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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2329/2021

ATAS/337/2022 du 14.04.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2329/2021 ATAS/337/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 14 avril 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1988, a demandé le 9 juillet 2018 des prestations d’assurance-invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) indiquant être en incapacité de travail à 100% dès le 15 février 2018.

b. Dans un rapport du 13 juillet 2018, le docteur B______, médecine générale, a indiqué suivre l’assurée depuis le 1er février 2018. Celle-ci était incapable de travailler à 100% dès le 15 février 2018 pour une durée indéterminée. Elle souffrait de dépression, angoisse, troubles alimentaires, TOC, autodestruction, envies suicidaires. Les diagnostics étaient une dépression sévère et un trouble anxieux généralisé. Il était envisagé de l’hospitaliser à la Métairie. Selon un rapport d’évaluation d’intervention précoce établi le 16 octobre 2018, il ressortait d’un entretien du même jour avec l’assurée qu’elle était libraire de formation et de profession et qu’elle s’était réorientée dans le domaine horloger, car elle voulait fuir les gens et devoir toujours vendre. Elle avait toutefois été déçue par sa formation d’opératrice en horlogerie et une mission chez C______. Ses difficultés avaient commencé en février 2017 avec la mort de son père dont elle était très proche. Elle travaillait alors en tant que libraire et se formait en parallèle en tant qu’opératrice en horlogerie. Lors de son emploi chez C______, elle avait eu du mal à s’intégrer et eu des problèmes avec un supérieur, qui ne considérait pas que ses douleurs étaient liées à une mauvaise adaptation ergonomique de son poste. Elle avait été en arrêt maladie pour ses douleurs, puis avait craqué au bout d’un an, le jour d’anniversaire de la mort de son père. L’assurée avait pris 20 kg en une année. Les symptômes étaient une angoisse sociale, des idées suicidaires, une fatigue physique et psychique et la peur des gens ou du nouveau. Elle ne répondait pas au téléphone et préférait les rencontres individuelles. Elle n’avait pas obtenu son CFC de libraire ni une certification de sa formation en opératrice en horlogerie. Une mesure de coaching était proposée pour mobiliser l’assurée. Vu son état de santé et ses nombreux rendez-vous médicaux, elle n’était pas preneuse, ce d’autant plus qu’une psychologue la conseillait également au quotidien. Elle affirmait ne pas aimer travailler dans le domaine administratif ou dans un bureau. Elle avait été invitée à ouvrir la réflexion sur les MIP pertinentes.

c. Le 6 novembre 2018, la doctoresse D______, psychiatrie et psychothérapie, a posé au sujet de l’assurée les diagnostics suivants : anxiété généralisée et personnalité émotionnellement labile. Elle estimait que celle-ci était totalement incapable de travailler depuis le 5 février 2018 dans toute activité.

d. Selon une note de travail IP (intervention précoce) du 21 janvier 2019, l’assurée était à l’hôpital Belmont depuis 3 semaines. Elle en sortirait le 29 suivant et enchaînerait par un suivi en hôpital de jour.

e. La Dresse D______ a transmis à l’OAI le 13 février 2019 un rapport d’examen neuropsychologique qu’elle avait établi avec Madame E______, psychologue diplômée, suite à un examen du fonctionnement intellectuel du 1er octobre 2018. Elle concluait que le tableau cognitif de l’assurée était dominé par un ralentissement psychomoteur et des difficultés en mémoire de travail, qui étaient compatibles avec le contexte thymique de dépression sévère et d’anxiété sévère dans lequel s’inscrivait l’assurée. Elle lui proposait de poursuivre une psychothérapie dans le but d’améliorer son anxiété, sa confiance et son estime de soi.

f. Le 20 février 2019, la division de réadaptation professionnelle a fermé le mandat, l’assurée n’étant pas preneuse de mesures d’intervention précoce.

g. La doctoresse F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie a procédé à une expertise psychiatrique de l’assurée, à la demande de Mutuel assurance-accidents (ci-après Mutuel). Elle n’a retenu aucun diagnostic avec incidence sur la capacité de travail dans son rapport du 16 avril 2019.

