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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3003/2020

ATAS/670/2022 du 19.07.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3003/2020 ATAS/670/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 juillet 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA, sise Centre de compétence romand, LAUSANNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______: (ci-après : l’assuré, l’intéressé ou le recourant), né en 1959, divorcé, et titulaire d’une autorisation d’établissement (C) UE/AELE en Suisse, a, à teneur de son curriculum vitae, travaillé comme grutier ou machiniste au service de différentes entreprises en France dès 1979 et en Suisse, à Genève, depuis 2005, plusieurs de ses emplois à Genève ayant été exercés par le biais de sociétés de travail intérimaire. Sous « éducation et formation » dans ce curriculum vitae étaient pour l'essentiel uniquement mentionnés des permis de grutier et de machiniste.

2.        Par « [contrats] de mission au sens des art. 319 ss [de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220)] et 19 [de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LES - RS 823.11)] » avec début de mission le 5 septembre 2017, respectivement les 8 janvier 2018, 7 janvier 2019 et enfin 10 septembre 2019, l’assuré a été engagé par B______ en tant que collaborateur temporaire, comme « machiniste B », « Cat CTT » « A-employé de construction », à chaque fois pour une durée indéterminée de mission, avec horaire de travail de huit heures par jour en moyenne et avec un salaire horaire. Selon les premiers contrats de mission, l’« entreprise utilisatrice » était C______, selon le dernier contrat D______.

3.        La mission commencée le 10 septembre 2019 a été résiliée oralement par B______ le 22 septembre 2019 pour le 24 septembre suivant.

4.        Le 5 novembre 2019, l’intéressé a rempli et signé le formulaire de B______ « Annonce de retraite anticipée », dans lequel il était indiqué, de manière préimprimée sauf la date :

« Mes rapports de travail avec B______ se sont terminés le 24 septembre 2019 et je ne souhaite pas reprendre d’activité professionnelle.

À moins de 5 ans de la retraite réglementaire, je désire obtenir le versement de ma prestation de retraite, comme le prévoit l’article 22 du règlement du plan LPP des salariés temporaires ».

5.        Le 27 novembre 2019, la Fondation de prévoyance de B______ (ci-après : la fondation de prévoyance) a versé sur le compte bancaire de l’intéressé le montant de CHF 19'045.20.

Dans le document « Prestation de libre passage - Confirmation de versement » étaient indiqués entre autres la « date d’affiliation » du 1er décembre 2017, la « date de sortie » du 30 septembre 2019, ainsi que, sous « composition de la prestation de libre passage transférée », une « prestation de sortie » de CHF 19'015.10 avec « date de versement » du 27 novembre 2019, plus des « intérêts » de CHF 30.10, d’où un « montant transféré » de CHF 19'045.20, et, sous « informations complémentaires » un « avoir acquis selon la [loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40)] » de CHF 19'022.85.

6.        Le 2 décembre 2019, l’assuré a adressé à la Fondation institution supplétive LPP (ci-après : la fondation supplétive), en remplissant un formulaire préimprimé, une « Requête – Versement en espèces suite à la retraite – Votre prestation de libre passage est supérieure à CHF 20'000.- » (termes préimprimés), versement que cette dernière fondation a effectué le 16 décembre 2019 sur le même compte bancaire que le versement de la fondation de prévoyance, à concurrence de CHF 69'843.54, comme indiqué dans le document de la fondation supplétive du 17 décembre 2019 concernant le « Compte de libre passage n° [ ] – Virement par suite de la retraite, décompte ».

Dans l’« extrait du compte d’avoir de prévoyance » tenu par la fondation supplétive concernant le « Compte de libre passage n° [ ] », il est, sous « Indications des différents éléments de la prestation, conformément à la loi », indiqué notamment, comme « prestation de libre passage », le montant de CHF 69'843.54, puis le « montant LPP » de CHF 66'666.11, et, sous « extrait de compte », « retraite ».

7.        Les 9 et 16 janvier 2020, l’assuré a déposé auprès de l’assurance-chômage une demande d’indemnités de chômage, avec effet au 9 janvier 2020, se déclarant disposé à travailler à plein temps (100 %) et mentionnant, comme « motif de la résiliation », « fin de mission », motif qu’a également indiqué B______ dans son attestation d’employeur du 13 janvier 2020.

8.        Par courrier du 2 mars 2020, la fondation de prévoyance a confirmé à la caisse compétente pour l’intéressé, la caisse de chômage Unia (ci-après : la caisse ou l’intimée), que celui-ci lui avait été affilié et que sa prestation de libre passage s’élevant à CHF 19'045.25 lui avait été versée dans le cadre de la retraite anticipée le 27 novembre 2019.

9.        Par décision du 2 avril 2020, la caisse a rejeté la demande d’indemnités de chômage à partir du 9 janvier 2020 formulée par l’assuré, aux motifs que celui-ci avait demandé et obtenu une prestation de vieillesse de retraite anticipée en décembre 2019, c’est-à-dire avant d’avoir atteint l’âge ordinaire de la retraite AVS, et qu’il n’avait pas atteint la période de cotisations de douze mois prévue par la loi après son départ volontaire à la retraite, faute d’avoir exercé une activité soumise à l’obligation de cotiser.

10.    Par courriel du 30 avril 2020, la fondation supplétive a informé la caisse que le compte de libre passage de l’intéressé était déjà soldé le 16 décembre 2019 et qu’elle ne gérait actuellement aucun autre compte pour lui.

11.    Par écrit – opposition – du 1er mai 2020, l’assuré a demandé à la caisse de revoir son dossier, aux motifs qu'il avait travaillé durant deux ans presque pleins, que ce n’était pas lui qui avait demandé des congés – à savoir, implicitement, un licenciement et une retraite anticipée – et qu’il continuait à chercher du travail, tâche assez difficile vu la conjoncture.

