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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3660/2021

ATAS/545/2022 du 16.06.2022 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3660/2021 ATAS/545/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 juin 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, représentée par Monsieur B______

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A.            Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1943, a déposé une demande d’allocation pour impotent AVS, datée du 6 novembre 2020, par l’intermédiaire de son représentant, soit son époux, Monsieur B______ (ci-après : le représentant).

B. a. Par décision du 17 février 2021, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) a prononcé une allocation pour impotence AVS grave, dès le 1er novembre 2018. Il était précisé que la demande était tardive au sens de l’art. 46 al. 2 LAVS et que le début du versement de l’allocation aurait lieu le 1er novembre 2019. Ladite décision a été communiquée à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée), demandant à cette dernière de préparer le calcul de la prestation et de notifier la décision à l’assurée.

b. Par décision du 23 février 2021 adressée à l’assurée, la caisse l’a informée de son droit à une allocation pour impotence grave, ainsi que du montant des prestations mensuelles, précisant que ces dernières seraient versées à partir du 1er novembre 2019.

c. Par pli du 9 mars 2021, le représentant de l’assurée a formé opposition contre la décision du 23 février 2021 en raison de la date du versement, invoquant qu’il n’avait appris l’existence d’une allocation pour impotent qu’au mois d’octobre 2020 et concluant à ce que le début du versement de la rente soit réexaminé en raison du fait que l’assurée ignorait son droit aux prestations.

d. Par décision sur opposition du 30 septembre 2021, la caisse a rejeté l’opposition du 9 mars 2021 et confirmé la décision du 23 février 2021, au motif que la demande d’allocation ayant été déposée le 16 novembre 2020 était tardive, dès lors qu’il était établi que le besoin d’aide importante d’autrui, pour accomplir tous les actes ordinaires de la vie, avait débuté en novembre 2017 et que le droit à l’allocation pour impotence grave n’était né qu’après un délai d’attente d’une année, soit le 1er novembre 2018. Conformément à l’art. 46 al. 2 LAVS, l’allocation ne pouvait être versée que pour les douze mois précédant le dépôt de la demande, soit à partir du 1er novembre 2019.

C. a. Par acte interjeté par son représentant et posté le 26 octobre 2021, l’assurée a recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 30 septembre 2021. Le représentant a exposé les problèmes de santé qu’il avait connus, ainsi que l’assurée, et a conclu, implicitement, à l’annulation de la décision querellée en invoquant l’art. 48 let. a LAI, selon lequel il ne pouvait pas connaître les faits ayant établi son droit aux prestations et l’art. 48 let. b LAI, selon lequel il avait fait valoir son droit dans un délai de douze mois, à compter de la date à laquelle il avait eu connaissance de ces faits.

b. Par réponse du 30 novembre 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours. Après avoir résumé les faits, la caisse a cité la jurisprudence selon laquelle il appartenait à chaque assuré de s’informer sur ses droits et d’entreprendre spontanément les démarches nécessaires pour les faire valoir, l’ignorance du droit à une allocation pour impotent n’étant pas un motif justifiant le versement des prestations pour une période antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la demande. L’intimée ajoutait qu’il n’y avait aucun élément dans les circonstances difficiles que l’assurée et son époux avait connues depuis 2015, qui permettait de déduire que la recourante avait été empêchée de déposer une demande de prestations en temps utile.

c. Par réplique de son représentant, datée du 31 décembre 2021, la recourante a déploré l’application du principe selon lequel nul n’était censé ignorer la loi alors que ni son représentant, ni elle-même, n’étaient juristes, et a regretté de n’avoir pas été informée, en temps utile, de la possibilité de demander une allocation pour impotence grave, par le personnel médical des établissements hospitaliers, notamment celui de C______.

d. Par duplique du 28 janvier 2022, la caisse a maintenu ses conclusions.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA qui est applicable au cas d’espèce.

