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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4205/2019

ATAS/650/2022 du 12.07.2022 sur JTAPI/1008/2020 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4205/2019 ATAS/650/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juillet 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CHÊNE-BOUGERIES, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Yvan JEANNERET

 

 

recourante

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, rue des Cèdres 5, MARTIGNY

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1987, vit à Genève depuis novembre 2011.

b. Elle a été employée par B______ comme spécialiste en crédit du 1er novembre 2011 au 31 mai 2015, date pour laquelle elle a été licenciée. Dans ce cadre, elle était assurée contre les accidents professionnels ou non professionnels et les conséquences d’une incapacité de travail pour cause de maladie par AXA WINTERTHUR (ci-après : AXA).

c. Le 20 février 2014, les deux sœurs de l’assurée, Mesdames C______ et D______, âgées respectivement de 20 et 25 ans, ont été assassinées à Paris, dans l’appartement où elles vivaient en colocation avec une troisième femme. Elles ont reçu de très nombreux coups de couteau de l’ex-compagnon de leur colocataire, lequel a été condamné par la Cour d’Assises de Paris pour ces faits le 8 décembre 2016.

d. L’assurée a été informée du décès de ses sœurs le lendemain lors d’un appel d’une amie de ses dernières qui se trouvait au commissariat de police judiciaire, ainsi que par un policier. L’assurée accompagnée de l’une de ses amies s’est rendue le jour-même à Paris où elle a retrouvé ses parents audit commissariat. Le 24 février 2014, l’assurée a identifié le corps de ses deux sœurs à l’institut médico-légal de Paris.

e. À la suite de ces événements, l’assurée a souffert d’un trouble dépressif sévère, présent depuis le 2 mars 2014. À compter de cette date, elle a été en incapacité totale de travailler. Les divers certificats établis entre le 26 février 2014 et le 9 mars 2016 par son médecin traitant, la doctoresse E______, indiquent que les arrêts de travail successifs décidés par celle-ci reposaient sur le motif : « maladie ».

f. Son employeur a annoncé à AXA que l’assurée était en incapacité de travail pour cause de maladie dès le 2 mars 2014. AXA a versé des indemnités journalières sur la base du contrat perte de gain maladie.

g. En avril 2015, l’assurée a été affiliée à MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : MUTUEL) au titre de l'assurance obligatoire des soins (LAMal), pour « maladie seule, risque accident suspendu ». Cette assurance intitulée « Global GEM - Assurance compl. pour les soins ambulatoires et hospitaliers », était régie par la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) et couvrait les risques maladie et accident. Avant son licenciement, l’assurée était déjà affiliée à cette assurance qui avait alors été conclue par B______ en sa qualité d’employeur dès le 1er novembre 2011. Tant l'assurance-maladie de base que l'assurance complémentaire LCA sont intervenues en remboursement des frais médicaux liés au trouble dépressif sévère de l’assurée (frais de suivi psychiatrique et médicamenteux, ainsi que d'hospitalisation). L’assurée a notamment été hospitalisée à la clinique genevoise de Montana en mai 2015 sur l'avis de son psychiatre, la doctoresse F______. Les frais y relatifs ont été pris en charge par MUTUEL.

h. Le 30 mars 2015, l’assurée a adressé une demande de rente d'invalidité à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI). Le docteur G______ a établi deux expertises en 2015 dans lesquelles il a attesté que l’assurée était en incapacité de travail totale dans toutes activités. L’assurée a été mise au bénéfice de mesures de réinsertion de l'assurance-invalidité dès le 2 mai 2015, lesquelles ont été interrompues le 25 septembre 2017, date à laquelle son médecin a décidé un arrêt de travail complet. Dans son rapport final du 26 mars 2018, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) est arrivé à la conclusion qu'en dépit d'une prise en charge psychiatrique et d'un traitement médicamenteux lourd, aucune activité n'était raisonnablement exigible de la part de l’assurée et qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de l'avis de son « psychiatre traitant ». Présentant une « réaction anxio-dépressive durable très sévère » à la suite de l'assassinat de ses deux soeurs, la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité. L'atteinte retenue était un trouble dépressif sévère dont le début était fixé au 2 mars 2014.

i. L’assurée a ainsi été reconnue totalement invalide par l’OAI dès le mois de mars 2014. Elle n’a eu droit à une rente entière d’invalidité que dès 1er septembre 2015 (délai d’attente de six mois), en raison du dépôt tardif de sa demande, l’incapacité de travail durable ayant débuté en mars 2014, mais la demande ayant été déposée qu’en mars 2015.

j. Faisant suite à une demande d'offre que l’assurée avait formulée, GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : GMA SA) lui a adressé, par pli du 30 avril 2015, une proposition (n° 49784172) portant sur deux variantes d'assurance complémentaire - LCA, la première concernant l’assurance ProVista - Assurance d'un capital en cas d'invalidité ou décès par suite d'accident (ci-après : assurance ProVista), pour, notamment, un montant du capital assuré en cas d'invalidité pour cause d’accident à choisir entre CHF 30'000.- et 300'000.-, la seconde concernant une assurance « Provista light », du même type, mais prévoyant une couverture moindre.

k. Le 4 mai 2015, l’assurée a signé et retourné à GMA SA la proposition portant sur la première variante, pour un capital assuré en cas d'invalidité pour cause d’accident de CHF 100'000.-.