12.    Aux questions posées par la caisse de savoir si l’assuré était dans l’obligation de prendre une retraite anticipée et si l’avoir LPP avait été versé à celui-ci à sa demande, la fondation de prévoyance a répondu par courriel du 14 mai 2020 que « l’unique preuve » qu’elle pouvait fournir était le formulaire de retraite anticipée rempli et signé par l’intéressé. Elle ajoutait : « Les formulaires de retraite anticipée sont envoyés ponctuellement suite aux demandes des assurés (les demandes nous parviennent par écrit ou par oral). Les formulaires de retraite ordinaire sont quant à eux transmis automatiquement dès que l’assuré atteint l’âge légal de la retraite. Nous partons du principe que si l’assuré ne désirait pas bénéficier d’une retraite anticipée, il ne nous aurait tout simplement pas retourné le formulaire complété et signé ». Enfin, son « règlement du plan d’assurance LPP des salariés temporaires » (ci-après : le règlement LPP), adopté le 15 novembre 2017, en vigueur dès le 1er janvier 2018 et joint en annexe, prévoyait une possible retraite anticipée dès 58 ans.

13.    Par pli du 27 mai 2020, la caisse a fait part à l’assuré de ce qu’elle avait eu le jour même un entretien téléphonique avec une collaboratrice de la fondation supplétive, qui lui avait dit que c’était bien lui-même qui avait contacté cette fondation afin de pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée et qu’il n’était pas dans l’obligation d’accepter le versement de son avoir LPP avant l’âge ordinaire de la retraite. La fondation supplétive ne pouvait confirmer cela par écrit que si la caisse lui transmettait une procuration de l’assuré.

14.    Par lettre du même jour, la caisse a octroyé à l’intéressé un délai au 12 juin 2020 pour exercer son droit d’être entendu au sujet des réponses de la fondation de prévoyance et de la fondation supplétive précitées.

15.    Par écriture du 23 juillet 2020, soit dans le délai susmentionné prolongé par la caisse, l’assuré a exposé ce qui suit :

Il avait touché sa prestation de vieillesse de retraite anticipée après avoir été mal conseillé et avoir signé « [son] LPP » contre sa volonté. La directrice de C______ l’avait mis au chômage avant la date prévue « en [lui] cassant le contrat [de] travail chez la même agence, B______ ». Ne connaissant pas les lois suisses, l’intéressé avait fait confiance à ce que lui disait cette professionnelle « sur le fait qu’on pouvait toucher le LPP (sic) sans avoir de répercussions du chômage ».

Après avoir réalisé une semaine de travail en juillet 2020 et avoir été licencié à cause de son âge, il se retrouvait actuellement dans une situation délicate et sans ressources, et ne recevant pas l’AVS car il n’était pas à la retraite.

16.    Par attestation d’employeur du 6 août 2020, E______, active dans la location de services et le placement de personnel, a indiqué que – sur la base d’un « contrat de mission (durée maximale) » conclu le 25 juin 2020 avec l’intéressé –, les rapports de travail avait duré du 29 juin au 3 juillet 2020, ledit contrat ayant été résilié le 1er juillet 2020 pour le 3 juillet suivant (dans le « délai de congé légal ou conventionnel » de deux jours), au motif de la « fin de la mission temporaire ».

17.    Par écrit du 14 août 2020 en réponse à des questions de la caisse, B______, sous la signature de Monsieur F______, « Senior Branch Manager », a indiqué ce qui suit : la mission s’était terminée car il n’y avait plus de travail et par conséquent plus besoin de l’intéressé ; il ne s’agissait pas d’un motif économique, mais d’une fin de chantier.

18.    Par décision sur opposition rendue le 24 août 2020, la caisse a rejeté l’opposition formée le 1er mai 2020 par l’assuré et a confirmé sa décision du 2 avril 2020.

Selon la caisse, celui-ci n'avait pas quitté volontairement son emploi auprès de B______, de sorte qu'il convenait d'examiner si étaient remplies les conditions de l'exception au principe selon lequel, pour les assurés qui avaient été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule était prise en compte, comme période de cotisations, l’activité soumise à cotisations qu’ils avaient exercée après leur mise à la retraite. Or, en l'occurrence, d’une part, l’intéressé avait confirmé qu’il se retirait du marché du travail et ne souhaitait pas reprendre d’activité professionnelle (par son « Annonce de retraite anticipée » signée le 5 novembre 2019), d’autre part, il avait eu la possibilité de faire transférer sa prestation de sortie de la prévoyance professionnelle sur un compte de libre passage au lieu de recevoir la prestation de vieillesse en capital. Par ailleurs, B______ avait confirmé que le motif de la résiliation du contrat de travail n'était pas d'ordre économique. Aucune des conditions, pertinentes, d'exception au principe susmentionné n'étaient réalisées, l'assuré n’ayant pas été mis à la retraite anticipée pour des raisons d'ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle.

19.    Par acte expédié le 24 septembre 2020 au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), l’intéressé a formé recours contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation et faisant valoir que les périodes de cotisations qui avaient précédé sa mise à la retraite anticipée devaient être prises en considération par l’assurance-chômage et ouvrir un droit aux indemnités de chômage à partir du 9 janvier 2020.

À teneur de ses allégations et griefs, sa mission à durée indéterminée commencée le 5 septembre 2017 et résiliée oralement par B______ le 22 septembre 2019 pour le 24 septembre suivant constituait une seule et même mission. Il s’était absenté pour se rendre au chevet de sa mère malade, puis était retourné au travail le 10 septembre 2019 afin de continuer sa mission. Comme mentionné et confirmé par l’intimée dans sa décision sur opposition, son licenciement était dû à une fin de mission. La part de son travail en qualité de machiniste était arrivée à son terme sur le chantier en question, et la résiliation des rapports de travail était donc clairement le fait d’un motif d’ordre économique car l’employeur n’avait plus de travail à lui proposer dans le cadre du chantier, ce qui démontrait le caractère involontaire de la retraite anticipée. Il avait été mal conseillé par la directrice de C______ et, n’ayant que très peu de connaissances dans les domaines administratif et juridique, avait pensé que le fait de recevoir sa prestation de vieillesse de retraite anticipée n’aurait pas d’incidences sur ses prestations de chômage. Bien qu’il avait signé les formulaires de la fondation de prévoyance et de la fondation supplétive, il était en réalité bel et bien en recherche d’une activité professionnelle et souhaitait encore travailler jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite. Il avait d’ailleurs continué ses recherches d’emploi et avait pu bénéficier d’une mission du 29 juin au 3 juillet 2020.

