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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3858/2021

ATAS/770/2022 du 05.09.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3858/2021 ATAS/770/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 septembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée rue ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1968, mère de deux enfants nés en 1988 et 1991, était employée de l’entreprise B______ en tant que caissière polyvalente. Ce contrat de travail a été résilié avec effet au 31 janvier 2017, après 28 ans de services.

b. Dès le 30 novembre 2016, une incapacité de travail totale de l’assurée est attestée, laquelle a été prise en charge par l’assureur perte de gain de l’employeur.

B. a. Le 1er mai 2017, la doctoresse C______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a émis les diagnostics d’épisode dépressif moyen à sévère suite au licenciement de l’assurée pour des raisons de restructuration. L’assurée avait aimé son activité professionnelle et s’y était investie totalement, malgré la séparation d’avec son mari en cours. Le licenciement avait été vécu comme un choc et avait provoqué son effondrement psychologique, l’assurée s’étant sentie trahie par son employeur.

b. Le 10 juin 2017, l’assurée a été soumise à une expertise psychiatrique par la doctoresse D______, psychiatre à la Clinique E______. Dans son rapport du 4 juillet 2017, celle-ci a retenu le diagnostic de trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive, actuellement en cours de rémission. La capacité de travail était de 100% dès le jour de l’expertise.

c. En juillet 2017, l’assurée a requis des prestations de l’assurance-invalidité, en mentionnant souffrir d’une épilepsie depuis 1990 environ et d’un trouble dépressif depuis novembre 2016.

d. À l’attention de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le docteur F______, FMH médecine interne, a attesté le 20 juillet 2017 que l’assurée présentait une capacité de travail exigible dans l’activité habituelle de 100% [recte 0%] et dans une activité adaptée de 50%.

e. Dans son rapport du 8 août 2017, la Dresse C______ a repris ses diagnostics précédents et a mentionné que l’assurée souffrait depuis plusieurs années d’un grave et chronique conflit de couple qui avait débouché en 2016 à une séparation officielle.

f. Selon le rapport d’évaluation relatif à l’intervention précoce de l’OAI du 18 septembre 2017, l’assurée souffrait depuis plusieurs années à cause de conflits dans son couple et était en pleine séparation. Le 18 septembre 2017, le Dr F______ a certifié que l’assurée présentait une incapacité de travail totale dès cette date.

g. Dans son rapport du 26 mars 2018, la doctoresse G______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a certifié une incapacité de travail totale depuis octobre 2017. Elle avait pris le relais de la Dresse C______ en septembre 2017. Son diagnostic était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen. L’assurée souffrait probablement déjà d’un trouble dépressif depuis longtemps, en lien avec ses problèmes conjugaux. Actuellement, elle était toujours en incapacité totale de travail, en raison des symptômes dépressifs, maintenus par une situation financière très précaire et d’autres facteurs de stress familiaux.

h. Dans son rapport du 2 mai 2018, la Dresse G______ a confirmé son rapport précédent et a fourni un status psychiatrique détaillé. L’assurée présentait une tenue et une hygiène correctes, se montrait plutôt calme et bien collaborante et était bien orientée dans l’espace. Le contact visuel était normal. Il n’y avait ni troubles flagrants de la mémoire, de l’attention et de la capacité de concentration. Son discours était fluide, spontané, authentique, cohérent, bien structuré et en adéquation avec les questions posées. La tonalité de sa voix et le flux du discours étaient dans la norme. L’anxiété était latente et la souffrance manifeste. Elle présentait par ailleurs un discret élan de l’humeur, un sentiment important de dévalorisation, de baisse d’estime de soi et de confiance en elle-même, sans idées suicidaires. La mimique et la gestualité étaient vivantes. Enfin, le sommeil et l’appétit étaient normaux. Concernant le déroulement d’une journée-type, la Dresse G______ a mentionné que l’assurée gardait presque toute la journée ses petits-enfants chez sa fille. Leur compagnie lui faisait du bien. Dans l’après-midi, soit elle sortait faire une promenade ou pour prendre un café avec ses copines, soit elle restait chez elle tranquille ou pour faire le ménage. Elle habitait seule et arrivait bien à garder son appartement en ordre. Elle n’avait ainsi pas de limitations dans les domaines courants de la vie ou pour faire des tâches ménagères. L'incapacité de travail était toujours totale, mais au vu de l’évolution favorable, le pronostic à moyen terme était bon. Enfin, la compliance était très bonne.