l. Le début de l'assurance a été fixé au 1er juin 2015 et le montant du capital assuré en cas d'invalidité à CHF 100'000.-. La police renvoie aux conditions générales pour les assurances maladie et accidents complémentaires du Groupe Mutuel Assurances GMA SA (édition 01.09.2010) (ci-après : CGC), ainsi qu'aux conditions particulières de l'assurance ProVista (édition 01.10.2001) (ci-après : CPPV). L'assurance couvrait les conséquences économiques de l'invalidité ou du décès par suite d'accident (art. 1 des CPPV), l'assureur allouant un capital dans les deux cas (art. 4 des CPPV). Si l'accident entraînait une invalidité permanente probable, le capital d'invalidité, déterminé par le degré d'invalidité, la somme d'assurance convenue et l'échelle fixée à l'annexe A des CPPV, était versé (art. 6 let. a des CPPV). Le degré d'invalidité était fixé à 100% « en cas d'empêchement de tout travail à la suite de troubles mentaux » (art. 6 let. b ch. 1 CPPV). Pour un degré d'invalidité de 100%, le capital était versé à concurrence de 350% (cf. annexe A).

B. a. Par courrier du 29 août 2018, l’assurée a requis de GMA SA le versement de la prestation d'assurance ProVista. Elle s'est prévalue du fait que les conditions des art. 3 al. 2 des CGC et 6 let. b ch. 1 des CPPV étaient réunies. Son invalidité totale depuis le 1er septembre 2015 découlait de son incapacité de travailler à la suite de l'assassinat de ses deux soeurs en 2014. Ces crimes d'une extrême violence étaient une cause « extérieure, extraordinaire » qui lui avaient porté « une atteinte dommageable immense, soudaine et involontaire » et avaient détruit sa « santé physique, mentale et psychique ». Avant ce drame, elle était en parfaite santé, sans maladie. Depuis lors, elle souffrait d'un trouble dépressif sévère, comme l'attestait son médecin-psychiatre.

b. Par courrier du 23 novembre 2018, GMA SA lui a répondu qu'elle refusait de donner suite à sa demande. Selon l'art. 4 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), on entendait par accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire, qui compromettait la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraînait la mort. La notion d'accident se décomposait en cinq « éléments ou conditions », qui devaient être réalisés cumulativement. Un traumatisme psychique constituait un accident lorsqu'il était le résultat d'un événement d'une grande violence survenu en présence de l'intéressé et que l'événement dramatique était propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins capable de supporter certains chocs nerveux. En l'occurrence, elle ne s'était pas trouvée sur les lieux du « sinistre » du 20 février 2014 et n'avait donc pas été blessée. Dans ces conditions, la prestation requise ne pouvait pas être versée.

c. Par courrier du 17 janvier 2019, sous la plume de son conseil, l’assurée a demandé à GMA SA de réexaminer sa position et de lui accorder la pleine et entière couverture de l'assurance ProVista, exposant que la référence au concept d'accident issu du droit des assurances sociales - et à ses conditions - n'était pas pertinente en l'espèce, car l'on se situait sur le terrain des assurances complémentaires LCA. À défaut, elle n'aurait pas d'autres choix que celui de procéder.

d. Par courrier du 19 mars 2019, GMA SA a renouvelé son refus. Selon les conditions générales de l'assurance ProVista, les prestations contractuelles étaient versées pour les accidents survenus après l'entrée en vigueur de l'assurance. En l'occurrence, l’assurée était au bénéfice de cette assurance depuis le 1er juin 2015, alors que le « sinistre » s'était produit le 20 février 2014. Dans ces conditions, l’assureur ne pouvait malheureusement pas intervenir dans cette affaire.

e. Le 14 août 2019, faisant suite à la requête de conciliation que l’assurée avait déposée devant lui le 4 juin 2019, aux termes de laquelle elle concluait à ce que GMA SA soit condamnée à lui payer la somme de CHF 350'000.- avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2015, et après avoir entendu les parties, le Tribunal de première instance (TPI) l'a autorisée à procéder.

