Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2663/2021

ATAS/167/2022 du 24.02.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : DROIT DU TRAVAIL;INCAPACITÉ DE TRAVAIL;DÉLAI DE RÉSILIATION
Normes : LACI.13; LACI.14.al1; LACI.22; LACI.23; OACI.11; OACI.41.al1; CO.336c.al2; CCT-MTMB.14.al3; CCT-MTMB.14.al6.letiii; CCT-MTMB.14.al9
Résumé : Procédant à l’interprétation de l’art. 14 al. 6 iii CCT-MTMB, la Cour de céans a retenu que la protection contre le licenciement en cas d’incapacité de travail durable, instaurée par cette disposition, se limite à 720 jours. La question de savoir si le 721ème jour suivant le début de l’incapacité de travail marque la date de fin du contrat de travail ou le début du préavis de résiliation de deux mois (cf. art. 14 al. 3 CCT-MTMB) peut rester ouverte, dans la mesure où elle n’a pas d’incidence sur le sort du litige.
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2663/2021 ATAS/167/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 février 2022

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, représenté par le Syndicat UNIA

 

 

recourant

contre

 

UNIA CAISSE DE CHÔMAGE, sise CDC-Centre de compétences Romand, case postale 1496, LAUSANNE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a.  Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou l’assuré), né le ______ 1962, a travaillé pour l’entreprise B______ (ci-après : l’employeur) à partir du 11 juillet 2016 en qualité de ferblantier.

b. Suite à un accident dont il a été victime le 1er avril 2017, il s’est trouvé en incapacité totale de travailler. Il a été mis au bénéfice d’indemnités journalières de la part de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : SUVA) dès cette date.

c. Le 19 décembre 2018, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’intéressé pour le 31 mars 2019, invoquant un motif économique.

d. Par courrier du 15 janvier 2020 à l’attention de l’employeur, l’intéressé s’est prévalu de la nullité du licenciement, celui-ci étant intervenu durant le délai de protection légal consécutif à l’accident.

e. Le 3 mars 2020, la SUVA a informé l’assuré de ce que le droit aux indemnités journalières prendrait fin au 31 mai 2020, l’état de santé étant stabilisé. Il était invité à entreprendre des démarches en vue de trouver un poste de travail adapté.

f. Dès le 1er juillet 2020, l’assuré a justifié d’une pleine capacité de travail. Il a sollicité le versement de l’indemnité chômage auprès de la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse).

g. Par courrier du 3 août 2020, la caisse a ouvert un délai-cadre d’indemnisation du 9 juillet 2020 au 31 juillet 2022. Le gain assuré était calculé sur la base d’un montant forfaitaire de CHF 2'756,- et l’indemnité journalière était fixée à CHF 101.60, correspondant à 80% du gain assuré.

h. Par courrier du 5 octobre 2020, l’assuré a écrit à la caisse afin de s’opposer à ce que son gain assuré soit calculé de manière forfaitaire, comme s’il n’avait pas été partie à un rapport de travail durant le délai-cadre de cotisation. Vu la nullité du licenciement du 19 décembre 2018, la période durant laquelle il avait touché des indemnités journalières de la SUVA devait être considérée comme période de cotisation.

i. Par décision du 15 octobre 2020, la caisse a confirmé son calcul. Le délai-cadre de cotisation s’était écoulé du 9 juillet 2018 au 8 juillet 2020. Or, les rapports de travail avec l’ancien employeur ayant pris fin au 31 mars 2019, l’assuré ne pouvait se prévaloir que de 8.793 mois de cotisations durant cette période. Dans la mesure où l’incapacité de travail avait par ailleurs duré plus d’un an et un jour durant ce même délai cadre, la caisse devait fixer le gain assuré de manière forfaitaire.

j. Le 20 octobre 2020, l’intéressé a formé opposition contre cette décision. Vu la nullité de la résiliation du 19 décembre 2018, le contrat avait perduré jusqu’au 31 mai 2020, date du versement de la dernière indemnité journalière de la part de la SUVA. En effet, en vertu de l’art. 14 al. 6 iii de la Convention collective de travail pour les métiers techniques de la métallurgie du bâtiment (ci-après : CCT-MTMB), le contrat de travail du recourant ne pouvait être résilié valablement avant la fin du versement des indemnités journalières SUVA, mais prenait fin automatiquement à cette même date.

k. Par décision sur opposition du 15 juin 2021, reçue par l’assuré le lendemain, la caisse a rejeté l’opposition. La résiliation du 19 décembre 2018 était valable, faute pour l’assuré de l’avoir faite invalider par un tribunal. Les rapports de travail avaient donc bien pris fin au 31 mars 2019. De plus, si par impossible, la résiliation n’était pas valable, les rapports de travail avaient de toute manière pris fin au 31 mai 2019 au plus tard, en vertu de la CCT-MTMB. Contrairement à la lecture qu’en faisait l’assuré, celle-ci ne le protégeait pas contre une résiliation au-delà de 720 jours d’incapacité de travail, ce même si des indemnités journalières continuaient à être versées. Dès lors, la résiliation des rapports de travail intervenait d’office, au plus tard au 721ème jour d’incapacité, soit le 21 mars 2019. Le préavis conventionnel étant de deux mois pour la fin d’un mois, le contrat avait pris fin au 31 mai 2019. La période de cotisation correspondait donc au maximum, durant le délai-cadre, à 10.793 mois, soit moins d’un an. C’est ainsi à juste titre que l’indemnité avait été calculée de manière forfaitaire.

