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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2280/2021

ATAS/467/2022 du 23.05.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2280/2021 ATAS/467/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mai 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à B_______

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A.           a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), dont les rapports de travail auprès d'une association ont pris fin avec effet au 31 octobre 2019 consécutivement à son licenciement, a sollicité de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) des prestations de l'assurance-chômage à compter du 1er novembre 2019. Un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en sa faveur dès cette date jusqu'au 31 octobre 2021.

b. Élue conseillère municipale de la commune B______ au 1er juin 2020, elle a perçu des jetons de présence de CHF 420.- en juin 2020, CHF 535.- en septembre 2020, CHF 460.- en octobre 2020 et CHF 785.- en novembre 2020, soit un total de CHF 2'200.- selon l'attestation de gain intermédiaire du 14 décembre 2020 signée par la mairie B______.

c. Dans les décomptes d'indemnités journalières, la caisse a tenu compte du gain intermédiaire pour chaque mois concerné.

d. Dans un courrier du 30 décembre 2020, l'assurée a demandé à la caisse de retrancher du gain intermédiaire provenant des jetons de présence la rétrocession de CHF 726.- à son parti politique, extrait du virement bancaire à l'appui. Celle-ci y a répondu négativement le 4 janvier 2021.

B.            Par décision du 4 mai 2021, confirmée sur opposition le 8 juin 2021, la caisse, en s'appuyant sur un courrier du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) du 9 avril 2021, à qui la question soulevée par l'assurée avait été soumise, a considéré que la totalité des jetons de présence devait être prise en considération en tant que gain intermédiaire, sans déduction de la rétrocession au parti politique.

C.           a. Par acte du 5 juillet 2021, l'assurée a recouru contre ladite décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) en concluant à son annulation et au remboursement par l'intimée du montant de la rétrocession.

b. Dans sa réponse du 2 septembre 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Invitée à répliquer, la recourante ne s'est pas manifestée dans le délai imparti.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-chômage, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

3.1 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a ; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

3.2 Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. ATAS/360/2021 du 15 avril 2021 consid. 3).

4.             Le recours a été formé dans le délai de trente jours dans les forme et contenu prescrits par les art. 60 et 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il est donc recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir si le montant de la rétrocession effectuée par la recourante en faveur de son parti politique sur les jetons de présence qu'elle a perçus en contrepartie de son activité de conseillère municipale doit être déduit du gain intermédiaire.

6.             Selon l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage : s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a) ; s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b) ; s'il est domicilié en Suisse (let. c) ; s'il a achevé sa scolarité obligatoire, qu'il n'a pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l'AVS (let. d) ; s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e) ; s'il est apte au placement (let. f) ; et s'il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

7.             L’indemnité journalière pleine et entière s’élève à 80 % du gain assuré (art. 22 al. 1, 1ère phrase, LACI).

7.1 Est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail (art. 23 al. 1, 1ère phrase, LACI).

L'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) dispose que le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s'ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

Selon l’art. 7 let. i du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), le salaire déterminant au sens de l’AVS comprend, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un dédommagement pour frais encourus, notamment le revenu des membres d’autorités de la Confédération, des cantons et des communes. Sont ainsi considérés comme des membres d'autorités selon cette disposition, les membres du pouvoir exécutif, judiciaire et législatif des autorités mentionnées, tels des conseillers communaux qui exercent leur fonction au sein de l'exécutif communal à titre accessoire ou les parlementaires communaux (arrêt du Tribunal fédéral non publié 9C_699/2008 du 26 janvier 2009 consid. 3.1).

Le salaire pris en considération comme gain assuré se rapproche de la notion de salaire déterminant au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS, mais ne se recouvre pas exactement avec celui-ci, comme cela ressort du terme « normalement » (« normalerweise » ; « normalmente ») utilisé à l'art. 23 al. 1 LACI. Certains montants perçus par le salarié, certes soumis à cotisations, n'entrent pas dans la fixation du gain assuré. Il en va ainsi notamment de la rémunération des heures supplémentaires, de l'indemnité de vacances (à certaines conditions : ATF 130 V 492 consid. 4.2.4), des gains accessoires (art. 23 al. 3 LACI) ou des indemnités pour inconvénients liés au travail ou en raison de frais occasionnés par le travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_226/2019 du 15 novembre 2019 consid. 3.2.2 et les références).

7.2 Selon l'art. 9 RAVS, les frais généraux sont les dépenses résultant pour le salarié de l'exécution de ses travaux. Le dédommagement pour frais encourus n'est pas compris dans le salaire déterminant (al. 1). Ne font pas partie des frais généraux les indemnités accordées régulièrement pour le déplacement du domicile au lieu de travail habituel et pour les repas courants pris au domicile ou au lieu de travail habituel ; ces indemnités font en principe partie du salaire déterminant (al. 2).