C. a. Par acte du 8 novembre 2019, sous la plume de son conseil, l’assurée a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d'une demande en paiement dirigée contre GMA SA en concluant principalement à ce que le tribunal condamne GMA SA à lui verser la somme de CHF 350'000.-, avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2015, sous suite de frais et dépens. L'assurance ProVista était une assurance complémentaire à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), l'assurance de capital d'invalidité en cas d'accident en étant même un cas typique. Le contrat y relatif n'était pas nul. Le risque assuré, à savoir la survenance de son invalidité (mais non l'accident en étant à la base), devait être fixé au 26 mars 2018, soit - près de trois ans après la conclusion du contrat d'assurance litigieux - à la date du rapport final du SMR, qui prenait acte de l'échec des mesures de réinsertion dont elle avait bénéficié et constatait que sa capacité de travail était nulle. Avant cette date, tant elle-même que l'OAI n'envisageaient aucunement qu'une invalidité permanente puisse intervenir, raison pour laquelle les mesures de réinsertion avaient été poursuivies sur une période prolongée. Si le tribunal devait estimer que la survenance du risque assuré était antérieure à la date de conclusion du contrat, GMA SA demeurerait redevable de dommages-intérêts équivalant à la pleine indemnité d'assurance promise sur la base de la culpa in contrahendo. Au moment des pourparlers contractuels, l'assureur devait en effet se comporter conformément aux règles de la bonne foi, au risque d'engager sa responsabilité résultant d'une culpa in contrahendo. Ainsi, lorsqu'un assureur, informé de la survenance d'un risque, proposait néanmoins en connaissance de cause la conclusion d'une assurance correspondant à la couverture de ce risque, il se comportait de manière déloyale en suscitant la confiance de son cocontractant quant à la couverture de ce risque, qu'il savait déjà réalisé. En outre, l'interdiction de la rétroactivité des contrats d'assurance souffrait plusieurs exceptions, notamment lorsqu'un assureur, en présence d'un fait non déclaré, mais dont il aurait pu avoir connaissance en raison d'un contrat antérieur, ne s'était prévalu que tardivement de réticence ou ne s'en était pas prévalu du tout ; l'assureur ne pouvait invoquer la nullité pour sinistre déjà survenu et restait dans ce cas tenu à la prestation. Or, en l'occurrence, GMA SA avait été au courant, au moment de la conclusion du contrat, de la survenance du risque, car, en tant qu'assureur LCA et LAMal, elle était intervenue en couverture des frais de traitement essentiellement psychiatriques induits par le drame et ne s'était jamais prévalue d'une réticence et n'avait pas résilié le contrat. Le risque d'invalidité s'étant réalisé le 26 mars 2018 et sa requête en conciliation ayant été déposée le 4 juin 2019, sa créance n'était pas prescrite. Selon l'art. 1 al. 1 et 2 des CGC, le contrat d'assurance ProVista était régi exclusivement par la LCA, à l'exclusion de tout renvoi au droit public, en particulier à la LPGA et à la LAA, ainsi qu'à ses ordonnances d'exécution. Seules s'appliquaient au présent litige la LCA, la police, ainsi que les CGC et les CPPV. Aux termes de l'art. 2 (recte : art. 3 al. 2) CGC, on entendait par « accident » toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromettait la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraînait la mort. En se référant à cette seule définition, son traumatisme psychique, induit par l'assassinat de ses deux sœurs, y correspondait. Cette atteinte lui était dommageable, puisqu'elle avait nécessité un traitement médical et provoqué une incapacité de travail. L'accident avait été soudain et involontaire et s'était produit sur une courte période, soit au moment « de l'annonce du drame ». Le « facteur extérieur » était donné, dès lors que l'accident avait été provoqué par une cause externe au corps humain. Il était de surcroît extraordinaire, puisqu'il excédait « le cours ordinaire de la vie ». L’intimée avait au demeurant admis, dans son courrier du 23 novembre 2018, que ces conditions étaient remplies. Celle-ci tentait toutefois d'y ajouter une condition supplémentaire, soit celle « de la proximité immédiate avec l'évènement terrifiant », qui ressortait de la jurisprudence relative à l'art. 4 LPGA. Or, cette loi ne s'appliquait au cas d'espèce et cette condition n'était prévue ni par les CGC, ni par les CPPV, qui devaient, pour le surplus, être interprétées « contre la volonté de leur auteur », lequel devait se laisser opposer le fait de n'avoir pas limité précisément l'étendue du risque qu'il entendait prendre. Aussi, le traumatisme psychique qu'elle avait subi devait être qualifié d'accident au sens stipulé par le contrat d'assurance ProVista. Selon l'art. 6 let. a des CPPV, le capital assuré était versé si l'accident entraînait une invalidité permanente probable, ce qui, en l'occurrence, était le cas et ce que l’intimée ne contestait pas. Ainsi, en application de l'art. 6 let. b et c des CPPV, cette dernière devait lui verser une prestation de CHF 350'000.-, dès lors que le degré de son invalidité était de 100% et que celle-ci était due à ses troubles mentaux. À titre de preuve, elle proposait l'audition « des parties », ainsi que celle du représentant de l’intimée qui lui avait proposé la conclusion de l'assurance ProVista, dont l'identité devrait être fournie par cette dernière.