B. a. Le 16 août 2021, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 15 juin 2021. Il a conclu à l’annulation de dite décision ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de chômage qui ne soit pas calculée sur une base forfaitaire. Il a développé les mêmes arguments que ceux figurant dans son opposition du 20 octobre 2020.

b. L’intimée a répondu par courrier du 31 août 2021. Elle a maintenu sa décision et conclu au rejet du recours en renvoyant aux faits et motifs développés dans sa décision sur opposition.

c. Le recourant n’ayant pas fait usage du délai que lui a octroyé la chambre de céans afin de produire d’éventuelles observations, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le présent recours, interjeté en temps utile, vu la suspension des délais du 15 juillet au 15 août inclusivement, est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

3.             Le litige porte sur la durée de la période de cotisation durant le délai-cadre de cotisation.

4.             L’assuré a droit à l’indemnité de chômage notamment s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 8 al. 1er let. e LACI, en liaison avec les art. 13 et 14 LACI).

5.             L’art. 13 al. 1er LACI dispose que celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l’al. 2 let. c de cette disposition, compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assuré est partie à un rapport de travail, mais ne touche pas de salaire parce qu’il est malade (art. 3 LPGA) ou victime d’un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations.

5.1 Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l’assuré, destinée à l’obtention d’un revenu soumis à cotisation pendant la durée d’un rapport de travail. La condition de la durée minimale d’activité soumise à cotisation s’examine donc seulement au regard de la durée formelle du rapport de travail considéré et non des jours effectifs de travail, même en présence de missions irrégulières appartenant chacune à différents contrats de travail auprès du même employeur. Ainsi, chaque mois civil entier durant lequel l’assuré est soumis à cotisation dans le cadre d’un rapport de travail compte comme mois de cotisation (art. 11 al. 1er de l’ordonnance du 31 août 1983 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité [OACI]). Les périodes de cotisation qui n’atteignent pas un mois civil entier sont additionnées. Trente jours sont réputés constituer un mois de cotisation (art.  11 al. 2 OACI). Sont alors déterminantes les périodes pendant lesquelles l’assuré s’est trouvé pendant le délai de deux ans dans un ou plusieurs rapports de travail. Dans le cadre temporel de ces rapports juridiques, il y a lieu de retenir les jours ouvrables de la période concernée, indépendamment de l’exercice effectif d’une activité lucrative ces jours-là. Pour la conversion d'une journée de travail, on utilise le facteur 1,4 (7 jours civils : 5 jours ouvrables = 1,4) ; multipliés par le facteur 1.4, les jours ouvrables sont alors convertis en jours civils et réputés former un mois de cotisation lorsqu’ils atteignent le nombre de trente (ATF 122 V 249 consid. 2c et 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_555/2019 du 18 décembre 2019 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 267/02 du 19 mai 2003 consid. 3.2).

L’exercice d’une activité salariée pendant douze mois au moins est une condition à part entière pour la réalisation de la période de cotisation, tandis que le versement d’un salaire effectif n’est pas forcément exigé, mais permet au besoin de rapporter la preuve de cette activité. Le versement déclaré comme salaire par un employeur ne fonde cependant pas, à lui seul, la présomption de fait qu’une activité salariée soumise à cotisation a été exercée (ATF 133 V 515 consid. 2.3).

5.2 Une période assimilée entre en considération lorsque l'obligation de l'employeur de verser le salaire a pris fin (cf. art. 324a CO) ou qu'à la place du salaire, l'assuré bénéficie d'indemnités journalières de l'assurance-maladie ou de l'assurance-accidents (art. 324b CO). Cette prise en compte d'une période assimilée a une fonction de coordination en relation avec l'assurance-maladie et l'assurance-accidents. En effet, contrairement aux indemnités journalières de l'assurance-invalidité (art. 25 LAI) et de l'assurance militaire (art. 29 LAM), les indemnités journalières de l'assurance-maladie et de l'assurance-accidents ne sont pas soumises à cotisation (cf. art. 6 al. 2 let. b RAVS). C'est pourquoi le salaire déterminant pour le gain assuré est, dans ce cas, le salaire que l'assuré aurait normalement obtenu. En revanche lorsque l'assuré obtient des indemnités journalières de l'assurance-invalidité, celles-ci sont soumises à cotisation de l'assurance-chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_821/2017 du 4 juin 2018 consid. 6.2 et les références).

6.             L’art. 14 al. 1er LACI prévoit que sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3) et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, pour l’un des motifs suivants : formation scolaire, reconversion ou perfectionnement professionnel, à la condition qu’elles aient été domiciliées en Suisse pendant dix ans au moins (let. a) ; maladie (art. 3 LPGA), accident (art. 4 LPGA) ou maternité (art. 5 LPGA), à la condition qu’elles aient été domiciliées en Suisse pendant la période correspondante (let. b) ; séjour dans un établissement suisse de détention ou d’éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature (let. c).

