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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2334/2021

ATAS/695/2022 du 09.08.2022 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2334/2021 ATAS/695/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 août 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS, Division juridique, Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou
la recourante), célibataire, née le ______ 1986, travaillait depuis le 1er août 2018
en qualité d’architecte au service de Monsieur B______ (ci-après : l’employeur), architecte également, dans le cadre d’un contrat de travail de durée indéterminée à plein temps. À ce titre, elle était assurée auprès de la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : l’assureur ou l’intimée) pour les accidents professionnels et non professionnels.

b. Selon une déclaration de sinistre « accident », établie le 9 avril 2019 par l’employeur, l’assurée circulait à vélo le mardi 2 avril 2019 au Jardin anglais, lorsqu’elle a été heurtée par un autre cycliste. Sous l’effet du choc, elle avait « fait un soleil », subi une luxation de la mâchoire, un écrasement du thorax, ainsi qu’une élongation de la colonne cervicale.

c. Par courrier du 12 avril 2019, l’assureur a informé l’employeur qu’il allouait
à l’assurée les prestations d’assurances pour les suites de son accident non professionnel du 2 avril 2019 et que l’indemnité journalière lui serait versée au plus tôt le 5 avril 2019.

d. Dans un rapport du 18 avril 2019, qui faisait suite à l’admission de l’assurée, le jour de l’accident, au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), les docteurs C______ et D______, respectivement chef de clinique et médecin interne ont fait état d’un accident de la voie publique avec traumatisme cérébral sans perte de connaissance. Après avoir chuté en avant suite à la collision, l’assurée s’était relevée immédiatement toute seule. Elle présentait une plaie au niveau du menton, une douleur à la mâchoire à droite avec tuméfaction. Pour le surplus, il n’y avait pas d’autre plainte ni d’autre traumatisme.

e. Dans un rapport de consultation du 6 mai 2019, le docteur E______, médecin adjoint auprès du service de neurologie de l’Hôpital de Nyon, a indiqué qu’il existait une situation anamnestique et clinique compatible avec des céphalées de tension, nécessitant un traitement par massages locaux, mais également des thérapies visant à diminuer le stress général de l’assurée, qui semblait au premier plan actuellement. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cervicale, et deux scanners cérébraux étaient « revenus dans la norme », sans argument pour une lésion à la suite de deux traumatismes crâniens subis (traumatisme crânien sans perte de connaissance ni amnésie lors d’une chute à cheval le 22 décembre 2018 et traumatisme crânien avec réception sur le menton à vélo le 2 avril 2019 sans perte de connaissance ni amnésie).

f. Après réception, le 8 mai 2019, du devis d’un opticien pour une monture et des « verres distance », l’assureur a informé l’assurée qu’il participait à un modèle de monture simple et adéquat et prenait en charge le coût intégral des verres.

g. Dans un rapport du 18 juin 2019, consécutif à des consultations des 7 et 18 juin 2019, le docteur F______, neurologue FMH, a indiqué que les images de l’IRM effectuée à l’Hôpital de Nyon n’avait révélé aucune lésion traumatique, mais des « hyperintensités de la substance blanche, aspécifique, punctiforme » ne se rehaussant pas à l’injection de produit de contraste, ces hyperintensités de la substance blanche étant asymptomatiques et à banaliser, de sorte que l’examen neurologique était normal. Toutefois, un contrôle devait être prévu d’ici six mois à une année afin de juger de leur évolution. L’assurée présentait de nombreux stigmates permettant au Dr F______ de retenir un syndrome post-traumatique subjectif.

h. Le 3 juillet 2019, l’assurée a téléphoné à l’assureur pour l’informer que l’arrêt de travail consécutif à son accident n’avait pas connu d’interruption. Elle avait repris à 50%, mais comme ça n’allait pas, en raison de troubles visuels, elle avait dû se remettre en arrêt de travail à 60%. Elle avait présenté des fissures aux côtes et à la mâchoire et subi un « coup du lapin » avec des douleurs cervicales. À l’heure actuelle, elle ne pouvait pas reprendre son travail à cause de troubles visuels qui généraient des maux de tête. Elle était intolérante à la lumière. Pour cette dernière problématique, elle avait réussi à obtenir un rendez-vous, fixé au 15 août 2019, auprès d’un spécialiste. Elle consultait également le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en raison d’un état de stress post-traumatique (ci-après : ESPT). C’était ce médecin qui lui délivrait les certificats d’arrêt de travail.

i. S’agissant de ces certificats, les deux derniers qui avaient été délivrés les 1er et 4 juillet 2019 par ce médecin, attestaient respectivement une incapacité de travail à 60% du 1er au 15 juillet 2019 et une incapacité de travail totale du 5 juillet au 15 août 2019 « pour des raisons médicales ».

j. En vue de compléter un questionnaire de l’assureur, daté du 3 juillet 2019, le
Dr G______, a indiqué, sans dater ses réponses, reçues le 26 août 2019 en retour, que l’assurée l’avait consulté le 9 janvier 2019 en raison d’un épisode dépressif et d’un trouble de l’anxiété secondaire à ses difficultés professionnelles et à un conflit de couple. Après avoir posé les diagnostics d’épisode dépressif moyen (F32.1), de trouble de l’anxiété généralisée (F41.1) et de probable trouble somatoforme, ce médecin a précisé qu’il pensait que l’assurée présentait également un trouble de la personnalité limite ou émotionnellement labile. Les conflits de couple, le stress du travail et l’accident de vélo avec commotion cérébrale l’avaient déstabilisée.

k. Dans un rapport du 9 juillet 2019, le docteur H______, spécialiste FMH en maladies et chirurgie des yeux, a posé le diagnostic de « fatigue après vision de près post commotion cérébrale » et d’état après opération (durant l’enfance) d’un strabisme ayant laissé une exotropie résiduelle. L’évolution était bonne et le traitement consistait dans le port de lunettes.

l. Le 24 juillet 2019, le professeur I______, médecin chef de l’unité de neuro-ophtalmologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, a écrit au Dr F______ pour lui signaler que depuis l’accident du 2 avril 2019, l’assurée se plaignait de céphalées fréquentes, d’une photophobie très gênante (l’empêchant notamment de travailler devant un écran d’ordinateur), d’une vision floue de loin et de près et de douleurs oculaires profondes bilatérales. En outre, il existait des antécédents ophtalmologiques, à savoir une opération de strabisme convergent en 1993, ainsi que des lunettes portées entre l’âge de 3 et 15 ans. Les examens du jour avaient révélé notamment une performance visuelle normale des deux côtés, malgré une légère hypermétropie non corrigée, un examen oculaire strictement normal des deux côtés, un status après opération de strabisme convergent, avec persistance d’une ésophorie assez marquée, bien compensée actuellement, ainsi qu’une insuffisance de convergence possiblement postopératoire. Mais il était aussi possible qu’une partie de cette insuffisance fût à mettre en rapport avec des séquelles du traumatisme cranio-cérébral (ci-après : TCC). En conclusion, il n’y avait aucune explication strictement neuro-ophtalmologique à la photophobie de l’assurée. Une photophobie post-traumatique se rencontrait assez souvent après un TCC, sans qu’il y ait de base anatomique. L’approche de cette photophobie était pragmatique et il avait proposé à l’assurée une consultation auprès du service de basse vision de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, afin de voir si des filtres bloquant certaines longueurs d’ondes pouvaient lui être bénéfiques. Ceci pouvait permettre à l’assurée de reprendre partiellement son travail, étant relevé qu’elle présentait actuellement une intolérance à la luminosité de l’écran d’ordinateur.

m. Le 22 août 2019, la doctoresse J______, ophtalmologue, a posé le diagnostic différentiel d’ésophorie décompensée vs strabisme accommodatif. Suite à l’accident du 2 avril 2019, l’évolution avait été marquée par une vision floue et de la photophobie. Interrogée sur d’éventuelles circonstances particulières pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison, ce médecin a répondu par l’affirmative en mentionnant le strabisme convergent préalable. Le traitement actuel consistait dans le port de lunettes adaptées avec filtres. Celui-ci pouvait être éventuellement complété par une rééducation orthoptique.

n. Le 18 septembre 2019, le docteur K______, psychiatre et médecin d’arrondissement de l’assureur, a estimé au vu des éléments contenus dans le rapport (non daté) du Dr G______ qu’il y avait des facteurs majeurs autres que l’accident du 2 avril 2019 qui intervenaient de manière prédominante dans le déclenchement du trouble psychiatrique traité par ce médecin. Celui-ci décrivait très clairement qu’initialement, le traitement avait été motivé par des difficultés professionnelles et de couple. Dans cette situation, le Dr K______ ne retenait pas de lien de causalité naturelle avec l’accident. Même si l’accident avait pu participer à une forme d’aggravation, les deux tiers étaient liés au contexte décrit par le Dr G______.

o. Par pli du 9 septembre 2019, l’assureur a indiqué à l’assurée qu’il ressortait de son dossier qu’elle présentait des arrêts de travail pour cause de maladie depuis le 16 août 2019. De ce fait, le versement des indemnités journalières en lien avec l’accident du 2 avril 2019 prendrait fin avec effet au 15 août 2019. Pour le reste, l’assureur demeurait dans l’attente des rapports médicaux relatifs aux troubles de la vue, en vue d’une éventuelle prise en charge de ceux-ci.

