Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/375/2021

ATAS/619/2022 du 30.06.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/375/2021 ATAS/619/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VERNIER, représentée par CARITAS GENEVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Le 23 juillet 2019, Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1984, originaire du Kosovo, ayant exercé en dernier lieu la profession d’employée de blanchisserie à 60%, a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

b. Ont été versés au dossier, notamment :

-          le dossier de l’assureur perte de gain en cas de maladie, dont il ressortait que l’assurée avait souffert en date du 17 décembre 2018 d’une péritonite sur une dérivation ventriculo-péritonéale, ayant fait l’objet d’une prise en charge neurochirurgicale et qu'il avait été mis fin au suivi neurochirurgical le 8 juillet 2019 ;

-          un rapport rédigé en janvier 2020 par la doctoresse B______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin-traitant, attestant d'une totale incapacité de travail du 10 décembre 2019 (recte : 2018) au 4 août 2019, date à compter de laquelle l’incapacité de travail était attestée par la Consultation du centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI); le médecin a expliqué que l’assurée avait souffert durant son enfance d’une tumeur astrocytaire cérébelleuse, compliquée d’une méningite et d’une hydrocéphalie ayant nécessité la pose d’un drain ventriculo-péritonéal; en décembre 2013 et en décembre 2015, l’assurée avait été hospitalisée pour une collection abdominale douloureuse nécessitant une révision de l’extrémité péritonéale de cette dérivation; le 15 décembre 2018, elle avait à nouveau été hospitalisée en neurochirurgie pour une péritonite nécessitant l’ablation du système de dérivation, celle-ci étant repositionnée dans l’atrium; l’assurée avait quitté l’hôpital le 3 janvier 2019 et une reprise du travail était prévue mi-février 2019; cependant, le médecin-traitant avait prolongé l'arrêt de travail à la demande de sa patiente, qui se disait encore très fatiguée; le médecin l'avait revue le 19 mars 2019, trois semaines après la reprise de travail; l'assurée rapportait alors ne pouvoir assumer ses tâches en raison de la fatigue et de douleurs au niveau du trajet du drain, de sorte qu'elle l'avait remise en arrêt de travail, le temps d’obtenir un avis neurochirurgical; elle avait été examinée fin avril 2019 par un spécialiste, qui avait préconisé de la physiothérapie pour mobiliser la cicatrice, une nouvelle intervention comportant trop de risques; sous physiothérapie, l’évolution avait été favorable sur le plan de la mobilité; néanmoins, l’assurée avait continué à se plaindre de douleurs et de fatigabilité; la question d’une origine psychologique s’était alors posée, d’autant plus que l’intéressée rapportait une baisse de l’humeur, des troubles du sommeil, une irritabilité et une perte des plaisirs; elle avait alors été prise en charge à la CAPPI, le 3 août 2019; son médecin traitant l’avait revue en décembre 2019, date à laquelle avait été mise en évidence une récidive d’anémie nécessitant une perfusion; l'assurée avait alors exprimé un stress, suite à l’annonce du diagnostic de tumeur astrocytaire cérébelleuse, qu’elle ignorait jusqu’alors ;

-          un rapport du docteur C______, médecin à la CAPPI, du 17 décembre 2019, concluant à un épisode dépressif moyen, à une capacité de travail inférieure à 30% dans l’activité habituelle et de 40% en cas d’amélioration du tableau clinique dans une activité adaptée ;

-          un nouveau rapport du 27 mai 2020 du Dr C______ concluant cette fois à un état dépressif sévère, sans symptômes psychotiques, expliquant qu'en raison d'une péjoration, il y avait eu une prise en charge intensive du 7 août au 2 octobre 2019; la patiente avait alors effectué un travail autour de la compréhension et de l’acceptation du portage du drain et des avantages et risques que cela impliquait; la capacité de travail était nulle en raison d’épisodes d’angoisse, d'une irritabilité, de tensions intérieures, d’une agressivité verbale, voire physique, d'une fatigue, de douleurs au thorax, d'un sentiment d’étouffement et de maux de tête.