20.    Dans sa réponse du 30 septembre 2020, l’intimée a conclu au rejet du recours, le recourant n’y apportant pas d’éléments de fait ou d’arguments nouveaux de nature à remettre en cause sa décision sur opposition, à laquelle elle renvoyait.

21.    Dans sa – brève – réplique du 28 octobre 2020, le recourant a déclaré persister dans sa position initiale.

22.    Par écrit, la chambre de céans a demandé à la fondation de prévoyance et à la fondation supplétive d’indiquer si, indépendamment des demandes formulées auparavant par l’assuré, les versements opérés en sa faveur constituaient une prestation de vieillesse de la prévoyance professionnelle au sens des art. 13 ss LPP ou une prestation de libre passage au sens des art. 2 ss de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42).

23.    Le 9 août 2021, la fondation de prévoyance a répondu avoir versé à l’intéressé son avoir de vieillesse sur son compte personnel le 27 novembre 2019 et confirmé qu’il n’y avait eu aucune autre affiliation, ni aucun versement supplémentaire concernant l’assuré, produisant en outre une « déclaration de prestations en capital » qui était adressée à l’Administration fédérale des contributions concernant ledit versement et qui mentionnait que le « genre de prévoyance » était le « 2ème pilier ».

24.    Le 24 août 2021, la fondation supplétive a indiqué que le versement en espèces du 16 décembre 2019 constituait une prestation de libre passage, un « extrait du compte d’avoir de prévoyance – Compte de libre passage n° [ ] » – complet –, ainsi que le règlement sur la tenue des comptes de libre passage (valable dès le 1er janvier 2021) étant de surcroît produits.

25.    Le 30 août 2021, ayant pris connaissance de ces deux courriers, l’intimée a écrit que le montant versé par la fondation supplétive n’était pas une prestation de vieillesse, mais que le versement opéré par la fondation de prévoyance l’était.

26.    Le 15 septembre 2021, le recourant a répliqué, insistant notamment sur les points suivants.

Il n’avait pas reçu de lettre de résiliation officielle de la part de B______, mais avait reçu seulement le formulaire « Annonce de retraite anticipée », alors qu’il aurait dû recevoir un formulaire de déclaration sur ses intentions quant au dépôt de son libre passage et que son employeur, en le licenciant, avait l’obligation de l’informer de ses droits et devoirs en matière d’assurances sociales ; n’ayant pas reçu d’autre formulaire que celui relatif à la retraite anticipée, ni d’informations, il avait légitimement pensé qu’il n’avait pas d’autre choix que de signer le seul formulaire reçu. En ne l'informant pas de son droit, l'employeur avait commis « une faute professionnelle ».

En outre, le motif économique évident de son licenciement et le fait qu'il s'était immédiatement mis à rechercher un emploi à 100 %, ce qu'il n'avait jamais cessé de faire jusqu'à ce jour, démontraient le caractère involontaire de la retraite anticipée et tendait à prouver sa bonne foi dans ce dossier.

L'assuré concluait « à ce que [sa] retraite soit déduite de [ses] indemnités de chômage après conversion du capital en rentes mensuelles ».

27.    À partir du 19 octobre 2021, la chambre de céans a convoqué le recourant à trois reprises, pour les 16 novembre 2021, ainsi que 18 janvier 2022 et 8 mars 2022, à une audience de comparution personnelle et d'audition de M. F______ en qualité de témoin, mais l'intéressé ne s'est pas présenté à la première audience appointée en raison de la non-réception de la convocation envoyée par pli simple, et les deux audiences suivantes prévues ont été annulées à cause de problèmes de santé invoqués par l'intéressé, par l'intermédiaire parfois de sa compagne.

28.    En parallèle, par écriture du 19 janvier 2022, l'intimée a précisé que, d'après elle, le versement de la prestation de sortie d'un montant de CHF 69'843.54 par la fondation supplétive était une situation qui devait être assimilée à une retraite anticipée.

29.    Vu la difficulté de tenir réellement les audiences convoquées, la chambre de céans a, par lettres du 11 avril 2022, posé des questions, différentes pour chacun, à l'assuré, à la caisse et, à titre de renseignements écrits, à M. F______.

30.    Par courrier du 19 avril 2022, l'intimée a répondu à la – seule – question que la chambre de céans lui avait posée, en lien avec l'ATF 147 V 342.

31.    Par pli du 5 mai 2022, M. F______ a répondu ce qui suit.

La fin de mission – pour le 24 septembre 2019 – consistait en une fin de contrat classique, donc pas en lien avec un problème d'ordre économique ou logistique (tel par exemple un manque d'approvisionnement en matières premières), mais en lien avec une fin de chantier normale ; la progression d'un chantier impliquait que, lorsque certains travaux étaient terminés, les corps de métiers concernés n'aient « plus de travail » sur ce chantier. Il n'y avait pas eu de problème d'attitude (par exemple une faute) de la part de l'intéressé porté à la connaissance de B______, ni de volonté exprimée par lui de mettre fin prématurément à sa mission (ce en réponse à la question suivante : « Quelle a été l'attitude de Monsieur A______ en septembre 2019, avant, pendant et après sa dernière mission comme employé temporaire à votre service, alors pour D______ ? A-t-il commis des fautes, par exemple d'ordre professionnel, a-t-il souhaité de lui-même démissionner de sa qualité d'employé temporaire chez B______ ou voulait-il continuer cette collaboration ? »).

B______ n'avait pas connaissance d'un envoi du formulaire « Annonce de retraite anticipée » par elle-même au recourant, pas même à la demande de ce dernier. À la question « D'autres possibilités qu'une "retraite anticipée" existaient-elles ? » était répondu que B______, en qualité d'employeur et bailleur de services, ne proposait pas de solution de retraite anticipée. À la connaissance de B______, l'assuré n'avait pas demandé et/ou reçu (à sa demande ou d'office) des explications ou conseils de B______ à ce sujet et au sujet des conséquences d'une « retraite anticipée ». M. F______ n'avait eu aucun contact avec le recourant.