h. Le 15 juillet 2019, la doctoresse G______, spécialiste en psychiatre et psychothérapie FMH, a informé Mutuel que l’assurée était à nouveau hospitalisée à la clinique Belmont à la suite d’une décompensation thymique et vu son trouble des conduites alimentaires. L’évolution avec le retour à domicile n’avait malheureusement pas été favorable, malgré l’étayage mis en place. Elle était en incapacité de travail à 100%.

i. Le 6 novembre 2019, la Dresse G______ a indiqué à l’intimé que l’assurée souffrait d’un trouble du spectre autistique, d’un déficit d’attention, d’un trouble boulimique, d’un trouble dépressif récurrent et d’un trouble d’anxiété sociale. Elle était toujours très en difficulté avec son anxiété sociale qui la confinait chez elle et qui était à mettre en lien avec son trouble autistique qui avait été récemment diagnostiqué. L’humeur était encore extrêmement fragile et l’assurée vulnérable à tout type de stresseurs environnementaux. L’observance thérapeutique était bonne et avait permis de diminuer la dimension anxieuse présentée par l’assurée. Celle-ci restait isolée chez elle. Seuls son compagnon et des membres de sa famille lui rendaient visite. Sortir pour faire toute activité sociale lui était extrêmement difficile. Elle arrivait par contre à venir à tous les ateliers et entretiens qui avaient lieu à la clinique, où elle se sentait en sécurité. Elle avait une tendance à une procrastination extrêmement importante, avec un laisser-aller au niveau des tâches ménagères, notamment. Elle n’avait pas d’activités loisirs en dehors des centres d’intérêt spécifiques qui étaient pratiqués uniquement via internet, ce qui limitait pour elle tout contact social. Le travail de coaching à domicile visait à la redynamiser dans son quotidien et à l’aider à mettre en place des stratégies comportementales pour mieux vivre son quotidien et les relations sociales. Le fait d’accepter le diagnostic du trouble autistique lui permettait de mieux comprendre ses difficultés à s’insérer dans la société. Elle avait un déficit d’attention avec une médication spécifique. Actuellement, elle n’était pas stabilisée et aucune activité professionnelle ne pouvait être engagée. Dans la mesure où les troubles psychiques étaient stabilisés, il était raisonnable d’envisager une capacité de travail de l’ordre de 50% dans une activité adaptée. Le facteur de limitation principal était le trouble autistique.

j. Selon un avis médical du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) du 31 mars 2020, les pièces médicales faisaient état d’un état de santé non stabilisé, mais en progression.

k. Le 21 juin 2020, la Dresse G______ a précisé, sur demande de l’OAI, que l’assurée était rapidement en difficulté dans les interactions sociales. Du fait de sa dimension autistique, elle avait besoin de consignes claires et écrites ainsi que d’un cadre de travail où le rendement était adapté à ses performances et avec des tâches répétitives. La prise de responsabilités n’était pas envisageable. Des conditions de travail stressantes étaient tout à fait défavorables, car elle perdait totalement ses moyens, sidérée par l’angoisse. Dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles, elle pourrait avoir une capacité de travail de 50%. Cela restait à évaluer.

S’agissant de l’évolution de son état de santé, depuis sa première prise en charge à fin 2018, l’évolution clinique de l’assurée avait été lentement favorable. La Dresse G______ avait pu diagnostiquer chez elle un trouble autistique de très haut niveau, dont découlait le trouble d’anxiété sociale pour une grande partie. Il existait en parallèle un trouble du déficit d’attention, qui n’avait pas non plus été diagnostiqué jusque-là. Le trouble des conduites alimentaires n’était qu’un régulateur émotionnel chez l’assurée. D’autre part, la dimension thymique effondrée suite au décès de son père était à mettre également en lien avec l’épuisement psychique qu’elle pouvait subir du fait de sa dimension autistique. Actuellement, l’assurée, qui avait bénéficié d’une psycho-éducation intensive sur son trouble autistique et son trouble de déficit d’attention, réussissait à mieux gérer son quotidien et sa fatigabilité, tout en demeurant extrêmement vulnérable pour tout ce qui concernait les relations interpersonnelles et la gestion des stresseurs environnementaux. C’était pour cette raison que l’hôpital de jour était toujours nécessaire. L’assurée était très observante tant à sa prise en charge qu’à sa médication et elle souhaitait vivement s’orienter vers un travail adapté qui lui permettrait de poursuivre son processus de réinsertion.