c. Le dossier de l'assurée a été soumis au Service médical régional (SMR) qui, le 22 juin 2020, a indiqué ne pouvoir suivre les conclusions du Dr C______ : il s'étonnait de l’évolution défavorable de l’état dépressif, malgré la prise en charge à la CAPPI; les limitations fonctionnelles retenues dans le dernier rapport médical, ne semblaient pas correspondre à un état dépressif sévère; qui plus est, le traitement n'avait pas été modifié et aucun contrôle d’observance n’avait été pratiqué. Dans ces conditions, une expertise psychiatrique était préconisée.

d. Il a dès lors été fait appel au bureau d’expertises D______, plus particulièrement aux doctoresses E______, spécialiste FMH en médecine interne, et F______, spécialiste FMH en psychiatrie, lesquelles ont rendu leur rapport en date du 15 octobre 2020, au terme duquel elles ont retenu une pleine capacité de travail, dans toute activité, et ce, depuis le 1er mars 2019. Aucun diagnostic invalidant n'a été retenu, ni sur le plan somatique, ni sur le plan psychique.

e. Le 27 octobre 2020, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de lui nier le droit à toute prestation.

f. Le 10 novembre 2020, le docteur G______, de la CAPPI, a adressé à l’OAI un rapport expliquant que l’assurée était suivie pour un épisode dépressif majeur depuis août 2019 et que, depuis quelques semaines, elle présentait une péjoration de son état, avec une anxiété plus présente, centrée sur sa maladie somatique, la mort et l’inutilité. La symptomatologie consistait en un ralentissement psychomoteur, une thymie basse et une irritabilité, des idées noires et des idées de mort passives fluctuantes. Toutefois, le sentiment d’incurabilité était moins présent et la patiente cherchait à devenir plus autonome, afin de soulager son mari qui gérait la plupart des tâches administratives. La patiente avait été diligente, malgré le peu d’évolution thymique. Elle prenait régulièrement son traitement.

g. Dans un avis du 16 décembre 2020, le SMR a constaté que le traitement médicamenteux n’avait pas été modifié, pas plus que le suivi psycho-infirmier. Se référant aux éléments décrits dans l’expertise, le SMR a constaté que le status psychiatrique était identique, avec une assurée présentant un vécu persécutoire et des plaintes psychiatriques essentiellement basées sur des atteintes somatiques réelles, mais retenues comme non incapacitantes et qui, objectivement, ne présentaient pas de caractère de gravité. L’experte psychiatre avait conclu à une assurée à la limite de la personnalité histrionique, amplifiant les limitations qu’elle avait certainement présentées dans un premier temps, tout de suite après avoir appris le diagnostic de tumeur pendant l’enfance. Le SMR considérait que le Dr G______ faisait une évaluation différente d'un même état de fait.

h. Par décision du 16 décembre 2020, l’OAI a nié à l'assurée le droit à toute prestation.

L'OAI a considéré que la totale incapacité de travail à compter du 10 décembre 2018 n'avait duré que jusqu'à fin février 2019, soit moins d’une année.

Cette décision a été notifiée en date du 21 décembre 2020 à l'assurée.

B. a. Par écriture du 1er février 2021, celle-ci a interjeté recours auprès de la Cour de céans en contestant avoir recouvré sa capacité de travail le 1er mars 2019.

b. Constatant que le recours était a priori tardif, la Cour de céans a sollicité des explications de la part de l’assurée, qui lui a transmis le courrier (en tous points similaire à son recours) qu’elle avait adressé à l’OAI le 15 janvier 2021 et auquel ce dernier avait répondu en date du 20 janvier 2021 qu’il n’était pas compétent pour traiter son opposition.

c. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 1er mars 2021, a conclu au rejet du recours.

