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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1411/2022

ATAS/929/2022 du 21.10.2022 ( AF ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1411/2022 ATAS/929/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 octobre 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié avenue ______, FERNEY-VOLTAIRE, France

 

 

recourant

 

contre

SERVICE CANTONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé), ressortissant sénégalais, travaille à Genève pour le compte du B______, soit un employeur non tenu de cotiser. Il est marié à Madame C______, ressortissante de Mauritanie, avec laquelle il a eu une fille, D______, née le ______ 2021, de nationalité sénégalaise.

Toute la famille est domiciliée à Ferney-Voltaire (France).

b. Le 26 mars 2021, l’intéressé a présenté une demande d'allocations familiales auprès du service cantonal d’allocations familiales (ci-après : SCAF) pour D______.

c. Le 29 septembre 2021, la Caisse française d’allocations familiales
(ci-après : CAF) de l’Ain a attesté du non-paiement de prestations pour D______ depuis le 1er mars 2021, compte tenu des « accords bilatéraux passés entre la Suisse et la France, la France n’étant pas prioritaire pour le versement des prestations familiales ».

B. a. Par décision du 10 novembre 2021, le SCAF a refusé d’octroyer des allocations familiales à l’intéressé. Selon l'art. 7 al. 1 de l'ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales, (OAFam - RS 836.21), les allocations familiales pour les enfants domiciliés à l'étranger n’étaient versées que si une convention internationale le prévoyait, ce qui n’était pas le cas entre la Suisse et le Sénégal ou la Mauritanie.

b. Le 25 novembre 2021, l’intéressé a formé opposition à cette décision. Étant salarié à Genève où il payait ses impôts et était assuré obligatoirement aux assurances sociales, il estimait être couvert par l’art. 7 OAFam.

c. Par décision sur opposition du 5 avril 2022, le SCAF a confirmé sa décision du 10 novembre 2021. Il n’existait aucune convention entre la Suisse et le Sénégal, de sorte que l’intéressé n’avait pas droit aux prestations. Le motif retenu par la CAF de l’Ain dans son attestation de non-paiement du 29 septembre 2021 n’était pas correct. Les accords bilatéraux entre la Suisse et la France ne s’appliquaient qu’aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne (ci-après : UE), ce qui n’était pas le cas du recourant. L’intéressé ne relevait pas non plus des exceptions prévues à l’art. 7 al.  2 OAFam.

C. a. Par acte du 5 mai 2022, l’intéressé a recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au SCAF pour réexamen de sa demande. Il avait cotisé aux allocations familiales depuis août 2018. Sa fille ne résidait pas au Sénégal mais en France. Il travaillait en Suisse, y était assujetti aux impôts et était assuré auprès d’une assurance-maladie obligatoire. Il était par ailleurs assuré obligatoirement à l’AVS conformément à l’art. 7 al. 2 OAFam, de sorte qu’il devait bénéficier du régime dérogatoire de cette disposition.

b. Par réponse du 17 mai 2022, le SCAF a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont persisté dans leurs conclusions par écritures des 14 juin 2022 et 15 juillet 2022.

EN DROIT

1.              

1.1 La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam – RS 836.2) sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la LAFam n’y déroge expressément (cf. art. 1 LAFam). Selon l’art. 22 LAFam, en dérogation à l’art. 58 al. 1 et 2 LPGA, les décisions prises par les caisses de compensation pour allocations familiales peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal des assurances du canton dont le régime d’allocations familiales est applicable.

La décision a été prise par l’intimé, sis à Genève, qui applique également le régime genevois d’allocations familiales.

La compétence ratione materiae et loci de la chambre de céans est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi devant le tribunal compétent, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'allouer des allocations familiales au recourant.

3.              

3.1 Les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam et 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Selon l'art. 3 al. 1 LAFam, l'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant (let. a) et l'allocation de formation professionnelle, qui est octroyée à partir du mois qui suit celui au cours duquel l'enfant atteint l'âge de 16 ans jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à l'âge de 25 ans (let. b).

Sont assujettis à la présente loi (a) les employeurs tenus de payer des cotisations au titre de l’art. 12 LAVS, (b) les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations selon l’art. 6 LAVS et (c) les personnes exerçant une activité lucrative indépendante qui sont obligatoirement assurées à l’AVS à ce titre (art. 11 al. 1 LAFam).