4.             Le litige porte uniquement sur la date de départ du versement de l’allocation pour impotence grave, singulièrement sur la question d’une éventuelle restitution du délai à la recourante.

 

 

5.              

5.1 L'art. 46 LAVS prévoit que le droit aux « rentes et allocations pour impotent non touché » est réglé à l’art. 24 al. 1 LPGA, mais que si l’assuré fait valoir son droit à une allocation pour impotent plus de douze mois après la naissance du droit, l’allocation ne lui est versée, en dérogation à l’art. 24 al. 1 LPGA, que pour les douze mois qui ont précédé sa demande. Des arriérés sont alloués pour des périodes plus longues si l’assuré ne pouvait pas connaître les faits ayant établi son droit aux prestations et s’il présente sa demande dans un délai de douze mois à compter du moment où il en a eu connaissance.

5.2 Selon la jurisprudence, cette disposition s’applique lorsque l’assuré ne savait pas ou ne pouvait pas savoir qu’il était atteint, en raison d’une atteinte à sa santé physique ou mentale, d’une diminution de la capacité de gain dans une mesure propre à lui ouvrir droit à des prestations. Cette disposition ne concerne en revanche pas les cas où l’assuré connaissait ces faits, mais ignorait qu’ils donnent droit à une rente de l’assurance-invalidité (ATF 102 V 113 consid. 1a). Autrement dit, « les faits ouvrant droit à des prestations (que) l’assuré ne pouvait connaître » sont ceux qui n’étaient objectivement pas reconnaissables, mais non ceux dont l’assuré ne pouvait subjectivement pas saisir la portée (ATF 100 V 119 consid. 2c ; RCC 1984 pp. 420 ss, consid. 1).

5.3 De plus, une restitution du délai doit également être accordée si l’assuré a été incapable d’agir pour une cause de force majeure – par exemple en raison d’une maladie psychique entraînant une incapacité de discernement (ATF 108 V 228 consid. 4 ; ATFA non publié du 16 mars 2000, I 149/99) – et qu’il présente une demande de prestations dans un délai raisonnable après la cessation de l’empêchement. Mais encore faut-il, ici aussi, qu’il s’agisse d’une impossibilité objective, s’étendant sur la période au cours de laquelle l’assuré se serait vraisemblablement annoncé à l’assurance-invalidité s’il l’avait pu, et non d’une difficulté ou d’un motif subjectif, comme celui d’ignorer son droit ou de mal concevoir ses intérêts (ATF 102 V 115 consid. 2a ; RCC 1984, pp. 420 ss, consid. 1 ; ATFA non publié du 17 octobre 2002, I 337/02). L'art. 41 LPGA prévoit la restitution de délai si l'assuré agit dans les trente jours dès la cessation de l'empêchement en déposant une demande motivée de restitution de délai.

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.             En l’espèce, la recourante invoque son ignorance du droit à une allocation pour impotence grave et le fait qu’elle n’en ait pas été informée par le personnel hospitalier pour demander que l’allocation lui soit versée antérieurement au 1er novembre 2019.

L’intimée, quant à elle, invoque les dispositions légales prévoyant qu’en cas de demande tardive, l’allocation ne peut être versée que dans les douze mois précédant le dépôt de la demande, ajoutant que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’ignorance de la loi n’est pas un motif permettant d’obtenir la restitution d’un délai.

7.1 À teneur de l’art. 46 LAVS relatif à la « réclamation de rente et allocations pour impotent non touché », l’al. 2 prévoit que si l’assuré fait valoir son droit à une allocation pour impotent plus de douze mois après la naissance du droit, l’allocation ne lui est versée que pour les douze mois qui ont précédé sa demande et ceci en dérogation à l’art. 24 al. 1 LPGA, qui prévoit que le droit à des prestations s’éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel la prestation était due.

Selon les faits exposés dans les pièces du dossier et non contestés par la recourante, cette dernière est obligée de demander l’aide d’autrui pour les actes ordinaires de la vie depuis l’année 2017. Le début de l’impotence grave a été fixé par l’OAI au 1er novembre 2017, ce qui n’a pas été contesté.