i. En août et septembre 2018, l’assurée a été soumise à une expertise par le docteur H______, FMH psychiatrie et psychothérapie. Sur la base de trois entretiens avec l’assurée, il n’a retenu, dans son rapport du 24 septembre 2018, aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Les diagnostics de trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique, puis léger (depuis mars 2018), et de traits de la personnalité anxieuse et dépendante, actuellement non décompensés, n’avaient pas de répercussion sur la capacité de travail. Ce dernier trouble n’avait notamment jamais empêché l’assurée de travailler à 100% dans le passé ni à gérer son quotidien sans limitations. En tenant compte de la jurisprudence, l’expert n’a pas retenu de limitations fonctionnelles significatives et objectives, l’assurée arrivant à gérer son quotidien sans difficultés, à avoir des contacts sociaux, à conserver des plaisirs avec une amie, ses enfants et petits-enfants dont elle s’occupait adéquatement, et à partir en vacances.

j. Dans un avis médical du 4 octobre 2018, le docteur I______ du service médical régional de l’assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) s’est rallié aux conclusions de l’expert H______.

k. Par décision du 4 décembre 2018, l’OAI a refusé le droit à une rente d’invalidité et à des mesures d’ordre professionnel.

l. Par acte du 21 janvier 2019, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, par l’intermédiaire de son conseil, en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité entière illimitée dans le temps, sous suite de dépens. Elle présentait toujours une incapacité de travail de 100% à ce jour, ce qui était notamment attesté par la Dresse G______.

m. A l’appui de ses dires, la recourante a annexé l’avis de sortie du 24 janvier 2019 des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) suite à son hospitalisation du 15 au 22 janvier 2019, lors de laquelle le diagnostic d’embolie pulmonaire centrale à droite et lobaire à gauche avait été posé. Elle a également produit le rapport du 23 janvier 2019 du Dr F______, selon lequel elle souffrait d’une embolie pulmonaire bilatérale. Par ailleurs, une maladie sous-jacente de type paranéoplasique en raison d’une résistance au traitement par l’Acenocoumarol était suspectée et des investigations en cours. Le trouble dépressif chronique s’était aggravé et s’ajoutait à un trouble anxieux chronique. Enfin, elle présentait une épilepsie depuis 1995. Il y avait dès lors lieu de reconsidérer l’ensemble du dossier.

n. Par arrêt du 26 septembre 2019 (ATAS/873/2019), la chambre de céans a admis partiellement le recours, annulé la décision litigieuse et mis la recourante au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité, de janvier à juin 2018, sur la base d’une incapacité de travail de 50% d’août 2017 au 18 septembre 2017, totale du 19 septembre au 31 octobre 2017 et de 50% jusqu’au 25 mars 2018. Dès le 26 mars 2018, la capacité de travail était totale.

C. a. Le 26 avril 2019, l’unité d’angiologie des HUG a attesté d’une maladie thromboembolique veineuse.

b. Le 1er novembre 2019, le Dr F______ a attesté de crises d’épilepsie non maitrisées et d’une aggravation des troubles psychiques.

c. Le 12 mai 2020, la doctoresse J______, du service médical K______, a attesté d’une aggravation de l’état de santé physique et psychique en janvier 2019, avec une hospitalisation en janvier 2019 pour une embolie pulmonaire.

d. Le 14 mai 2020, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité.