3.2 Selon l'art. 4 al. 3 LAFam, dont la teneur est reprise sur le plan cantonal à l’art. 3 al. 1 let. a LAF, donnent droit à des allocations, les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (al. 1 let. a). Pour les enfants vivant à l'étranger, le Conseil fédéral détermine les conditions d'octroi des allocations (al. 3, 1ère phrase).

En exécution de ce mandat, le Conseil fédéral a adopté l'art. 7 OAFam.

Cette disposition stipule que pour les enfants ayant leur domicile à l’étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit (al. 1). L’art. 7 al. 2 OAFam prévoit une exception pour les ressortissants suisses travaillant à l'étranger et obligatoirement assurés à l'AVS selon
l'art. 1a al. 1 let. c ou une convention internationale, ainsi qu’une exception pour les personnes travaillant à l'étranger pour le compte d'un employeur dont le siège est en Suisse et ayant consenti à rester assujettis à l’AVS
(art. 1a al. 3 let. a LAVS).

3.3 Le Tribunal fédéral a déjà eu à examiner la conformité de l’art. 7 al. 1 OAFam à l’art. 4 al. 3 LAFam, au principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) et du droit à tout enfant de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, inscrit aux art. 3 et 26 Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107). Il est parvenu à la conclusion qu’en soumettant l'octroi d'allocations familiales pour les enfants domiciliés dans un État étranger à la condition que celui-ci ait conclu avec la Suisse, sur ce point, une convention en matière de sécurité sociale, l'art. 7 al. 1 OAFam restait dans les limites de l'art. 4 al. 3 LAFam et ne violait ni l'art. 8 al. 1 et 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral
8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 6.3 citant
l’ATF 138 V 392 consid. 4 et l’ATF 136 I 297), ni les art. 3 al. 1 et 26 CDE
(ATF 136 I 297 consid. 8 et l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_295/2008 du 22 novembre 2008 consid. 4.2), ces deux dernières dispositions n’étant pas directement applicables en Suisse.

4.             En l'espèce, il n’est pas contesté que le recourant vit en France avec son épouse et sa fille. Ainsi que le relève l’intéressé, il existe une convention internationale en matière d’allocations familiales conclue entre la Suisse et la France (État de domicile de l’enfant). En effet, sur le plan de la coordination européenne, le siège de la matière figure au règlement (CE) n° 884/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après : le règlement n° 883/2004 ; RS 0.831.109.268.1) et au règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 (RS 0.1831.109.268.11). Ces deux règlements sont entrés en vigueur pour la Suisse le 1er avril 2012. Le règlement n° 883/2004 circonscrit son champ d’application personnel à son art. 2. En vertu du 1er paragraphe de cette disposition, le règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.

Or, il est constant que ni le recourant, ni son épouse, ne sont ressortissants d’un État membre, de sorte qu’ils ne relèvent pas du champ d’application personnel du règlement n° 883/2004.

Il suit de là que le recourant ne peut prétendre à des allocations familiales sur le fondement de l’art. 7 al. 1 OAFam.

Quant aux autres éventualités, envisagées par l’art. 7 al. 2 OAFam, qui permettent une exportation des allocations dans le monde entier, indépendamment de l’existence d’une convention internationale, elles n’entrent pas en considération. L’art. 1a al. 1 let. c LAVS concerne les ressortissants suisses qui travaillent à l’étranger, ce qui n’est pas le cas du recourant. L’intéressé ne travaille pas non plus à l’étranger pour le compte d’un employeur dont le siège est en Suisse au sens de l’art. 1a al. 3 let. a LAVS. Quant aux salariés obligatoirement assurés en vertu d’une convention internationale, ils concernent les travailleurs détachés, ce qui n’est pas non plus le cas du recourant.

Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait qu’il travaille depuis quatre ans en Suisse et que des cotisations sociales sont déduites de son salaire n'ouvre pas un droit aux allocations familiales lorsque les enfants vivent dans un État avec lequel la Suisse n'a pas conclu de convention permettant l'exportation des allocations.

C'est dès lors à raison que l'intimé n'a pas pu accorder au recourant un droit aux allocations familiales.

5.             Eu égard à ce qui précède, le recours s’avère mal fondé et doit être rejeté. 

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le