l. Le 31 juillet 2020, l’OAI a confié une expertise psychiatrique au docteur H______, le SMR ayant constaté des discordances importantes entre l’appréciation de la Dresse F______ et celle de la Dresse G______.

m. Le 18 novembre 2020, la Dresse G______ a transmis un rapport détaillé au Dr H______, dans lequel elle indiquait suivre l’assurée depuis novembre 2018 et la voir chaque quatre à six semaines. Elle travaillait en psychothérapie déléguée à Madame I______, psychologue clinicienne, qui suivait l’assurée de façon hebdomadaire. L’assurée avait été mise par son précédent psychiatre sous Zyprexa 20 mg, Paroxétine 40 mg et Valium 10 mg avec du Xanax en réserve. Durant sa première hospitalisation en décembre 2018, la Paroxétine avait été diminuée à 20 mg et le Zyprexa et les benzodiazépines avaient été stoppés progressivement. Un traitement de l’Atarax avait été instauré en réserve. Il s’avérait que l’assurée était fortement ralentie par l’association médicamenteuse, qui lui avait fait prendre une vingtaine de kilos en un peu moins de deux ans. À cette époque, elle vivait recluse chez elle sans aucun contact social et faisait des crises d’attaque de panique quotidiennement. Durant cette hospitalisation, un déficit d’attention et un syndrome autistique de type Asperger avaient pu être objectivés. À sa sortie d’hospitalisation, l’assurée avait eu une prise en charge en hospitalisation de jour de janvier à juillet 2019. Durant cette période, son état thymique s’était relativement stabilisé et elle avait pu reprendre un début de socialisation, à savoir pouvoir sortir de chez elle seule et prendre le tramway pour venir à ses soins.

Malheureusement, elle avait stoppé son antidépresseur, l’incriminant d’être responsable d’une intolérance digestive, mais aussi d’hémorragies gynécologiques. Ce constat était validé par un confrère micro-nutritionniste. Cet arrêt de traitement l’avait malheureusement conduite à une nouvelle décompensation de l’humeur avec un risque suicidaire, ce d’autant plus qu’il avait été convenu avec elle d’essayer une reprise progressive de son activité professionnelle. Elle avait donc été réadmise en hospitalisation à mi-juillet pour un épisode dépressif majeur sévère. L’assurée avait pu être convaincue qu’une médication était indispensable pour soutenir son humeur et traiter son anxiété majeure. Le choix s’était porté sur le Wellbutrin pour lequel les personnes ayant un déficit d’attention et souffrant d’état dépressif avaient une bonne réponse. Le Strattera avait été mis en place, car le Methylphénidate n’avait pas été supporté par l’assurée en raison d’une intolérance digestive. À 80 mg, une bonne réponse avait été obtenue, avec une action également sur la dimension anxieuse.

À sa sortie d’hospitalisation, un étayage en hospitalisation de jour avait été remis en place. Le travail sur la gestion émotionnelle et les habiletés sociales s’était poursuivi. Les entretiens avec les infirmiers et des coachs à domicile avaient pu aider la patiente à structurer son quotidien et à poursuivre le travail pour lutter contre l’anxiété sociale.

Pendant cette période, en fonction des stresseurs environnementaux, le traitement de Wellbutrin et de Strattera avait été augmenté, mais avait rapidement dû être réduit, l’assurée s’étant plainte d’effets secondaires digestifs. L’association de ces deux molécules avait permis de soutenir l’humeur de l’assurée et de l’aider à reprendre pied dans la gestion de son quotidien.

L’assurée présentait une personnalité anxieuse, mais très en lien avec son trouble du spectre autistique. Elle s’était jusque-là compensée avec son étayage familial et notamment la présence de son père et il était donc logique qu’elle ait décompensé au décès de celui-ci. L’enjeu pour elle était de pouvoir maintenir la socialisation qu’elle avait par le passé qui était relativement bien adaptée, en l’aidant à gérer ses émotions en entraînant ses habiletés sociales. Un travail de psycho-éducation avait été effectué avec elle sur le trouble de déficit d’attention et sur le trouble du spectre autistique. À ce jour, l’évolution de l’assurée était plutôt favorable, puisque l’hospitalisation de jour venait d’être stoppée. La démarche auprès de l’assurance-invalidité se justifiait dans un processus de réadaptation fonctionnelle pour cette patiente dans un emploi adapté à ses troubles psychiques.