e. Le 4 juin 2020, le docteur L______, FMH neurologie, a évoqué une situation inconfortable de l’assurée, qui n’était ni coagulée correctement ni traitée convenablement au plan épileptique et a fait des propositions de traitement. Il a effectué un encéphalogramme, concluant le 6 mars 2020 à une accentuation du foyer temporal gauche, le 15 juillet 2020 à un foyer temporal gauche plus marqué que précédemment et le 26 août 2020 à un même foyer bien moins marqué.

f. Le 25 juin 2020, la consultation d’angiologie des HUG a proposé l’arrêt du traitement d’anticoagulation.

g. Le 1er octobre 2020, le SMR a admis une aggravation de l’état de santé de l’assurée.

h. Le 23 novembre 2020, le docteur M______, FMH psychiatrie et psychothérapie - Les N______, a attesté d’une incapacité de travail totale depuis 2017.

i. Le 30 novembre 2020, le docteur O______, FMH neurologie, a indiqué que la situation était équilibrée, sans modifications critiques.

j. Le 18 décembre 2020, les Drs J______ et F______ ont attesté d’une incapacité de travail totale dès janvier 2019 et de diagnostics, totalement incapacitants, d’épilepsie, de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen et de lombosciatalgies.

k. Le 21 janvier 2021, le Dr O______ a indiqué un suivi depuis le 30 octobre 2020 et une épilepsie temporale gauche partiellement stabilisée qui avait des conséquences sur la conduite d’un véhicule ou être en hauteur, avec une capacité de travail totale dans une activité adaptée.

l. Le 31 mars 2021, l’unité d’angiologie des HUG a indiqué que l’embolie pulmonaire semblait avoir évolué favorablement avec l’arrêt de l’anticoagulation en juin 2020.

m. Le 19 juillet 2021, le Dr M______ a indiqué un trouble dépressif récurrent et une épilepsie ; la recourante présentait un ralentissement psychomoteur, des troubles cognitifs, une humeur dépressive ; elle ne sortait pas de sa maison, était isolée socialement et l’atteinte avait d’importantes répercussions, fluctuantes. La capacité (recte : l’incapacité) de travail était totale depuis 2017.

n. Le 26 août 2021, le SMR a estimé que l’assurée avait présenté une incapacité de travail de janvier à février 2019 en raison de l’embolie pulmonaire et que le psychiatre traitant n’avait pas évoqué une aggravation de l’état de santé depuis la dernière décision de l’OAI.

o. Par projet de décision du 30 août 2021, et décision du 11 octobre 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que l’incapacité de travail de janvier à février 2019 avait duré moins d’une année.

D. a. Le 11 novembre 2021, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité ; ses médecins traitants attestaient d’une capacité de travail nulle, le Dr M______ devait encore se prononcer et la décision litigieuse était insuffisamment motivée.

b. Le 9 décembre 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours.

c. Le 10 février 2022, la recourante a répliqué, en persistant dans le grief de violation de son droit d’être entendue ; par ailleurs, l’OAI n’avait à tort pas tenu compte des certificats d’incapacité de travail totale de ses médecins traitants.

d. Le 21 mars 2022, la chambre de céans a entendu les représentants des parties en audience de comparution personnelle, la recourante, souffrant d’une bronchite aiguë, n’ayant pas pu se présenter à l’audience.

e. Le 28 avril 2022, la recourante a produit :

-        un rapport du 29 mars 2022 du docteur P______, médecin praticien au service médical K______, attestant d’une incapacité de travail totale sur le plan somatique, à corroborer avec des rapports de spécialistes (neurologue et psychiatre) ;

-        un rapport du 24 mars 2022 du Dr O______, relevant une épilepsie bien équilibrée par la thérapie ; les plaintes de la recourante étaient inhérentes à un état de stress chronique et pouvaient justifier une limitation des capacités professionnelles ; les Dr J______ et F______ étaient certainement en mesure de donner des détails permettant de fixer un taux d’handicap « plus entier » ;

-        un rapport du 6 avril 2022 des docteurs Q______, FMH médecine interne, et M______, attestant d’une aggravation majeure d’un état anxio-dépressif depuis le suivi de juillet 2019 et une capacité de travail nulle en raison d’une anxiété et dépression sévères et des crises d’épilepsie.

