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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3119/2021

ATAS/502/2022 du 02.06.2022 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3119/2021 ATAS/502/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 2 juin 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______1988, est associé gérant de l’entreprise B______ (ci-après : l’employeur), société ayant pour but des travaux dans le bâtiment, notamment dans le domaine du second œuvre. Au bénéfice d’un contrat de travail avec cette société depuis le 1er juillet 2020, pour une activité à plein temps, l’assuré est assuré auprès de la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : l’assureur ou l’intimée) pour les accidents professionnels et non professionnels.

b. Selon une déclaration de sinistre établie le 27 août 2020 par l’employeur, l’assuré a été victime d’un accident de circulation lors d’un déplacement professionnel effectué le 24 août 2020. Selon le rapport de police annexé, daté du 26 août 2020, il circulait à vélo sur une piste cyclable lorsqu’une automobiliste, qui s’était portée à sa hauteur, est entrée en collision avec lui au moment d’obliquer à droite pour s’engager dans une rue perpendiculaire. Grièvement blessé suite à la chute entraînée par le choc survenu sur son côté gauche, l’assuré avait été conduit en ambulance à l’hôpital de La Tour et présentait une fracture du coude droit, des contusions et dermabrasions à la jambe gauche et au poignet droit.

c. L’assureur a pris en charge les suites du cas dans un premier temps en allouant des indemnités journalières et en prenant en charge le traitement médical des lésions résultant, selon lui, de l’accident.

d. Dans un rapport du 25 août 2020, la doctoresse C______, spécialiste FMH en radiologie, a relaté les résultats d’une radiographie du poignet et du coude droits de l’assuré, effectuée le 24 août 2020. Au poignet droit, elle ne notait pas de fracture ni d’arrachement visualisé. Les rapports articulaires étaient conservés. Le coude droit se caractérisait par la présence d’un épanchement intra-articulaire évoquant la présence d’une fracture. Sur le cliché de face, il existait une petite irrégularité de la tête radiale, évoquant une probable fracture non déplacée qui serait à corréler aux radiographies post-immobilisation.

e. Dans un rapport du 3 septembre 2020, la doctoresse D______, spécialiste FMH en radiologie, a indiqué qu’une radiographie du coude droit effectuée le même jour permettait de retrouver un épanchement articulaire du coude droit « grossièrement inchangé ». Aussi suspectait-elle une fracture de la tête radiale avec irrégularité de sa surface articulaire, sans déplacement secondaire par rapport à l’examen antérieur.

f. Le 28 septembre 2020, la doctoresse E______, spécialiste FMH en radiologie, a rendu un rapport IRM du massif facial, concluant à la mise en évidence, le 24 septembre 2020, d’un minime rehaussement en regard de la papille du nerf optique gauche, vraisemblablement séquellaire à « la » thrombose veineuse. Pour le surplus, il n’y avait pas d’anomalie identifiée.

g. Dans un rapport du 6 octobre 2020, la doctoresse F______, médecin interne auprès de l’hôpital de La Tour, a indiqué à l’attention de l’assureur qu’au moment de se faire couper la route par une voiture, l’assuré avait « planté les freins ». Ce faisant, il était passé par-dessus son vélo et s’était réceptionné sur les avant-bras. Il n’existait pas de circonstances pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison. Retenant le diagnostic de fracture du coude droit, la Dresse F______ a précisé qu’elle avait prescrit le port d’une attelle au coude droit pour une durée de dix jours. L’incapacité de travail était totale du 24 août au 3 septembre 2020.

h. Le 9 octobre 2020, les docteurs G______ et H______, respectivement médecin adjointe et médecin interne auprès du service d’ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), ont mentionné qu’ils avaient reçu l’assuré le 25 septembre 2020 pour une consultation de glaucome suite à une vision floue centrale consécutive à l’accident de vélo du 24 août 2020, sans trauma crânien selon le patient. L’œil gauche présentait notamment un œdème papillaire persistant, une « macula ARF » ainsi que des vaisseaux tortueux et dilatés. Sous « impression/attitude », ils ont fait état d’une légère péjoration pour « kystes IR » maculaires à l’œil gauche, d’une absence d’argument pour un glaucome et ont conclu que des injections intra-vitréennes étaient indiquées.

i. Dans un rapport du 15 octobre 2020, le professeur I______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmochirurgie, a posé le diagnostic d’occlusion de la veine centrale de la rétine de l’œil gauche en précisant qu’il avait pratiqué, la veille, une intervention à l’œil gauche (injection intra-vitréenne d’Eylea au moyen d’une seringue, sous anesthésie).

j. Le 27 octobre 2020, lors d’un entretien téléphonique avec l’assuré, l’assureur a noté, concernant l’œil gauche, que l’assuré suivait un traitement par injections (à raison d’une par mois) qui avait contribué à une légère amélioration, même s’il y avait encore une tache qui obstruait sa vision centrale. Il avait également de forts vertiges dont la cause exacte n’avait pas encore été détectée. Il s’était senti très mal une fois en prenant l’ascenseur.

k. Le 28 octobre 2020, le docteur J______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant de l’assuré, a adressé un rapport à l’assureur dans lequel il retenait les diagnostics de contusion frontale gauche (crânienne) avec probable « TCC » [traumatisme crânio-cérébral], thrombose de la veine centrale de la rétine gauche traumatique, fracture de la tête radiale droite et contusions thoraciques, de la hanche gauche et de la cuisse gauche. Il avait été « sonné » au moment de l’accident et des troubles visuels à l’œil gauche s’étaient fait sentir immédiatement après. L’évolution des troubles diagnostiqués était favorable hormis pour la thrombose de la veine centrale de la rétine gauche. On notait en effet la « persistance de ce [illisible] maculaire humide entrainant une baisse importante de l’acuité visuelle ». La persistance de troubles visuels à l’œil gauche était possible.

l. Interrogé par l’assureur sur le point de savoir si l’intervention à l’œil gauche pratiquée le 14 octobre 2020 par le Prof. I______ faisait partie du traitement des lésions découlant de l’accident, le docteur K______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmochirurgie et médecin conseil de l’assureur, a répondu le 27 novembre 2020 qu’il paraissait peu probable que la chute à vélo du 24 août 2020, qui était survenue sans blessures « plus importantes » ni traumatisme oculaire direct, ait pu provoquer une occlusion veineuse de l’œil gauche. Celle-ci était plutôt due à un événement maladif.