B. a. Par décision du 9 septembre 2019, l’assureur a informé l’assurée qu’un lien de causalité certain, ou du moins probable, ne pouvait être établi entre l’accident du 2 avril 2019 et les troubles psychiques déclarés. En conséquence, la prise en charge de leur traitement prendrait fin avec effet au 15 août 2019 au soir et serait, dès ce moment, du ressort de l’assurance-maladie.

b. Par courriel du 10 septembre 2019, l’assurée a demandé à l’assureur de prendre en charge des consultations auprès d’une opticienne, Madame L______. À l’appui de cette demande, elle a joint un courrier que le Prof. I______ avait adressé à Mme L______ le 9 septembre 2019, demandant à cette dernière
de convoquer sa patiente pour essayer de trouver un moyen optique (filtre ou combinaison de filtres) afin de la soulager. Depuis sa chute à vélo avec TCC,
elle présentait en effet, selon le Prof. I______, une intolérance à certaines lumières.

c. Invité par l’assureur à se prononcer sur la prise en charge des consultations auprès de Mme L______, plus précisément sur le lien de causalité entre les troubles de la vue et l’accident du 2 avril 2019, le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de l’assureur, a indiqué le 11 septembre 2019 que le fait que ces troubles étaient apparus après cet événement n’impliquait pas une causalité probable.

d. Le 3 octobre 2019, l’assurée a déposé une demande auprès de l’office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud.

e. Invité à se déterminer sur le lien de causalité entre les troubles de la vue et l’accident du 2 avril 2019, ainsi que la prise en charge du traitement de ces troubles, le docteur N______, médecin conseil de l’assureur et spécialiste en ophtalmologie et ophtalmochirurgie, a indiqué, par appréciation du 4 octobre 2019, que de tels problèmes pouvaient surgir à la suite d’un accident, mais qu’il n’y avait aucune explication objective pour les troubles de la vue. S’agissant du traitement qui serait prodigué par Mme L______, le Dr N______ a précisé qu’il partait de l’idée que ce traitement consisterait dans le port de lunettes, éventuellement équipées d’un filtre. Aussi proposait-il de prendre en charge ces lunettes une fois, mais plus par la suite. Des traitements ultérieurs ne seraient plus en lien de causalité avec l’accident.

f. Le 8 octobre 2019, l’assurée, assistée d’un avocat, a formé opposition à la décision du 9 septembre 2019. Tout en réservant un complément d’opposition qui serait transmis une fois le dossier en sa possession et examiné, elle a fait savoir qu’elle contestait catégoriquement que ses troubles de la santé, en particulier les troubles psychiques, ne seraient pas en relation de causalité avec l’accident. Cette opinion se fondait sur un rapport du 12 septembre 2019 du
Dr G______, par lequel ce médecin indiquait « rectifier [son] récit de cette façon » : l’assurée était venue se soumettre à une psychothérapie en janvier 2019 alors qu’elle pouvait travailler, faire du sport et vivre sa relation affective avec plus ou moins de problèmes. Elle avait des émotions de tristesse et d’angoisse qui correspondaient aux difficultés de sa vie. C’était à partir de l’accident du 2 avril 2019 que son équilibre s’était déstabilisé avec les problèmes physiques et psychiques qui étaient apparus à sa suite. Les arrêts de travail, la rupture sentimentale, les troubles de la vue de même que « l’épisode dépressif et d’anxiété » étaient donc une conséquence directe de cet accident.

g. Dans un rapport du 9 octobre 2019, le Dr H______ a indiqué que le travail à l’écran et la lecture étaient toujours très difficiles. De même, la photophobie et les douleurs oculaires persistaient. Le traitement actuel consistait dans le port de lunettes correctrices avec filtres. L’assurée était en arrêt de travail complet depuis le 15 août 2019 et le resterait jusqu’au 27 octobre 2019. Une reprise du travail à 50% était prévue pour le 28 octobre 2019. La persistance d’un problème était possible.

h. Par pli du 15 octobre 2019, l’assureur a fait savoir au conseil de l’assurée que son service médical était d’avis qu’il n’y avait aucune explication objective aux troubles de la vue de sa mandante. Cela étant, il acceptait néanmoins, une fois seulement, la prise en charge d’une paire de lunettes avec, cas échéant, un filtre optique.

i. Par pli du 6 novembre 2019, l’assurée a informé l’assureur qu’elle confirmait son opposition à la décision du 9 septembre 2019 et concluait à son annulation. Malgré une demande en ce sens, l’assureur n’avait pas clarifié le point de savoir si la décision litigieuse ne concernait que les troubles psychiques, à l’exclusion des troubles somatiques. La décision laissait supposer que tel était le cas, mais son libellé n’était pas clair. Quoi qu’il en soit, l’assurée contestait que les troubles somatiques et psychiques qu’elle présentait actuellement n’étaient pas en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. Pour étayer ce point de vue, elle s’est référée à :

-          un courrier du 29 octobre 2019 par lequel le Prof. I______ demandait au médecin-conseil d’intercéder auprès de l’assureur pour qu’une rééducation
soit effectuée par Monsieur O______, optométriste à Genève, qui était spécialisé dans la rééducation de la convergence/accommodation.
En effet, des tentatives d’adaptation de filtres (pour atténuer la photophobie) s’étaient soldées par un échec ;

-          un rapport du 30 octobre 2019 du Dr H______, indiquant que même si l’assurée avait subi, dans l’enfance, une opération de strabisme, sa capacité de travail jusqu’à l’accident du 2 avril 2019 était bonne. Ce n’était que depuis cet événement qu’elle présentait une fatigabilité extrêmement importante pour le travail sur écran, associée à des migraines importantes. Il était donc bon de considérer que l’assurée était en arrêt accident depuis le 15 août 2019 et non pas en arrêt maladie ;

-          une attestation établie le 4 octobre 2019 par le docteur R______, psychiatre et psychothérapeute, par laquelle ce médecin, en charge du suivi de l’assurée depuis le 31 juillet 2019, certifiait que l’assurée avait des symptômes psychiques apparus après l’accident du 2 avril 2019.

j. Par pli du 8 novembre 2019, le Prof. I______ a informé le médecin-conseil de l’assureur qu’il revenait sur son courrier du 29 octobre 2019, dans la mesure où celui-ci était en partie erroné. Contrairement à ce qu’il y était indiqué, les filtres ne s’étaient pas soldés par un échec, mais avaient permis d’améliorer une partie des symptômes, sans toutefois résoudre la totalité des troubles visuels. Ces filtres seraient donc prescrits à l’assurée. Par ailleurs, la proposition de rééducation de
la convergence/accommodation restait d’actualité. Aussi le Prof. I______ a-t-il demandé que ces deux moyens de rééducation/adaptation fussent pris en charge.

k. Le 13 novembre 2019, l’assurée a fait suivre à l’assureur un courrier du
15 octobre 2019 de Mme L______, opticienne optométriste, attestant, selon l’assurée, une relation de causalité entre l’accident et les troubles visuels et, partant, la nécessité d’utiliser des filtres. Dans ce courrier, Mme L______ indiquait que selon son expérience, il n’était pas rare qu’un accident ou un choc cérébral perturbe la fragilité du système visuel, tant en ce qui concernait la gestion de la lumière que la fixation. Dans la situation de l’assurée, la stabilité de la vision était déjà précarisée par un micro-strabisme congénital et il paraissait « logique » que l’accident ait perturbé « [son] équilibre et [ses] stratégies visuels ».

l. Par appréciation du 15 novembre 2019 – uniquement somatique et excluant
les troubles psychiatriques éventuels et les troubles ophtalmologiques –, le
Dr M______ a indiqué que l’assurée avait subi, à la suite de sa chute à vélo, un traumatisme crânien sans perte de connaissance, des contusions cervicales et thoraciques, et, potentiellement, des fractures de côtes jamais visualisées. Elle présentait essentiellement – et le Dr M______ n’y reviendrait pas, ces aspects n’étant pas de son ressort – des problèmes visuels et psychologiques. En ce qui concernait uniquement le plan somatique, ostéoarticulaire et neurologique, aucune lésion n’avait pu être démontrée, en particulier au niveau de la colonne cervicale qui, aux images de l’examen par IRM du 25 avril 2019, était entièrement normale pour l’âge de la recourante. Il n’y avait plus de suivi pour des douleurs abdominales ou thoraciques. L’ensemble du suivi était concentré « sur le plan somatique et ses aspects ophtalmologiques ». On pouvait donc retenir que l’interruption de travail en rapport avec les troubles somatiques n’était plus justifiée au-delà du mois de juin 2019. Au-delà de cette échéance, aucune consultation n’avait été prévue ou fixée par le docteur P______, spécialiste FMH en chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale, pour la mâchoire. En l’état du dossier, l’assurée présentait donc, au-delà du mois de juin 2019, une pleine capacité de travail dans l’activité d’architecte, sans réduction de rendement, en rapport avec les atteintes somatiques causées par l’accident du 2 avril 2019 (atteintes ophtalmologiques exceptées).

m. Interpellé par l’assureur au sujet du courrier rectificatif du 8 novembre 2019 du Prof. I______, le Dr N______ a indiqué le 22 novembre 2019 que dans son appréciation du 4 octobre 2019, il avait bien accepté une relation de causalité dans le cadre de la prise en charge d’une paire de lunettes équipées de filtres optiques pour « améliorer » les éblouissements. Il proposait désormais de prendre en charge, en outre, les neuf séances orthoptiques qu’avait prescrites
le Prof. I______.

