Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1809/2021

ATAS/497/2022 du 30.05.2022 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1809/2021 ATAS/497/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, représentée par APAS-Assoc. permanence défense des patients et assurés

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1968, originaire du Maroc, suissesse, naturalisée en 2008, séparée depuis le 29 janvier 2018, mère de deux filles, nées le ______ 2004 et le ______ 2007, est entrée en Suisse le 11 juillet 2001.

b. L’assurée a obtenu au Maroc un diplôme de comptabilité (1987), un CAP d’employée de comptabilité (1987), un diplôme de comptable informaticienne (1989) et un diplôme de technicienne en gestion des entreprises (1999). Elle a suivi, dans le canton de Genève, un cours intensif d’anglais du 21 janvier au 27 mai 2002 (ASC International House) et est titulaire, depuis 2004, d’un CFC d’employée de bureau, obtenu par le biais de cours à la Fondation pour la formation des adultes (ci-après : l’IFAGE).

c. L’assurée a exercé au Maroc une activité à 100% comme assistante de vente (1990-1993), assistante comptable (1993-1994), secrétaire de direction à la clinique universitaire de neurochirurgie de Rabat (1994-2001), puis, en Suisse, elle a travaillé dans le cadre de contrats de missions comme opératrice système à un taux de 100% à l’ONU (pour D______ Ressources Humaines SA), entre 2002 et 2005, soit des contrats d’une durée de trois mois (dès le 22 novembre 2002, dès le 2 septembre 2003, dès le 23 février 2004, dès le 22 septembre 2004 et dès le 25 mai 2005), et, ensuite, comme secrétaire à l’Etat de Genève, à un taux de 100%, de février à décembre 2006, en emploi temporaire cantonal.

d. L’assurée a déposé le 15 avril 2019 une demande de prestations d’invalidité.

e. Le 2 mai 2019, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a attesté que l’assurée s’était inscrite pour un taux d’activité recherché de 100%. Selon l’extrait de son compte individuel, l’assurée a été inscrite au chômage en 2004 et 2005 et dès décembre 2006 jusqu’à 2008. Elle a perçu une allocation pour perte de gain de juillet à octobre 2007.

B.       a. Le 6 mars 2020, le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé que la capacité de travail de l’assurée était nulle, au moins depuis 2017, en raison d’une spondylarthrite ankylosante et d’un état dépressif récurrent, épisode actuel sévère.

b. Le 31 mars 2020, le gestionnaire de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a requis une enquête ménagère, en mentionnant que l’assurée n’exerçait pas d’activités depuis plusieurs années, de sorte que son statut était celui de ménagère à 100%.

c. Le 15 juin 2020, une enquête ménagère a été menée au domicile de l’assurée, qui a relevé que les premiers signes de la maladie étaient survenus en 2001 et s’étaient péjorés avec les grossesses ; son mari gagnant très bien sa vie, elle avait choisi de rester à la maison quelques années pour s’occuper de ses filles et améliorer sa santé. Sa situation financière s’était bien péjorée avec la séparation et semblait devoir être plus précaire dans le futur ; l’enquête a conclu à un empêchement pondéré avec exigibilité de 25% (empêchement de 43% et exigibilité de 18%).

C.      a. Par projet de décision du 21 août 2020, l’OAI a retenu un statut de ménagère à 100% et rejeté la demande de prestations.

b. Le 21 septembre 2020, l’assurée s’est opposée au projet précité, en contestant son statut ; sans atteinte à la santé, elle aurait exercé une activité professionnelle à temps complet ; elle avait travaillé au Maroc à 100% et s’était formée en Suisse, en travaillant sur appel à l’ONU ; elle était ainsi active à 100% ; sa santé avait décliné après son premier accouchement ; elle s’était inscrite au chômage à un taux de 80%, tout en suivant des cours du soir, mais sa maladie avait progressé ; depuis sa séparation, il était évident qu’elle aurait repris un emploi à plein temps ; les empêchements ménagers et l’exigibilité retenus étaient aussi contestés.

c. Le 19 novembre 2020, le SMR a précisé que la survenance de l’incapacité de travail était en octobre 2018, l’état de santé s’étant dégradé à ce moment-là.

d. Le 19 novembre 2020, le gestionnaire de l’OAI a précisé, qu’en raison de la séparation de l’assurée en mai 2018, un statut mixte 50/50 pouvait lui être reconnu ; le degré d’invalidité était de 63% (50% dans la part active et 12,5% dans la part ménagère).

e. Par décision du 22 avril 2021, l’OAI a alloué à l’assurée un trois-quarts de rente d’invalidité depuis le 1er octobre 2019.