En réponse à la question « Savez-vous ce que souhaitait réellement Monsieur A______ : commencer une retraite, entière ou partielle, ou continuer à travailler ? », M. F______ a indiqué ce qui suit : le formulaire de demande de retraite anticipée était envoyé à la demande de la personne assurée ; B______ partait du principe que c'était le souhait de l'intéressé puisque celui-ci l'avait contactée pour obtenir ce formulaire ; de plus, le formulaire signé par lui mentionnait la fin des rapports de service au 24 septembre 2019 avec B______ et son souhait de ne pas reprendre d'activité professionnelle. Selon M. F______, une mise à la « retraite anticipée » signifiait que la personne assurée cessait en principe toute activité professionnelle. L'art. 4.2.2 ch. 1 du règlement LPP (de la fondation de prévoyance) signifiait que, si la personne assurée n'exerçait plus d'activité professionnelle, elle avait la possibilité soit de transférer sa prestation de libre passage sur un compte de libre passage, soit de faire valoir son droit à une retraite anticipée. La pratique usuelle de B______ et/ou de la fondation de prévoyance était d'envoyer un questionnaire de sortie lorsque la personne assurée avait terminé sa mission ; sur ce dernier point, il n'était pas fait mention d'une retraite anticipée ; c'était la personne assurée qui contactait B______ et la questionnait sur les possibilités d'un versement en espèces.

32.    Le 16 juin 2022, le recourant a répondu par écrit ainsi aux questions posées par la chambre de céans.

Concernant ses « intentions aux plans personnel et professionnel en septembre 2019 et jusqu'à la fin de l'année 2019 », il souhaitait continuer à travailler. À la question « Dans l' "Annonce de retraite anticipée" que vous avez signée le 5 novembre 2019 et adressée à B______, comment avez-vous, précisément et concrètement, compris les termes "retraite anticipée" et "je ne souhaite pas reprendre d'activité professionnelle" ? », il a répondu qu'il souhaitait travailler. En réponse à la question « Dans votre esprit, à l'époque, la "retraite anticipée" excluait-elle la continuation et la recherche d'emploi ? À temps plein ou à temps partiel ? », il a indiqué : « je souhaite continuer la recherche d'emploi à plein temps ». À la question « Pourquoi avoir demandé des conseils à ce sujet à la directrice de C______, alors que votre dernière mission commencée le 10 septembre 2019 n'était pas au service de cette société mais de D______, et pourquoi n'avez-vous pas plutôt demandé conseil à B______ ? », l'intéressé a répondu n'avoir fait aucune demande à ce sujet. En réponse à la question – suivante – « Dans ces circonstances, que signifient les termes contenus dans votre écriture du 23 juillet 2020 à la [caisse], selon lesquels la directrice de C______ vous aurait mis au chômage avant la date prévue "en [vous] cassant le contrat [de] travail chez la même agence, B______ " ? », il a écrit : « Mon contrat n'était pas finit (sic) à cette période c'est te qui on voulus (sic) arrêter avec moi ». À la question « Avez-vous eu ou non d'autres possibilités que de signer cette "Annonce de retraite anticipée", et, si oui, lesquelles ? », l'assuré a répondu « aucune retraite anticipée – Je continue une recherche d'emploi ». Selon lui, B______ ne lui avait pas proposé d'autres possibilités que de signer cette « Annonce de retraite anticipée ».

S'agissant de la question – n° 9 – « Et, dans l'hypothèse où vous n'aviez pas d'autre possibilité que de signer ladite "Annonce de retraite anticipée", pourquoi, dans quelles circonstances et sur les conseils de qui, précisément et concrètement, avez-vous adressé, le 2 décembre 2019, à la [fondation supplétive], en remplissant un formulaire préimprimé, une "Requête - Versement en espèces suite à la retraite - Votre prestation de libre passage est supérieure à CHF 20'000.-" (termes préimprimés), ces termes contenant le mot "retraite" ? », le recourant a écrit « Demande d'information sur l'article (recte : question) 9 ». Concernant la question – suivante – «  Quelles étaient vos intentions concrètes par rapport à la [fondation supplétive] ? », il a mentionné : « pourquoi les accords non pas était respecté » (sic).

En réponse à la question « De la part de la [fondation de prévoyance] et/ou la [fondation supplétive], souhaitiez-vous une rente ou un versement en capital ? Pourquoi ? », l'intéressé a énoncé : « je n'avais pas assez d'argent parce que pas de capital ».

Concernant la période et l'intensité de ses recherches d'emploi après le 24 septembre 2019, ainsi que les noms des potentiels employeurs contactés, preuves à l'appui, l'assuré a seulement indiqué « toutes les boîtes interim ». À la question de savoir si, dans ce cadre, il s'était adressé à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) et/ou l'office régional de placement (ci-après : ORP), par exemple pour leur demander conseil ou leur demander de l'aide pour trouver un emploi, et, si tel n'avait pas été le cas, pourquoi, il a uniquement répondu : « oui j'étais inscrit à [la caisse] ».

33.    Les parties ne s'étant pas manifestées dans le délai octroyé par lettre de la chambre de céans du 20 juin 2022 pour formuler d'éventuelles observations, fixé au 8 juillet 2022, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai de trente jours prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.        Le litige porte sur la question de savoir si les versements opérés par la fondation de prévoyance et la fondation supplétive à fin 2019 excluent ou non la prise en compte des périodes de cotisations antérieures et le droit du recourant à des indemnités de chômage.

4.        a. L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS (let. d), remplir les conditions relatives à la période de cotisations ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI – RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; ATF 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI IC.

b. Aux termes de l’art. 13 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu pour la période de cotisations – lequel commence à courir deux ans plus tôt – (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations remplit les conditions relatives à la période de cotisations (al. 1). Afin d’empêcher le cumul injustifié de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et de l’indemnité de chômage, le Conseil fédéral peut déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisations pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) – soit 65 ans révolus pour les hommes (let. a) –, mais qui désirent continuer à exercer une activité salariée (al. 3).