n. Par appréciation du 6 décembre 2019, le Dr N______ a précisé qu’avec les traitements médicaux qu’il avait évoqués dans ses précédentes appréciations (lunettes, rééducation orthoptique), une capacité de travail de 100% « [pouvait] être concevable ». Selon les documents médicaux, on pouvait admettre que cet état existait depuis quelques mois, même s’il était difficile d’être plus précis d’un point de vue strictement ophtalmique. En revanche, on était désormais à plus de six mois de l’accident, de sorte qu’une reprise entière du travail paraissait possible.

o. Par pli du 18 décembre 2019, l’assurée a transmis à l’assureur les rapports médicaux suivants :

-          un rapport du 25 novembre 2019 du docteur Q______, spécialiste FMH en médecine interne, attestant que l’assurée l’avait consultée dès le 2 mai 2019 avec plusieurs plaintes et symptômes, survenus suite à l’accident du 2 avril 2019 et dont elle ne souffrait pas auparavant, à savoir de très fortes migraines et des douleurs cervicales persistantes, malgré de nombreuses séances d’ostéopathie et d’acupuncture, deux côtes fissurées, des douleurs inguinales d’origine incertaine, des douleurs récurrentes de l’articulation temporo-mandibulaire gauche suite au choc sur le menton survenu lors de l’accident. On notait par ailleurs une cicatrice faciale, un ESPT se manifestant par des accès de panique à l’approche de vélos électriques, des difficultés
de concentration, une perte de repères dans l’espace (désorientation), une « sensation d’instabilité et perte d’équilibre », ainsi qu’une photophobie post-traumatique ;

-          un rapport du 25 novembre 2019 du Dr R______, attestant qu’il y avait des plaintes de « la sphère état de stress post-traumatique », une insomnie majeure, de la fatigue, de l’anxiété, de la tension psychique, des ruminations, une humeur triste avec des idées noires, ainsi que des difficultés de concentration et de mémoire ;

-          un rapport du 6 décembre 2019 du Dr F______, indiquant qu’il avait revu l’assurée le 4 novembre 2019. Les troubles visuels demeuraient superposables et l’assurée avait reçu pour consigne de contacter le docteur S______ afin que celui-ci effectue la poursuite de la prise en charge des troubles neuro-ophtalmologiques. Pour le reste, il persistait des céphalées parfois pulsatiles, associées à une sono-et une photophobie entrant dans le cadre de migraines et de céphalées tensionnelles. Par ailleurs, il existait une asthénie importante, des troubles de la concentration apparaissant à l’effort ou lorsqu’elle était fatiguée. Il était important de régler les problèmes visuels de l’assurée, ce qui lui permettrait de reprendre ses activités professionnelles. Enfin, le Dr F______ a relevé que la normalité de l’examen neurologique et l’absence de corrélation entre les hyperintensités de la substance blanche constatées à l’IRM et ses plaintes étaient rassurantes ;

-          un rapport du 16 décembre 2019 du docteur T______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, par lequel ce médecin indiquait suivre l’assurée depuis le 16 mai 2019 pour des séquelles psychologiques consécutives à son accident du 2 avril 2019. Actuellement, il existait encore, malgré l’instauration d’un traitement médicamenteux et des séances de psychothérapie, des séquelles post-traumatiques, notamment une hypervigilance et des peurs avec évitement, une instabilité émotionnelle et des reviviscences ;

-          un rapport du 17 décembre 2019 du Dr P______, indiquant qu’à la suite du traumatisme subi le 2 avril 2019, l’assurée présentait une limitation de l’ouverture buccale, des douleurs à la palpation des muscles ptérygoïdiens et temporaux de manière bilatérale, évoquant un syndrome myo-facial. Il existait également un composite perdu au niveau vestibulaire de la première prémolaire du quadrant IV, ainsi qu’au niveau de la dernière molaire inférieure à gauche. S’y ajoutaient de petites fissures vestibulaires au niveau des dents 11 et 21. Les traitements entrepris avaient consisté en l’instauration de séances de physiothérapie spécialisée, la confection d’une gouttière de libération occlusale et la réalisation d’injections de toxine botulique intramusculaires. Un traitement de restauration dentaire avait également été réalisé pour la prémolaire et la molaire. Un suivi pour les dents 11 et 21 devrait être entrepris.

p. Invité à se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée d’un point de vue ophtalmique, le Dr N______ a estimé le 7 février 2020, à la lumière des rapports médicaux récents, en particulier celui du Dr H______ du
9 octobre 2019, qu’il n’était pas vraiment concevable, en présence d’un accident ayant eu lieu le 2 avril 2019, que des incapacités de travail si tardives pour les seuls troubles de la vue soient mises en relation avec cet accident. Comme on ne disposait d’aucune attestation d’incapacité pour des raisons ophtalmiques entre la date de l’accident et le 15 août 2019, l’incapacité de travail de 100% du 15 août
au 27 octobre 2019 par le Dr H______ était d’autant plus difficile à comprendre. Compte tenu de ces éléments, le Dr N______ était d’avis qu’il n’y avait pas vraiment d’incapacité de travail pour les seuls troubles visuels. Interrogé sur le point de savoir si les traitements qu’il proposait le 22 novembre 2019 entrainaient une incapacité de travail, le Dr N______ a répondu par la négative.

C. a. Par décision du 28 février 2020, l’assureur a annulé sa décision du 9 septembre 2019 et admis la causalité entre les troubles mentionnés dans son courrier du 15 octobre 2019 et l’événement du 2 avril 2019. En conséquence, une paire de lunettes équipée de filtres optiques de même que les neuf séances orthoptiques prescrites par le Prof. I______ seraient prises en charge, à l’exclusion d’une incapacité de travail résultant des troubles de la vue, conformément à l’avis
du Dr N______. L’assureur a accepté également de donner une suite favorable à la demande de prise en charge du traitement de la mâchoire par le Dr P______, ainsi que l’incapacité de travail en découlant, à concurrence de deux jours au maximum. Pour le surplus, selon l’avis du service médical de l’assureur, une incapacité de travail n’était plus justifiée médicalement pour les suites de l’accident du 2 avril 2019 ; sous l’angle des seules suites de cet événement, on pouvait considérer que l’assurée avait pu reprendre son activité professionnelle à plein temps à compter du 16 août 2019 et qu’au-delà du 15 août 2019, les troubles résiduels étaient d’origine maladive. En conséquence, le versement des indemnités journalières avait pris fin le 15 août 2019 au soir. En ce qui concernait les troubles psychiques, leur prise en charge dépendait de l’existence d’un lien de causalité avec l’accident du 2 avril 2019. Il ressortait toutefois des pièces du dossier qu’un tel lien – certain ou à tout le moins probable – n’était pas établi. Par conséquent, en l’absence de toute obligation de l’assureur, c’était à bien plaire que celui-ci avait accepté de prendre en charge les troubles psychiques jusqu’au 15 août 2019 au soir. En exceptant les deux jours d’arrêt de travail pour la mâchoire et le traitement médical y relatif, la prise en charge de l’incapacité de travail et du traitement médical ne relevait donc plus de la compétence de l’assureur, mais de celle de l’assureur-maladie.

b. Par courrier du 30 mars 2020, l’assurée a formé opposition à cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi de prestations au-delà du 15 août 2019 pour l’ensemble des troubles décrits dans les rapports transmis le 18 décembre 2019, auxquels il convenait d’ajouter notamment, pour les troubles ophtalmiques et l’incapacité de travail en découlant, les rapports du Prof. I______ déjà en possession de l’assureur. Pour le surplus, l’assurée a produit une attestation du
4 octobre 2019 du Dr R______, certifiant qu’il suivait celle-ci depuis le 31 juillet 2019 dans les suites de l’accident du 2 avril 2019, que sa patiente avait des troubles visuels, pour lesquels elle bénéficiait d’un suivi spécialisé, ainsi que des symptômes psychiques qui étaient apparus après cet accident.

c. Les 4 et 9 juin 2020, l’assureur a reçu respectivement un certificat d’arrêt de travail à 80% du 1er au 30 juin 2020, établi le 2 juin 2020 par le Prof. I______, ainsi qu’un courrier du 28 octobre 2019 adressé au Dr F______, dans lequel ce même professeur indiquait que l’assurée avait fait plusieurs tentatives de reprise de travail, mais ne pouvait pas travailler plus de 40-50 minutes devant un écran d’ordinateur, qu’elle avait consulté plusieurs optométristes/orthoptistes ou opticiens qui lui avaient signifié que peut-être, son intolérance à la lumière était due à un diamètre pupillaire trop grand, que l’examen de ce jour était superposable à celui décrit dans la lettre du mois de juillet 2019. L’assurée présentait une anisocorie essentielle, physiologique [NDR : condition où les pupilles sont naturellement de taille différente], les pupilles mesurant 7.5mm à droite et 7mm à gauche en lumière forte. La réactivité pupillaire à la lumière était symétrique, sans anomalie notable. Le Prof. I______ n’avait donc aucune explication strictement neuro-ophtalmologique aux symptômes de l’assurée (intolérance à la luminosité de l’écran et difficulté à garder sa concentration au-delà de 40-50 min). En résumé, l’assurée présentait une photophobie et une difficulté à maintenir un équilibre binoculaire durant son travail. Devant l’échec des traitements/approches thérapeutiques effectués à ce jour, le Prof. I______ proposait une rééducation par l’optométriste Eugène O______, tout en précisant qu’il n’avait aucune autre proposition d’investigation ou de traitement.