D.      a. Le 25 mai 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à la reconnaissance d’un statut d’active à 100% et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2019. Elle a produit un rapport médical de sa médecin traitante, du 15 octobre 2019, indiquant que l’assurée, qu’elle connaissait depuis 2014, lui avait dit qu’elle ne travaillait pas en raison de sa maladie.

b. Le 28 juin 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours, en confirmant le statut mixte 50/50 de l’assurée.

c. Le 23 juillet 2021, l’assurée a répliqué, en relevant que le statut mixte retenu était énigmatique, dès lors qu’on ne voyait pas en quoi l’âge de sa fille aurait été un frein à un taux d’activité supérieur. Sans atteinte à la santé, elle aurait travaillé à 100% et non pas à 50% comme retenu par l’OAI ; elle avait exercé une activité à 100% après la naissance de sa première fille et avait repris des études ; elle aurait, vu sa séparation, dû également travailler à 100% ; elle contestait également les empêchements retenus par l’enquêtrice.

d. Le 9 août 2021, l’OAI a considéré que les pièces produites par la recourante étaient insuffisantes à démontrer qu’elle aurait, sans atteinte à la santé, travaillé à un taux supérieur à 50% dès mai 2018 (soit suite à sa séparation) et l’enquête ménagère était probante.

e. Le 20 septembre 2021, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. La recourante a déclaré qu’elle avait toujours travaillé à 100% au Maroc, puis, en Suisse, pour l’ONU, sur appel avec une disponibilité à 100%, puis dans le cadre d’un emploi temporaire avec un contrat à 100% ; elle s’était également inscrite au chômage à un taux de 100% ; elle était dans l’attente d’un poste fixe à l’ONU qu’elle n’avait pas obtenu ; après son second accouchement, elle avait pris des cours de langue et d’informatique à l’université populaire, le soir, pour compléter son CV. Ensuite, en raison des poussées de sa maladie, elle n’avait plus recherché d’emploi. Son époux avait quitté la maison début 2017 et avait débuté une procédure pour faire diminuer les pensions alimentaires ; en bonne santé, elle travaillerait à 100% ; elle avait des problèmes financiers ; elle avait évoqué avec l’enquêtrice le fait que ses filles n’avaient pu être gardées en crèche qu’à 50%, de sorte que l’enquêtrice en avait peut-être déduit qu’elle ne travaillerait qu’à 50%. Elle a produit un rapport du 29 juillet 2021 de la doctoresse B______, FMH rhumatologie et médecine interne, laquelle se prononçait sur ses capacités ménagères.

f. Le 26 octobre 2021, l’OAI a requis de l’assurée la production de toutes les pièces utiles concernant ses ressources financières et recherches d’emploi.

g. Le 22 novembre 2021, l’assurée a indiqué qu’un jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale était en force et que la procédure de divorce était en cours ; elle n’était pas en mesure de retrouver ses recherches d’emploi. Elle a transmis son avis de taxation 2020 et le mémoire de réplique de son époux du 13 avril 2020 déposé auprès du Tribunal de première instance (TPI) (procédure C/1______/2019).

h. Le 13 décembre 2021, l’OAI a considéré que l’assurée recevait des pensions alimentaires pour elle et ses filles et des allocations familiales, de sorte qu’elle n’avait pas besoin de travailler et qu’elle n’était pas assez qualifiée professionnellement pour que l’on puisse admettre qu’elle aurait cherché à mettre en valeur ses qualifications ; elle n’avait par ailleurs pas pu démontrer avoir entrepris des démarches en vue de trouver un emploi.

i. Le 13 janvier 2022, l’assurée a observé que la première raison de son arrêt de travail était son état de santé et que, vu l’aisance du couple, elle n’avait pas demandé tout de suite une rente d’invalidité, ses filles, âgées de 14 et 16 ans lors de la décision litigieuse, étaient suffisamment grandes pour qu’elle reprenne un emploi ; son époux avait requis la suppression de toute pension en sa faveur, de sorte qu’elle aurait de toute façon cherché à travailler, en bonne santé, comme le prescrivait aussi le droit du divorce. Ses revenus actuels étaient insuffisants, son époux ne prenant pas en charge les frais extraordinaires des enfants ; la volonté de retrouver un emploi à 100%, comme elle l’avait démontré, n’était pas réservée aux métiers à forte spécialisation ; elle a communiqué un rapport de la doctoresse C______, FMH psychiatrie et psychothérapie, selon lequel l’assurée présentait des symptômes fluctuants physiques et psychiques qui l’empêchaient parfois de sortir de chez elle et de réaliser le moindre effort.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705). En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité supérieure à un trois-quarts de rente.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA; ATF 130 V 343 consid. 3.4). La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).