n. Dans son rapport du 25 février 2021, le Dr H______ a notamment fait une synthèse du dossier et a résumé l’entretien qu’il a eu avec l’assurée le 21 octobre 2020, de 10h30 à 12h45, avec une anamnèse professionnelle, affective et sociale ainsi que socio-économique récente. Il a évoqué les antécédents psychiatriques, le traitement actuel et le déroulement détaillé d’une journée-type. Il a rapporté les constatations faites lors de l’examen, décrit la personnalité de l’assurée et indiqué les résultats des tests psychométriques. L’expert a examiné le diagnostic d’épisode dépressif majeur, selon les critères diagnostiques DSM-5. Il a relevé s’être trouvé face à une assurée qui était plutôt souriante avec une mimique congruente au contenu du discours. Elle n’avait pleuré qu’une fois en évoquant le décès de son père. Globalement, elle assumait la plupart de ses activités quotidiennes et faisait état parfois d’un léger manque de motivation et d’entrain, sur le fond d’un sentiment de vide sous-jacent. Le sommeil s’était amélioré. Elle maitrisait mieux son poids, puisqu’elle avait peu ou pas de fringales alimentaires et avait pu perdre une vingtaine de kilos. Si parfois elle avait le sentiment que la vie ne valait plus la peine d’être vécue, elle n’avait aucun projet suicidaire. La symptomatologie émotionnelle était fluctuante et interférait peu dans les activités de loisirs (sociales, lecture de mangas) les tâches domestiques et ses relations avec une amie et son compagnon. On pouvait parler d’une évolution dysthymique. En l’absence de trouble dépressif antérieur, un trouble dépressif subclinique pouvait éventuellement être postulé. L’assurée avait repris une formation en cours du soir en septembre 2020, ce qui confirmait cette appréciation.

S’agissant du diagnostic d’anxiété généralisée, l’expert remarquait, après avoir décrit les indicateurs pour ce diagnostic, que le parcours scolaire de l’assurée n’était pas marqué par des difficultés liées à la discipline. Elle n’avait pas redoublé de classe et avait pu maintenir un emploi de très longue durée à temps complet au sein de trois magasins de J______ SA. Ensuite, elle avait mené à bien une formation dans l’horlogerie et suivait maintenant une formation pour obtenir une maturité en cours du soir, ce qui allait à l’encontre de ce diagnostic. Si l’on reprenait les critères de l’Utah, on relevait tout au plus une certaine labilité affective, mais qui relevait des troubles de personnalité de l’assurée. L’intolérance au stress était difficile à établir. Il n’y avait pas d’indice en faveur d’un manque d’organisation, ni d’impulsivité dans différents domaines, à part les troubles alimentaires, qui se rattachaient souvent à la personnalité état-limite. Les quelques troubles cognitifs ou de ralentissement liés à l’état dépressif étaient communs et sans spécificité. Enfin les caractéristiques anamnestiques du syndrome THADA chez l’adulte n’indiquaient aucun des sept critères se retrouvant dans sa biographie. En d’autres termes, il n’y avait aucun indice en faveur d’un THADA. Le bilan neuropsychologique réalisé en 2018 par la Dresse D______ et Mme E______ ne retenait pas non plus ce diagnostic, alors que c’était l’examen de choix dans ce cas-là.

S’agissant du diagnostic de trouble envahissant du développement - trouble du spectre de l’autisme, on retrouvait chez l’assurée des difficultés de contact dès le début de sa scolarité, qui avaient justifié un suivi psychothérapeutique durant plusieurs années. On retenait un certain « degré d’autisme », autrement dit des difficultés d’identification à l’autre, une gêne dans la relation à autrui, une forme d’incompréhension ou d’hyperesthésie dans la relation avec un sentiment d’insécurité et une ambivalence. Il fallait néanmoins observer que l’assurée avait pu maintenir une activité dans le domaine de la vente et que le rapport de son employeur, la librairie J______, du 12 septembre 2017, relevait que l’assurée avait donné pleine satisfaction dans son travail et mentionnait qu’elle était appréciée des clients, mais aussi de ses collègues et responsables et qu’elle était d’un naturel souriant et fiable. Elle avait su s’intégrer rapidement dans son équipe et dans le magasin et était disponible avec une conscience professionnelle qui était un atout. En d’autres termes, il n’y avait pas d’indice suggérant un trouble du spectre de l’autisme au vrai sens du terme. Certaines singularités pouvaient plutôt se rattacher à sa personnalité, soit quelques traits éventuellement schizoïdes. Certes, cela avait une incidence sur sa capacité de travail.