d. Dans un courrier du 16 juin 2020, le Dr F______ a informé le Dr S______ que d’un point de vue neurologique, il existait des hyperintensités d’une substance blanche aspécifique qui avaient été contrôlées par une IRM cérébrale le 8 juin 2020. Le rapport y relatif confirmait le caractère inactif de ces lésions. Actuellement, l’examen neurologique était normal, hormis les troubles visuels que le Dr S______ connaissait déjà.

e. Le 29 juin 2020, l’assureur a reçu un rapport du 30 avril 2020 du Dr S______, indiquant en synthèse que malgré les démarches thérapeutiques entreprises, qui incluaient la prise en charge optométrique par M. O______, l’assurée présentait toujours une importante photophobie, ainsi qu’une grande difficulté à maintenir un équilibre binoculaire. Le 7 avril 2020, le Dr H______ lui avait délivré un arrêt de travail qui couvrait la période du 9 avril au 29 mai 2020.

f. Le 30 juin 2020, le contrat de travail de l’assurée auprès de son employeur a pris fin.

g. Par appréciation du 25 septembre 2020, le Dr N______ a inféré du rapport du 30 avril 2020 du Dr S______ et des envois datés des 24 juillet et 28 octobre 2019 du Prof. I______ qu’on était face à une situation de troubles visuels survenus après un TCC, mais sans corrélation anatomique pathologique et sans possibilité d’amélioration par aucune approche ou mesure thérapeutique. L’assurée se plaignait de céphalées, d’une photophobie, d’une vision floue et de douleurs oculaires, mais selon les divers rapports médicaux, on n’avait pas pu trouver d’explication neurologique, ophtalmologique ou anatomo-pathologique pour les troubles que celle-ci exprimait. En l’absence d’explication objectivable pour les troubles de la vue (incluant la photophobie), on pouvait difficilement retenir une incapacité de travail ou une limite de rendement quelle que soit l’activité professionnelle. En particulier, le travail à l’écran d’ordinateur était à considérer comme entièrement exigible moyennant l’utilisation d’une paire de lunettes adaptées.

h. Le 5 novembre 2020, l’assureur a écrit au conseil de l’assurée pour l’informer que même si dans le cas particulier, il avait admis l’existence d’un lien de causalité naturelle dans la mesure indiquée dans la décision du 28 février 2020, il avait en revanche mésestimé la causalité adéquate. Or, l’examen des critères jurisprudentiels en la matière conduisait à considérer que le lien de causalité adéquate n’était pas établi. Aussi l’assureur était-il habilité à modifier la décision précitée au détriment de l’assurée, soit à procéder à une reformatio in pejus concernant les prestations pour les troubles de la vue. Avant de se voir notifier une telle décision, l’assurée avait cependant la possibilité de retirer partiellement ou totalement son opposition jusqu’au 25 novembre 2020. À défaut, une décision sur opposition niant le droit aux prestations d’assurance pour les troubles de la vue serait rendue, renonçant toutefois à exiger la restitution des prestations déjà reçues à ce titre. Pour le surplus, cette nouvelle décision se prononcerait sur les autres troubles de la santé tels qu’énoncés dans l’opposition du 30 mars 2020.

i. Déférant à une demande de l’assurée, l’assureur a prolongé au 4 janvier 2021 le délai qu’il lui avait imparti pour retirer, cas échéant, son opposition.

j. Par pli du 21 décembre 2020, l’assurée a informé l’assureur qu’elle maintenait intégralement son opposition à la décision du 28 février 2020, motif pris que l’avis selon lequel ses troubles de la vue ne reposaient sur aucune cause organique démontrable ne pouvait qu’être rejeté. En effet, elle présentait une diplopie binoculaire qui était la conséquence d’une décompensation phorique post-accidentelle, comme en attestait un rapport établi le 23 novembre 2020 par le professeur U______, du Centre universitaire de la vision de l’Université polytechnique de Catalogne. Dans cet avis, qui faisait suite à une consultation donnée le 28 juillet 2020 à l’assurée, ce médecin parvenait à
la conclusion (NDR : traduction libre de l’anglais) que les altérations binoculaires que la patiente présentait étaient parfaitement justifiées par une lésion cérébrale traumatique due au traumatisme crânien qu’elle avait subi lors de l’accident. Les séquelles visuelles chez les patients atteints de lésions cérébrales traumatiques étaient bien documentées dans la littérature scientifique (cf. les références bibliographiques annexées). Le fait que les exercices d’entrainement visuel n’apportaient qu’une amélioration limitée des troubles révélait la chronicité de la lésion cérébrale. Par conséquent, les limitations dont l’assurée continuait
à faire état dans les activités visuelles, tant en vision de près, qu’en vision intermédiaire et en vision de loin, ne pouvaient pas être corrigées par un traitement visuel actif. Cette situation ne lui permettait pas d’exercer ses activités professionnelles de manière normale.

k. Le 12 janvier 2021, l’assurée a encore versé au dossier un rapport du 22 décembre 2020 de la doctoresse P______, spécialiste FMH en neurologie, indiquant que l’examen neurologique du jour était strictement normal hormis la présence d’une diplopie horizontale dans le regard latéral des deux côtés, disparaissant en vision extrême. L’assurée présentait les symptômes d’un syndrome post-commotionnel chronicisé avec, au premier plan, non seulement des difficultés visuelles largement investiguées et à l’origine de nombreuses tentatives de prise en charge, mais également des céphalées, dont certaines d’allure migraineuse, des cervicalgies et, à l’examen neuropsychologique effectué le 15 décembre 2020 par une neuropsychologue, Madame V______, une atteinte attentionnelle, exécutive et mnésique. Ce profil cognitif confirmait le diagnostic de syndrome post-commotionnel puisqu’il correspondait à celui retrouvé généralement dans son entité. Comme le relevait Mme V______, les observations faites lors de l’évaluation neuropsychologique, et décrites comme marquées, étaient indépendantes de la problématique visuelle. En soi, elles étaient elles-mêmes à l’origine d’une baisse de rendement et d’une incapacité de l’assurée à reprendre son activité professionnelle habituelle. À noter que la chronicisation des troubles avait mené petit à petit l’assurée à développer un état anxieux. En l’absence de difficultés antérieures à l’accident, tous les troubles décrits, dont les difficultés visuelles, étaient directement consécutifs à l’accident. Les troubles visuels s’apparentaient quant à eux à une diplopie post-traumatique telle qu’on pouvait la voir dans les suites d’un syndrome post-commotionnel. À cela s’était ajouté un « whiplash » (NDR : traumatisme de type « coup du lapin »).

l. Par appréciation du 15 janvier 2021, le Dr N______ a estimé que le rapport du Prof. U______ n’apportait pas d’éléments nouveaux par rapport aux documents déjà disponibles, à savoir notamment les rapports du Prof. I______, du Dr H______ et du Dr S______. Pour le surplus, dans la mesure où les troubles de l’assurée n’étaient pas vraiment explicables
sur le plan ophtalmologique, il proposait de recueillir un avis neurologique, éventuellement neuropsychologique, axé sur la question de la causalité entre l’événement du 2 avril 2019 et les plaintes exprimées par l’assurée.

m. Le 21 janvier 2021, le docteur W______, spécialiste FMH en neurologie
et membre du « Centre de compétences » de l’assureur, a indiqué qu’avant de procéder à une évaluation plus détaillée, il était nécessaire de se procurer d’autres documents, à savoir les images d’un examen par IRM qui aurait été effectué au service des urgences de l’Hôpital de Nyon, ainsi que le rapport consécutif à l’examen neuropsychologique effectué le 15 décembre 2020 par Mme V______.

n. Le 21 janvier 2021, l’assureur a reçu de l’Hôpital de Nyon un rapport d’IRM du 9 mai 2019, concluant à la présence de plusieurs hypersignaux T2 et FLAIR de la substance blanche, trop nombreux par rapport à l’âge, pouvant entrer dans
le cadre de migraines. La morphométrie était sans particularité et il n’y avait pas d’hémorragie.

o. Le 12 février 2021, l’Hôpital de Nyon a encore transmis un scanner cérébral du 11 avril 2019, indiquant qu’il n’y avait ni saignement intracrânien, ni effet de masse, ni dissection des vaisseaux précérébraux. Le scanner cérébral était dans les limites de la norme.

p. Le 3 mars 2021, l’assureur a reçu le rapport d’examen neuropsychologique du 19 décembre 2020 de Mme V______, concluant à une atteinte attentionnelle, exécutive et mnésique. Au niveau visuel, il n’y avait pas de difficulté majeure qui ressortait de l’examen. Le profil cognitif était celui retrouvé dans les syndromes post-commotionnels. L’intensité marquée de ce tableau pouvait s’expliquer par une anxiété significative qui accentuait la symptomatologie cognitive.

q. Par appréciation du 5 mars 2021, le Dr W______ a indiqué qu’il n’entendait pas commenter les troubles visuels, mais que du point de vue neurologique, il y avait lieu de constater que le traumatisme du 2 avril 2019 n’avait pas provoqué de lésion au niveau du tronc cérébral ou des nerfs crâniens qui en émergeaient. Or, pour des raisons anatomiques, une étiologie neurologique, non ophtalmique, de
la diplopie (vision double) se trouverait au niveau desdites structures. Mais tel n’était pas le cas. En l’absence de lésions structurelles objectivées sur le plan cérébral, les résultats de l’examen neuropsychologique du 15 décembre 2020
ne pouvaient pas être attribués à l’accident du 2 avril 2019 au degré de la vraisemblance prépondérante. On retenait un lien de causalité peu probable, tout au plus possible, étant donné que les performances étaient parasitées par un trouble psychique significatif.