Les contributions aux partis politiques, dont le montant varie d'un parti à l'autre, doivent être acquittées sur une base volontaire et ne sont ainsi absolument pas nécessaires à l'obtention du revenu. Elles ne sont par ailleurs pas reconnues en droit fiscal comme frais professionnels ou frais d'acquisition du revenu. Aussi ne doivent-elles pas être considérées comme des frais généraux déductibles du salaire déterminant au sens de l'art. 9 RAVS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2017 du 16 octobre 2018 consid. 9.1 et les références).

8.             Est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle. L’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain. Le taux d’indemnisation est déterminé selon l’art. 22 LACI. Le Conseil fédéral fixe le mode de calcul du gain retiré d’une activité indépendante (art. 24 al. 1 LACI).

Selon l'art. 24 al. 3 LACI, est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux. Les gains accessoires ne sont pas pris en considération (art. 23 al. 3 LACI).

Lorsque l’assuré réalise un revenu inférieur à son indemnité de chômage, il a droit à des indemnités compensatoires pendant le délai-cadre d’indemnisation (art. 41a al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]).

9.             Aux termes de l'art. 23 al. 3 LACI, un gain accessoire n'est pas assuré. Est réputé accessoire tout gain que l'assuré retire d'une activité dépendante exercée en dehors de la durée normale de son travail ou d'une activité qui sort du cadre ordinaire d'une activité lucrative indépendante. Selon la jurisprudence (ATF 126 V 207 consid. 1 ; ATF 125 V 475), le gain assuré comprend exclusivement le revenu tiré de l'activité salariée normale, même si les gains procurés par une activité accessoire sont proportionnellement plus élevés que celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C.230/03 du 19 octobre 2004 consid. 5.1).

L'horaire de travail peut être variable dans beaucoup d'activités. La notion d'accessoire du gain doit être comprise par rapport à celui provenant d'une activité principale. Comme tel il n'entre pas dans le calcul des indemnités de chômage, ce gain ne peut demeurer que dans un rapport de proportion faible avec le revenu de l'activité principale. À défaut de quoi, si ce gain venait régulièrement à se rapprocher ou dépasser le gain principal, l'activité ne pourrait plus être accessoire et le gain ne le serait pas davantage (ATF 123 V 230 consid. 3c).

Dans l'arrêt précité du 19 octobre 2004 (C.230/03), dans le cas d’un assuré qui a exercé pendant son chômage une activité de collaborateur au service extérieur à raison de quinze heures par semaine lui rapportant un revenu mensuel variable entre environ CHF 350.- et CHF 2'800.-, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que cette activité n'était pas accessoire au sens de l'art. 23 al. 3 LACI, puisque l’assuré n'avait pas d'activité principale par rapport à laquelle son activité de collaborateur au service externe aurait été accessoire. Selon la Haute Cour, les gains réalisés à cette occasion ne sont pas non plus accessoires, vu leur importance, ils doivent au contraire être qualifiés de gains intermédiaires au sens de l'art. 24 al. 1 LACI (consid. 5.1).

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

11.         En l'espèce, un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en faveur de la recourante du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2021. Élue au Conseil municipal de la Ville du Grand-Saconnex, elle a reçu des jetons de présence dès juin 2020. Selon les formulaires « indications de la personne assurée » au dossier, elle n'avait aucune activité principale. Par conséquent, l'activité de conseillère municipale ne peut pas être considérée comme une activité accessoire par rapport à une activité principale. En outre, les revenus qu'elle a retirés de cette activité (en moyenne : CHF 440.- par mois [CHF 2'200.- / 4 mois, soit juin, septembre, octobre et novembre 2020]) ne peuvent pas davantage être qualifiés d'accessoires, car ils sont d'une importance comparable à ceux évalués par le Tribunal fédéral dans l'arrêt C.230/03 cité ci-dessus (dans ce sens : ATAS/616/2013 du 19 juin 2013 consid. 6). C'est donc à juste titre que l'intimée les a qualifiés de gain intermédiaire au sens de l'art. 24 al. 1 LACI, ce que la recourante ne conteste pas au demeurant.

Cela étant dit, contrairement à ce que fait valoir la recourante, conformément à la jurisprudence fédérale (consid. 7.2 ci-dessus), il n'y a pas lieu de tenir compte, au titre de frais généraux déductibles au sens de l'art. 9 RAVS, la contribution de CHF 726.- qu'elle a reversée à son parti politique. Dans l'arrêt 9C_641/2017 précité, la Haute Cour souligne en effet que les contributions aux partis politiques doivent être payées volontairement et ne sont par conséquent pas absolument nécessaires à l'obtention du revenu. En d'autres termes, quand bien même le parti politique en question a demandé à la recourante de lui rétrocéder 33 % de ses jetons de présence perçus en 2020 au regard des statuts dudit parti, la recourante, pour exercer son mandat, n'a pas l'obligation de verser à son parti cette contribution.

Partant, c'est à bon droit que l'intimée a refusé de déduire le montant de CHF 726.- du gain intermédiaire.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le