B. a. Par décision du 14 décembre 2020, l’assureur a refusé de prendre en charge le traitement oculaire de l’assuré, motif pris que le lien de causalité entre ce dernier et l’événement du 24 août 2020 n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

b. Dans un rapport intermédiaire du 10 décembre 2020, le Dr J______ a évoqué des diagnostics inchangés depuis son précédent rapport (du 28 octobre 2020). L’évolution était lente avec persistance de symptômes commotionnels. La thrombose de la veine centrale de la rétine gauche, qui était clairement en rapport avec l’accident, s’améliorait grâce au traitement intra-oculaire suivi.

c. Le 7 janvier 2021, l’assuré a été entendu dans les locaux de l’assureur et a déclaré que lors de l’accident, tout son « côté gauche » avait été touché par la voiture. Il avait ensuite été projeté par-dessus le capot et s’était réceptionné sur ses deux avant-bras, 2m environ devant la voiture. Ses lunettes de soleil avaient été projetées quelques mètres plus loin. Comme il n’était pas casqué, il se souvenait avoir eu le réflexe de se protéger la tête en mettant ses deux avant-bras en avant. Par la suite, il avait eu « un trou noir » mais ne savait pas combien de minutes celui-ci avait duré. Il s’était réveillé avec plein de monde autour de lui. Il ne s’était pas cogné la tête au sol. Ses mains, dont les poings étaient fermés, avaient évité le choc au sol. Il s’était également réceptionné sur les deux genoux (au vu des égratignures sur ses genoux, constatées par la suite). Après quelques minutes, il avait tenté de se relever. Il était étourdi, avait des saignements au niveau des mains, des genoux et de la cheville gauche. Il ne parvenait plus à bouger son coude droit (en raison du choc au sol) et avait mal à toute sa jambe gauche (en raison du heurt avec la voiture). Le vélo se trouvait en dessous de la voiture.

Au niveau de la tête, un examen ORL effectué le 10 novembre 2020 par
le docteur L______, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie (dont le rapport serait transmis prochainement) avait révélé certains troubles qui expliquaient sa grosse fatigue et d’autres problèmes (perte de mémoire, sensibilité a bruit et à la lumière, etc.). Au niveau de l’œil gauche, sa vision était encore un peu trouble mais en voie d’amélioration et sans comparaison avec ce qu’elle était après l’accident, où il avait le sentiment d’avoir complètement perdu la vue. Il s’était déjà soumis à 3 injections intra-vitréennes, ajoutant qu’il lui en faudrait entre 7 et 8 en tout. Il était toujours en arrêt de travail à 100%, sans qu’une reprise fût envisageable pour le moment.

d. Dans un rapport intermédiaire du 21 janvier 2021 le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a posé les diagnostics de fracture de la tête radiale droite, TCC, thrombose traumatique de la veine rétinienne gauche et de contusions thoraciques, de la hanche et de la cuisse gauches.

e. Le 28 janvier 2021, l’assuré, représenté par un avocat, a formé opposition à
la décision du 14 décembre 2020 en soutenant que contrairement à l’avis du
Dr K______, l’accident du 24 août 2020 lui avait causé d’importantes blessures, notamment à la tête.

Pour corroborer cela, il a annexé notamment à son envoi un rapport du Dr L______, établi le 10 novembre 2020, « pour réévaluation de vertiges ». Selon ce médecin, l’assuré avait subi, le 24 août 2020, une chute-collision à vélo, sans TCC, avec fracture du coude et œdème maculaire sur occlusion veineuse. Une dizaine de jours plus tard, l’assuré avait ressenti une sensation de tangage, des vertiges accompagnés d’une impression d’être emporté. S’y ajoutaient des nausées et un effet « bizarre, difficile à décrire, pression derrière les oreilles ». La gêne était particulièrement marquée dans les ascenseurs rapides. Dans la discussion consécutive du cas, ce spécialiste a indiqué que l’assuré présentait les signes d’un déficit vestibulaire périphérique à droite. Il s’agissait probablement des manifestations d’une commotion labyrinthique encore mal compensée.

f. Par avis du 12 février 2021, le Dr K______ a estimé qu’on ne disposait pour l’instant d’aucun élément prouvant une relation de causalité des troubles ophtalmologiques avec l’accident. Pour pouvoir établir une appréciation plus fiable, il était nécessaire de demander les rapports de toutes les consultations ophtalmiques, surtout depuis l’accident.

g. Dans un rapport du 5 mars 2021, le Dr K______ a constaté qu’il n’y avait toujours pas, au dossier, d’élément médical, en particulier ophtalmologique, qui donnerait de plus amples informations telles qu’il en avait requis le 12 février 2021. En effectuant des recherches dans la littérature scientifique pour trouver des cas similaires, il était tombé sur une seule référence (KLINE, KIRKHAM, BELANGER, REMILLARD, Traumatic central retinal vein occlusion, in Annals of ophtalmology, 1978 ; 10(5) : 587-91). Les auteurs de cette étude disaient qu’une thrombose de la veine centrale suite à un traumatisme crânien était très rare et que le phénomène avait été observé chez trois patients qui présentaient une anomalie du système veineux préexistante, laquelle avait pu former un « point faible » qui, à la faveur d’un événement accidentel, avait pu déclencher une thrombose. Dans le cas particulier, il apparaissait donc utile de rechercher s’il existait, chez l’assuré, un « point faible » pour le développement d’une thrombose consécutive à l’accident qu’il avait subi. Le rapport IRM du massif facial du 24 septembre 2020 ne donnait pas d’éléments à ce sujet. Aussi, des examens angiologiques plus spécifiques étaient probablement nécessaires en vue d’une clarification.