S’agissant du trouble général de la personnalité, on se retrouvait face à une personnalité qui d’emblée avait eu des problèmes de contact à l’adolescence avec autrui, justifiant une prise en charge pédopsychiatrique. L’assurée avait pu s’intégrer dans des activités extrascolaires de groupe, ce qui allait à l’encontre de troubles relationnels majeurs. Elle avait souvent manqué d’estime d’elle-même et présentait une certaine ambivalence quant à ses choix professionnels. Elle était restée toujours dépendante sur un mode fusionnel de figures parentales, très idéalisées. C’était probablement surtout le décès de son père qui avait entraîné un deuil difficile à faire avec un sentiment d’insécurité. Il fallait également retenir que l’assurée vivait une relation depuis 12 ans avec son ami et qu’ils ne faisaient pas ménage commun, sans que l’assurée puisse l’expliquer. Ils ne se voyaient qu’une fois par semaine. Les tendances à dériver sur la sphère somatique, ses difficultés intrapsychiques et le mauvais contrôle pulsionnel alimentaire renvoyaient surtout à une personnalité état-limite pour l’essentiel abandonnique avec des traits schizoïdes probables.

L’assurée avait toujours su s’adapter aux règles et routines et structurer ses tâches. C’était toujours le cas actuellement dans le monde extraprofessionnel et pour ses études. Quelques flexibilités d’adaptation étaient légèrement diminuées. Elle avait de la peine à faire face au changement et avait besoin d’activités routinières, simples et répétitives, sans prise de responsabilité. Elle avait des compétences professionnelles. Les capacités de décision et de jugement étaient plutôt altérées dans le champ professionnel. Elle était probablement assez inhibée au niveau social et tendait à éviter les conflits. Les contacts avec les tiers ou en groupe étaient marqués par une hyperesthésie aux jugements de l’autre, avec le sentiment d’être mise de côté. Elle peinait à comprendre les interactions sociales et préférait les relations duales. Elle avait de bonnes relations familiales et intimes et des activités spontanées. Elle gérait ses soins personnels et pouvait se déplacer. En conclusion, il n’y avait pas d’élément objectif permettant de s’écarter des conclusions de la Dresse F______ et l’expert retenait une incapacité de travail de 100% dès le 5 février 2018, 50% au 1er juillet 2019 et à 100% au 1er septembre 2019. Il semblait y avoir eu une détérioration de l’équilibre psychique de l’assurée, peut-être aussi en lien avec la fin des prestations perte de gain au 31 août 2019, ce qui l’avait mise dans une situation économique difficile, puisqu’elle semblait émarger maintenant des services sociaux. Il y avait une discordance majeure avec l’appréciation de la Dresse G______ qui, dans un rapport du 20 mars 2019, soit seulement un mois avant le bilan psychiatrique de la Dresse F______, parlait toujours d’un trouble dépressif moyen. On savait aussi que l’assurée avait interrompu son traitement pharmacologique pendant cette période et que cela avait contribué quelques mois après à une recrudescence de la symptomatologie anxio-dépressive, soit en septembre 2019. Lorsque l’expert avait examiné l’assurée, la symptomatologie dépressive n’était plus au premier plan. Elle gérait mieux sa boulimie et pouvait investir son avenir. Elle avait débuté en septembre 2020 des cours pour devenir bibliothécaire. Elle avait forcément dû s’y inscrire un peu avant et il fallait bien constater que l’évolution selon la Dresse G______ avait été jugée aussi favorable à fin 2019. Autrement dit, au plus tard le 1er août 2020, sa capacité de travail médico-théorique était entière dans une activité de vendeuse en librairie ou de bibliothécaire. L’assurée avait besoin d’une activité valorisant ses compétences intellectuelles et d’une certaine routine. Elle ne devait pas prendre trop de responsabilités. S’agissant des thérapies, il fallait poursuivre la prise en charge actuelle.