b. Dans sa réponse du 20 février 2020, GMA SA a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet, et à ce que l’assurée soit condamnée en tous les frais et dépens de la procédure. Le tribunal n'était matériellement compétent que pour des litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire, ce que n'était pas l'assurance ProVista. En effet, celle-ci couvrait les conséquences économiques de l'invalidité ou du décès par suite d'un accident et n'avait pas pour but d'octroyer des prestations en complément à des assurances obligatoires. En particulier, elle ne prévoyait pas de versement d'indemnité journalière ou de prise en charge de frais de guérison. Par ailleurs, les CPPV ne faisaient aucune mention de la LAA, ni des notions « accident professionnel », « accident non professionnel » et « maladie professionnelle », au sens de la LAA. Ainsi, l'assurance ProVista était une assurance dite de « capitaux », sans aucun lien de connexité avec la LAA, mais non une assurance complémentaire à l'assurance-accidents obligatoire. Subsidiairement, elle a fait valoir qu'au moment de la conclusion du contrat, il s'était écoulé plus d'un an depuis l'évènement ayant entraîné l'incapacité de travail, respectivement l'invalidité de l’assurée. En outre, cette dernière avait déjà entrepris ses démarches auprès de l'assurance-invalidité. Il était donc incontestable que le risque assuré, à savoir une invalidité par suite d'accident, était d'ores et déjà réalisé. Par ailleurs, l’assurée se méprenait gravement en prétendant que GMA SA était au courant de la réalisation du risque au moment de la conclusion du contrat, au motif qu'elle lui avait remboursé certains frais de traitements médicaux. L’assurée n'était affiliée auprès d'elle que depuis le 1er juin 2015. Il n'existait aucun contrat antérieur. GMA SA n'était en outre pas autorisée à pratiquer dans le domaine de l'assurance-maladie sociale (LAMal) et l'assurance ProVista ne prévoyait pas la prise en charge de frais de traitement médicaux. Elle n'était par ailleurs pas autorisée à consulter les données de santé de l’assurée auprès de ses autres assureurs, quand bien même ceux-ci faisaient partie du même groupe. Force était ainsi de constater que le risque existait et était connu de l’assurée avant la conclusion du contrat, si bien que celui-ci était nul de plein droit. Si, par impossible, il devait être considéré que le contrat litigieux n'était pas nul, elle développait l'argumentation suivante, à titre plus subsidiaire, quant à la prise en charge du sinistre. L’assurée prétendait que son traumatisme devait être qualifié d'accident au sens de l'art. 3 al. 2 des CGC. Cette disposition reprenait mot à mot les termes de l'art. 4 LPGA, de sorte que la jurisprudence y relative pouvait être appliquée par analogie. Selon celle-ci et la doctrine, l'évènement devait être survenu en présence immédiate de la personne assurée, ce qui n'avait pas été le cas en l'occurrence. Par conséquent, on ne pouvait admettre l'existence d'un accident au sens de l'art. 3 al. 2 des CGC. Par ailleurs, l'incapacité de travail de l’assurée avait été prise en charge par l'assurance perte de gain maladie collective de son employeur (AXA), non par une assurance-accidents. Il ressortait des certificats médicaux établis par le médecin de l’assurée, ainsi que d'un rapport médical du 20 mai 2014, que le motif des incapacités de travail de cette dernière était bel et bien la maladie. À cela s'ajoutait le fait qu'aucun assureur-accident n'avait pris en charge les frais médicaux de l’assurée. Tous ces éléments confirmaient que l'invalidité n'était pas due à un accident. Elle ne devait donc verser aucun capital à cette dernière. En tout état, elle était en droit de refuser le versement d'un capital, car le trouble dépressif dont souffrait l’assurée n'était pas compris dans les CPPV. L'art. 6 let. b ch. 6 des CPPV prévoyait en effet que les troubles psychiques ou nerveux ne donnaient droit à une indemnité que s'il était prouvé qu'ils étaient la conséquence d'une atteinte organique du système nerveux causée par l'accident. En l'occurrence, dans son rapport du 13 mai 2015 [mentionné dans le « rapport final - MR précité] », la Dresse F______ avait indiqué que l’assurée présentait une réaction à un facteur de stress important de type réaction dépressive sévère prolongée suite à la disparition et au décès de ses deux sœurs. Le trouble dépressif dont elle souffrait avait certes été déclenché par l'événement tragique du 20 février 2014. Toutefois, il n'était aucunement mentionné dans les rapports médicaux que ce trouble serait la conséquence d'une atteinte organique du système nerveux causé par un accident. Cela ne ressortait d'aucun document transmis par l’assurée. Enfin, le délai de prescription prévu par les art. 46 LCA et 38 CGC était de deux ans à compter du fait d'où naît l'obligation. En l'espèce, l’assurée avait été mise au bénéfice d'une rente d’invalidité entière dès le 1er septembres 2015. On pouvait dès lors retenir cette date comme dies a quo, conformément à la jurisprudence. L’assurée s'était toutefois adressée à elle le 29 août 2018 seulement, afin d'obtenir le paiement du capital assuré, de sorte que sa prétendue créance était en tout état déjà prescrite.