Il rappelle que l'assurée a fait l'objet d'une expertise - dont il estime qu'elle doit se voir reconnaître pleine valeur probante - qui a conclu à une pleine capacité de travail dès mars 2019. Les médecins traitants de la recourante n’ont pas fait état d’éléments objectivement vérifiables permettant de mettre en cause les conclusions des experts.

d. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 10 juin 2021, lors de laquelle la recourante a allégué avoir discuté de l'expertise avec son médecin-traitant. Il lui a été expliqué que si elle entendait en contester les conclusions, il lui fallait apporter des éléments médicaux concrets. Un délai pour ce faire lui a été octroyé, qui a été prolongé à sa demande à deux reprises.

e. Finalement, en date du 4 octobre 2021, la recourante a produit une attestation émise le 16 septembre 2021 par les docteurs G______ et H______, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Il y est attesté que l’assurée est suivie par la CAPPI de la Servette pour un trouble étiqueté « autres réactions à un facteur de stress sévère, avec attaque de panique, en rémission partielle » (F43.8).

f. Après avoir soumis ce document au SMR, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

g. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Le recours, interjeté le 15 janvier 2021, soit dans la forme et en temps utile, mais auprès d'une autorité incompétente – l'OAI –, qui aurait dès lors dû le transmettre à la Cour de céans comme objet de sa compétence, doit être déclaré recevable, ce que l'intimé ne conteste au demeurant pas.

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l'assurance-invalidité, plus particulièrement sur la question de sa capacité de travail au-delà de février 2019.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

7.              

7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

7.2 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

7.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable et ce, même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

7.4 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

9.             Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

10.          

10.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

10.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

10.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

11.         En l'espèce, l'intimé se fonde, pour conclure à une pleine capacité de travail à compter du 1er mars 2019, sur l'expertise du D______, dont il convient dès lors d'examiner la valeur probante, dans la mesure où la recourante soutient pour sa part n'avoir pas recouvré sa capacité de travail à la date indiquée.

On relèvera que seule les conclusions de l'experte psychiatre sont contestée, ni la recourante, ni ses médecins n'alléguant que sa capacité de travail serait entravée pour des atteintes somatiques dont tous les documents versés au dossier corroborent qu'elles n'ont plus exercé d'influence sur l'aptitude au travail de l'intéressée depuis le début de l'année 2019.

L'expertise, sur le plan somatique, relève, s’agissant de la fatigue alléguée par l’assurée, qu’un bilan biologique n'a montré aucune perturbation des fonctions thyroïdienne, hépatique ou rénale. La formule sanguine était alignée. Il n’y avait en particulier pas d’anémie, bien que les réserves en fer soient un peu faibles, ce qui pouvait expliquer une fatigabilité pouvant se corriger rapidement après des perfusions de fer. Il a été relevé que le médecin traitant avait envisagé une reprise de l’activité professionnelle trois semaines après la réfection du drain et ne justifiait pas la durée de l’incapacité au-delà de cette date par un diagnostic somatique. La neurochirurgienne ne voyait pas non plus de difficultés en lien avec cette dérivation ventriculo-atriale.

Sur le plan psychique, la Dresse F______ a établi une expertise qui contient tous les éléments nécessaires selon la jurisprudence, puisqu’elle repose sur l’étude du dossier, une anamnèse détaillée et un examen clinique. Les plaintes de l'assurée ont été prises en considération et les conclusions motivées. De plus, l'experte a analysé la situation à l’aune des indicateurs dégagés par la jurisprudence et rappelés ci-dessus.

L'experte a constaté que l'assurée ne présentait pas de signes cliniques en faveur d’une maladie psychiatrique invalidante. L’état dépressif, d’intensité moyenne, répondait favorablement au traitement prescrit. Aucun diagnostic invalidant n’a donc été retenu du point de vue psychique non plus. Seule a été mentionnée une personnalité histrionique, sans influence sur la capacité de travail.