La recourante a souligné que ces rapports démontraient une évolution défavorable de son état de santé.

f. Le 31 mai 2022, le SMR a estimé que le rapport du 6 avril 2022 des médecins traitants rendait plausible une aggravation de l’état de santé de la recourante depuis l’expertise du Dr H______ de 2018, aggravation qui était toutefois postérieure au rapport du 19 juillet 2021, de sorte que la précédente évaluation du SMR demeurait valable.

g. Le 31 mai 2022, l’OAI a relevé qu’il était difficile de suivre les allégations de l’assurée quant à la temporalité de l’aggravation admise par le SMR et qu’il persistait en conséquence dans ses conclusions.

h. A la demande de la chambre de céans, le Dr M______ a précisé le 7 juin 2022 que l’assurée présentait une aggravation de son état de santé depuis août 2019.

i. Le 20 juin 2022, le SMR a estimé que malgré la réponse du Dr M______, celui-ci avait retenu un trouble dépressif réactionnel à la situation somatique dans ses rapports des 23 novembre 2020 et 19 juillet 2021 et que le tableau clinique était plus sévère seulement dans sa description de mai 2022.

j. Le 24 juin 2022, l’OAI a souligné que le tableau clinique décrit par le médecin traitant en juillet 2021 était comparable à la situation de l’assurée en 2017, de sorte qu’une éventuelle aggravation n’était survenue que postérieurement à la décision litigieuse.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur la survenance d’une aggravation de son état de santé depuis la décision de l’intimé du 4 décembre 2018.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 On peut envisager quatre cas dans lesquels un conflit peut surgir entre une situation juridique actuelle et une décision de prestations, assortie d'effets durables, entrée en force formelle : une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale sur les faits) peut, à certaines conditions, être corrigée par une révision procédurale conformément à l'art. 53 al. 1 LPGA. Lorsqu'une modification de l'état de fait déterminante sous l'angle du droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur les faits) survient après le prononcé d'une décision initiale exempte d'erreur, une adaptation peut, le cas échéant, être effectuée dans le cadre d'une révision de la rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA. Si la décision est fondée sur une application erronée du droit (application initiale erronée), il y a lieu d'envisager une révocation sous l'angle de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA). Enfin, il est des cas où une modification des fondements juridiques déterminants intervient après le prononcé de la décision (ATF 135 V 215 consid. 4.1 ; ATF 127 V 10 consid. 4b).

4.2 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références ; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

5.2 En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI (dans sa version antérieure au 1er janvier 2004), l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 66 2/3% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins ; dans les cas pénibles, l’assuré peut, d’après l’art. 28 al. 1bis LAI, prétendre à une demi-rente s’il est invalide à 40% au moins. Dès le 1er janvier 2004, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 2 LAI).

5.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

6.             Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

7.              

7.1 En l’occurrence, l’intimé a rendu une décision de refus de rente d’invalidité le 4 décembre 2018, laquelle a été annulée par l’ATAS/873/2019 de la chambre de céans, et la recourante a été mise au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité de janvier à juin 2018, avec le constat que dès le 26 mars 2018, sa capacité de travail était totale ; il a été relevé que dès cette date, la recourante ne présentait pas de limitations fonctionnelles majeures ni de limitations uniformes des activités dans tous les domaines de la vie, dès lors qu’elle arrivait à gérer son quotidien, à avoir des contacts sociaux et à tenir son ménage.

7.2 Il convient de déterminer si l’état de santé de la recourante s’est aggravé depuis la décision précitée du 4 décembre 2018 et antérieurement à la décision litigieuse.