En vertu de l’art. 12 OACI – intitulé « période de cotisation des assurés à la retraite anticipée » et se référant à l’art. 13 al. 3 LACI –, pour les assurés qui ont été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule est prise en compte, comme période de cotisations, l’activité soumise à cotisations qu’ils ont exercée après leur mise à la retraite (al. 1). L’al. 1 n’est pas applicable lorsque l’assuré : a été mis à la retraite anticipée pour des raisons d’ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle (let. a) et a droit à des prestations de retraite inférieures à l’indemnité de chômage à laquelle il a droit en vertu de l’art. 22 LACI (let. b al. 2). Sont considérées comme des prestations de vieillesse les prestations de la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire, ainsi que les prestations de vieillesse d’une assurance-vieillesse étrangère, obligatoire ou facultative, qu'elles soient versées au titre d’une rente de vieillesse ordinaire ou d’une prestation de préretraite (al. 3).

c. En tant qu'il a pour but d'éviter que des assurés cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, l'art. 12 al. 1 OACI vise les personnes qui désirent continuer de travailler après la mise à la retraite anticipée mais qui tombent au chômage ou ne retrouvent pas d'activité lucrative. Dans ces éventualités, les périodes de cotisations antérieures à la retraite anticipée ne sont pas prises en considération par l'assurance-chômage. L'art. 13 al. 3 LACI, qui habilite le Conseil fédéral à déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisations pour les assurés mis à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de la retraite selon l'art. 21 al. 1 LAVS, n'a toutefois pas pour but de faire obstacle purement et simplement à l'octroi simultané de prestations de la caisse de prévoyance et d'indemnités de chômage. Cette disposition légale vise à empêcher que la retraite anticipée corresponde à une décision de retrait définitif du marché du travail en ce sens que l'assuré n'est plus disposé à accepter un travail convenable (ATF 144 V 42 consid. 4.3.2 et les références citées ; Message du Conseil fédéral concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 2 juillet 1980 ; FF 1980 III 485 ss, spéc. 565 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 32 ad art. 13 LACI).

L'énoncé ci-dessus du but – ou objectif – des art. 13 al. 3 LACI et 12 OACI n'a pas été modifié par la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral introduite le 15 juin 2021 (cf. ATF 147 V 342 consid. 5.4.1). Dans ce nouvel arrêt publié, la Haute Cour a souligné que l'objectif de l'art. 12 OACI est de dissuader les personnes au bénéfice d'un contrat de travail « fixe » de résilier ce dernier, afin d'obtenir, en plus de la prestation de retraite de la prévoyance professionnelle, des indemnités de chômage. Un tel projet ne doit pas être rendu impossible (cf. déjà ATF 123 V 142 consid. 4b), mais il doit être rendu plus difficile par le fait que la période de cotisations n'est pas prise en compte mais qu'une nouvelle période de cotisations commence à courir après la retraite. La perception simultanée de prestations de vieillesse et d'indemnités de chômage doit donc être ouverte uniquement aux personnes qui sont aptes au placement, c'est-à-dire qui sont réellement prêtes et aussi en mesure d'accepter un travail convenable (art. 15 al. 1 LACI). Est à cet égard rappelé le message du Conseil fédéral précité (FF 1980 III 565), à teneur duquel « il importe, en effet, d'empêcher [ ] que [des personnes mises prématurément à la retraite] puissent immédiatement après leur mise à la retraite toucher encore des indemnités de chômage en plus de leur pension, sans pour autant prouver leur aptitude au placement et surtout sans avoir apporté la preuve de leur disposition à accepter un travail convenable » (ATF 147 V 342 consid. 5.4.1).

d. Selon l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, d'après le « texte clair » de l'art. 12 al. 2 OACI, toute résiliation des rapports de travail qui - sans que l'assuré ait un choix - aboutissait à une retraite anticipée ne tombait pas sous le coup de cette réglementation. Les personnes qui étaient licenciées par leur employeur pour des raisons autres que des motifs d'ordre économique ou qu'en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle ne pouvaient pas se prévaloir de l'art. 12 al. 2 OACI. Peu importait la partie qui mettait fin aux rapports de travail ou le fait que le travailleur avait résilié en butte à une certaine pression de la part de l'employeur. Le critère déterminant n'était pas le caractère volontaire du congé mais celui – volontaire – de la prise de la retraite pour raison d'âge (ATF 144 V 42 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATF 129 V 327 ; ATF 126 V 393 consid. 3b/bb).

Dans son nouvel arrêt publié précité, après avoir rappelé ces anciens principes (ATF 147 V 342 consid. 5.4.2, 5.4.3 et 5.4.4), le Tribunal fédéral a cité (consid. 5.5.2.1) des chiffres du Bulletin LACI IC (en vigueur depuis octobre 2012). À teneur de ceux-ci, si un assuré est mis à la retraite anticipée involontaire, c’est-à-dire pour des motifs économiques ou en vertu de dispositions impératives, dans le cadre de la prévoyance professionnelle avant d’avoir atteint l’âge ordinaire AVS, la période d’activité soumise à cotisations qu’il a accomplie avant la retraite anticipée doit être comptée comme période de cotisations (B176). Les deux critères déterminants pour l’application de cette règle spéciale de prise en compte sont le caractère involontaire de la retraite anticipée et la perception de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle. L’entrée à la retraite est toujours présumée involontaire lorsque l’assuré souhaiterait conserver son emploi mais ne le peut pas parce qu’il a été licencié pour des motifs économiques ou d’autres motifs sans faute de sa part et touche une prestation de vieillesse de la prévoyance professionnelle (B177). Si l’employeur résilie le rapport de travail pour des motifs économiques et que l’assuré fait usage de la possibilité, prévue par le règlement de prévoyance professionnelle, de demander le versement d’une prestation de vieillesse, l’assuré doit toujours être considéré comme étant à la retraite anticipée involontaire. Il en va de même lorsque l’assuré demande le versement d’une prestation de vieillesse pendant le délai-cadre d’indemnisation. Les prestations de vieillesse sont déduites de l’indemnité de chômage (B178).

