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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1689/2019

ATAS/477/2022 du 27.05.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1689/2019 ATAS/477/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mai 2022

5ème Chambre

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______ [GE], représentée par B______ [syndicat]

recourante

 

contre

C______ CAISSE DE CHÔMAGE, Administration Suisse Romande, sise ______ [FR]

 

intimée


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) a été employée par la société D______ AG en qualité de collaboratrice de vente du 1er octobre 2008 jusqu’au 30 septembre 2018.

b. En date du 28 septembre 2018, elle a résilié son contrat de travail avec effet au 30 septembre 2018, produisant un certificat médical du 24 septembre 2018, rédigé par le docteur E______, psychiatre, attestant d’un syndrome d’épuisement professionnel, de plusieurs somatisations de son angoisse et de symptômes dépressifs.

c. Selon le médecin, il n’y avait aucun antécédent psychiatrique et son état actuel devait être mis en lien avec des comportements répétés de mobbing qu’elle subissait depuis plusieurs mois. Elle était en arrêt de travail à 100 %, pour raison de maladie depuis juillet, et une tentative de reprise du travail s’était soldée par une aggravation des symptômes, raison pour laquelle le médecin soutenait « médicalement et psychiatriquement » sa démission, une reprise dans le même environnement professionnel amenant, à coup sûr, une nouvelle dégradation de son état.

d. Plusieurs arrêts de travail pour cause de maladie étaient documentés par des certificats signés par le Dr E______, soit : à 100 % du 23.07.2018 au 29.07.2018, puis à 50 % du 30.07.2018 au 26.08.2018, à 100 % du 27.08.2018 au 09.09.2018, à 100 % du 10.09.2019 au 30.09.2018.

e. En date du 1er octobre 2018, l’assurée s’est inscrite au chômage et a demandé le versement des indemnités journalières auprès de C______ caisse de chômage (ci-après : la caisse ou l’intimée).

B.       a. En date du 14 novembre 2018, la caisse a rendu une décision par laquelle elle suspendait le droit aux indemnités journalières pour une période de trente-et-un jours, considérant que l’assurée avait commis une faute grave en résiliant ses rapports de travail sans respecter le délai de résiliation, ce qui avait causé un dommage. Selon la caisse, le fait qu’un travail ne soit plus considéré comme convenable n’autorisait pas l’assurée à résilier abruptement les rapports de travail sans tenir compte des délais de résiliation ordinaire. Ce faisant, l’assurée renonçait à son droit au salaire, au détriment de la caisse de chômage.

b. En date du 7 décembre 2018, l’assurée s’est opposée à cette décision et a conclu à son annulation. Elle a fait valoir que la résiliation du contrat de travail était justifiée par une atteinte à la santé, soit de justes motifs, conformément à l’art. 337 al. 1 CO.

c. Par courrier du 11 décembre 2018, la caisse a accusé réception de l’opposition et a demandé des informations supplémentaires. La caisse voulait notamment savoir qui était responsable du mobbing, pour quelles raisons le mobbing n’avait pas été clairement évoqué dans la prise de position du 9 novembre 2018, comment les faits s’étaient caractérisés et depuis quand, exemples à l’appui, et enfin il était demandé si l’assurée s’était plainte, auprès des ressources humaines, de son employeur et pouvait ainsi produire des documents le confirmant.

d. Par courrier du 14 janvier 2019, l’assurée a répondu à la caisse. Elle a indiqué avoir fait l’objet d’actes hostiles et de harcèlement psychologique à plusieurs reprises et de la part de plusieurs personnes. Elle a notamment cité Monsieur F______, un nouvel assistant qui depuis le mois de septembre 2017 jusqu’au mois d’août 2018 lui avait fait des critiques directes de manière continuelle, la faisant passer pour une incapable devant les clients. Selon l’assurée, l’ambiance était devenue détestable. Elle avait essayé de s’adresser à son directeur, Monsieur G______, mais ce dernier l’avait éconduite, la renvoyant à s’adresser en priorité à M. F______. Elle n’avait pas mentionné sa souffrance au travail, dans sa prise de position du 9 novembre 2018, car elle craignait les représailles de son ancien employeur en cas d’obtention, dans l’intervalle, d’un nouvel emploi. Compte tenu de la situation de mobbing qui avait duré onze mois et qui avait gravement porté atteinte à sa santé, la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail se justifiait.