En conclusion, le Dr K______ a proposé à l’assureur de chercher encore à rassembler des documents – surtout ophtalmologiques – de consultations ayant eu lieu à une date proche de l’accident et, si cela n’avait pas déjà été fait, de demander aux médecins traitants d’évaluer l’éventuelle présence d’une anomalie vasculaire telle que décrite dans l’article précité. À noter qu’une thrombose chez une personne de l’âge de l’assuré, en bonne santé habituelle, n’était pas courante non plus. D’autres pathologies, en particulier hématologiques, étaient à évaluer.

h. Le 8 mars 2021, l’assureur a écrit au Dr J______ pour l’informer que le Dr K______ demandait que l’on évalue la présence éventuelle d’une anomalie vasculaire comme décrite dans l’article cité dans l’appréciation du 5 mars 2021.

i. Le 11 mars 2021, l’assureur a reçu un rapport du 1er mars 2021, cosigné
par le professeur N______ et le docteur O______, respectivement spécialiste FMH en ophtalmologie et médecin assistant en ophtalmologie, relatif à une consultation remontant au 5 octobre 2020. Selon ces médecins, l’assuré avait subi un accident qui lui avait laissé une sensation de limitation de son champ visuel dans la partie inférieure de son œil gauche. Après cet événement, une consultation aux HUG [NDR : le 31 octobre 2020] avait permis de diagnostiquer une occlusion de la veine centrale de la rétine à l’œil gauche avec présence d’un œdème maculaire cystoïde. Le résumé du status au 15 octobre 2020, révélait, à l’œil gauche, un nerf optique sans particularité, une « macula » avec vaisseaux tortueux, la présence de sang et d’un œdème maculaire visible. Après explications et discussions avec l’assuré sur son occlusion de la veine centrale de la rétine, laquelle était probablement liée à l’accident, ces médecins avaient discuté de l’éventualité de faire des injections et un laser à l’œil gauche, en précisant que l’assuré avait déjà un rendez-vous avec le Prof. I______ pour effectuer ces injections.

j. Par pli du 13 mars 2021, l’assuré s’est référé au courrier du 8 mars 2021 de l’assureur en déclarant qu’hormis une légère myopie depuis l’adolescence, stable depuis plus de quatorze ans, ses troubles ophtalmologiques avaient débuté lors de l’accident du 24 août 2020. Avant cet événement, la dernière consultation auprès d’un ophtalmologue remontait à 2019, année où il avait demandé au docteur P______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmochirurgie, de renouveler une ordonnance destinée à permettre le remboursement des lentilles
de contact. À cette occasion, le Dr P______ avait effectué un contrôle et n’avait constaté rien d’anormal. Le jour de l’accident, plus précisément lors de son transport aux urgences en fin d’après-midi et alors qu’il était toujours sous le choc, il avait été soumis à une batterie sommaire d’examens médicaux – notamment des radiographies –, s’était vu prescrire une immobilisation du bras droit et des analgésiques. Le corps médical (service des urgences) l’avait averti qu’il ressentirait des douleurs le lendemain. De retour des urgences le soir même, il s’était immédiatement endormi à son domicile. Le lendemain, soit le 25 août 2020, il avait ressenti des douleurs sur tout le corps et une sensation bizarre au niveau de l’œil gauche (« comme des flashs ») mais sans pouvoir en mesurer les conséquences au niveau de la vue, étant donné qu’il était resté immobilisé et alité toute la journée. En fin d’après-midi, son frère l’avait amené à la pharmacie pour acheter des analgésiques supplémentaires. Lors de ce déplacement, il portait des lunettes de vue et avait constaté que les flashs n’étaient pas que de « simples dérangements » mais qu’ils occupaient « l’hémisphère sud » de sa vue. Cette dernière n’était plus ce qu’elle était avant l’accident et il ne voyait pas grand-chose. Le lendemain, soit le 26 août 2020, il était resté allongé toute la journée à la maison et avait de nouveau remarqué ces flashs, ainsi qu’un point trouble dans son champ de vision qui l’empêchait de lire ou de déchiffrer correctement des informations. Comme il avait des douleurs partout sur le corps, notamment aux poignets, il pensait que « c’était en conformité avec les indications des urgences ». Plus les jours passaient, plus sa vue se dégradait et, au bout de cinq à six jours, il avait remarqué que sa vision s’altérait, qu’il ne voyait plus rien hormis des « taches grises ou [ ] troubles ». Le service des urgences de l’Hôpital de La Tour – qu’il avait contacté par téléphone – avait organisé un rendez-vous avec son ophtalmologue. Ce dernier avait expliqué qu’il avait des hémorragies au niveau de la rétine, certainement une occlusion veineuse et un œdème maculaire, mais qu’il fallait faire immédiatement une batterie d’examens aux HUG. S’en étaient suivis plusieurs rendez-vous pour des consultations ophtalmologiques aux HUG, jusqu’à ce que l’assuré décide, sur les conseils de tiers et de son médecin traitant, de consulter le Prof. I______.

k. Dans un rapport du 28 mai 2021, le docteur Q______, médecin interne auprès du service d’ophtalmologie des HUG, a indiqué que l’assuré avait été reçu les 31 août, 7 et 25 septembre et 14 octobre 2020 pour une prise en charge oculaire gauche. Les 31 août et 7 septembre 2020, l’œil gauche présentait une « zone retard veineux » sans ischémie ni néovaisseau. Lors de la consultation
en urgence du 14 octobre 2020, l’assuré avait été pris en charge pour des douleurs de l’œil gauche et une sensation « d’un corps étrange » [NDR : probablement « corps étranger »] avec douleur à la fermeture palpébrale dans le cadre des injections intravitréennes d’Eylea.

l. Après examen des nouveaux rapports versés au dossier, le Dr K______ a estimé par appréciation du 11 juin 2021, que la documentation médicale proche de la date de l’accident ne contenait aucune indication relative à un trouble de la vue ou à un traumatisme direct de l’œil. C’était seulement une semaine plus tard qu’une vision floue avait conduit à une consultation ophtalmologique, lors de laquelle le diagnostic de thrombose de la veine centrale avait été posé. Lors de cette consultation, la question d’un lien éventuel entre ce diagnostic et l’accident n’avait pas été abordée. Sur la base de ces éléments, il convenait de s’en tenir à la précédente appréciation, à savoir que la thrombose de la veine centrale de l’œil gauche ne présentait pas de lien de causalité avec l’accident. Le fait que le Dr J______, médecin interniste, ait employé le terme de « thrombose veineuse traumatique » dans son rapport du 28 octobre 2020 ne suffisait pas pour confirmer un éventuel lien de causalité.