c. Une audience de débats d’instruction et de débats principaux a été tenue, à la suite de laquelle l’assurée a fait part de sa réplique. Elle contestait l’irrecevabilité soulevée. Le versement sous forme de capital découlait directement de la loi (art. 88 LCA). Le tribunal était ainsi matériellement compétent pour trancher le litige. Contrairement à ce qu'avançait GMA SA, l’invalidité, soit le risque assuré, était survenue le 26 mars 2018 au plus tôt. GMA SA continuait à facturer et à encaisser les primes de l'assurance ProVista, alors qu'elle prétendait, de mauvaise foi, que le contrat était nul. GMA SA devait se laisser imputer ce que les autres entités du groupe savaient à propos de son cas. La séparation des entités plaidée s'avérait purement fictive. Pour cette raison, cette dernière ne pouvait se prévaloir de sa prétendue ignorance des faits, alors même que le « Groupe Mutuel » avait octroyé sa couverture à son traitement, en raison, précisément, de ces faits. Par conséquent, la nullité du contrat ne pouvait être constatée. La notion d'accident ne faisait pas l'objet d'une définition précise dans la LCA. Les conditions générales la fixaient. Si l'assureur souhaitait limiter son risque, il lui incombait « de stipuler clairement une condition supplémentaire dans ces conditions générales - celle de la proximité immédiate avec l'événement - et ne saurait se raccrocher à la LPGA et à sa jurisprudence d'application pour tenter de limiter a posteriori son risque, alors qu'il plaid[ait] en même temps l'absence de tout lien avec le droit public ». Au surplus, le fait que l'assurance-maladie de son employeur était intervenue et que ses certificats médicaux faisaient état d'une maladie, était sans pertinence, la notion d'accident étant une notion juridique appliquée par le juge et non par le médecin. Il ne faisait ainsi aucun doute que les faits à l'origine de sa demande devaient être qualifiés d'accident au sens des CGC. La juxtaposition des alinéas 1 et 6 de l'art. 6 des CPPV apparaissait d'emblée ambiguë, l'assureur usant « alternativement » des notions de « troubles mentaux », « troubles psychiques » et « troubles nerveux ». Cette clause devait en tout état être interprétée contre la volonté de son auteur, auquel il appartenait de définir clairement le risque qu'il entendait prendre. En outre, l'art. 6 let. b ch. 6 des CPPV constituait clairement une clause insolite, puisque, précisant au ch. 1 que les troubles mentaux donnaient lieu à un degré d'invalidité de 100%, « l'assureur viderait cette clause de toute portée en exigeant une atteinte organique du système nerveux ». En effet, s'il s'agissait d'une atteinte à la santé physique et non psychique, l'assureur ne supporterait au final aucun risque en lien avec les troubles psychiques, puisque ceux-ci ne seraient « qu'extrêmement rarement la conséquence d'une atteinte organique du cerveau ». Cette clause était donc insolite et inopérante. Enfin, comme elle l'avait exposé en détail dans sa demande, sa prétention n'était pas prescrite.

d. Dans sa duplique du 18 juin 2020, GMA SA a elle aussi persisté dans ses conclusions. Selon le certificat d'assurance 2015 de l’assurée, celle-ci n'était pas liée à GMA SA, mais à MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA et MUTUEL ASSURANCE SA. Ces dernières, SUPRA-1846 SA et elle-même étaient des entités juridiquement distinctes. Une assurance-maladie était soumise à l'obligation légale de garder secrètes les données médicales d'un assuré, qui ne pouvaient ainsi pas être communiquées à une assurance complémentaire. Le fait que la facturation des primes de plusieurs assurances se faisait au moyen d'une seule facture n'empêchait pas que les montants y relatifs fussent par la suite repartis entre ces dernières. La comptabilité de l'assurance de base et celle de l'assurance complémentaire se faisaient séparément, aucune information sensible sur l'état de santé de l'assuré n'étant communiquée entre elles. Elle ne pouvait ainsi pas connaître l'état de santé de l’assurée, mais seulement les données figurant dans l'offre d'assurance que cette dernière avait remplie et acceptée le 4 mai 2015, ainsi que celles indiquées dans sa demande de prestations du 29 août 2018. Elle n'aurait d'ailleurs eu aucun intérêt à consulter les données relatives à l'état de santé de l’assurée au moment de la conclusion du contrat, puisque tant les CGC que les CPPV stipulaient clairement que les prestations contractuelles étaient versées uniquement pour les accidents survenus après l'entrée en vigueur du contrat d'assurance. Cela étant, encore une fois, l'assurance ProVista n'était pas une assurance complémentaire à la LAA. La jurisprudence fédérale que l’assurée citait à cet égard n'était pas pertinente. Le tribunal n'était donc pas compétent pour juger du litige. L’assurée plaidait le rattachement de l'assurance ProVista à la LAA, afin de fonder la compétence du tribunal pour connaître du litige, alors qu'elle le niait quant à l'application de la jurisprudence relative à la notion de l'accident. Les caractéristiques de l'accident, selon le droit public, étaient au demeurant également admises en droit privé. Pour le surplus, elle a repris l'argumentation exposée dans sa réponse.

e. À l’issue de l’instruction, le tribunal s’est déclaré, le 23 novembre 2020, compétent pour trancher le litige, a déclaré la demande en paiement, déposée le 8 novembre 2019 par l’assurée, recevable et a débouté cette dernière des fins de sa demande.

D. a. Par acte du 11 janvier 2021, l’assurée a fait appel de ce jugement, concluant à son annulation et à la condamnation de GMA SA au paiement de CHF 350'000.- avec intérêts à 5% l’an dès le 1er septembre 2015, sous suite de frais et dépens. Elle fait grief au tribunal d’avoir méconnu la notion d’accident de l’art. 3 al. 2 CGC. Elle soutient que le risque assuré n’était pas encore survenu lors de l’entrée en vigueur de l’assurance, contrairement à ce que le tribunal a retenu dans un obiter dictum, que l’art. 6 let. b ch. 6 CPPV constitue une clause insolite et que la créance n’est pas prescrite.

b. Le 16 février 2021, GMA a répondu à l’appel en concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens, en contestant la violation par le tribunal de l’art. 3 al. 2 CGC, en persistant à exposer que le risque était déjà survenu lors de l’entrée en vigueur du contrat et que l’art. 6 CPPV n’était pas insolite.

c. Les 11 mars et 7 avril 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

E. L’assurée a également fait valoir ses droits auprès de son assureur-accidents AXA. Par décision du 29 avril 2021, ce dernier a refusé d’allouer des prestations de l’assurance-accident à l’assurée, au motif que cette dernière n’ayant pas assisté directement à l’événement traumatisant, le lien de causalité naturel entre celui-ci et l’état psychique de l’assurée n’était pas établi. La notion d’accident ne pouvait pas être retenue. L’assurée s’est opposée à cette décision. AXA a confirmé sa décision et rejeté l’opposition, le 26 août 2021. La chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) a rejeté le recours de l’assurée (ATAS/211/2022).