e. En date du 5 avril 2019, la caisse a confirmé sa décision sur opposition avec la même motivation. Il était reproché à l’assurée de ne pas avoir respecté le préavis de trois mois et d’avoir ainsi causé un dommage à l’assurance-chômage. Selon la caisse, les certificats médicaux produits et les raisons médicales qui étaient alléguées ne permettaient pas de traiter le cas d’une manière différente.

C.      a. Par écriture du 3 mai 2019, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 5 avril 2019 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle concluait à l’annulation de ladite décision en reprenant les motivations déjà alléguées auprès de la caisse. Elle reprochait à cette dernière d’avoir outrepassé son pouvoir d’appréciation et d’avoir fait preuve d’arbitraire sans prendre en considération les faits pertinents. Il était notamment reproché à la caisse d’avoir « appliqué de manière systématique et disproportionnée le barème du SECO contrairement à la jurisprudence du Tribunal fédéral ». De plus, le délai de trente-et-un jours de suspension était « totalement disproportionné » au vu des preuves apportées pendant la procédure.

b. Dans sa réponse du 28 juin 2019, la caisse a récapitulé les faits qu’elle considérait comme déterminants. Elle rappelait le contenu de l’attestation médicale du 24 septembre 2018 mentionnant les troubles psychiques de la santé qui avaient été observés par le médecin traitant, ainsi que les dates des arrêts de travail pour cause de maladie. Il était rappelé que la recourante avait indiqué dans sa demande d’indemnités de chômage du 29 octobre 2018 qu’elle avait subi des actes de mobbing pendant plusieurs mois. La caisse s’était fondée sur l’échelle de suspension figurant dans le barème SECO sous référence D75 1G et sur l’audit letter du SECO 2013/01 et 2017/2 pour prononcer sa sanction. La caisse admettait qu’un employé puisse résilier lui-même son rapport de travail, s’il pouvait certifier par une attestation médicale qu’il ne pouvait plus rester à son poste de travail pour des raisons de santé. Ce faisant, il devait respecter les délais de congé, car sinon, en résiliant de manière anticipée, l’assuré renonçait à des prétentions de salaire ou à des prétentions d’indemnités journalières pour perte de gain maladie, ce qui entraînait un dommage pour l’assurance-chômage et entraînait l’application d’une sanction. La caisse maintenait donc le dispositif et les motivations de la décision querellée.

c. Par courrier du 15 juillet 2019, l’assurée a répliqué, relevant que la caisse n’apportait pas d’élément nouveau dans sa réponse, et qu’elle ne faisait que reprendre les mêmes arguments déjà mentionnés dans la décision querellée. La recourante maintenait ses prétentions et ses conclusions.

d. Par duplique du 22 juillet 2019, la caisse a renoncé à présenter des observations supplémentaires et a maintenu ses conclusions, soit le rejet du recours et la confirmation de la décision du 5 avril 2019.

e. En date du 6 janvier 2020, la recourante a demandé à être entendue en comparution personnelle et a demandé la citation de deux témoins, anciennes collègues de travail, qui pouvaient attester du climat malsain dont elle se plaignait. L’audition de la recourante et des témoins a permis d’établir que la recourante subissait des atteintes de la part de sa hiérarchie et de ses collègues et évoluait dans un climat de travail délétère.

f. Par arrêt du 10 décembre 2020 (ATAS/1199/2020), la chambre de céans a admis le recours et annulé la décision du 5 avril 2019.