4.              

4.1 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b). Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

4.2 Le Tribunal fédéral a jugé qu’une reprise hypothétique de l’activité à 100% apparaissait vraisemblable pour une assurée qui avait fait des déclarations dans ce sens, qui émargeait à l’aide sociale, qui avait travaillé deux ans à plein temps et avait ensuite repris une formation professionnelle ; il a considéré que la naissance d’un enfant ne devait pas être interprétée comme impliquant automatiquement l’exercice d’une activité à temps partiel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_204/2021 du 11 août 2021). Dans un autre arrêt récent, il a confirmé un statut d’active à 100% d’une assurée qui, depuis son arrivée en Suisse, s’était efforcée de s’insérer sur le marché du travail, en suivant des cours de français, de technique de nettoyage, de bureautique, d’informatique, de sérigraphie et de papeterie artisanale et avait, au moment de la naissance du droit à une rente d’invalidité, des enfants âgés de 21, 20 et 17 ans (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2021 du 22 mars 2022).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.             En l’occurrence, la situation de la recourante se rapproche des deux cas jurisprudentiels précités.

Tout d’abord, l’intimé admet que la recourante était totalement incapable de travailler depuis octobre 2018. La question de savoir si cette incapacité était déjà présente antérieurement, ce qui semble être probable au vu des rapports des médecins qui évoquent une maladie suffisamment active après la naissance du deuxième enfant de la recourante, en 2007, pour que la recourante renonce à une vie professionnelle (rapports de la Dresse C______ du 11 novembre 2019 et de la Dresse B______ du 9 mai 2019) peut rester ouverte. En effet, l’intention de la recourante, dès sa séparation formelle, soit à la date du 19 janvier 2018 selon le fichier de l’office cantonal de la population et des migrations, jusqu’au jour de la décision litigieuse, est pertinente pour établir son statut.

A cet égard, l’époux de la recourante, qui subvenait totalement à son entretien, a été condamné au versement, dès juin 2018, à la recourante d’une pension alimentaire, laquelle, contrairement aux déclarations de l’intimé, a été considérée par le TPI comme insuffisante pour couvrir son minimum vital (selon l’ordonnance du TPI du 23 janvier 2020). Cette situation financière précaire avait également été soulignée, le 9 mai 2019, par la Dresse B______. L’époux a en outre requis, dans le cadre de la demande en divorce, la suppression de la pension versée en faveur de la recourante et la diminution de celles versées pour ses enfants (mémoire de réplique de l’époux du 13 avril 2020), ce qui, cas échéant, péjorera encore à l’avenir la situation financière de la recourante.

La recourante a expliqué qu’elle aurait, en bonne santé, repris un emploi à un taux de 100%, à tout le moins dès la séparation avec son époux ; elle allègue à cet égard qu’elle fait face à des difficultés financières, ce d’autant que son époux ne participe pas aux frais extraordinaires des enfants. Le taux de 50% active retenu par l’intimé n’est, à cet égard, pas motivé de façon convaincante. Tout d’abord, la recourante a déclaré ne pas se souvenir que l’enquêtrice lui ait demandé à quel taux elle travaillerait en bonne santé ; elle se rappelait en revanche lui avoir dit que la garderie privée n’acceptait ses filles qu’à un taux maximum de 50% et que l’enquêtrice en avait peut-être déduit qu’elle-même ne travaillerait qu’à ce taux. Les filles de la recourante étant âgées de 15 et 12 ans en 2019, date du dépôt de la demande de prestations, et de 17 et 14 ans en 2021, date de la décision litigieuse, il y a lieu d’admettre qu’elles étaient suffisamment autonomes pour que la recourante puisse assumer une activité à un taux de 100%. L’enquêtrice a par ailleurs bien indiqué que la recourante était dans une situation financière péjorée depuis la séparation et qu’elle aurait travaillé pour compléter les pensions reçues. Le taux de 50% allégué par l’enquêtrice apparait ainsi en contradiction avec les raisons financières mentionnées par la recourante.