D. a. Par décision du 12 mars 2021, l’assureur a rejeté l’opposition, motif pris que l’assurée n’apportait aucun élément médical pertinent qui était susceptible de démontrer de manière vraisemblable des troubles objectivables structurels ou concourant à faire planer un doute sur les conclusions documentées des médecins de l’assureur. Cela étant, il était confirmé que l’assurée avait subi un traumatisme crânien simple après une chute à vélo le 2 avril 2019. Dans un tel cas de figure, en l’absence de troubles organiques objectivement démontrables pouvant être imputés à l’accident et en présence de troubles persistants de la sphère psychique (troubles visuels, céphalées, troubles de la concentration, sensation d’instabilité et pertes d’équilibre notamment, ainsi qu’un état de stress post-traumatique), il convenait d’aborder la question de la causalité adéquate de ces troubles à la lumière des critères jurisprudentiels en matière de traumatisme de type « coup du lapin » qui, en l’espèce, n’étaient pas réalisés pour cet accident pouvant être qualifié de gravité moyenne stricto sensu. Par conséquent, en l’absence de causalité adéquate entre les troubles psychiques, respectivement sans substrat organique objectivable et l’accident du 2 avril 2019, c’était à bon droit que l’assureur avait mis un terme à ses prestations avec effet au 15 août 2019 au soir, pour les suites de l’accident du 2 avril 2019, sous réserve de la prise en charge du traitement médical de la mâchoire et de deux jours d’arrêt de travail au plus en lien avec cette affection.

b. Le 27 avril 2021, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après : CASSO-VD), concluant, sous suite de dépens, à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté, d’une part, que ses troubles visuels étaient en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’accident du 2 avril 2019 et, d’autre part, que sa capacité de travail, nulle depuis le 2 avril 2019, lui permettait de prétendre aux indemnités journalières correspondantes. Subsidiairement, il convenait d’ordonner une expertise médicale pluridisciplinaire confiée à des spécialistes en optométrie, orthoptique et neuro-ophtalmologie.

À l’appui de ses conclusions, elle a fait valoir, en substance, que dans la mesure où l’intimée avait admis la causalité naturelle et adéquate entre l’accident et les troubles durant leur prise en charge, on ne pouvait considérer que les avis des médecins internes de l’intimée pouvaient suffire à établir une rupture du lien de causalité adéquate jusque-là admis.

c. Par arrêt du 10 mai 2021, la CASSO-VD a constaté qu’au moment du dépôt de son recours, l’assurée était domiciliée dans le canton de Genève. Partant, elle
a décliné sa compétence ratione loci et transmis la cause à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la chambre de céans), comme objet de sa compétence, par pli du 7 juillet 2021.

d. Le 9 juillet 2021, la chambre de céans a informé les parties avoir enregistré la procédure les concernant sous le numéro de cause A/2334/2021 et invité l’intimée à faire parvenir sa réponse au recours.

e. Par réponse du 27 juillet 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours en se référant entièrement à la motivation de la décision attaquée.

f. Le 27 août 2021, la recourante a répliqué en soutenant, entre autres, que l’existence d’un substrat organique était donnée.

g. Par courrier du 17 septembre 2021, l’intimée a renoncé à dupliquer, motif pris que les griefs de la recourante, qui ne se fondaient sur aucun élément nouveau, avaient fait l’objet de discussions circonstanciées tant dans la décision litigieuse que dans le mémoire de réponse.

h. Par pli du 30 septembre 2021, la recourante a fait savoir à la chambre de céans qu’en l’absence de détermination de l’intimée sur sa réplique, elle n’avait rien à ajouter et qu’elle se référait à ses précédentes écritures.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

2.3 Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), étant précisé qu’un recours déposé devant une autorité incompétente doit être transmis d’office – ce que la CASSO-VD a fait, en l’occurrence – à la juridiction administrative compétente et le recourant en être averti, l’acte de recours étant réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité (art. 64 al. 2 et 89A LPA ; cf. aussi art. 30 et 58 al. 3 LPGA).

Respectant également les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à mettre un terme à l’octroi de prestations d’assurance-accidents avec effet au 15 août 2019 au soir, pour les suites de l’accident du 2 avril 2019, sous réserve de la prise en charge du traitement médical de la mâchoire et de deux jours d’arrêt de travail au plus en lien avec cette affection.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, l’assureur-accidents verse des prestations à l’assuré en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2 L’exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé; il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

4.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type «coup du lapin», de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L’absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de
72 heures après l’accident assuré permet en principe d’exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d’admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d’autres symptômes apparaissant parfois après une période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l’absence de substrat objectivable; il n’est pas nécessaire que ces derniers symptômes – qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d’un traumatisme de type « coup du lapin » – apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l’accident assuré (SVR 2007 UV n. 23
p. 75; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

4.4 Le droit à des prestations suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les
plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En cas d’atteinte à la santé psychique, les règles applicables en matière de causalité adéquate sont différentes selon qu’il s’agit d’un événement accidentel ayant entraîné une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5) ou d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d’un traumatisme analogue à la colonne cervicale et d’un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable (ATF 134 V 109 consid. 7 à 9; ATF 117 V 369 consid. 4b; ATF 117 V 359 consid. 6a; SVR 1995 UV n° 23 p. 67 consid. 2; sur l’ensemble de la question : cf. ATF 127 V 102 consid. 5b/bb).

Selon la pratique du coup du lapin, l’examen de la causalité adéquate doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assuré
ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du coup du lapin – dont les composantes psychologique et physique
ne sont pas facilement différenciées – (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et 6.2; arrêt
du Tribunal fédéral 8C_303/2017 consid. 4.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insgesamt » ; Alexandra RUMO-JUNGO, Pierre-André HOLZER, Bundesgestz über die Unfallversicherung,
4ème éd. 2012, ad art. 6, p. 60).

5.             Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre les plaintes et un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable, il y a lieu d’abord d’opérer une classification des accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement; les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1;
ATF 115 V 133 consid. 6). Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 117 V 359 consid. 6a). Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_890/2012 du 15 novembre 2013 consid. 5.2 et les références).

Lorsque l’accident est insignifiant ou de peu de gravité, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre cet événement et d’éventuels troubles peut, en règle générale, être d’emblée niée, sans même qu’il soit nécessaire de trancher le point de savoir si l’assuré a été victime ou non d’un traumatisme de type « coup du
lapin », d’une lésion analogue à une telle atteinte ou d’un traumatisme cranio-cérébral (ATF 134 V 109 consid. 10.1; ATF 117 V 359 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 428/2006 du 30 octobre 2008 consid. 4.2). Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d’une incapacité de travail et de gain. Il faut alors que les conséquences immédiates de l’accident soient susceptibles d’avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d’accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du 24 avril 2009 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/01 du 4 mars 2002 consid. 2c).

Lorsque l’assuré est victime d’un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l’existence d’une relation de causalité adéquate entre cet événement et l’incapacité de travail (ou de gain) (ATF 134 V 109 consid. 10.1; par analogie ATF 115 V 403 consid. 5b).

Sont réputés accidents de gravité moyenne, les accidents qui ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre des catégories décrites ci-dessus. Pour admettre le caractère adéquat du lien de causalité entre un tel accident et des atteintes à la santé sans preuve de déficit organique consécutives à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un traumatisme crânio-cérébral, il faut que soient réunis certains critères objectifs, désormais formulés de la manière suivante (ATF 134 V 109 consid. 10.2):

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions ;

- l’administration prolongée d’un traitement médical spécifique et pénible ;

- l’intensité des douleurs ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes;

- et, enfin, l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré.

L’examen de ces critères est effectué sans faire de distinction entre les composantes physiques ou psychiques: ainsi, les critères relatifs à la gravité ou à la nature particulière des lésions subies, aux douleurs persistantes ou à l’incapacité de travail sont déterminants, de manière générale, sans référence aux seules lésions ou douleurs physiques (ATF 117 V 359 consid. 6a; ATF 117 V 369 consid. 4b).

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références; ATF 115 V 133 consid. 6c/bb; ATF 115 V 403 consid. 5c/bb). Dans un tel cas, la jurisprudence considère que quatre des critères précités doivent être réunis (arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2009 du 29 janvier 2010, consid. 4.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_487/2009 du 7 décembre 2009, consid. 5). En cas d’un accident de gravité moyenne proprement dit, la réalisation de trois des critères est suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2009 du 29 janvier 2010, consid. 4.5).