D.      a. Sur recours de la caisse, le Tribunal fédéral, par arrêt du 27 octobre 2021 (8C_99/2021), a confirmé que l’assurée était fondée à résilier son contrat de travail pour des raisons de santé liées à son environnement professionnel ; toutefois, elle n’en avait pas moins une obligation de diminuer le dommage et devait contribuer, de manière appropriée, à supporter le dommage occasionné par la résiliation anticipée des rapports de travail. Dès lors, une suspension du droit à l’indemnité entrait en ligne de compte et il appartenait à la chambre de céans, sur renvoi, de se prononcer sur la gravité de la faute et la durée de la suspension du droit aux indemnités.

b. Par courrier du 16 novembre 2021, la chambre de céans a informé les parties de la reprise de l’instruction de la cause, après l’arrêt du Tribunal fédéral, et les a invitées à formuler leurs observations.

c. Dans le délai qui leur avait été octroyé, les parties se sont déterminées. Le mandataire de l’assurée a considéré qu'il s’agissait d’une faute moyenne et que la pénalité devait donc être réduite dans une fourchette comprise entre dix-huit et vingt-deux jours de suspension. La caisse, quant à elle, a considéré que la faute devait être qualifiée de grave tout en relevant, au vu des conditions de travail qui avaient mené à son inaptitude et à sa démission, que la quotité de la sanction de l’assurée correspondait au minimum absolu de la faute grave, soit trente-et-un jours de suspension. Considérant que l’assurée était privée d’un mois et demi d’indemnités journalières et que la caisse supportait, de son côté, un dommage d’une durée exactement identique, causé par la renonciation de l’assurée, le dommage était ainsi réparti équitablement.

d.      Sur ce, la cause a été gardée à juger.

e. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le point de savoir si c’est à bon droit que l’intimée a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage de trente-et-un jours en raison du non- respect du délai de résiliation des rapports de travail par la recourante.

4.        L'art. 30 al. 1 let. a LACI prévoit que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

Le fait que le travail ne soit plus convenable n’autorise pas la personne assurée à résilier son contrat de travail sans respecter les délais de résiliation ordinaire et ainsi renoncer à son droit aux salaires selon l’art. 324a CO durant le délai de congé contractuel au détriment de l’assurance-chômage (Bulletin LACI IC, ch. D75, 1, G).

Si l’assuré renonce tout de même à son droit aux salaires ou aux indemnités journalières en cas de maladie dans le cadre de l’obligation de continuer à verser le salaire, en mettant fin à ses rapports de travail avant le terme du délai de résiliation contractuelle, qu’il s’inscrit et perçoit des indemnités journalières pendant la période où court le délai de résiliation contractuelle, il cause par son comportement un dommage à l’assurance-chômage. Par conséquent, il doit participer de manière appropriée à la réparation du dommage occasionné sous la forme d’une suspension pour chômage fautif (audit letter édition 2017/2 septembre 2017, arrêt TC FR 605 2018 226 du 21 janvier 2020).

5.        La suspension du droit à l'indemnité est destinée à poser une limite à l'obligation de l'assurance-chômage d'allouer des prestations que l'assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l'assuré, d'une manière appropriée, du préjudice causé à l'assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 16 avril 2008 consid. 2.1). La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute, mais également du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 5.3).

L'assuré qui accepte expressément et valablement une résiliation anticipée de son contrat de travail ne respectant pas le délai de congé ou qui refuse, en toute connaissance de cause, de travailler jusqu'au prochain terme légal de congé (licenciement en temps inopportun) renonce non à des prétentions de salaire, mais à la poursuite des rapports de travail. Il doit donc être suspendu dans son droit à l'indemnité pour chômage fautif en vertu de l'art. 30 al. 1 let. a LACI (Bulletin LACI, n° D24 et D29 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 23 ad art. 30 et référence citée ; arrêt du Tribunal fédéral C 108/01 du 21 août 2001 consid. 2.a).

6.        L'art. 61 al. 1 let. a LPA dispose que le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité. Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation, l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_33/2012 du 26 juin 2012 consid. 2).