 

EN DROIT

1.             Conformément à l’art. 134 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît des recours contre les décisions du Tribunal administratif de première instance relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-accidents obligatoire prévue par la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), relevant de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1).

Le recours vise un jugement du Tribunal administratif de première instance sur une question de prestations fondées sur un contrat d’assurance complémentaire à l’assurance-accident.

La compétence de la chambre de céans pour statuer dans le cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans le délai utile de trente jours compte tenu de la suspension des délais du 18 décembre au 2 janvier inclus [art. 145 al. 1 let. c et 311 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272)], suivant la forme prescrite par la loi (art. 130 et 311 al. 1 CPC), à l’encontre d’une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), et statuant sur une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à CHF 10'000.- (art. 308 al. 2 CPC), l’appel interjeté contre le jugement du tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2020 est recevable.

3.             La chambre de céans revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l’art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations d’assurance d’un montant de CHF 350'000.- avec intérêt à 5% l’an dès le 1er septembre 2015.

La recourante fait grief au tribunal d’avoir méconnu la notion d’accident contenue dans l’art. 3 al. 2 CGC, d’avoir retenu dans un obiter dictum que le sinistre était déjà survenu lors de l’entrée en vigueur du contrat d’assurance et persiste à relever que l’art. 6 CPPV est insolite. L’intimée considère pour sa part que le contrat est nul, dans la mesure où le sinistre était déjà survenu lors de l’entrée en vigueur du contrat et que le tribunal a fait une juste interprétation de la notion d’accident.

Il convient, dans un premier temps, de statuer sur la question de savoir si le contrat est nul respectivement si les prétentions de la recourante en lien avec un sinistre datant de février 2014 sont comprises dans l’assurance ProVista entrée en vigueur le 1er juin 2015.

5.             Les parties sont libres dans la détermination du contenu de leur contrat (art. 19 al. 1 CO en relation avec l'art. 100 LCA), sauf dispositions impératives de la loi (art. 97 s. LCA). En particulier, selon l'art. 9 LCA (dans sa version en vigueur au 31 décembre 2021), qui est absolument impératif en vertu de l'art. 97 al. 1 LCA, le contrat d'assurance est nul si, au moment où il a été conclu, le risque avait déjà disparu ou si le sinistre était déjà survenu. Toutefois, si un sinistre partiel est déjà survenu, il est possible d'assurer le risque afférant à l'autre partie, si la survenance de celui-ci est aléatoire (ATF 127 III 21 consid. 2b/aa; en matière de prévoyance, cf. ATF 118 V 158 consid. 5).

6.             L’art. 16 ch. 1 CGC subordonne le droit aux prestations aux accidents qui surviennent durant la couverture d’assurance. À teneur de l’art. 18 ch. 1 let. a CGC, il n’y a pas de couverture d’assurance pour les maladies, les accidents et leurs suites qui existaient déjà au moment de la conclusion du contrat ou qui ont fait l’objet de réserve.

7.             L’art. 5 al. 2 CPPV précise encore que les prestations contractuelles sont versées pour les accidents survenus après l’entrée en vigueur de l’assurance.

8.             Compte tenu du fait que l’intimée se prévaut de la nullité du contrat, au motif que le sinistre était survenu avant l’entrée en vigueur du contrat, respectivement que le cas assuré était déjà survenu lors de ladite entrée en vigueur, il convient d’en déterminer les dates pertinentes.

La recourante fonde ses prétentions en indemnisation de son invalidité sur le fait qu’elle a souffert d’une invalidité complète et durable en raison d’un accident, soit l’assassinat de ses sœurs le 20 février 2014. Ce que la recourante qualifie d’accident dans le cas d’espèce est ainsi survenu le 20 février 2014.

À teneur des art. 16 et 18 CGC et 5 CPPV, tant l’accident (qualifié comme tel par l’assurée) que ses suites (troubles dépressifs sévères reconnus dès le mois de mars 2014) étaient survenus avant l’entrée en vigueur de l’assurance ProVista le 1er juin 2015.

Les dispositions des conditions générales sont explicites et sans équivoque. Elles ne prévoient pas la nullité du contrat dans son ensemble, mais prévoient qu’aucune prestation d’invalidité pour cause d’accident ne sera due au preneur d’assurance qui a été victime d’un accident avant la conclusion du contrat.

Ces dispositions ne sont ni ambiguës ni insolites. Elles vont dans le même sens que l’art. 9 LCA qui est de droit impératif et qui prévoit la nullité d’un contrat ou d’une clause qui permettait l’indemnisation d’un sinistre d’ores et déjà survenu.

C’est ainsi à raison que l’intimée a refusé ses prestations.