o. Par décision du 14 juin 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er février 2019 au 31 octobre 2020. Son statut était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle. Il ressortait de l’instruction médicale que son incapacité de travail était de 100% dans son activité habituelle dès le 5 février 2018 (début du délai d’attente d’un an), de 50% dès le 1er juillet 2019, de 100% dès le 1er septembre 2019 et de 0% dès le 1er août 2020. À l’échéance du délai d’attente, le 5 février 2019, son incapacité de gain était jugée entière. Par conséquent, le droit à une rente entière était ouvert dès cette date. Dès le 1er juillet 2019, son état de santé s’était amélioré, puisqu’elle présentait une capacité de travail dans toute activité de 50%. Toutefois, cette amélioration avait été de moins de trois mois, puisque son état de santé s’était péjoré le 1er septembre 2019. Par conséquent, son droit à une rente entière avait perduré. Dès le 1er août 2020, elle avait récupéré une capacité de travail de 100% dans toute activité. Cette amélioration avait duré plus de trois mois et la rente entière était donc versée jusqu’au 31 octobre 2020 (art. 89a al. 1 RAI). À partir du 1er novembre 2020, son invalidité devait être considérée comme nulle et des mesures d’ordre professionnel ne se justifiaient pas.

B. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée le 7 juillet 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, contestant être capable de travailler dès le 1er août 2020. Elle avait tenté une reconversion professionnelle comme opératrice en horlogerie en 2017, mais elle souffrait déjà de dépression à cette époque et le métier ne lui avait pas convenu. Même si elle le souhaitait, elle ne pouvait plus retourner travailler en horlogerie, sa maladie et sa médication ne lui permettant plus de travailler avec précision, car elle avait fréquemment les mains qui tremblaient. Sa réhabilitation et sa guérison étaient sa priorité depuis des années. Elle venait de terminer une première année à l’ECGA qui lui permettrait d’acquérir la maturité spécialisée pour s’orienter à la HEG. Elle souhaitait se reconvertir dans le métier de bibliothécaire afin d’allier ce qu’elle aimait de son métier de libraire à un cadre plus calme et non commercial. Son suivi psychologique et ses visites hebdomadaires à la clinique Belmont l’aidaient petit à petit à lutter contre son anxiété sociale, à mieux appréhender les périodes de stress ainsi qu’à sortir de sa dépression. Elle demeurait toutefois en incapacité totale de travailler et avait besoin de l’aide de l’assurance-invalidité pour mener à bien et de façon durable sa réhabilitation professionnelle et sociale.

La recourante a produit notamment une attestation de scolarité de K______ pour l’année scolaire 2020-2021 dès le 24 août 2020 ainsi que des certificats d’arrêt de travail signés par la Dresse G______, non motivés.

b. Par réponse du 3 août 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours. La recourante avait fait l’objet d’une expertise psychiatrique auprès du Dr H______ dont le rapport du 25 février 2021 devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Les certificats d’arrêt de travail qu’elle avait produits à l’appui de son recours n’étaient pas des rapports médicaux circonstanciés et ne suffisaient pas à remettre en question les conclusions de l’expert.

c. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 2 mars 2022.

C. a. Par courrier du 14 mars 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

b. Par courrier du 21 mars 2022, l’intimé a indiqué qu’il n’avait pas de motif de récusation formel ou matériel à faire valoir à l’encontre de l’expert proposé. S’agissant du projet de mission d’expertise, le SMR, dans son avis du 21 mars 2021 annexé, a sollicité qu’un dosage sanguin des traitements psychotropes soit effectué.

c. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’assurance-invalidité.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.2  

5.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

5.2.2 Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs developpés par le Tribunal fédéral suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

5.2.3 Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).

5.3 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.5 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

5.6 Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.             En l’espèce, l’intimé a pris la décision querellée sur la base d’un rapport établi par le Dr H______. Les conclusions de ce dernier ne sont pas convaincantes, car il retient que la recourante est totalement incapable de travailler comme libraire, ou bibliothécaire, sans tenir compte du fait que la recourante a précisément tenté de changer d’orientation, car le métier de libraire la mettait trop en contact avec des gens dans un contexte commercial. Le métier de libraire n’est pas totalement assimilable à celui de bibliothécaire, en particulier pas dans le cas de la recourante, au vu de ses atteintes qui lui rendent difficile de gérer le contact avec autrui et le stress qui peut être associé à une activité commerciale. L’expert n’a en outre pas parlé de la dernière activité habituelle de la recourante avant son incapacité de travail totale, qui était dans l’horlogerie.