A cet égard, le psychiatre traitant de la recourante a attesté d’une aggravation de l’état de santé de celle-ci depuis août 2019. L’intimé admet cette aggravation mais estime qu’elle est survenue postérieurement à la décision litigieuse d’octobre 2021, soit au plus tard lors de la réception du rapport médical du psychiatre traitant du 6 avril 2022. A l’appui de sa position, l’intimé souligne, en suivant l’avis du SMR du 20 juin 2022, que les rapports du psychiatre traitant des 23 novembre 2020 et 14 juillet 2021 ne retiennent qu’un diagnostic de trouble dépressif réactionnel à la situation somatique, avec un tableau clinique moins sévère que celui décrit ensuite, soit en avril 2022.

7.3 L’aggravation de l’état de santé psychique de la recourante étant admise par les parties, reste à déterminer la date de sa survenance.

Le psychiatre traitant a posé, tant le 23 novembre 2020 que le 14 juillet 2021, un diagnostic de trouble dépressif récurrent. Il n’a, en particulier, pas mentionné de trouble réactionnel à une « situation somatique », comme l’a relevé le SMR, mais une symptomatologie qui faisait suite à une perte d’emploi et une séparation, sans récupération, depuis, d’une thymie stable (rapport du 23 novembre 2020). La symptomatologie anxieuse et dépressive est qualifiée de sévère, avec des idées noires et suicidaires passives, fluctuantes (rapport du 23 novembre 2020) et chroniques (rapport du 14 juillet 2021). La recourante présente de la fatigue chronique, de l’apathie, de l’anhédonie, de la perte d’estime de soi, du négativisme, des troubles de la concentration (rapport du 20 novembre 2020), un ralentissement psychomoteur, des troubles cognitifs, de la démotivation, de la fatigue chronique et une humeur déprimée (rapport du 14 juillet 2021). Dans les deux rapports précités, un important isolement social est souligné : la recourante reste à la maison, souvent couchée au lit, sans loisirs.

Or, cette description de la symptomatologie de la recourante témoigne déjà d’une aggravation de la situation par rapport à celle décrite dans le jugement précité pour la période courant dès mars 2018.

Par ailleurs, s’agissant du tableau clinique décrit dans le rapport du psychiatre traitant d’avril 2022, celui-ci relève une thymie fortement abaissée, une tristesse de l’humeur quotidienne et une anhédonie importante, une aboulie, une fatigabilité intense et une irritabilité intense, des idées noires et suicidaires fluctuantes, une vue négative de l’avenir et des idées de dévalorisation et de frustrations, des difficultés de concentration, trouble de la mémoire, un état de détresse avec isolement social, de l’anxiété chronique, de l’angoisse. Or, tous ces symptômes ont été mentionnés dans les deux rapports précédents de 2020 et 2021, hormis un trouble du sommeil avec insomnies nocturnes. Certains éléments, plus détaillés, sont mentionnés par le psychiatre traitant dans le rapport du 6 avril 2022, ce qui ne permet pas encore d’en inférer qu’il existe une différence de status psychiatrique entre novembre 2020 / juillet 2021 et avril 2022. Cette différence doit plutôt être mise en lien avec le fait que le rapport de 2022 est plus étayé et répond à des questions précises par rapport aux deux rapports médicaux AI de 2020 et 2021.

7.4 Au vu de ce qui précède et au degré de la vraisemblance prépondérante, il apparait que l’état de santé psychique de la recourante s’est aggravé à tout le moins antérieurement à octobre 2021, date de la décision litigieuse. En conséquence, cette aggravation doit être prise en compte dans le cadre de la présente procédure.

Vu l’absence d’instruction médicale de cette aggravation, l’expertise administrative la plus récente étant celle du Dr H______ de 2018, il convient de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction médicale complémentaire et nouvelle décision.

8.             Le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé dans le sens des considérants.

Pour le surplus, la recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision litigieuse et renvoie la cause à l’intimé dans le sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le