La recourante a ensuite confirmé, lors de l’audience du 20 septembre 2021, qu’elle aurait pris, en bonne santé, un emploi à 100%. Or, la déclaration de la recourante est crédible au vu de son parcours professionnel. En effet, la recourante est titulaire de diplômes d’employée de comptabilité, de comptable informaticienne et de technicienne en gestion des entreprises, obtenus au Maroc ; elle y a exercé une activité à temps plein de 1990 à mai 2001, comme assistante de vente, assistante comptable et secrétaire de direction. Peu après son entrée en Suisse, en 2001, la recourante a suivi un cours intensif d’anglais du 21 janvier au 17 mai 2002. Elle a ensuite travaillé, également à 100%, par le biais de D______ Ressources Humaines SA, comme opératrice système, pour l’ONU, dans le cadre d’emplois de durées de trois mois, dès le 22 novembre 2002, dès le 2 septembre 2003, dès le 23 février 2004, dès le 22 septembre 2004 et dès le 25 mai 2005. Elle a précisé lors de son audition, le 20 septembre 2021, qu’elle travaillait sur appel, qu’elle était disponible pour une activité à 100% et qu’elle attendait un contrat fixe avec l’ONU qu’elle n’avait pas obtenu. En 2003 et 2004, elle a suivi à l’IFAGE, en cours du soir, une formation lui permettant d’obtenir, le 17 septembre 2004, un CFC d’employée de bureau.

Après son premier accouchement, le______ 2004, la recourante a encore accepté une nouvelle mission temporaire à plein temps dès le 25 mai 2005, pour une durée de trois mois. Puis, elle a assumé, en 2006, une activité à un taux de 100% dans le cadre d’un emploi temporaire cantonal. Elle a aussi suivi, par le biais du chômage, des cours d’informatique et d’anglais (procès-verbal d’audience du 20 septembre 2021). Après son second accouchement le 18 juillet 2007, la recourante, déjà atteinte dans sa santé, a néanmoins déclaré qu’elle avait suivi des cours de langue pour compléter son curriculum vitae, en démontrant ainsi qu’elle avait l’intention d’acquérir des compétences, espérant encore être engagée sur le marché de l’emploi.

Au vu de ce parcours, il apparait que la recourante a eu, dès son entrée dans la vie professionnelle, une activité à 100%, puis qu’elle a, dans le canton de Genève, exercé des activités également à un taux de 100% et recherché un emploi à ce taux. A cet égard, dès son inscription à l’assurance-chômage, la recourante a déclaré un taux d’activité recherché de 100%, comme l’a constaté l’ORP le 2 mai 2019 (même si le détail du dossier de la recourante n’a pu être donné par l’ORP, l’inscription étant trop ancienne). On ne peut ainsi suivre l’intimé, lorsqu’il estime que la recourante n’a pas démontré avoir entrepris des démarches en vue de retrouver un emploi ; en effet, son inscription au chômage, au bénéfice d’indemnités, à tout le moins dès fin 2006, démontre qu’elle a dû rechercher activement un emploi à un taux de 100% pour respecter les exigences de l’OCE.

Même si la recourante a expliqué qu’elle avait, d’entente avec son époux, décidé ensuite de rester à la maison pour s’occuper de ses filles en bas âge, il ne ressort pas du dossier qu’elle avait l’intention d’abandonner définitivement la prise d’un emploi à un taux de 100%, ce d’autant qu’elle avait complété sa formation, en Suisse, par divers cours et l’obtention d’un CFC d’employée de bureau. A cet égard, le rapport d’enquête va dans ce sens, puisqu’il mentionne bien que la recourante a choisi de rester à la maison quelques années pour s’occuper de ses filles et améliorer sa santé et non pas pour ne plus retravailler.

Enfin, contrairement à l’avis de l’intimé, on ne peut conclure, du fait que la recourante n’aurait pas de formation ou de qualification professionnelle spécifique, qu’elle n’aurait pas cherché à travailler à un taux de 100%, cela d’autant moins qu’il a été souligné que la recourante est titulaire de plusieurs diplômes obtenus au Maroc, qu’elle a exploités concrètement sur le marché de l’emploi et qu’elle a démontré qu’elle était, dès son entrée en Suisse, intéressée à compléter sa formation professionnelle, par le biais de cours de langue, d’informatique et par l’obtention, en 2004, d’un CFC d’employée de bureau, qu’elle a de surcroit travaillé plusieurs mois à 100% et recherché également un emploi à un taux de 100%.

Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre que, sans atteinte à la santé, la recourante aurait, à tout le moins après sa séparation en 2018, repris un emploi à un taux de 100%, de sorte qu’elle bénéficie d’un statut d’active à 100%.

7.             Le recourante étant reconnue par l’intimée comme totalement incapable de travailler depuis octobre 2018, son degré d’invalidité est de 100%.

Partant, la recourante a droit à une rente d’invalidité entière dès le 1er octobre 2019.

Le recours sera admis et la décision litigieuse réformée en ce sens.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 22 avril 2021 dans le sens que la recourante a droit à une rente d’invalidité entière dès le 1er octobre 2019.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimé.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le