Cela étant, toujours selon le Tribunal fédéral, l'entrée en vigueur le 1er janvier 2010 du nouvel al. 1bis de l'art. 2 LFLP a amélioré la situation des assurés en ce sens qu'ils peuvent désormais, dès l’âge où le règlement leur ouvre au plus tôt le droit à une retraite anticipée, choisir librement entre la perception d'une prestation de sortie ou celle d'une prestation de vieillesse (ATF 147 V 342 consid. 5.5.3.1).

À cet égard, conformément à l’art. 2 LFLP – intitulé « prestation de sortie » –, si l’assuré quitte l’institution de prévoyance avant la survenance d’un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie (al. 1). L’assuré a également droit à une prestation de sortie s’il quitte l’institution de prévoyance entre l’âge où le règlement lui ouvre au plus tôt le droit à une retraite anticipée et l’âge réglementaire ordinaire de la retraite, et s’il continue d’exercer une activité lucrative ou s’annonce à l’assurance-chômage. Si le règlement ne fixe pas d’âge ordinaire de la retraite, l’art. 13 al. 1 LPP s’applique pour la détermination de cet âge (al. 1bis).

D'après la Haute Cour, une application de l'art. 12 al. 2 let. a OACI qui s'en tiendrait à la lettre conduirait à privilégier les personnes licenciées ou mises à la retraite anticipée pour des raisons d'ordre économique – par rapport à celles qui le sont pour d'autres motifs –. Un tel privilège existait aussi dans le passé. Cependant, désormais, vu la possibilité de choix – pour tous les travailleurs – entre la perception d'une prestation de sortie et celle d'une prestation de vieillesse, ce privilège ne peut plus être justifié d'emblée par les considérations énoncées dans l'ATF 129 V 327 consid. 4.6 selon lesquelles le choix d'une prestation de vieillesse constituait un indice de l'intention de se retirer de la vie active. On ne voit pas ce qui justifierait une telle différence de traitement (ATF 147 V 342 consid. 5.5.5.4.2).

Si le licenciement pour des raisons d'ordre économique, malgré le choix de la prestation de vieillesse, reste, non seulement selon la pratique administrative (Bulletin LACI IC, B178), mais aussi selon la lettre de l'art. 12 al. 2 let. a OACI, un licenciement involontaire, mais dans la mesure où aucun autre élément ne permet de justifier ce privilège accordé au licenciement pour des raisons d'ordre économique, il faut en tenir compte par une interprétation correspondante de l'art. 12 al. 2 let. a OACI. En conséquence, il est juste et conforme au droit fédéral d'étendre le champ d'application de cette disposition, au-delà de sa lettre – interprétation littérale –, aux retraites anticipées qui font suite à un licenciement non fautif – signifié pour d'autres motifs que les raisons d'ordre économique – (ATF 147 V 342 consid. 5.5.6 ; dans ce sens, aussi Boris RUBIN, op. cit., n. 34 ad art. 13 LACI). Cette conclusion semble en outre justifiée pour une autre raison, ci-après. Comme relevé par le SECO dans sa détermination sur le recours, les travailleurs âgés sont plus touchés par le chômage dans la mesure où ils ont plus de difficultés à trouver un travail de remplacement adéquat après une perte d'emploi (cf. par exemple le rapport du SECO « Ältere Arbeitslose [50+] » du 30 juillet 2019, disponible sur www.seco.admin.ch/seco [visité le 22 avril 2021]). Le besoin de protection particulier des chômeurs âgés peut également être considéré comme généralement reconnu, car il a été récemment pris en compte dans la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés du 19 juin 2020 (LPtra - RS 837.2). Vu ce contexte également, et compte tenu de l'évolution des circonstances extérieures et d'une meilleure compréhension du but de la loi, il existe, selon la Haute Cour, de bonnes raisons de s'écarter de la jurisprudence ancienne (ATF 147 V 342 consid. 5.5.7).

Dans le cas traité par ledit nouvel arrêt du Tribunal fédéral publié, la preuve n'est pas apportée que la partie recourante aurait été licenciée et mise à la retraite anticipée pour des raisons d'ordre économique. Étant donné que, comme il a été énoncé plus haut, le fait que la personne concernée ait décidé par la suite de percevoir une prestation de vieillesse relevant du droit de la prévoyance professionnelle ne devrait plus jouer aucun rôle, il faut, au regard de la pratique (Bulletin LACI IC, B177) et de la jurisprudence désormais modifiée, examiner si elle a commis une faute en rapport avec son licenciement. Le SECO, dans sa prise de position par rapport au recours, renvoie, à juste titre, à la nécessité de prouver le dol éventuel à cet égard, conformément à l'art. 20 let. b de la Convention n° 168 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 21 juin 1988 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (RS 0.822.726.8 ; en vigueur pour la Suisse depuis le 17 octobre 1991 ; dans ce sens aussi, bien que dans un autre contexte : arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2019 du 27 mars 2020 consid. 3.2 avec les références). On peut admettre une telle préméditation lorsque la personne assurée peut prévoir ou doit s'attendre à ce que son comportement conduise à un licenciement par l'employeur et qu'elle s'en accommode (ATF 147 V 342 consid. 6.1). Sur la base des constatations de l'instance précédente, la « dynamique d'équipe » a été déterminante pour le licenciement de la partie recourante. Bien qu'il ait pu y avoir des reproches à son encontre dans ce contexte, il n'est pas établi, sur la base des circonstances ressortant du dossier - notamment au regard du versement d'une indemnité accordée par l'employeur au titre d'un licenciement abusif mais sans reconnaissance d'une obligation légale de sa part - que la partie recourante, par son propre comportement, aurait provoqué et accepté un licenciement par l'employeur. Même avec des mesures d'instruction supplémentaires, une telle preuve ne pourrait pas être apportée ici, raison pour laquelle il est renoncé à instruire plus loin. Par conséquent, l'application de l'art. 12 al. 1 OACI n'entre pas en ligne de compte dans le cas présent, la partie recourante remplissant l'exigence de la période de cotisations de douze mois (art. 8 al. 1 let. e et 13 al. 1 LACI). Pour l'examen des autres conditions d'octroi et le calcul d'une éventuelle indemnité de chômage, la cause doit être renvoyée à l'administration, le recours étant ainsi partiellement admis (ATF 147 V 342 consid. 6.2 et 6.3).