Au nombre des ressources disponibles, ont été mentionnés la cellule familiale - en particulier le mari de l'intéressée -, le soutien de compatriotes, le fait que l'assurée dispose d’un bon bagage intellectuel. Il a été relevé que l'assurée continuait de s’occuper de sa famille et, de ses voisins et amis sans difficultés.

S’agissant du contrôle de la cohérence, quelques divergences ont été notées sur le plan somatique. En particulier, l’assurée s'était plainte d’être très gênée au niveau cervical, alors même qu'elle avait conservé une position de tête tournée à droite vers l’interprète durant tout l’entretien. Ses plaintes somatiques étaient très nombreuses dans tous les systèmes organiques, mais éparses et ne renvoyant à aucun tableau clinique précis. Il n’y avait pas de prise en charge pour les plaintes en question, ni de traitement antalgique ou symptomatique en réserve. Qui plus est, le fait de rencontrer quotidiennement les Albanaises du quartier, soit en leur rendant visite, soit en leur téléphonant, ne parlait pas pour un retrait social ou une atteinte à la santé interférant avec la vie quotidienne. Les restrictions alléguées dans la conduite du ménage ont semblé aux expertes accentuées. Le comportement de la personne assurée, ses peurs, ses pleurs et sa description de son quotidien n’étaient pas cohérents avec ses visites entre voisines et le fait qu’elle puisse s’occuper de son foyer et de ses enfants. Pour le surplus, il a été noté que le taux sanguin des médicaments psychotropes était indétectable.

On comprend qu'à l'aune de ces indicateurs, l'experte a conclu à l'absence d'atteinte psychique invalidante, étant rappelé qu'en principe, selon la jurisprudence, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant.

L'attestation établie en 2021 par les Drs G______ et H______ de la CAPPI, ne permet pas de s'écarter des conclusions de l'expertise. On relèvera d'abord que le Dr G______, après avoir conclu dans un premier temps à un épisode dépressif moyen, puis grave (malgré une prise en charge intensive), n'a plus retenu ensuite que le diagnostic d'« autres réactions à un facteur de stress sévère, avec attaque de panique, en rémission partielle » (F43.8), avant de revenir, sans autres explications, à un épisode dépressif majeur et ce, alors même que ce diagnostic avait été expressément écarté dans une attestation précédente.

On notera également que les médecins de la recourante ne se sont pas prononcés, contrairement à l'experte, sur les différents indicateurs posés par la jurisprudence et qu'il a été affirmé à plusieurs reprises que la patiente était "compliante", sans avoir procédé à des tests sanguins, alors que ceux effectués lors de l'expertise ont démontré le contraire. Or, il apparaît à la lecture du rapport de la Dresse F______ que l'assurée dispose - fort heureusement - de ressources internes (ce qui est démontré par le fait qu’elle a pu effectuer une formation professionnelle, émigrer, reprendre une activité professionnelle en Suisse, élever ses enfants) et externes (elle est soutenue par sa famille et ses amis), qu'elle a été suivie une fois par mois seulement, ce qui va à l’encontre d’une pathologie sévère, que le dosage sanguin des médicaments en septembre 2020 est revenu négatif, démontrant une non-utilisation, que les activités quotidiennes sont conservées, puisque l’assurée s’occupe du ménage, fait les courses, les repas, la lessive, etc., qu'elle n’est pas isolée socialement, qu'elle voit régulièrement des amis de sa communauté et que ses activités ne sont ainsi pas en cohérence avec les plaintes subjectives annoncées.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c'est par conséquent à juste titre que l'intimé, se fondant sur les conclusions de l'expertise bidisciplinaire, a conclu à une pleine capacité de travail à compter de mars 2019 et nié à l'assurée le droit aux prestations de l'assurance-invalidité.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté et la recourante condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le