Nonobstant ce qui précède, même en présence d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d’un traumatisme analogue ou d’un TCC – si les symptômes (non psychiques) du tableau clinique sont réellement à l’arrière-plan par rapport à l’importance des symptômes psychiques, ou si ces troubles psychiques apparaissent très tôt de manière prédominante, soit dans un délai maximum de six mois, ou si l’accident n’a fait que renforcer des troubles psychiques qui étaient déjà présents avant cet événement, ou encore lorsque les troubles psychiques constituent plutôt une atteinte à la santé indépendante et non seulement l’un des éléments du tableau clinique type (ATF 123 V 98 consid. 2), il convient d’appliquer, dans les cas d’accidents de gravité moyenne, les critères objectifs tels que définis à l’ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et à l’ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques, soit :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;

- la durée anormalement longue du traitement médical;

- les douleurs physiques persistantes;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;

- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

6.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d’un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

7.3 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 En l’espèce, il ressort en synthèse du dossier qu’à la suite d’une chute résultant de la collision avec un autre cycliste le 2 avril 2019, la recourante a subi des troubles somatiques pour lesquels l’intimée a admis l’existence d’un lien de causalité naturelle avec cet événement (à savoir, selon l’appréciation du 15 novembre 2019 du Dr M______ : un traumatisme crânien sans perte de connaissance, des contusions cervicales par réaction musculo-cervicale, des contusions thoraciques et, potentiellement, des fractures de côtes jamais visualisées), mais qu’en l’absence non seulement de lésion démontrée sur le plan somatique, ostéoarticulaire (colonne cervicale comprise), ainsi que neurologique, mais aussi de continuation de suivi pour des douleurs abdominales ou thoraciques, une incapacité de travail et, partant, le versement d’indemnités journalières, ne se justifiait pas au-delà du 15 août 2019, en exceptant deux jours d’arrêt de travail pour le traitement de la mâchoire encore en cours à cette date. Sur le plan psychique, l’intimée, faisant sienne l’appréciation du 18 septembre 2019 du
Dr K______, a considéré qu’aucun lien de causalité certain, ou du moins probable, ne pouvait être établi entre les troubles mentionnés par le Dr G______ en réponse au questionnaire du 3 juillet 2019. Sur la base de cette appréciation, l’intimée a accepté, « à bien plaire » de prendre en charge le traitement des troubles psychiques jusqu’au 15 août 2019 au soir. S’agissant des troubles oculaires et associés (céphalées, photophobie, diplopie, vision floue), l’intimée a considéré, dans un premier temps, soit par courrier du 15 octobre 2019, qu’il convenait d’accepter, une fois seulement, la prise en charge d’une paire de lunettes avec, cas échéant, un filtre optique, malgré l’absence d’explication objective aux troubles de la vue de la recourante. Dans un second temps, soit par décision du 28 février 2020, l’intimée a admis la causalité entre les troubles de la vue et l’accident du 2 avril 2019 et a accepté, partant, de prendre en charge également neuf séances orthoptiques à l’exclusion toutefois d’une incapacité de travail qui résulterait de ces mêmes troubles. Ensuite, elle a fait savoir à la recourante, par courrier de menace de reformatio in pejus du 5 novembre 2020 – mis à exécution par la décision litigieuse faute de retrait, par la recourante, de son opposition à la décision du 28 février 2020 – qu’en l’absence de substrat organique, les critères de causalité adéquate n’étaient en réalité pas remplis et permettaient de nier le droit aux prestations d’assurance pour les troubles de la vue, tout en précisant qu’elle renoncerait à réclamer la restitution des prestations déjà octroyées à ce titre. Dans son recours, la recourante conteste essentiellement l’absence de substrat organique aux plaintes qu’elle exprime relativement à ses troubles oculaires – et associés – consécutifs à l’accident du 2 avril 2019 et, par voie de conséquence, l’arrêt du versement des indemnités journalières avec effet au 15 août 2019.

8.2 La chambre de céans observe à titre liminaire que sur le principe, la décision litigieuse ne prête pas le flanc à la critique, à tout le moins sur le principe, en
tant qu’elle retient qu’en cas de traumatisme cranio-cérébral s’inscrivant dans un accident de gravité moyenne au sens strict, la causalité adéquate entre les plaintes et un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable n’est établie que si au moins trois des critères jurisprudentiels sont remplis (cf. ci-dessus : consid. 5).

En ce qui concerne plus précisément le choix de l’intimée d’analyser le cas sous l’angle de la jurisprudence relative aux traumatismes du type coup du lapin (et assimilés), il apparaît de prime abord fondé dès lors qu’il ressort de l’appréciation (non contestée) du Dr M______, datée du 15 novembre 2019, que l’assurée a subi, lors de sa chute à vélo, un traumatisme crânien sans perte de connaissance et des contusions notamment cervicales. Ces constatations du Dr M______ sont par ailleurs conformes aux constatations médicales effectuées aux HUG et à l’Hôpital de Nyon, ainsi qu’aux précisions données par la recourante lors de son entretien téléphonique du 3 juillet 2019 avec l’intimée. À cette occasion, en effet, elle s’était plainte de symptômes entrant dans le tableau clinique propre à ce type de traumatisme (ci-dessus : consid. 4.3), à savoir notamment de douleurs cervicales, de troubles de la vue, de maux de tête, ainsi que de troubles psychiques. En outre, il ne ressort pas du dossier, en particulier au vu du tableau clinique, marqué de manière prépondérante par des troubles de la vue (et associés), que les symptômes non psychiques du tableau clinique seraient relégués à l’arrière-plan par rapport aux symptômes psychiques (ci-dessus : consid. 5) ou encore, que les troubles psychiques constitueraient une atteinte indépendante du traumatisme crânien (cf. cependant ci-après : consid. 8.3.2).

S’agissant ensuite de l’absence de preuve d’un déficit organique objectivable, il
y a lieu de préciser que la jurisprudence qualifie d’objectivables les résultats d’examens qui sont reproductibles et indépendants de la personne qui effectue l’examen et des indications du patient. On ne peut donc parler de séquelles d’accident organiquement objectivables que lorsque les résultats obtenus ont
été confirmés par des examens d’appareillage/d’imagerie et que les méthodes d’examen utilisées à cet effet sont scientifiquement reconnues (ATF 138 V 248 consid. 5.1).

S’agissant enfin du moment auquel doit avoir lieu l’examen de la causalité adéquate, il convient de renvoyer aux principes évoqués plus haut (consid. 4.4), tout en précisant que pour les séquelles d’accident qui ne sont pas (ou pas suffisamment) objectivables d’un point de vue organique, le lien de causalité adéquate avec l’accident est admis jusqu’à ce qu’il n’y ait plus lieu d’attendre d’amélioration sensible de leur traitement (Thomas FLÜCKIGER, in FRÉSARD-FELLAY/ LEUZINGER/ PÄRLI [éd], Basler Kommentar, UVG, 2019, n. 21 ad art. 19 LAA; André NABOLD, in HÜRZELER/ KIESER [éd.,], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n. 80 et n. 66 ad art. 6 LAA et les réf. ; RUMO-JUNGO/ HOLZER, op. cit., p. 144). Jusqu’à ce moment, le traitement et, cas échéant, les indemnités journalières sont dues (art. 19 al. 1 LAA; arrêt du Tribunal fédéral 8C_817/2008 du 11 décembre 2008 consid. 5.3.1).

Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens
de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant que celle-ci ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du 23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). Ni la simple possibilité d’un résultat positif d’un autre traitement médical, ni un progrès thérapeutique seulement insignifiant escompté d’autres mesures thérapeutiques comme une cure thermale ne donnent droit à
leur mise en œuvre. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé
quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_179/2014 du 16 mars 2015 consid. 4.1). Cette question doit être examinée de manière prospective. La clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques, d’une part, et les troubles somatiques, d’autre part, n’entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références). On précisera enfin que lors de l’interprétation de la notion d’amélioration notable de l’état de santé, il convient néanmoins de tenir compte du fait que l’art. 19 al. 1 LAA ne règle pas seulement la naissance du droit à la rente, mais aussi le droit à des prestations temporaires, notamment à un traitement médical. La capacité de travail en tant qu’indicateur de référence n’a donc d’importance que si et aussi longtemps qu’elle peut être utilisée, dans le cas concret, comme critère d’une amélioration notable de l’état de santé. Ce n’est notamment pas le cas lorsqu’une atteinte à la santé due à un accident entraîne la perte d’une fonction qui n’est pas importante pour la profession de la personne assurée et qui, par conséquent, n’entraîne a priori pas ou guère de diminution de la capacité de travail. Dans cette situation, il semble approprié, en ce qui concerne la fin du droit au traitement médical, de trancher la question de l’amélioration notable à attendre de l’état de santé en se basant sur l’augmentation attendue de la capacité fonctionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_354/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.2 ; Philip GEERSTEN, in HÜRZELER/ KIESER [éd.,], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n. 8 ad art. 19 LAA).

8.3 En l’occurrence, la décision litigieuse arrête le versement des indemnités journalières avec effet au 15 août 2019 et limite, au-delà de cette date, les prestations au seul traitement des troubles ophtalmologiques et de la mâchoire dans la mesure prescrite par les Drs I______, respectivement P______. Il convient en conséquence d’examiner si l’intimée pouvait considérer valablement à l’appui de cette solution que les troubles somatiques objectivables d’un point de vue organique, en lien de causalité naturelle avec l’accident du 2 avril 2019, se limitaient à ceux pris en compte par le Dr M______ (ci-après : consid. 8.3.1), ne pas admettre de lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et cet accident (ci-après : consid. 8.3.2), et, enfin, nier toute incapacité de travail au-delà du 15 août 2019 (ci-après : consid. 8.3.3).