e. Par ailleurs, selon le Bulletin LACI IC concernant toujours les art. 13 al. 3 LACI et 12 OACI, les dispositions spéciales régissant la prise en compte des activités soumises à cotisations comme période de cotisations ne s’appliquent qu’aux assurés en retraite anticipée qui touchent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle – donc au sens des art. 13 al. 3 LACI et 12 al. 3 OACI –, c’est-à-dire qui sont mis à la retraite anticipée selon le droit suisse (B171). Sont réputés à la retraite anticipée les assurés qui touchent une rente de vieillesse avant d’avoir atteint l’âge ordinaire donnant droit à une rente AVS. La prestation de sortie versée en vertu des art. 2 ss LFLP n’est pas considérée comme une prestation de vieillesse (B172).

À teneur de l'art. 1 al. 3 LPP, le Conseil fédéral précise les notions d’adéquation, de collectivité, d’égalité de traitement, de planification et le principe d’assurance. Il peut fixer un âge minimal pour la retraite anticipée. En outre, l’art. 13 LPP dispose qu’ont droit à des prestations de vieillesse : les hommes dès qu’ils ont atteint l’âge de 65 ans (let. a) ; les femmes dès qu’elles ont atteint l’âge de 62 ans (let. b al. 1). En dérogation à l’al. 1, les dispositions réglementaires de l’institution de prévoyance peuvent prévoir que le droit aux prestations de vieillesse prend naissance dès le jour où l’activité lucrative prend fin. Le taux de conversion de la rente (art. 14 LPP) sera adapté en conséquence (al. 2). En vertu de l'art. 1i de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 (OPP 2 - RS 831.441.1), les règlements des institutions de prévoyance ne peuvent pas prévoir d’âge de retraite inférieur à 58 ans (al. 1), des âges de retraite inférieurs à celui déterminé à l’al. 1 étant admis : pour les restructurations d’entreprises (let. a) ; pour les rapports de travail où un âge de retraite inférieur est prévu pour des motifs de sécurité publique (let. b al. 2).

5.        En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.        a. En l’espèce, le contrat de mission – temporaire – du recourant a été résilié le 22 septembre 2019 par l’employeur B______ pour le 24 septembre suivant, étant précisé que ce délai de résiliation de deux jours – ouvrables – correspond à celui prévu « pendant le temps d’essai et/ou pendant les trois premiers mois d’une mission ininterrompue : 2 jours ouvrables » selon l’art. 13 let. a des dispositions figurant au verso des contrats de mission conclus par l’intéressé et extraits du contrat-cadre de travail temporaire de B______.

b. Aux termes du règlement LPP (de la fondation de prévoyance), concernant la « retraite anticipée », si un assuré quitte le service de l’employeur avant le jour de la retraite réglementaire, mais après le premier jour du mois qui suit le 58ème anniversaire pour les hommes et les femmes, il cesse de verser la cotisation, et est immédiatement mis au bénéfice d’une rente de retraite anticipée, pour autant que sa prestation de libre passage ne soit pas transférée à l’institution de prévoyance d’un nouvel employeur ou à une institution de libre passage (art. 4.2.2 ch. 1).

Les règlements de la fondation supplétive afférents à la prévoyance professionnelle ne figurent pas au dossier, si ce n’est celui sur la tenue des comptes de libre passage dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2021. Cela étant, s’agissant d’une institution (« l’institution supplétive ») prévue par la loi elle-même, en particulier par les art. 60 ss LPP, ses règlements sont aisément consultables sur internet (https://web.aeis.ch/FR/static_pages/70/Règlements). Notamment, en cas de dissolution des rapports de travail après l’âge de 58 ans révolus, la personne assurée qui n’est pas invalide peut percevoir la rente de vieillesse de manière anticipée ; la requête écrite correspondante doit être adressée à la fondation supplétive au plus tard trois mois au préalable (« retraite anticipée » ; art. 14 al. 2 du règlement de prévoyance, dispositions générales [DG], dans sa version en vigueur en 2019, consulté le 14 juillet 2022).

c. Dans le cas présent, la fondation de prévoyance et la fondation supplétive ont toutes deux effectué, en novembre et décembre 2019, leurs versements en faveur de l’assuré sur le compte bancaire personnel de celui-ci, avec les mentions qu’il s’agissait d’une « prestation de libre passage » et d’une « prestation de sortie » s’agissant de la première, seulement d’une « prestation de libre passage » selon la seconde.

Malgré la question de la chambre de céans posée aux parties, ainsi qu'à la fondation de prévoyance et à la fondation supplétive relativement à la nature des prestations objets desdits deux versements – prestations de retraite anticipée ou prestations de libre passage (ou de sortie) –, il n'a y pas de nécessité de trancher cette question par le présent arrêt, ce pour des motifs énoncés plus bas qui tiennent compte de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 147 V 342) et partent de l'hypothèse – en principe défavorable au recourant – que celui-ci a perçu des prestations de retraite anticipée.