m. Dans un rapport du 20 juillet 2021, le docteur R______, spécialiste FMH en neurologie, a relaté une consultation neurologique effectuée à la demande du docteur Simon PAGIN, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, et médecin d’arrondissement de l’assureur. Selon le Dr R______, il n’y avait pas d’atteinte objective d’un point de vue neurologique mais il proposait néanmoins d’effectuer une IRM avec séquences SWI et un bilan neuropsychologique, par exemple chez Madame S______, neuropsychologue.

n. Le 30 juillet 2021, l’assureur a reçu un rapport du 29 juillet 2021 émanant des consultations des urgences de l’Hôpital de la Tour, plus précisément de la part
du docteur T______, spécialiste en médecine interne, dans lequel ce médecin résumait la consultation donnée le 3 septembre 2020 à l’assuré, et précisait notamment que « CAVE a présenté des problèmes à l’œil gauche
tout investigué chez ophtalmo puis HUG possiblement en rapport avec la déshydratation ».

o. Par avis du 6 août 2021, le Dr K______ a estimé que le rapport du Dr T______ ne donnait pas d’élément lui permettant de revoir son appréciation. Il a relevé néanmoins qu’une raison étiologique pouvant expliquer éventuellement la thrombose veineuse, soit la déshydratation, était mentionnée pour la première fois. Cela ne suffisait toutefois pas à établir un lien de causalité entre la thrombose veineuse et l’accident.

p. Par décision du 13 août 2021, l’assureur a rejeté l’opposition en considérant que les conclusions claires et motivées du Dr K______ devaient se voir reconnaître valeur probante, ce qui n’était pas le cas des rapports versés
au dossier évoquant une origine traumatique de la thrombose veineuse de l’œil gauche sans toutefois motiver cette position. C’était donc à bon droit que l’assureur avait refusé la prise en charge du traitement des troubles de l’assuré affectant son œil gauche.

C. a. Le 14 septembre 2021, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de
la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté que les lésions de son œil gauche étaient en relation de causalité naturelle avec l’accident du 24 août 2020 et qu’il avait droit à la prise en charge des injections intravitréennes d’Eylea par l’assureur. Subsidiairement, le recourant a conclu à la mise en œuvre d’une expertise destinée à trancher la question de la causalité de ses lésions de l’œil gauche avec l’accident du 24 août 2020 et, plus subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimée pour complément d’instruction et nouvelle décision, le tout sous suite de dépens.

Le recourant a versé au dossier notamment :

-          un rapport du 1er septembre 2020 par lequel le Dr Q______ indiquait avoir reçu le recourant le 31 août 2020, aux urgences ophtalmologiques. Ce dernier décrivait une baisse d’acuité visuelle depuis le 24 août 2020 du côté gauche. À l’examen, ce médecin retrouvait une occlusion de la veine centrale de la rétine de l’œil gauche avec un discret/minime œdème maculaire central. L’acuité visuelle restait tout de même conservée à 100% aux deux yeux. L’occlusion de la veine centrale de la rétine avait pour principaux facteurs
de risques le glaucome, l’âge au-delà de 50 ans, l’hypertension artérielle, l’hyperviscosité sanguine et l’apnée du sommeil. En conséquence, ce médecin a préconisé un bilan étiologique à la recherche d’une hypertension avec une « MAPA » [NDR : mesure ambulatoire de la pression artérielle] sur 24h, un dépistage du syndrome d’apnées du sommeil, ainsi qu’un dépistage des facteurs de risques cardiovasculaires tels que diabète et hypercholestérolémie;

-          un rapport établi le 26 octobre 2020 par le professeur U______ et
la doctoresse V______, respectivement médecin adjoint agrégé et médecin interne auprès du service d’angiologie et d’hémostase des HUG, faisant suite à une consultation d’hémostase du 6 octobre 2020, dont le motif était la thrombose de la veine centrale de la rétine. Résumant la situation, ces médecins ont indiqué que le lendemain de l’accident, le recourant présentait des symptômes oculaires gauches sous forme d’un flou visuel, de flashs lumineux et de taches noires ayant conduit à poser le diagnostic de thrombose de la veine centrale de la rétine le 31 août 2020. Aux dires du recourant, le Prof. I______ faisait un lien clair entre la thrombose de la veine centrale de la rétine et le traumatisme, ce dernier étant possiblement à l’origine d’une hypertension artérielle générée lors de ce traumatisme chez un patient qui se décrivait particulièrement déshydraté au moment des faits.
Les ophtalmologues aux HUG avaient toutefois jugé nécessaire d’effectuer
un bilan de thrombophilie. Le Prof. U______ et la Dresse V______ ont indiqué à ce sujet que le recourant était connu pour une hypercholestérolémie avec, en janvier 2020, un « LDL-cholestérol » [NDR : mauvais cholestérol] à 7.8mmol/l qui avait diminué à 3.2mmol/l le 28 septembre 2020 après la mise en place de règles hygiéno-diététiques. Il avait perdu presque 50kg en neuf mois en 2019 de façon volontaire et bénéficié, en février 2020, d’un doppler carotido-vertébral qui n’avait pas révélé d’athéromatose significative. Pour le surplus, il ne présentait ni hypertension artérielle, ni tabagisme, ni diabète. Depuis la mise en évidence, d’une part, d’un minime rehaussement en regard de la papille du nerf optique gauche – décrit comme vraisemblablement séquellaire à la thromobose veineuse par l’IRM cérébrale du 24 septembre 2020 – et, d’autre part, d’anticorps anticardiolipines, le recourant était sous Aspirine Cardio®. Son ophtalmologue souhaitait toutefois arrêter ce traitement en raison d’hémorragies oculaires gauches. L’anamnèse familiale ne révélait pas d’autres antécédents thrombotiques. En synthèse, le bilan du jour ne retrouvait pas « d’aPL » [NDR : anticorps antiphospholides] et montrait une « protéine S » [protéine plasmatique anticoagulante] à la limite inférieure de la norme. Étant donné le traumatisme en lien avec l’événement thrombotique, il était peu probable que la protéine S ait pu contribuer significativement à cet événement. En outre, le Prof. U______ et la
Dresse V______ ne retenaient pas d’indication formelle à introduire une anticoagulation, compte tenu de l’absence de bénéfices escomptés et des résultats de l’IRM du 24 septembre 2020 qui avait révélé uniquement des signes indirects séquellaires de la thrombose veineuse centrale de la rétine. Enfin, les auteurs du rapport n’ont également pas retenu d’indication formelle à l’Aspirine Cardio®, tout en précisant à l’attention du Dr Q______ qu’il pouvait considérer l’arrêt de ce médicament en cas de risque hémorragique accru au niveau rétinien;