9.             La recourante soutient que l’intimée ne peut pas se prévaloir de la nullité du contrat en se fondant sur l’art. 9 LCA, au motif que l’une des assurances faisant partie du même groupe connaissait l’existence du sinistre et de ses suites et avait couvert ses frais de maladie. L’intimée argue de son indépendance juridique des autres sociétés d’assurance du groupe et du fait qu’elle n’était en aucun cas autorisée à prendre connaissance d’éléments médicaux traités par d’autres assureurs et en particulier l’assureur-maladie.

9.1 Les art. 3 à 6 LCA régissent spécialement les devoirs précontractuels des parties au contrat d'assurance. En particulier, le proposant, futur assuré, doit déclarer à l'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque, soit les faits qui sont de nature à influer sur la décision de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 1 et 2 LCA). En cas de réticence, c'est-à-dire si le proposant a omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il connaissait ou devait connaître et sur lequel il a été questionné par écrit, l'assureur est en droit de résilier le contrat dans les quatre semaines dès qu'il en a eu connaissance (art. 6 al. 1 et 2 LCA). Ce devoir d'avis du proposant (art. 4 LCA), les conséquences de sa violation (art. 6 LCA) et les exceptions (art. 8 LCA) constituent une institution juridique particulière, dont la justification repose sur les caractéristiques de l'activité d'assurance (Vincent BRULHART, Droit des assurances privées, Berne 2008, n. 488). Les art. 4 à 8 LCA règlent complètement la réticence et ses conséquences, à l'exclusion des dispositions générales du CO (ATF 118 II 333 consid. d p. 341; BRULHART, loc.cit.). La violation d'autres obligations demeure soumise aux règles du CO : ainsi, l'erreur dans la désignation de l'objet assuré est régie par les règles du CO sur les vices de la volonté, et non pas par les dispositions spéciales concernant le contrat d'assurance (art. 23 ss CO; ATF 90 II 449 consid. 1 et 2).

9.2 Dans le cas d’espèce, l’intimée ne se prévaut pas de la réticence de la recourante, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir omis de l’invoquer dans le délai. Au contraire, il ressort des conditions d’assurances que les suites d’un sinistre préexistant à la conclusion de l’assurance ne sont pas couvertes par le contrat. L’intimée était ainsi en droit de refuser ses prestations en se fondant sur les conditions générales au moment où la recourante lui a adressé sa demande de paiement. Le principe de la confiance impose en toute hypothèse, d'après les règles de la bonne foi, de retenir dans le cas d’espèce que l’intimée n’allait pas s’engager à verser un capital d’invalidité dû à un sinistre préexistant. En revanche, les parties étaient libres de conclure cette assurance pour d’autres sinistres conduisant à une invalidité ou en cas de décès.

9.3 Il en va de même si l’on se réfère à l’art. 9 LCA, de droit impératif. Le risque assuré, soit en l’espèce l’invalidité, était survenu avant la conclusion du contrat, de sorte qu’il ne saurait être couvert par l’intimée. La recourante n’a pas été amenée à remplir un formulaire de santé et n’a pas spontanément exposé qu’elle était en incapacité totale de travailler à la suite d’un sinistre qu’elle qualifiait elle-même d’accident et survenu avant la conclusion du contrat. Cependant, la recourante souffrait d’un trouble dépressif sévère et d’une incapacité totale de travailler depuis le 2 mars 2014. L’assureur perte de gain maladie lui avait versé des indemnités journalières depuis lors et l’assurée a finalement été reconnue totalement invalide par l’OAI dès le mois de mars 2015, soit un an après le début de l’incapacité totale de travail durable (la rente ayant été octroyée dès le 1er septembre 2015 par l’OAI en raison du dépôt tardif de la demande de rente). En signant le contrat, la recourante ne pouvait dès lors que comprendre, à la lecture des clauses explicites des conditions générales, que les suites de ce qu’elle qualifiait d’accident et donc l’invalidité en résultant étaient exclues de la couverture d’assurance. Si l’on ne peut pas reprocher une réticence à l’assurée, l’on ne peut pas davantage reprocher une culpa in contrahendo à l’intimée. Que l’assurance-maladie du même groupe que l’intimée ait servi des prestations à la recourante en raison de la maladie dont elle souffrait depuis le sinistre de février 2014 est sans pertinence, les conditions générales excluant explicitement, comme le veut d’ailleurs l’art. 9 LCA, le versement de prestations pour un accident déjà survenu.

Le risque que la recourante voudrait voir assuré par l’intimée s’était donc déjà réalisé lors de l’entrée en vigueur du contrat, en date du 1er juin 2015, et ne saurait de ce fait être assuré.

Eu égard à ce qui précède, les prétentions de la recourante ne sont pas fondées.

10.         Par surabondance, la chambre de céans rejettera également le grief que la recourante fait au tribunal d’avoir méconnu la notion d’accident de l’art. 3 al. 2 CGC.

10.1 Les parties peuvent intégrer des conditions générales d'assurance (CGA) et des conditions particulières à leur contrat. Elles peuvent également y inclure des clauses négociées, qui le plus souvent dérogent aux conditions générales, par exemple une réserve (ou exclusion) de couverture.

10.2 Le contrat d'assurance et les conditions générales qui y ont été expressément incorporées doivent être interprétées selon les principes généraux qui gouvernent l'interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412). S'agissant de l'interprétation du risque assuré prévu dans des clauses préformulées, l'art. 33 LCA précise que l'assureur répond, sauf disposition contraire de la loi, de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclut certains événements d'une manière précise, non équivoque.