Pour le reste, à titre préjudiciel et pour autant que ceci doive être déterminé, il est incontesté – et incontestable – que l'assuré, au moment des deux versements susmentionnés en novembre et décembre 2019, remplissait la condition d'âge pour recevoir des prestations de « retraite anticipée » au sens des art. 13 al. 3 LACI, 12 OACI, 13 al. 2 LPP, 1i al. 1 OPP 2, de même que 4.2.2 ch. 1 du règlement LPP et 14 al. 2 du règlement de prévoyance, DG, de la fondation supplétive, puisqu'il avait à cette époque plus de 58 ans, plus précisément 60 ans.

d. Invitée le 11 avril 2022 par la chambre de céans à se déterminer sur la portée de l'ATF 147 V 342 précité par rapport au cas du recourant, l'intimée a, dans son écriture du 19 avril 2022, relevé que sa décision sur opposition querellée, du 24 août 2020, avait été rendue avant que le Tribunal fédéral prononce ledit arrêt publié le 15 juin 2021. Selon elle, si elle avait eu connaissance de cette nouvelle jurisprudence au moment de se prononcer, elle l'aurait prise en considération et aurait notamment examiné plus avant le caractère volontaire ou involontaire de la mise à la retraite anticipée, soit la question de savoir si l'assuré s'était retrouvé au chômage sans faute de sa part, sans se limiter aux seuls motifs économiques, ainsi que la question de savoir si celui-ci avait l'intention de continuer à exercer une activité lucrative après la mise à la retraite anticipée ou si, au contraire, il avait décidé dans un premier temps de se retirer définitivement du marché du travail.

Cela étant, de manière constante, dès son opposition, l'assuré a affirmé avoir été licencié par B______, en septembre 2019, alors que cette résiliation des rapports de travail ne correspondait pas à sa propre volonté, qui était de continuer à travailler.

Comme indiqué par l’employeur, y compris par un responsable, M. F______ – qui a répondu aux questions de la chambre de céans à titre de « renseignements écrits et production de pièces par des tiers » selon l'art. 27 LPA et avec sur ce point pleine valeur probante – et non contesté par les parties, ce licenciement était dû à la fin de la mission de l’assuré (pour l’« entreprise utilisatrice »), en d’autres termes à « une fin du chantier normale », l’employeur n’ayant plus de travail à lui proposer dans le cadre de celui-ci. Il n'y a pas eu de problème d'attitude (par exemple une faute) de la part de l'intéressé porté à la connaissance de B______, ni de volonté exprimée par lui de mettre fin prématurément à sa mission.

Il convient donc de retenir, au degré de la preuve de la vraisemblance prépondérante, que le recourant n'a pas été licencié par B______ en raison d'un comportement fautif de sa part, même par dol éventuel au sens indiqué plus haut, et qu'il n'a notamment ni provoqué, ni accepté ce licenciement, mais qu'il s'agit au contraire d'un licenciement non fautif au sens de l'ATF 147 V 342.

e. Certes, l’assuré a, dans l’« Annonce de retraite anticipée » signée le 5 novembre 2019, puis envoyée à la fondation de prévoyance, indiqué qu’il ne souhaitait pas reprendre d’activité professionnelle.

Cependant, cette seule partie de phrase, préimprimée, ne constituait pas l'objet principal de ladite « Annonce de retraite anticipée », ni ne valait un engagement de l'assuré, en particulier pas à l'égard de la caisse, laquelle n'était pas la destinataire de cette annonce.

Vu le contexte décrit plus haut, cette partie de phrase ne remet pas en cause la conclusion qui précède relative à l'absence de licenciement fautif, ni ne suffit pour retenir que l'intéressé ne souhaitait pas, à l'époque où il a signé ce formulaire, ainsi que la requête qui a été adressée le 2 décembre 2019 à la fondation supplétive – et qui ne mentionne pas une quelconque cessation d'activité professionnelle –, retrouver un emploi.

Au demeurant, il ressort des réponses de M. F______ aux questions de la chambre de céans – réponses qui semblent quelque peu contradictoires quant au point de savoir si B______ a envoyé le formulaire « Annonce de retraite anticipée » à l'intéressé et si c'était à la demande de ce dernier –, de même que des allégations du recourant, que ce dernier n'a pas reçu, ou seulement très peu, d'informations sur ses droits et obligations avant de remplir et signer ledit formulaire, étant au surplus relevé qu'il ne dispose que de très faibles connaissances dans les domaines administratif et juridique. Rien ne permet de penser que l'assuré aurait reçu plus de renseignements de la part de la fondation supplétive.

Au regard de ses allégations constantes et crédibles, le recourant a démontré avoir, dès son licenciement à fin septembre 2019, voulu chercher et retrouver un travail – convenable – et avoir été de bonne foi convaincu que le fait de recevoir sa prestation de retraite anticipée n’aurait pas d’incidences sur ses prestations de chômage.

f. Vu ce qui précède, conformément notamment à la nouvelle jurisprudence introduite par l'ATF 147 V 342, l'exception de l'art. 12 al. 2 let. a OACI doit en l'espèce être considérée comme réalisée vu l'existence d'un congé non fautif, de sorte que le principe de l'art. 12 al. 1 OACI n'est pas applicable dans le cas présent et qu'il est possible de tenir compte de la période de cotisations avant le dépôt de la demande d'indemnités de chômage du recourant en application de l'art. 13 al. 1 LACI.

Les versements effectués en automne 2019 par les deux fondations susmentionnées n’excluent ainsi pas la reconnaissance d’un droit de l’intéressé à l’indemnité de chômage dès le dépôt de sa demande, le 9 janvier 2020.

7.        En conséquence, le recours sera admis partiellement, la décision sur opposition querellée sera annulée et la cause sera renvoyée à l’intimée pour examen des conditions de reconnaissance du droit du recourant à une indemnité de chômage dès le 9 janvier 2020, y compris quant au respect de la condition (relative à la période de cotisations) de l’exercice durant douze mois au moins d’une activité soumise à cotisations dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet selon l’art. 13 al. 1 LACI, ainsi que des autres conditions de la loi, en particulier de l’art. 8 LACI, puis nouvelle décision.

8.        Le recourant, qui obtient gain de cause, n'est pas représenté par un mandataire et n’a pas allégué des frais particulièrement importants pour défendre ses droits dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'aucune indemnité ne lui sera accordée à titre de participation à des frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure est gratuite (art. 61 let. a aLPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 vu l’art. 83 LPGA).

* * * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition rendue le 24 août 2020 par l’intimée.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour examen complémentaire et nouvelle décision, au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le