-          un rapport du 5 octobre 2020 de la doctoresse W______, ophtalmologue FMH auprès du service d’ophtalmologie de l’hôpital de La Tour, indiquant qu’elle avait vu le recourant en urgence le 31 août 2020 en raison de la présence de flashs alternants à l’œil gauche depuis quelques jours, en péjoration. En conclusion, le recourant présentait une occlusion veineuse avec œdème papillaire de l’œil gauche. Après accord avec les urgences des HUG, le recourant s’y était rendu le jour-même. Pour ce qui la concernait, elle avait conseillé une angiographie à la fluorescéine, un champ visuel, un bilan cardiovasculaire et de la coagulation et, si nécessaire, un CT des orbites ;

-          une publication de Mohsen GOHARI/ Esmaeil BABEI, intitulée Traumatic Central Vein Occlusion : A Case Report, publiée in Journal of Ophtalmic and Optometric Sciences, 2019 ;3(1): 36-9, relatant en substance le cas d’un patient âgé de 48 ans, en bonne santé habituelle, lequel avait subi une importante perte de vision à l’œil gauche en raison d’une occlusion de la veine centrale de la rétine survenue suite à un traumatisme crânien ;

-          un ticket de caisse délivré par la Migros le 24 août 2020 à 15h31, attestant de l’achat notamment d’un demi-litre d’eau ;

-          une photo de la montre à bracelet du recourant, brisée au moment du choc à 15h41-15h42.

Sur la base de ces éléments, le recourant a expliqué qu’il avait acheté et consommé un demi-litre d’eau le 24 août 2020 à 15h31, et qu’il était donc parfaitement hydraté au moment de l’accident, ce qui revenait à battre en brèche l’avis du 6 août 2021 du Dr K______ qui émettait l’hypothèse d’une thrombose à mettre en lien avec la déshydratation au moment de l’accident. Indépendamment de la question de l’hydratation, cet avis du médecin-conseil de l’assureur avait pour corollaire que l’occlusion de la veine centrale de la rétine avait pu survenir au moment de l’accident, ce qui était en contradiction avec les précédents avis de ce médecin qui évoquaient une cause maladive et tiraient argument d’un délai d’une semaine entre l’accident et la survenance de l’occlusion. Selon le recourant, il ressortait au contraire des examens médicaux effectués qu’aucun facteur de risque – autre que l’accident – n’avait pu être identifié et qu’ainsi, le lien de causalité entre l’occlusion de la veine centrale de la rétine et l’accident du 24 juin 2020 était donné.

b. Par réponse du 5 octobre 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours et versé à la procédure :

-          une IRM cérébrale du 5 octobre 2021, indiquée par une fatigabilité persistante et des troubles de la concentration suite à l’accident du 24 août 2020. Selon l’auteure du rapport, la doctoresse X______, radiologue FMH, l’IRM cérébrale était dans les limites de la norme et ne révélait pas, en particulier, de lésion micro-hémorragique ;

-          une appréciation du 8 octobre 2021 du Dr K______ dans laquelle ce médecin prenait acte de l’IRM cérébrale du 5 octobre 2021, des rapports annexés au recours et de l’article paru en 2019 au Journal of Ophtalmic and Optometric Sciences, en précisant qu’il visait un cas différent de l’accident litigieux dans la mesure où les auteurs de cet article décrivaient une thrombose de la veine centrale suite à un traumatisme crânien contondant (« blunt head trauma »). Dans le cas présent, le diagnostic de traumatisme crânien n’était mentionné que dans les rapports du Dr J______. Pour sa part, le Dr K______ n’avait pas trouvé d’éléments corroborant un tel diagnostic. Si on disposait d’un examen effectué à une date proche de l’examen, confirmant ces deux points de vue, on serait peut-être en mesure d’établir un lien de causalité entre la thrombose de la veine centrale de l’œil gauche et l’accident. Puisque ces éléments faisaient défaut, il ne lui restait qu’à soutenir qu’un tel lien de causalité était possible mais pas probable au degré de la vraisemblance prépondérante. S’agissant des réflexions qu’il avait faites dans son appréciation du 5 mars 2021, concernant la recherche d’éventuelles anomalies vasculaires, elles étaient probablement à écarter vu que les « examens neuroradiologiques » effectués n’avaient pas donné d’indication pour de telles anomalies.

c. Par réplique du 5 novembre 2021, le recourant a relevé qu’il était admis par l’intimée que le traumatisme lié à l’accident avait pu entraîner l’occlusion de la veine centrale de son œil gauche et que seul le fait que cette probabilité atteigne
le seuil de la vraisemblance prépondérante était litigieux. Quand bien même le recourant n’aurait pas subi de traumatisme crânien – ce qui était contesté –, il n’en demeurait pas moins que lors de l’accident, il avait été projeté à plusieurs mètres, s’était réceptionné tant bien que mal sur les bras, soit la tête en avant, avec notamment pour conséquence une fracture du bras, le bris de sa montre, de nombreuses contusions et blessures superficielles, ainsi qu’une perte de connaissance. Il s’agissait donc là d’un choc à forte cinétique, y compris au niveau de la tête, susceptible de causer l’occlusion de la veine centrale constatée.

