’elles l’ont été de manière erronée, ou encore lorsqu’elles ont été correctement appliquées sur la base d’une constatation erronée résultant de l’appréciation des faits.

Pour des motifs de sécurité juridique, l’irrégularité doit être manifeste (« zweifellos unrichtig »), de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d’application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l’octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l’examen suppose un pouvoir d’appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S’il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_71/2008 du 14 mars 2008 consid. 2 et 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2). Pour qu’une décision soit qualifiée de manifestement erronée, il ne suffit donc pas que l’administration ou le juge, en réexaminant l’une ou l’autre des conditions du droit aux prestations d’assurance, procède simplement à une appréciation différente de celle qui avait été effectuée à l’époque et qui était, en soi, soutenable. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuves de faits essentiels (arrêt du Tribunal fédéral 9C_693/2007 du 2 juillet 2008 consid. 5.3).

En règle générale, l’octroi illégal de prestations est réputé sans nul doute erroné (ATF 126 V 399 consid. 2b/bb et les références citées). Cette règle doit toutefois être relativisée quand le motif de reconsidération réside dans les conditions matérielles du droit à la prestation, dont la fixation nécessite certaines démarches et éléments d’appréciation (évaluations, appréciations de preuves, questions en rapport avec ce qui peut être raisonnablement exigé de l’assuré). Si, par rapport à la situation de fait et de droit existant au moment de la décision entrée en force d’octroi de la prestation (ATF 125 V 383 consid. 3 et les références citées), le prononcé sur les conditions du droit apparaît soutenable, on ne saurait dans ce cas admettre le caractère sans nul doute erroné de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_215/2007 du 2 juillet 2007 consid. 3.2).

S’il faut se fonder sur la situation juridique existant au moment où la décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque, une modification de pratique ne saurait faire apparaître l’ancienne comme sans nul doute erronée (ATF 125 V précité). De même, un changement de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c ; 115 V 308 consid. 4a/cc).

4.1.2 Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

Sont « nouveaux » au sens de cette disposition, les faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant (arrêt du Tribunal fédéral du 19 mai 2014 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 175/0 du 29 novembre 2005 consid. 2.2 ; Margit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand de la Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 45 ad art. 53 LPGA et la référence). Partant, un fait nouveau permettant la révision procédurale d'une décision entrée en force doit exister au moment où cette décision a été rendue, mais être découvert après coup (arrêt du Tribunal fédéral 9C_328/2014 du 6 août 2014 consid. 6.1). Un moyen de preuve qui n’existait pas encore dans la première procédure, soit une preuve effectivement nouvelle, comme un rapport médical établi postérieurement à la décision de l’assureur social, peut entrer en considération aux fins de la révision procédurale, pour autant qu’elle se rapporte aux faits existants à l’époque et sur lesquels se fondait la décision initiale et qu’elle établisse de manière indiscutable que l’état de fait retenu était erroné (Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 47 ad art. 53 LPGA). Le nouveau moyen de preuve ne doit pas servir à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Il faut que les éléments de fait nouveaux fassent apparaître que la décision entreprise comportaient des défauts objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_368/2013 du 25 février 2014 consid. 5.1 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 183/04 du 28 avril 2005 consid. 2.2 ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 48 ad art. 53 LPGA et la référence). Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure (Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 54 ad art. 53 LPGA). La nouvelle preuve doit établir de manière indiscutable (« eindeutig ») que l’état de fait retenu précédemment était erroné (Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 52 ad art. 53 LPGA). Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit le juge à statuer autrement s'il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que le médecin ou l'expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d'autres conclusions que l'administration ou le tribunal. Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que l'administration ou le tribunal parait avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF 127 V 353 consid. 5b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2015 du 6 janvier 2016 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_589/2013 du 2 mai 2014 consid. 4.2 et les références ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 48, 50 et 52 ad art. 53 LPGA).

4.2  

4.2.1 En l’espèce, l’intimé a considéré dans ses décisions des 19 et 20 janvier 2022 annulant et remplaçant ses décisions des 14 avril et 12 juillet 2021 qu’il résultait des informations communiquées par la recourante que son chiffre d’affaires 2021 avait été plus élevé que les années précédentes malgré la crise de la Covid, de sorte que ses explications quant à ses difficultés financières ne pouvaient être prises en considération, tout comme le fait qu’elle n’avait pas pu vendre ses créations en 2021 faute de salons.

Il résulte de la motivation des décisions que ces dernières étaient prises en raison des informations complémentaires transmises par la recourante à l’intimé le 3 janvier 2022, soit après l’entrée en vigueur de ses décisions des 14 avril et 12 juillet 20121, lesquelles portaient notamment sur les comptes de la société et ses chiffres d’affaires entre 2018 et 2021.

L’intimé a ainsi appris que la société avait eu un chiffre d’affaires plus important en 2021, ce qu’elle ignorait lorsqu’elle a pris ses décisions des 14 avril et 12 juillet 2021.

Il convient d’examiner si ce fait nouveau constitue un motif de révision, au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA.

4.2.2 Tel n’est pas le cas, car ce fait n’établit pas de manière indiscutable que l’état de fait retenu précédemment était erroné et l’on ne peut retenir que l’intimé n’aurait pas octroyé la RHT à la recourante s'il en avait eu connaissance dans la procédure principale.