Par ailleurs, l’expert ne semble pas avoir tenu compte du fait que l’état de la recourante est variable et semble avoir minimisé l’ampleur de son atteinte. L’évolution favorable constatée par le Dresse G______ le 21 juin 2020 n’a pas été durable, dès lors que la recourante a informé la chambre de céans avoir interrompu sa formation pour devenir bibliothécaire, en novembre 2021, car elle n’y arrivait plus. Certains jours, elle arrivait à fonctionner, mais d’autres jours, elle n’arrivait pas à sortir et cela affectait son moral. Elle faisait de la dermatilomanie (grattage compulsif). Elle avait ce problème de manière constante mais le maîtrisait plus ou moins bien.

Les diagnostics et la capacité de travail que l’expert a retenus diffèrent de ceux de la Dresse G______. Les conclusions de cette dernière qui reposent sur un suivi sur le long terme remettent sérieusement en cause les conclusions du Dr H______.

En conclusion, il s’avère nécessaire de faire procéder à une nouvelle expertise psychiatrique qui sera confiée au docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à Chêne-Bourg.

Il sera donné suite à la demande de question complémentaire de l’intimé.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.      Ordonne une expertise psychiatrique de Madame A______.

2.      Commet à ces fins le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à Chêne-Bourg.

3.      Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A)      prendre connaissance du dossier de la cause ;

B)       si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l’assurée ;

C)       examiner et entendre l’assurée, après s’être entourés de tous les éléments utiles, au besoin d’avis d’autres spécialistes ;

D)      si nécessaire, ordonner d’autres examens.

4.      Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.         Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

2.         Quelles sont les plaintes et données subjectives de l’assurée ?

3.         Quels sont le status clinique et les constatations objectives ?

4.         Quels sont les diagnostics selon la classification internationale ?

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse) :

4.1         Avec répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.3         Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

4.4         Les plaintes sont-elles objectivées ?

4.5         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’assurée).

4.6         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.         Quelles sont les limitations fonctionnelles ?

Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic (en mentionnant leur date d’apparition) :

5.1         Dans l’activité habituelle,

5.2         Dans une activité adaptée.

6.         Traitement

6.1 Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

6.2 L’assurée a-t-elle fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ?

6.3 Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

6.4 Effectuer un dosage sanguin des traitements psychotropes que prend l’assurée.

7.         Capacité de travail

7.1         Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail de l’assurée, en pourcent :

a)             dans l’activité habituelle,

b)            dans une activité adaptée.

7.2         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.

7.3         Evaluer l’exigibilité, en pourcent, d’une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d’activité adapté.

7.4         Décrire les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte.

7.5         Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

7.6         Si une diminution de rendement est retenue, celle-ci est-elle déjà incluse dans une éventuelle réduction de la capacité de travail ou vient-elle en sus ?

7.7         Serait-il possible d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales ? Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

7.8         Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

7.9         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

7.10     Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

7.11     Est-ce que l’assurée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?

7.12     Si oui, quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation (motivez votre position) ?

7.13     De quelles ressources mobilisables l’assurée dispose-t-elle ?

7.14     Quel est le contexte social ? L’assurée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

7.15     Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’assurée à reconnaître sa maladie ?

7.16     Dans l’ensemble, le comportement de l’assurée vous semble-t-il cohérent ?

8.         Appréciation d’avis médicaux du dossier

8.1 Êtes-vous d'accord avec les diagnostics et la capacité de travail retenus par la Dresse D______ (rapports des 6 novembre 2018 et 13 février 2019) ? si non, pour quels motifs ?

8.2 Êtes-vous d’accord avec les conclusions de la Dresse F______ (rapport du 16 avril 2019) ? si non, pour quels motifs ?

8.3 Êtes-vous d’accord avec les conclusions de la Dresse G______ (rapports du 15 juillet, 6 novembre 2019, 21 juin 2020) ? si non, pour quels motifs ?

8.4 Êtes-vous d’accord avec les conclusions du Dr H______ (rapport du 31 juillet 2020) ? si non, pour quels motifs ?

9.         Formuler un pronostic global.

10.     Faire toute remarque utile et proposition utile.

5.      Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

6.      Réserve le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le