Revenant au sujet de l’article de KLINE et alii, cité par le Dr K______, le recourant a encore versé au dossier d’autres publications scientifiques consacrées à la même thématique (pces 9-14 recourant), notamment un article (pce 13 recourant) retenant que l’occlusion de la veine centrale de la rétine était souvent associée, chez les personnes âgées, à une maladie vasculaire mais que lorsqu’elle concernait de jeunes adultes (moins de 50 ans) – par ailleurs en bonne santé habituelle et sans maladie vasculaire systémique ni problème oculaire –, l’occlusion en question survenait, dans la majorité des cas, sans que le traumatisme crânien ou une compression soudaine du globe oculaire soit associée à une telle comorbidité.

d. Par duplique du 16 novembre 2021, l’intimée a indiqué qu’elle avait soumis à son médecin-conseil les diverses publications produites par le recourant et qu’au vu de la prise de position de ce dernier à leur sujet le 12 novembre 2021, elle maintenait ses conclusions tendant au rejet du recours.

Il ressort de l’appréciation du 12 novembre 2021 du Dr K______ que les articles produits en pièces 9 et 10 traitaient d’une occlusion de l’artère rétinienne centrale et non pas de la veine centrale, de sorte qu’ils n’étaient pas pertinents pour le cas d’espèce. Le Dr K______ a ajouté en synthèse que les autres articles annexés à la réplique n’étaient pas non plus pertinents dans la mesure où l’occlusion traumatique de la veine centrale rétinienne qu’ils relataient « ne [correspondait] pas au traumatisme qui nous [occupait] ici » mais résultait d’un traumatisme direct soit sur l’œil soit sur le crâne. Selon ce médecin-conseil, aucune de ces deux hypothèses n’était réalisée dans le cas d’espèce.

e. Par pli du 29 novembre 2021, le recourant a relevé à la lecture de cette dernière appréciation du Dr K______ que ce médecin-conseil avait cessé de soutenir que les occlusions de la veine centrale ne seraient pas connues pour être causées par des traumatismes directs, oculaires ou crâniens, et qu’en outre, il admettait désormais le principe de la survenance d’un traumatisme dans le cas du recourant. Pour le surplus, le recourant s’est employé à démontrer qu’il ressortait de plusieurs pièces qu’un traumatisme crânien ne faisait aucun doute et que seul restait incertain le fait que celui-ci ait pris la forme d’une commotion cérébrale avec ou sans perte de connaissance.

f. Par envoi spontané du 7 décembre 2021, le recourant a encore versé à la procédure une attestation du 1er décembre 2021 par laquelle la physiothérapeute du recourant, Madame Y______, attestait qu’au moment de la consultation du 21 septembre 2020, le recourant se plaignait de douleurs à la mâchoire.

g. Le 2 février 2022, le recourant a encore produit un rapport du 31 janvier 2022 du Prof. I______ dans lequel ce spécialiste, indiquait, en réponse à une série de questions posées par le recourant, que ce dernier avait présenté une dilatation du réseau capillaire veineux, un épaississement maculaire rétinien (œdème rétinien) et de nombreuses hémorragies réparties dans tout le territoire rétinien. Les troubles étaient bien expliqués par les constatations objectives et les séquelles étaient celles d’une occlusion de la veine centrale de l’œil gauche. Une occlusion veineuse rétinienne survenait, dans la majorité des cas, suite à des altérations du réseau vasculaire, liées à la senescence des vaisseaux (sclérose vasculaire). Elle pouvait également survenir, et ceci pour des personnes jeunes, en présence de pathologies qui favorisaient une occlusion vasculaire. Cela pouvait aussi arriver lors de modifications hémodynamiques aiguës. En ce qui concernait le recourant, celui-ci ne présentait aucune anomalie vasculaire à son autre œil, ni de pathologie associée à une thrombophilie (selon les examens réalisés aux HUG). On pouvait dire que l’occlusion était probablement liée à son accident. L’absence de lésion dégénérative des vaisseaux était confirmée par l’amélioration très significative de l’aspect des vaisseaux suite aux traitements administrés. Enfin, le Prof. I______ a indiqué qu’aucun facteur étranger à l’accident n’avait joué un rôle.

h. Le 3 février 2022, une copie de cette écriture a été transmise, pour information, à l’intimée.

i. Par courrier du 30 mai 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise ophtalmologique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

j. Le 18 mai 2022, l’intimée a indiqué qu’elle n’avait pas de motif de récusation
à faire valoir à l’encontre de l’expert mais qu’outre la suppression de deux questions (redondantes de son point de vue) et le rajout d’une précision à une question, elle souhaitait également que l’expert se prononce sur une éventuelle indemnité pour atteinte à l’intégrité physique, mentale ou psychique.

k. Le 30 mai 2022, le recourant a mentionné qu’il n’avait pas de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’expert mais qu’il souhaitait compléter le projet de mission d’expertise par une série de questions.

l. Le 30 mai 2022, le recourant a encore transmis un rapport du 20 mai 2022 du Dr T______, indiquant qu’au vu du « rapport reçu ultérieurement par le service d’ophtalmologie des HUG », il lui semblait évident que les plaintes ophtalmiques étaient secondaires à l’accident et non pas à une possible déshydratation qui avait été initialement évoquée par les ophtalmologues.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

2.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 LPA).

2.4 Interjeté à temps et satisfaisant aux exigences de forme et de contenu prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), le recours est recevable.

3.             Est litigieuse la question de savoir s’il existe un lien de causalité entre les lésions à l’œil gauche du recourant et l’accident du 24 août 2020.

4.             Dans la mesure où l’accident est survenu le 24 août 2020, le droit du recourant aux prestations d’assurance est soumis au nouveau droit, en vigueur depuis le
1er janvier 2017 (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral
8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées
en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

5.2 Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA;
ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les réf.).

6.              

6.1 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

6.2 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

6.3 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

7.              

7.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu.