8.3.1 La chambre de céans constate que sur la plan neurologique, le Dr E______ évoque, le 6 mai 2019, des scanners cérébraux « dans la norme », sans argument pour une lésion à la suite du traumatisme crânien subi. Le 18 juin 2019, le
Dr F______ mentionne que l’examen par IRM effectué à l’Hôpital de Nyon permet de conclure à un examen neurologique normal. À l’instar des deux neurologues précités, le Dr W______ rapporte le 5 mars 2021 qu’après examen des documents d’imagerie à disposition (soit notamment l’IRM du 9 mai 2019 et le scanner cérébral du 11 avril 2019), il n’y a pas de lésions structurelles objectivées sur
le plan cérébral, ce qui lui permet de conclure que les résultats de l’examen neuropsychologique du 15 décembre 2020 de Mme V______, faisant état
d’une atteinte attentionnelle, exécutive et mnésique, ne peuvent être attribués à l’accident du 2 avril 2019 au degré de la vraisemblance prépondérante, mais tout au plus de manière possible.

D’un point de vue ophtalmologique, le Prof. I______ relate, le 24 juillet 2019, un examen oculaire strictement normal des deux côtés, à ceci près qu’il relève
une insuffisance de convergence, dont il attribue la cause soit à l’opération de strabisme convergent subie en 1993, soit en partie aux séquelles du TCC du
2 avril 2019, tout en précisant qu’il ne s’agit là que d’une possibilité. Il ajoute également qu’il n’y a aucune explication strictement neuro-ophtalmologique à la photophobie de la recourante, ce qu’il confirme le 28 octobre 2019 en expliquant que cette absence d’explication strictement neuro-ophtalmologique concerne aussi l’intolérance à la luminosité de l’écran de même que la difficulté de la recourante de garder sa concentration au-delà de 40-50 min. Dans le même sens, le
Dr N______ conclut le 25 septembre 2020 qu’on est face à une situation de troubles visuels survenus après un TCC, mais sans corrélation anatomique pathologique.

Se fondant principalement sur les avis du Prof. U______ et de la Dresse P______, la recourante soutient que ses troubles de la vue seraient objectivables.

La chambre de céans constate toutefois que le Prof. U______ ne discute pas les documents d’imagerie versés au dossier alors même que ceux-ci se situent « dans la norme » et n’objectivent pas de lésions structurelles sur le plan cérébral (cf. le rapport du 6 mai 2019 du Dr E______ et l’appréciation du 5 mars 2021 du Dr W______). Le Prof. U______ considère en revanche que le fait que les exercices d’entrainement visuel – auxquels la recourante s’était soumise durant dix mois – n’aient apporté qu’une amélioration limitée révélerait la chronicité d’une lésion cérébrale. Or, un tel raisonnement revient à considérer une telle lésion, pourtant non objectivée par les documents d’imagerie, comme un fait démontré. On constate en outre que ce médecin ne s’appuie pas, à titre supplétif, sur les résultats d’autres appareils diagnostiques spécialisés dont « le caractère scientifiquement reconnu [ne serait] pas douteux » (cf. arrêt du Tribunal 8C_591/2018 du 29 janvier 2020 consid. 6.2). En conséquence, on ne saurait considérer, à la lumière des explications du Prof. U______, que les troubles ophtalmologiques de la recourante seraient objectivables d’un point de vue organique au sens de la jurisprudence (ci-dessus : consid. 8.2).

S’agissant de la Dresse P______, la chambre de céans relève que dans son appréciation du 20 décembre 2020, cette praticienne a le même type de raisonnement que le Prof. U______ en tant qu’elle pose le diagnostic de syndrome post-commotionnel chronicisé sur la base des symptômes qu’elle relate (difficultés visuelles, céphalées, céphalées d’allure migraineuse, cervicalgies, atteinte attentionnelle exécutive et mnésique) et du caractère asymptomatique de l’amblyopie relative de l’œil droit avant l’accident du 2 avril 2019. Une telle approche diagnostique n’est toutefois pas compatible avec les réquisits jurisprudentiels selon lesquels on ne peut parler de séquelles d’accident organiquement objectivables que lorsque les résultats obtenus ont été confirmés par des examens d’appareillage/d’imagerie (cf. ci-dessus : consid. 8.2), ce qui n’est précisément pas le cas.

Il s’ensuit que les troubles somatiques objectivables d’un point de vue organique, consécutifs à l’événement du 2 avril 2019, se limitent à ceux pris en compte par le Dr M______, auxquels il convient toutefois d’ajouter – ce que l’intimée a fait –, les troubles de la mâchoire traités par le Dr P______.

Dans un deuxième moyen, la recourante soutient que l’instruction du dossier serait lacunaire, dans la mesure où le lien entre ses troubles visuels et son micro-strabisme congénital ne serait pas discuté. Cet argument ne saurait être retenu, étant donné que les appréciations des médecins de l’intimée ont été rendues en pleine connaissance des pièces du dossier ; le fait que ces médecins fassent mention de l’opération de strabisme convergent que l’intéressée a subie en 1993 ne les empêche pas de retenir, en effet, que les troubles de la vue sont dépourvus de corrélation anatomique pathologique, à l’image de ce que constate aussi le Prof. I______ dans son rapport du 28 octobre 2019. On ajoutera que même dans l’hypothèse où les troubles de la vue ne seraient que partiellement imputables à l’accident (cf. l’art. 36 al. 1 LAA), le point de savoir si ceux-ci ont été causés ou aggravés par cet événement ne dispenserait pas de rechercher, pour apprécier la causalité adéquate avec celui-ci (qui est une question de droit, et non de fait, contrairement à la causalité naturelle), s’il existe un substrat organique à ces troubles (cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_151/2009 du 7 mai 2009 consid. 2.2.2 in fine), ce qu’il convient précisément de nier, comme retenu plus haut.

8.3.2 Sur le plan psychique, le Dr K______ retient dans son appréciation du
18 septembre 2019, qui est fondée uniquement sur les réponses apportées par
le Dr G______ au questionnaire du 3 juillet 2019, que les « deux tiers de
la causalité » seraient liés au contexte antérieur à l’accident, à savoir les difficultés professionnelles et de couple, et qu’ainsi, il n’y aurait pas lieu de retenir de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’événement du 2 avril 2019. En faisant sien ce raisonnement, l’intimée ne tient pas compte du fait qu’une causalité partielle entre les troubles psychiques et le traumatisme crânien subi suffit et que ce n’est que si l’expert psychiatre parvient à la conclusion que les troubles psychiques ne constituent pas un symptôme dudit traumatisme que ceux-ci peuvent être considérés comme une atteinte indépendante de celui-ci (ATF 134 V 109 consid. 9.5), justifiant que soient appliqués les critères objectifs tels que définis à l’ATF 115 V 133 (cf. ci-dessus : consid. 5 in fine). Pour que tel soit
le cas, il ne suffit pas de mentionner l’existence de conditions sociales et socio-culturelles défavorables (cf. ATF 134 V 109 consid. 9.5).

Force est toutefois de constater, en l’espèce, que l’appréciation du Dr K______ écarte la causalité naturelle non seulement en omettant de prendre en compte le fait qu’une causalité partielle suffit, mais aussi en n’examinant pas les autres rapports psychiatriques versés au dossier, à savoir le courrier rectificatif du 12 septembre 2019 du Dr G______ ainsi que les rapports des Drs R______ et T______. D’autre part, le Dr K______ ne répond pas aux questions pertinentes du point de vue de la causalité adéquate, plus précisément à celles
qui déterminent s’il y a lieu, cas échéant, d’apprécier la causalité adéquate à la lumière des critères objectifs de l’ATF 115 V 133 (ci-dessus : consid. 5 in fine) en raison de troubles psychiques qui ne constitueraient pas un symptôme du TCC subi, mais une atteinte indépendante de celui-ci.

Dans ces circonstances, l’appréciation du 18 septembre 2019 du Dr K______ est dépourvue de valeur probante et l’intimée ne pouvait pas considérer, en l’état de l’instruction, avoir pris en charge « à bien plaire » le traitement des troubles psychiques jusqu’au 15 août 2019 au soir. On précisera qu’en l’espèce, en cas d’application de la jurisprudence applicable aux traumatismes de type coup du lapin et assimilés, les carences évoquées dans l’établissement de la causalité naturelle des troubles psychiques ne sauraient être rattrapées par un examen anticipé de la causalité adéquate puisque celui-ci ne peut intervenir qu’au moment où il n’y a plus lieu d’attendre d’amélioration significative de l’état de santé par le traitement notamment des troubles psychiques (ci-dessus : consid. 4.4). Or, dans le cas particulier, la réponse à cette dernière question suppose que l’on dispose préalablement d’informations fiables sur la causalité naturelle entre l’accident et l’atteinte à la santé psychique, ce qui n’est pas le cas.