10.3 L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à établir le sens que, d'après les règles de la bonne foi, les parties pouvaient et devaient donner à leurs manifestations de volonté réciproques, qu'elles soient contenues dans le contrat lui-même ou dans des conditions générales qui en font partie intégrante. Il convient de vérifier comment le destinataire de ces manifestations de volonté pouvait les comprendre de bonne foi, en recourant à l'interprétation objective des termes figurant dans le contrat et les conditions générales. Le preneur d'assurance est couvert contre le risque tel qu'il pouvait le comprendre de bonne foi en lisant le contrat et les conditions générales. Quand l'assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (art. 33 LCA; ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413; 133 III 675 consid. 3.3 p. 682).

10.4 Selon l'art. 3 al. 2 CGC, partie intégrante du contrat liant les parties, l’accident se définit comme toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Cet article est identique à l’art. 4 LPGA.

En effet, l’art. 4 LPGA prévoit qu’est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou entraîne la mort. La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte; le caractère involontaire de l’atteinte; le facteur extérieur de l’atteinte; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur (cf. art. 4 LPGA). Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1; 122 V 230 consid. 1 et les références citées).

De jurisprudence constante en matière de LAA, la reconnaissance du caractère d’accident à un événement effroyable présuppose entre autres que l’atteinte psychique ait été causée par un événement violent qui s’est produit en présence immédiate de l’assuré. Cette condition fait défaut lorsqu’une assurée trouve dans son appartement le corps de son fils victime d’un meurtre (arrêt du Tribunal fédéral U 24/98 du 29 octobre 1999 consid. 2 et 3 in RAMA 2000 n° U 365 p. 89 ; ATF 129 V 177 consid. 2.1; cf. également l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_30/2007 du 20 septembre 2007 ayant admis le lien de causalité pour une victime d’un tsunami qui n’avait pu atteindre le rivage qu’au péril de sa vie et dans des circonstances dramatiques, de sorte qu’il a été admis que les événements tels que la victime les a vécus directement et son choc psychique constituaient un incident unique et uniforme devant être considéré comme un événement extraordinairement effrayant au sens de la jurisprudence et donc comme un accident).

Par ailleurs, les clauses des conditions générales excluent explicitement les accidents déjà survenus lors de la conclusion du contrat (cf. consid. 9 supra).

10.5 En l’occurrence, l’interprétation de l’art. 3 al. 2 CGC dont les termes sont identiques à la définition de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA conduit à retenir les mêmes conditions qu’en matière LAA. L’assureur n’a pas voulu écarter la notion d’accident reconnue en droit des assurances et a au contraire repris mots pour mots la définition de l’art. 4 LPGA. En outre, à la lecture du contrat et des conditions générales en faisant parties intégrantes, la recourante ne pouvait avoir de doute sur l’étendue de l’assurance, les accidents survenus antérieurement en étant expressément exclus.

Ainsi, l’on ne saurait interpréter le contrat et ses conclusions générales comme le voudrait désormais la recourante. Le choc psychique dont elle a été victime en apprenant l’événement tragique de février 2014 ne peut être considéré comme la conséquence d’un accident. L’immédiateté requise pour la reconnaissance d’un choc en tant qu’accident au sens juridique fait premièrement défaut et la recourante ne pouvait pas, selon le principe de la confiance, comprendre que les conséquences de son atteinte à la santé (indemnisée depuis le début par l’assurance perte de gain pour cause de maladie) puissent désormais, par la signature d’un contrat d’assurance complémentaire pour les cas d’accident, donner lieu au versement d’un capital.

Les évènements tragiques de février 2014 n’étant pas survenus en la présence de la recourante ne peuvent de ce fait pas être considérés comme un accident. Les séquelles sur la santé psychique de la recourante (trouble dépressif grave, incapacité totale de travailler) sont survenues une fois que cette dernière a été informée du tragique décès de ses sœurs. Dans ces circonstances, l’on ne peut pas conclure à l'existence d'un traumatisme psychique constitutif d'un accident. Il n’existe pas de lien de causalité naturelle et adéquate entre lesdites séquelles et un accident au sens du contrat d’assurance.

En conséquence, l’évènement qualifié d’accident par la recourante n’est au regard des conditions générales pertinentes pas couvert par l’intimée et le cas d’invalidité en résultant survenu en mars 2015 (étant précisé que c’est en raison d’un dépôt de demande tardive que la recourante n’a eu droit à une rente entière d’invalidité de l’OAI qu’à partir du 1er septembre 2015 alors que son invalidité a été reconnue dès le mois de mars 2015) ne donne pas lieu au versement de prestations d’assurances pour cause d’accident selon le contrat entrée en vigueur le 1er juin 2015.

Dans le cas contraire, l’on rappellera que la solution serait la même, dans la mesure où l’invalidité résultant d’un sinistre déjà survenu lors de la conclusion du contrat d’assurance complémentaires subséquent n’est pas couvert par ce dernier (cf. consid. 9 supra).

Eu égard à ce qui précède, la chambre de céans ne saurait se prononcer sur la prescription et sur le caractère de la clause de l’art. 6 CPPV.

11.         Le recours sera rejeté.

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 22 al. 3 let. a de la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012; LaCC -  E 1 05).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le