En effet, le fait que le chiffre d’affaires de la société a été plus élevé en 2021 que les années précédentes n’apparaît pas déterminant pour l’octroi de la RHT dans le cas de la recourante, car celle-ci est une entreprise en cours de démarrage, qui n’avait pas encore généré de revenus suffisants à sa survie financière en 2021. Ses ressources provenaient essentiellement de capitaux étrangers (capitaux étrangers à long terme-tiers, à hauteur de CHF 228'723.85 en 2019 et de 333'550.64 en 2020, et de dettes à long terme-tiers postposées à hauteur de CHF 310'000.- en 2019 et 2020).

L’intimé ne pouvait donc pas revoir ses décisions des 14 avril et 12 juillet 2021 pour les motifs qu’il a invoqués dans ses décisions des 19 et 20 janvier 2022.

Dans la mesure où les capitaux de la société étaient assez élevés pour considérer que la société était encore viable en 2021, c’est également à tort que l’intimé a retenu dans ses décisions sur opposition des 3 et 4 mai 2022 qu’il ressortait des éléments au dossier qu’elle connaissait des difficultés financières depuis plusieurs années déjà, que son chiffre d’affaires était déficitaire à tout le moins depuis 2019, vraisemblablement également en 2021, et que la perte de travail n’apparaissait ainsi pas comme temporaire, la RHT n’ayant en outre pas permis de maintenir l’emploi menacé.

4.2.3 La motivation des décisions des 19 et 20 janvier 2022 - selon laquelle la société aurait dû essayer d’élargir ses activités, en autres en développant la vente en ligne, ce qu’elle n’avait pas effectué - se fondait également sur les informations complémentaires données par la recourante le 3 janvier 2022, qui portaient notamment sur les activités de son employée pendant l’année 2021. Il ne s’agit toutefois pas là de faits qui établissent de manière indiscutable que l’état de fait retenu précédemment était erroné. En effet, la recourante a allégué de façon convaincante, le 3 janvier 2022, qu’elle ne pouvait précisément pas élargir ses activités ni développer la vente en ligne dans la situation financière dans laquelle elle se trouvait alors. En conclusion, une révision des décisions pour ce motif ne se justifiait pas.

4.2.4 L’intimé a encore considéré dans ses décisions des 19 et 20 janvier 2022 que les explications de la société ne justifiaient pas une perte de travail pour l’employée de plus de 80% de juin à juillet 2021. Il semble s’être fondé là encore sur les explications données par la recourante le 3 janvier 2022, selon lesquelles l’employée avait pu travailler sur la promotion du salon GemGenève (invitations, créations de vidéo et contenus promotionnels) pendant quelques jours en septembre et octobre 2021 et que cette activité avait représenté 15% de son emploi du temps chaque mois. Depuis juin 2021, elle travaillait sur la création de contenus pour le compte Instagram et faisait quelques tâches administratives, ce qui représentait également environ 15% de son temps contractuel.

Cette appréciation de la perte de travail ne justifiait pas la révision de la décision du 14 avril 2021, qui accordait la RHT du 21 janvier au 10 juillet 2021, sur la base du préavis déposé le 11 janvier 2021 qui faisait état d’une perte de travail de 80% dès janvier 2021. En effet, même si ce taux était effectivement réduit en juin et juillet 2021, l’état de fait retenu précédemment n’était pas erroné et il incombait à la caisse de fixer la hauteur des indemnités dues, une fois le préavis octroyé (art. 38 al. 3 let. a LACI ; ATAS/247/2022 16 mars 2022).

Il ne résulte ainsi pas de manière évidente des faits nouveaux parvenus à sa connaissance que l’intimé aurait accordé à tort à la recourante le droit de toucher les indemnités en cas de RHT en juin et juillet 2021.

4.2.5 S’agissant de la décision du 20 janvier 2022, c’est toutefois à juste titre que l’intimé a retenu que la société n’avait pas droit à l’indemnité RHT dès le 30 septembre 2021, ce que la recourante ne conteste pas.

4.2.6 Il en résulte que les conditions d’une révision n’étaient pas remplies pour la période courant de juin au 30 septembre 2021.

4.3 L’intimé ne pouvait pas non plus reconsidérer ses décisions des 14 avril et 12 juillet 2021, car une inexactitude manifeste ne peut être admise lorsque l’octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l’examen suppose un pouvoir d’appréciation, ce qui est le cas en l’espèce. Il subsiste en l’occurrence des doutes raisonnables sur le caractère erroné des décisions initiales, de sorte que les conditions de la reconsidération ne sont pas réalisées.

5.             Bien fondés, les recours doivent être admis et les décisions sur oppositions querellées annulées.

Il sera dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT pour la période courant du 11 janvier au 30 septembre 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

La recourante obtenant gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement :

1.        Ordonne la jonction des procédures A/1838/2022 et A/1839/2022 sous A/1838/2022.

À la forme :

2.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

3.        Admet les recours.

4.        Annule les décisions sur opposition des 3 et 4 mai 2022.

5.        Dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT pour la période courant du 11 janvier au 30 septembre 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

6.        Alloue à la recourante, à la charge de l'intimé, une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le