À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

7.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

7.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

7.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.             La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994,
p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

10.         En l’espèce, il est constant qu’en raison d’un accident de la voie publique survenu le 24 août 2020 le recourant a subi diverses atteintes, notamment orthopédiques et vestibulaires, qui étaient encore en partie en cours d’investigation à la date de la décision litigieuse (cf. doc. 161, p. 1, intimée). Cette dernière ne concerne que le refus de l’intimée de prendre en charge le traitement des troubles affectant l’œil gauche du recourant, motif pris que selon les appréciations du Dr K______, le lien de causalité entre ces troubles et l’accident serait certes possible mais ne serait pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante requis.

À l’examen des appréciations successives de ce médecin-conseil, qui n’a jamais examiné ni interrogé le recourant, il apparaît toutefois que la négation du lien de causalité par le Dr K______, bien que constante de sa première à sa dernière appréciation, n’en repose pas moins sur des arguments qui ont varié au fil du temps et en fonction de l’ordre dans lequel les rapports médicaux lui ont
été soumis par l’intimée – ordre qui ne correspond pas à la chronologie des consultations et constatations médicales depuis l’accident, étant relevé que les premiers rapports ophtalmologiques, relatifs aux consultations données le 31 août 2020 par les Drs W______ et Q______ n’ont été versés au dossier qu’avec l’acte de recours.

Le Dr K______ est ainsi parti du principe, dans un premier temps, soit le 27 novembre 2020, que la chute à vélo du 24 août 2020 était survenue « sans blessures plus importantes » ni traumatisme direct à l’œil, de sorte que l’occlusion veineuse de l’œil gauche était plutôt due à un événement maladif. Après avoir demandé, le 5 mars 2021, de rechercher s’il existait, chez le recourant une anomalie du système veineux préexistante (« point faible ») ayant favorisé le développement d’une thrombose consécutive à l’accident qu’il avait subi, le Dr K______ a estimé en substance, par la suite, soit le 8 octobre 2021 qu’il n’était plus nécessaire de rechercher d’éventuelles anomalies vasculaires vu que les examens complémentaires, parvenus à sa connaissance dans l’intervalle, n’en révélaient pas. Cela étant, ce médecin-conseil, dans le cadre de sa prise de position du 12 novembre 2021 au sujet des diverses publications scientifiques rassemblées par le recourant (rapportant une majorité de cas
de thrombose veineuse rétinienne post-traumatique sans anomalie vasculaire préexistante pour des sujets âgés de moins de 50 ans) n’en a pas moins fait
valoir en substance que la reconnaissance d’un lien de causalité entre l’occlusion veineuse de l’œil gauche et l’accident du 24 août 2020 dépendait d’un traumatisme direct sur le crâne ou sur l’œil, ce qui ne correspondait pas « au traumatisme qui nous occupe ici », point que le Dr K______ ne développe pas. On apprend toutefois à la lecture de l’appréciation du 11 juin 2021 de ce médecin qu’il semble partir du principe que seul le Dr J______ évoquerait la notion de « thrombose veineuse traumatique » dans son rapport du 28 octobre 2020, ce qui ne suffirait pas, selon le Dr K______, pour confirmer un lien de causalité.

La chambre de céans constate pour sa part qu’il est inexact d’affirmer que le
Dr J______ soutiendrait un point de vue isolé, qu’il s’agisse de la thrombose veineuse post-traumatique ou de la survenance d’un traumatisme crânien, élément dont le médecin-conseil de l’intimée fait apparemment dépendre la reconnaissance du lien de causalité entre l’accident du 24 août 2020 et la thrombose veineuse à l’œil gauche qui n’est pas contestée en tant que telle. Il est vrai que le recourant a indiqué lors de son audition du 7 janvier 2021, qu’il ne s’était « pas cogné la tête au sol », que les ophtalmologues G______ et H______ se contentent de rapporter une « vision floue centrale consécutive à l’accident [ ] sans trauma selon le patient » et que l’otorhinolaryngologue L______ mentionne une absence
de TCC tout en retenant une commotion labyrinthique. Cela étant, le Dr J______
a également posé le diagnostic de « contusion frontale gauche (crânienne) », observation qui est relayée par la radiologue E______ le 28 septembre 2020 en tant qu’elle précise que le Dr J______ lui a adressé le recourant non seulement pour le diagnostic d’occlusion de la veine centrale de la rétine mais aussi en raison de « douleurs en regard des malaires des deux côtés davantage à gauche ». Dans
le même sens, la physiothérapeute Y______ atteste, dans son rapport du
7 décembre 2021, qu’en date du 21 septembre 2020, le recourant présentait encore des « douleurs à la mâchoire suite à son accident ». En ce qui concerne le diagnostic de traumatisme crânien, la chambre de céans constate que le
Dr J______ n’est pas le seul à le poser. Le Dr M______ en fait également état, dans son rapport du 21 janvier 2021 (« TCC + thrombose traumatique de la veine rétinienne gauche »). Par ailleurs, l’intimée retient elle-même, par la voix de son médecin d’arrondissement, dans la demande de consilium adressée au neurologue R______ (cf. doc. 100 intimée), que le recourant présente « une contusion frontale G, probable commotion cérébrale [ ] ». Quant au Dr R______, il indique dans l’anamnèse de son rapport du 20 juillet 2021 que le recourant « passe [par] dessus le capot. Il présente une probable perte de connaissance brève. Il se réveille. Les gens sont autour de lui. Il y a du sang. Il est blessé et étourdi » (cf. doc. 156 intimée).

Au regard de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il existe des indices sérieux montrant que quand bien même le recourant aurait eu, selon ses dires, le réflexe de protéger sa tête non casquée en mettant ses deux avant-bras en avant, la protection offerte par ce biais n’aurait été que toute relative au regard notamment de la contusion frontale gauche, des douleurs en regard des malaires et au niveau de la mâchoire. Au vu de ces éléments dont le Dr K______ ne fait pas mention dans son raisonnement, les appréciations de celui-ci – qui témoignent davantage d’une adaptation a minima de son argumentation au gré de la communication des pièces du dossier que d’une étude complète et sérieuse de ce dernier – n’emportent pas la conviction de la chambre de céans et sont partant dépourvus de valeur probante. On précisera enfin que dans la mesure où il n’appartient pas au juge de tirer des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical (cf. arrêt du Tribunal fédéral I 1080/06 du 13 avril 2007 consid. 4.2), la chambre de céans ne saurait prendre position sur la question de savoir s’il est nécessaire, comme l’affirme le Dr K______, qu’il existe un traumatisme direct sur le crâne ou sur l’œil, si ce médecin-conseil a nié à tort la survenance d’un tel traumatisme, ou si une modification hémodynamique aiguë – comme le Prof. I______ semble l’admettre dans le cas particulier – suffirait de toute manière pour qualifier de probable le lien de causalité entre l’occlusion de la veine centrale de l’œil gauche du recourant et l’accident du 24 août 2020 (cf. le rapport du Prof. I______ du 31 janvier 2022).