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_577/2011 du 31 août 2012 consid. 3.2.2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons (ATF 123 V 150 consid. 2).

Si les conditions de travail difficiles ne sont pas suffisantes pour justifier une résiliation et ainsi empêcher une sanction, elles peuvent toutefois être prises en compte dans la fixation de la durée de la suspension (arrêt du Tribunal fédéral 8C_107/2018 du 7 août 2018 consid. 3).

7.        Selon la jurisprudence, lorsqu'un assuré peut se prévaloir d'un motif valable, il n'y a pas nécessairement faute grave en cas d'abandon d'un emploi convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère, il peut s'agir d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.2). Si l'existence d'une faute de l'assuré doit être admise mais que celui-ci peut faire valoir des circonstances atténuantes, par exemple une situation comparable à du mobbing ou des provocations continuelles de la part de l'employeur, la durée de la suspension sera réduite en fonction de la gravité de la faute concomitante commise par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral C_74/2006 du 6 mars 2007 consid. 3). Dès lors, même en cas d'abandon ou de refus d'emploi, il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à trente-et-un jours, en présence de circonstances particulières, objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2012 du 29 novembre 2012 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011 consid. 6 ; RUBIN, op. cit., 117 ad art. 30). Il n'en demeure pas moins que, dans les cas de chômage fautif au sens de l'art. 30 al. 1 LACI, l'admission de fautes moyennes ou légères doit rester l'exception (arrêt du Tribunal fédéral C_161/06 du 6 décembre 2006 consid. 3.2 in fine). Les motifs permettant de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (RUBIN, op. cit., 117 ad art. 30).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2).

9.        En l’espèce, le Tribunal fédéral a confirmé, dans son arrêt 8C_99/2021, consid. 5.3, du 27 octobre 2021, que l’assurée était en droit de résilier son contrat de travail en raison des actes d’hostilité et de dénigrement commis ou tolérés par l’employeur ; cet aspect n’a donc pas besoin d’être revu par la chambre de céans.

En revanche, s’agissant du respect du délai de résiliation, le Tribunal fédéral considère qu’au vu du certificat médical joint à la lettre de résiliation, une reprise effective du travail durant le délai de résiliation n’entrait pas en ligne de compte d’une part et que, d’autre part, le droit au salaire en cas d’empêchement non fautif de travailler était garanti jusqu’à la fin du délai de congé.

Par conséquent, si l’assurée avait respecté le délai de congé de trois mois, compte tenu du fait qu’elle n’était pas tenue de retourner travailler auprès de son employeur, le salaire aurait continué à être payé par son employeur pendant ce délai, respectivement l’assureur perte de gain aurait dû verser les indemnités perte de gain maladie, pendant tout ou partie de cette période.

En ne tenant pas compte de ces éléments, l’assurée a fait supporter à la caisse le préjudice financier pendant le délai de congé de trois mois, alors même qu’elle pouvait éviter ce dommage tout en ne s’exposant pas elle-même à devoir continuer à supporter des actes de mobbing.

À l’aune de ce qui précède, le principe de la faute de l’assurée doit donc être confirmé.

10.    Il s’agit, à présent, d’examiner la question de la quotité et de la proportionnalité de la sanction de suspension des indemnités pendant trente-et-un jours.

Aux termes de l'art. 45 al. 3 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), la suspension dure de un à quinze jours en cas de faute légère (let. a), de seize à trente jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de trente-et-un à soixante jours en cas de faute grave (let. c). Aux termes de l’art. 45 al. 4 let. a OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi.

Selon l’échelle des sanctions figurant dans le Bulletin LACI IC, ch. D75, 1G, 3, l’assuré qui, au bénéfice d’un certificat médical, résilie son contrat de travail sans respecter le délai de congé et renonce ainsi aux salaires auxquels il aurait droit en vertu de l’art. 324a CO durant le délai de congé contractuel, commet une faute. Celle-ci est qualifiée de légère jusqu’à un mois de prétentions salariales perdues, moyenne jusqu’à deux mois de prétentions salariales perdues, et moyenne à grave lorsqu’il est renoncé à plus de deux mois de prétentions salariales.