Le droit à la rente est donc né le 1er novembre 2018, en application de l’art. 43 bis al. 2 LAVS qui prévoit que le droit à l’allocation pour impotent prend naissance le premier jour du mois au cours duquel toutes les conditions de ce droit sont réalisées, mais au plus tôt lorsque l’assuré a présenté une impotence grave, moyenne ou faible, durant un an, au moins, sans interruption.

La demande d’allocation AVS pour impotent, déposée par le représentant de la recourante, est datée du mois de novembre 2020, ce qui implique que l’allocation ne peut lui être versée que pour les douze mois qui ont précédé sa demande, soit dès le premier jour du mois de novembre 2019. En effet, le droit à l’allocation est né le 1er novembre 2018 mais la demande d’allocation a été déposée vingt-quatre mois plus tard, ce qui est tardif, et entraîne l’application de la règle selon laquelle le versement ne peut être effectué que pour les douze mois précédant la demande.

La décision prise par la caisse de faire débuter le versement de l’allocation le 1er novembre 2019 ne prête pas le flanc à la critique.

7.2 Le représentant de la recourante fait valoir comme motif de justification que lui-même et la recourante ignoraient le droit à une allocation d’impotence, ce qu’ils n’ont appris qu’au cours du mois d’octobre 2020. Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral qui lie la chambre de céans, l’ignorance d’un droit n’est pas un motif justificatif permettant d’obtenir la restitution d’un délai.

Les circonstances difficiles sont décrites par le représentant de la recourante, qui explique qu’en 2015, son épouse et lui-même ont reçu la résiliation du bail à loyer de l’appartement qu’ils occupaient depuis quarante ans, ce qui les a perturbés, de même que la santé de son épouse déjà chancelante à cette époque, ce qui s’est encore compliqué par l’entrée du représentant à la clinique D______, au début de l’année 2016, pour une simple opération lors de laquelle sont apparues des complications pulmonaires ayant failli coûter la vie au représentant, qui est resté hospitalisé plus de quatre mois.

Cette période, que le représentant de la recourante a décrite comme étant très dure, a abouti en mars 2018 à l’obligation de déménager de l’appartement dans lequel le couple vivait depuis quarante ans. Le représentant de la recourante ajoute avoir tout fait pour aider son épouse, tout en assumant le ménage, les courses et les repas en dépit de sa santé chancelante et de son âge approchant 80 ans.

La chambre de céans ne peut qu’exprimer son empathie à l’égard de la recourante et de son représentant pour les circonstances difficiles traversées entre 2015 et 2018. Cependant, d’un point de vue purement juridique, aucun élément ne permet de justifier une éventuelle restitution du délai permettant de percevoir l’allocation pour impotence grave avant le mois de novembre 2019.

7.3 Quant au fait que le personnel social et hospitalier n’ait pas informé plus tôt le couple d’un éventuel droit à une allocation d’impotence grave, cet argument n’est d’aucun secours. L'art. 27 LPGA prévoit un devoir d'information générale de l'assurance – et non pas du personnel des établissements hospitaliers - ainsi qu'un devoir de conseil dans les cas particuliers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 2.2). S'agissant du devoir d'information générale, il ne peut toutefois pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire et un assuré ne peut en tirer de prétentions en justice (Kurt PÄRLI/Lea MOHLER in Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 8 ad art. 27 LPGA). Quant au devoir de conseil dans les cas particuliers, il ne suppose pas de demande correspondante de l'intéressé, mais doit donner lieu à une information dès que l'assureur constate un tel besoin (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 28 ad art. 27 LPGA). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1). Or, en l'espèce, il n'apparaît pas que le couple aurait sollicité des conseils sur le dépôt d’une demande d’allocation pour impotence grave, ni que l’assurance pouvait déceler un besoin particulier de conseil dans ce domaine.

8.             Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

9.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le