En l’état actuel de l’instruction du cas, la chambre de céans n’est donc pas
en mesure de se prononcer sur le point de savoir s’il existe, au degré de la vraisemblance prépondérante, un lien de causalité entre les lésions que le recourant a subies à son œil gauche et l’accident du 24 août 2020. Aussi s’impose-t-il de mettre en œuvre une expertise.

Celle-ci sera confiée au docteur Z______, spécialiste FMH en ophtalmologie.

Les questions complémentaires requises par les parties seront intégrées pour l’essentiel et en substance, dans la mesure de leur pertinence, à la mission d’expertise.

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Préparatoirement :

I. Ordonne une expertise médicale ophtalomologique de Monsieur A______. La confie au docteur Z______, spécialiste FMH en ophtalmologie, à Lausanne.

Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.    Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.     Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant examiné/traité la personne expertisée.

C.    Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.    Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivants :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics (ophtalmologiques)

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d’apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d’apparition

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4 Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident du 24 août 2020 ? Plus précisément, ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50 %), probable (probabilité de plus de 50 %) ou certain (probabilité de 100 %) ?

5.1.1 Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

5.1.2 En cas d’atteinte à la santé en relation de causalité avec l’accident au degré de la vraisemblance prépondérante (probabilité de plus de 50%), à partir de quel moment le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ?

5.1.3 Veuillez indiquer, pour chaque diagnostic posé, si le statu quo ante a été atteint et, dans l’affirmative, à quelle date.

5.2 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

5.2.1 Si oui, à partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

6. Limitations fonctionnelles

6.1 Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

6.1.1 Dates d’apparition

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle (i.e. avant l’accident), compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable – probabilité de plus de 50 %) avec l’accident du 24 août 2020 et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis cet accident ?

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable – probabilité de plus de 50 %) avec l’accident ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ? Depuis quelle date sont-elles présentes ?

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

8.5 En cas d’incapacité de travail totale ou partielle durable dans l’activité habituelle : s’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint), celle-ci a-t-elle néanmoins besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain ?

9. Atteinte à l’intégrité

9.1 La personne expertisée présente-t-elle une atteinte à l’intégrité définitive, en lien avec les atteintes en rapport de causalité au moins probable (probabilité de plus de 50%) avec l’accident ?

9.2 Dans l’affirmative, à quel degré ? Veuillez motiver votre appréciation en référence à l’annexe 3 de l’OLAA (art. 36 al. 2 LAA) et aux tables de la SUVA.

9.3 Si une aggravation de l’intégrité physique est prévisible, veuillez en tenir compte dans l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité et l’expliquer en détaillant le pourcentage dû à cette aggravation, étant précisé que seules les atteintes à la santé en lien probable (probabilité de plus de 50 %) avec l’accident doivent être incluses dans le calcul du taux de l’indemnité.

10. Appréciation d’avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d’accord avec les appréciations successives du Dr K______ ? En particulier avec le principe que le lien de causalité entre les troubles de l’œil gauche et l’accident du 24 août 2020 serait possible tout au plus ? Si non, pourquoi ?

10.2 Retenez-vous, à l’image de ce qui est mentionné dans certains rapports, que la personne expertisée était déshydratée au moment de l’accident ? En particulier, existe-t-il des éléments objectifs qui parlent en faveur d’une déshydratation ? Si non, pourquoi ? Si oui, ce facteur a-t-il favorisé l’apparition des troubles à l’œil gauche ? De quelle manière ?

10.3 Êtes-vous d’accord avec le rapport du 28 octobre 2020 du Dr J______, en particulier avec les constatations/diagnostics de ce médecin ayant une incidence sur les troubles de l’œil gauche ?

10.4 Êtes-vous d’accord avec le rapport du Prof. I______ du 31 janvier 2022 ? Si non, pourquoi ?

10.5 Êtes-vous d’accord avec le rapport du 20 mai 2022 du Dr T______, en particulier le dernier paragraphe de celui-ci ? Si non, pourquoi ?

10.6 À teneur de la littérature scientifique sur le sujet, l’occlusion de la veine centrale de l’œil peut-elle être d’origine traumatique ?

10.6.1 Si oui, le traumatisme de l’œil concerné doit-il être direct ou peut-il être indirect ?

10.6.2 Un changement hémodynamique transitoire peut-il causer une occlusion de la veine centrale de l’œil ?

10.6.3 La chute qu’a subi la personne expertisée lors de l’accident du 24 août 2020 s’apparente-t-elle à un traumatisme susceptible d’engendrer une occlusion de la veine centrale de l’œil ?

11. Autres facteurs

Suite à l’accident du 24 août 2020 :

11.1 Les lésions apparues sont-elles graves ?

11.2 Ces lésions ont-elles nécessité des traitements continus spécifiques ? Si oui, lesquels ? Pendant quel intervalle de temps ?

11.3 Des erreurs médicales dans le traitement de la personne expertisée se sont-elles produites ? Si oui, lesquelles et avec quelles conséquences ?

11.4 Des difficultés et complications importantes sont-elles apparues au cours de la guérison ? si oui, lesquelles et avec quelles conséquences ?

10.5 Existe-t-il des douleurs physiques persistantes ? Depuis quand ? Atteignent-elles une intensité particulière ?

12. Quel est le pronostic ?

13. faire toutes autre observations ou suggestions utiles.

II.      Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la chambre de céans.

III.   Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le