La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Dans les cas de suspension pour le motif prévu à l'art. 44 al. 1 let. b, l'art. 45 al. 3 OACI ne constitue qu'un principe dont l'administration et le juge des assurances peuvent s'écarter lorsque les circonstances particulières du cas d'espèce le justifient. Dans ce sens, le pouvoir d'appréciation de l'un et de l'autre n'est pas limité à la durée minimum de suspension fixée pour les cas de faute grave. Aussi bien l'administration que le juge ont la possibilité d'infliger une sanction moins sévère (RJJ 1999 p. 54 ; DTA 2000 n° 8 p. 42 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C_160/2003 du 18 mai 2006 consid. 2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons (ATF 123 V 152 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 378/00 du 4 septembre 2001 consid. 5a).

10.1 L’échelle des sanctions citée supra prévoit que lorsque l’assuré renonce à plus de deux mois de prétentions salariales, la faute doit être considérée de moyenne à grave.

 

Il s’ensuit que la renonciation par l’assurée de son droit aux salaires ou aux indemnités perte de gain pendant une durée de trois mois ne doit pas automatiquement être qualifiée de faute grave, mais bien plutôt de faute moyenne à grave.

Les explications données par l’assurée lors de sa comparution personnelle, selon lesquelles elle ne pouvait plus continuer et voulait faire une « coupure nette » car elle n’était pas bien, ne permettent pas de justifier l’abandon de son droit au salaire, respectivement aux indemnités, pour une durée de trois mois. Cependant, lorsqu’on met en perspective cette déclaration avec le certificat médical rédigé par son médecin et les témoignages concernant les actes d’hostilité et de dénigrement dont faisait l’objet la recourante, on peut admettre que l’assurée était plongée dans le désarroi, ce qui pouvait influencer sa capacité à faire des choix raisonnables.

10.2 À cet égard, la chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la recourante était à ce point touchée par les actes subis sur son lieu de travail qu’elle voulait, par tous les moyens, se distancer de son employeur, fût-ce par une mesure aussi radicale que celle consistant à ne pas respecter le délai de résiliation, quand bien même le respect de ce dernier n’impliquait pas qu’elle doive retourner travailler.

Ces circonstances particulières doivent être prises en compte dans la fixation de la quotité de la sanction et conduire à prononcer une sanction moins sévère que celle correspondant au plancher minimum de la faute grave.

Dans un arrêt 8C_24/2021 du 10 juin 2021, le Tribunal fédéral a eu à connaître de la situation d’un assuré qui, par son comportement, notamment au niveau de ses exigences salariales, avait, sans renoncer formellement à une offre d’emploi, accepté que le poste proposé soit offert à une autre personne. Le Tribunal fédéral a pris en compte ces circonstances personnelles qui l’on conduit à descendre en dessous du cadre de la sanction pour faute grave et à réduire la suspension du droit aux prestations à dix-huit jours (consid. 4.2 : fourchette inférieure en cas de faute moyennement grave selon l'art. 45 al. 3 let. b OACI).

Gardant toutefois à l’esprit que la faute de la recourante doit être qualifiée de moyenne à grave, il se justifie de rester dans le segment supérieur de la fourchette pour faute moyenne de seize à trente jours. La valeur médiane étant de vingt-trois jours, la chambre de céans considère qu’une sanction de vingt-quatre jours de suspension du droit à l’indemnité est adéquate et proportionnée à la faute commise, à l’aune des circonstances personnelles mentionnées supra.

10.3 Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la sanction réduite à vingt-quatre jours de suspension du droit à l’indemnité en lieu et place de trente-et-un jours.

 

11.    La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, une indemnité de CHF 400.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition du 5 avril 2019 en ce sens que la sanction est réduite à vingt-quatre jours de suspension de l’indemnité chômage.

4.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 400.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

Philippe KNUPFER

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le ______