8.3.3 En ce qui concerne les troubles pour lesquels l’intimée a admis un lien
de causalité naturelle avec l’accident du 2 avril 2019, à savoir les troubles organiquement objectivables examinés par le Dr M______ et les troubles de la vue, les critiques de la recourante se concentrent sur ces derniers, en particulier sur l’incapacité de travail qui en découlerait même au-delà du 15 août 2019 de
son point de vue. À cet égard, le Dr N______ a considéré, dans un premier temps, qu’il convenait de prendre en charge, une fois seulement,
des lunettes éventuellement équipées d’un filtre optique et que des traitements ultérieurs ne seraient « plus en relation de causalité avec l’accident » (appréciation du 4 octobre 2019). Par la suite, le Dr N______ a confirmé la prise en charge d’une paire de lunettes équipée de filtres optiques en y ajoutant encore neuf séances orthoptiques. S’agissant de l’éventualité d’une incapacité de
travail découlant des troubles visuels apparus après l’accident, le Dr N______ a indiqué le 6 décembre 2019 qu’il était difficile de préciser depuis quand une capacité de travail était donnée pour les seuls troubles de la vue, mais que plus de six mois après l’accident, une reprise entière du travail paraissait possible. Cette dernière conclusion était également motivée par les traitements approuvés par ce médecin (lunettes, rééducation orthoptique). Le 7 février 2020, il a estimé que dans la mesure où l’on ne disposait pas, avant l’arrêt de travail établi par le Dr H______ avec effet au 15 août 2019, d’attestation d’incapacité pour des raisons ophtalmiques entre la date de l’accident et le 15 août 2019, cet arrêt de travail était difficile à comprendre, de sorte qu’il fallait croire « qu’il n’y avait pas vraiment [d’incapacité de travail] pour les seuls troubles visuels ». Enfin, le médecin-conseil de l’intimée a estimé le 25 septembre 2020 qu’en l’absence d’explication objectivable pour les troubles de la vue (incluant la photophobie), on pouvait difficilement retenir une incapacité de travail et que le travail à l’écran était entièrement exigible en utilisant une paire de lunettes adaptées.

Il résulte de ces appréciations successives qu’après avoir admis une incapacité
de travail en lien de causalité avec les troubles visuels, le Dr N______ a situé la fin de celle-ci au plus tard six mois après l’accident. Sachant toutefois que ce médecin faisait également dépendre la capacité de travail dans l’activité habituelle (qui implique un travail à l’écran d’ordinateur) du port de lunettes adaptées et d’une rééducation orthoptique, il sied de relever que ces solutions n’ont pas pu être mises en œuvre du jour au lendemain, mais qu’elles
ont nécessité, selon le courrier du 28 octobre 2019 du Prof. I______, des consultations auprès de plusieurs optométristes, orthoptistes ou opticiens, auxquelles se sont encore ajoutées, par la suite, les neuf séances de rééducation orthoptiques auprès de M. O______. Or, il ressort du dossier que le premier bilan médical, relatif notamment aux deux mesures octroyées par l’intimée, n’a été établi pour la première fois qu’en date du 30 avril 2020 par le Dr S______. Ce praticien faisait alors état, d’une part, d’une importante photophobie résiduelle et d’une grande difficulté à maintenir un équilibre binoculaire et, d’autre part, d’une reprise de l’activité professionnelle, début juin 2020, à un taux de 20 à 25% dans un premier temps, tout en précisant que si cette reprise du travail devait être compromise, une réorientation professionnelle devrait être rapidement envisagée. Sur la base des explications fournies par le Dr S______ le 30 avril 2020 (mais aussi par le Prof I______ dans ses rapports des 24 juillet et 28 octobre 2019), le Dr N______ retient dans son appréciation du 25 septembre 2020 qu’on est « devant une situation de troubles visuels survenus après un TCC, mais sans corrélation anatomique pathologique et sans possibilité d’amélioration par aucune approche ou mesure thérapeutique », mais qu’en l’absence d’éléments pathologiques objectifs, on peut difficilement retenir une incapacité de travail dans une quelconque activité, y compris si celle-ci implique un travail à l’écran d’ordinateur, du moment que l’intéressée utilise une paire de lunettes adaptée.

Il convient de donc de constater, à ce stade de l’analyse, que bien que le
Dr N______ invoque l’absence d’explication objectivable pour les troubles de la vue, il n’en considère pas moins, en synthèse, que l’accident
du 2 avril 2019 a causé des troubles de cette nature qui n’entrainent toutefois
pas, selon lui, de répercussion sur la capacité de travail une fois la recourante équipée de lunettes adaptées et sa rééducation orthoptique achevée. Il en résulte, premièrement, qu’on ne saurait considérer que la recourante présentait une capacité de travail entière avant la mise en œuvre complète des deux traitements précités et, deuxièmement, qu’il convient encore d’apprécier la valeur probante de l’appréciation du 25 septembre 2020 du Dr N______ en tant qu’elle conclut au caractère injustifié de l’incapacité de travail attestée notamment par le Dr H______.

À cet égard, la chambre de céans est d’avis que le Dr N______ n’emporte pas la conviction, dans la mesure où celui-ci considère, sans avancer d’autre motivation que l’absence d’explication objectivable pour les troubles de la vue – dont il a pourtant fait abstraction pour l’octroi de lunettes adaptées et d’une rééducation orthoptique –, que malgré l’absence de possibilité d’amélioration par aucune approche ou mesure thérapeutique (laquelle se reflète précisément dans
le caractère non concluant des deux mesures prises en charge par l’intimée), la capacité de travail de la recourante serait entièrement exigible dans toute activité moyennant l’utilisation d’une paire de lunettes adaptées. La chambre de céans
ne saurait par conséquent retenir que les avis du Dr N______ seraient propres à établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante aurait recouvré sa capacité de travail à l’issue des traitements octroyés par l’intimée.

Dès lors que la causalité naturelle entre les troubles de la vue et l’accident du
2 avril 2019 a été admise par l’intimée, il lui incombe en principe de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire en vue d’établir si une fois équipée de lunettes adaptées et sa rééducation orthoptique achevée, la recourante présentait effectivement une capacité de travail pleine et entière. L’intimée peut néanmoins se dispenser d’une telle expertise s’il s’avère que la causalité adéquate entre
les troubles de la vue résiduels de la recourante – rapportés notamment par le
Prof. I______ et le Dr S______ – et l’événement du 2 avril 2019 doit être
de toute manière niée. Dans cette hypothèse, il convient encore de déterminer le moment auquel l’examen de la causalité adéquate doit avoir lieu : il ressort du dossier qu’un bilan médical des deux mesures octroyées (importante photophobie résiduelle et grande difficulté à maintenir un équilibre binoculaire) a été établi pour la première fois le 30 avril 2020 par le Dr S______. On ignore cependant si le 30 avril 2020, la rééducation orthoptique était achevée, de sorte qu’on ne saurait retenir cette date en l’état. En outre, le Prof. U______ fait mention d’exercices effectués durant dix mois sans succès. On ne sait toutefois pas non plus si lesdits exercices faisaient partie de la rééducation orthoptique prise en charge par l’intimée et, dans l’affirmative, à quel moment ils ont pris fin. Il incombera à l’intimée de faire la lumière à ce sujet avant d’arrêter la date à laquelle il lui appartiendra d’apprécier le lien de causalité adéquate. Ce n’est donc qu’à la fin du traitement des troubles de la vue – jugé déterminant pour la capacité de travail par le Dr N______ – qu’il sera possible d’examiner le lien de causalité adéquate des troubles visuels avec l’événement du 2 avril 2019, sous réserve de ce que les éventuelles séquelles psychiques du TCC n’aient pas déployé d’effets incapacitants au-delà de la fin de la rééducation orthoptique, ce qui retarderait d’autant l’examen de la causalité adéquate.

On précisera enfin que les conclusions qui précèdent sont valables pour autant que la jurisprudence en matière de coup du lapin soit applicable : dans le cas contraire, soit si la jurisprudence en matière de troubles psychiques à vocation à s’appliquer (cf. ci-dessus : consid. 8.3.2), l’examen de la causalité adéquate peut avoir déjà lieu lorsqu’une amélioration significative de l’état de santé ne peut plus être attendue du traitement des seules séquelles de l’accident objectivables d’un point de vue organique (ATF 134 V 109 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 4.1 ; FLÜCKIGER, in op. cit., n. 22 ad art. 19 LAA). Dans la mesure où il s’avère nécessaire, pour déterminer selon
quels critères la causalité adéquate doit être examinée, que l’intimée complète l’instruction sur le plan psychique, la chambre de céans n’est pas en mesure, en l’état, d’examiner si la causalité adéquate des séquelles de l’accident a été correctement appréciée. Indépendamment du résultat de cette instruction future, la décision litigieuse n’apparaît toutefois pas critiquable en tant que l’intimée n’a pas reporté au-delà du 15 août 2019 l’examen de la causalité adéquate pour le traitement de la mâchoire qui n’était pas encore achevé à ce moment. En effet, il ressort du dossier que le Dr P______ n’a attesté aucune incapacité de travail en lien avec les troubles qui existaient à ce niveau (cf. pièce 171, p. 23 intimée).
Cela n’est pas contesté et n’apparaît pas contestable non plus s’agissant de l’amélioration d’une fonction qui n’est pas importante pour la profession d’architecte (ci-dessus : consid. 8.2 in fine). Si en revanche, l’intimée confirme à l’issue de l’instruction à mettre en œuvre sur le plan psychique (cf. ci-dessus : consid. 8.3.2) que la jurisprudence en matière de coup du lapin et de traumatismes assimilés est applicable, il lui incombera encore de déterminer, pour le montant des indemnités journalières, le taux d’incapacité de travail du 16 août 2019 jusqu’au terme de la rééducation orthoptique (en intégrant les troubles psychiques, mais en faisant abstraction des lunettes adaptées et de la rééducation orthoptique), voire au-delà de la fin de ladite rééducation, s’il subsiste encore des séquelles psychiques de l’accident après cette échéance et qu’il n’y a plus lieu d’attendre d’amélioration significative de leur traitement. Cela fait, l’intimée devra procéder à l’examen de la causalité adéquate à la lumière des informations recueillies.

9.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 12 mars 2021 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction au sens des considérants et nouvelle décision.

10.         Étant donné que la recourante obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA ; RS E 5 10.03).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

*****

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 mars 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 1’500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le