7.             L’ouverture d’un droit à l’indemnisation de chômage sur la base d’une libération des conditions relatives à la période de cotisation est subsidiaire à celle qui se fonde sur une période de cotisation suffisante au sens de l’art. 13 LACI (ATF 112 V 237). La condition déterminante pour admettre l'existence d'une période assimilée plutôt que celle d'un motif de libération n'est pas le fait que l'assuré a payé des cotisations, mais bien plutôt le fait qu'il a été partie à un rapport de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_782/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.3 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 29 s. ad art. 13 LACI).

8.             En vertu de l’art. 22 al. 1 LACI, l’indemnité journalière pleine et entière s’élève à 80% du gain assuré. Selon l’al. 2 de l’art. 22 LACI, une indemnité journalière s’élevant à 70% du gain assuré est octroyée aux assurés qui n’ont pas d’obligation d’entretien envers des enfants de moins de 25 ans (let. a), bénéficient d’une indemnité journalière entière dont le montant dépasse 140 francs (let. b), et ne touchent pas une rente d'invalidité d'au moins 40 % (let. c).

8.1 À teneur de l’art. 23 al. 1er LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail. Le montant maximum du gain assuré (art. 18 LPGA) correspond à celui de l’assurance-accidents obligatoire. Le gain n’est pas réputé assuré lorsqu’il n’atteint pas un montant minimum. Le Conseil fédéral détermine la période de référence et fixe le montant minimum. Le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisations qui précèdent le délai-cadre d’indemnisation (art. 37 al. 1 OACI). Il est déterminé sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de cotisations précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’al. 1 (art. 37 al. 2 OACI). L’art. 39 OACI prévoit que pour les périodes qui, selon l'art. 13 al. 2 let. b à d, LACI, sont prises en compte comme périodes de cotisation, est déterminant le salaire que l'assuré aurait normalement obtenu.

8.2 Selon l’art. 23 al. 2 LACI, pour les assurés qui, au terme d’un apprentissage, touchent des indemnités de chômage, ainsi que pour les personnes qui sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation, le Conseil fédéral fixe des montants forfaitaires comme gain assuré. Il tient compte en particulier de l’âge, du niveau de formation ainsi que des circonstances qui ont amené à la libération des conditions relatives à la période de cotisation. L’art. 41 al.1 OACI qui concrétise cette disposition prévoit que le gain assuré des personnes qui sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation ou qui sont au terme d’une formation professionnelle initiale est fixé aux montants forfaitaires suivants: 153 francs par jour pour les personnes titulaires d’un diplôme de formation du niveau tertiaire (haute école ou formation professionnelle supérieure ou équivalente) (let. a) ; 127 francs par jour pour les personnes titulaires d’un diplôme de formation du niveau secondaire II (formation professionnelle initiale) (let. b) ; 102 francs par jour pour toutes les autres personnes si elles ont plus de 20 ans (let. c).

9.             L’art. 14 al. 3 CCT-MTMB, laquelle a été étendue par arrêté du Conseil d’Etat du 20 avril 2016 (J 1 50.25), stipule que de la deuxième à la neuvième année de service, le délai de congé est de deux mois pour la fin d’un mois.

Au terme de l’art. 14 al. 6 iii de la CCT-MTMB, après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale, tant que le travailleur perçoit des indemnités journalières de l’assurance maladie ou accident, mais ce durant au maximum 720 jours. Dans cette hypothèse, les rapports de travail prendront fin d’office à l’épuisement du droit aux indemnités journalières, si le travailleur n’est plus en mesure de reprendre son activité à plein temps.

L’art. 14 al. 9 CCT-MTMB précise qu’est notamment réservé l’art. 336c al. 2 CO, lequel prévoit la nullité du congé donné pendant l’une des périodes de protection prévues à l’art. 336c al.1 CO. 

À teneur de l’art. 362 CO, il ne peut être dérogé à l’art. 336c CO au détriment du travailleur.

10.         Une norme de droit suisse doit être interprétée en premier lieu sur la base de sa lettre (interprétation littérale). Si celle-ci n’est pas absolument claire, si plusieurs interprétations de son texte sont possibles, ou lorsque l'application d'autres méthodes d'interprétations font apparaître des éléments significatifs qui laissent penser que le vrai sens de la norme en cause diffère de celui de sa lettre claire, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 147 I 241 consid. 5.7.1 ; ATF 147 III 218 consid. 3.3.2.1 ; ATF 147 I 206 consid. 3.5 ; ATF 147 V 174 consid. 6.2.2 ; ATF 147 I 103 consid. 13.1 ; ATF 147 III 41 consid. 3.3.1 ; ATF 146 V 51 consid. 8.1). Les autorités d’application du droit fédéral sont liées par celui-ci (ATF 144 I 126 consid. 3 ; ATF 139 I 180 consid. 2.2 ; ATF 138 I 61 consid. 4.7). Il ne revient en particulier pas à un tribunal suisse de décider du champ de couverture des assurances sociales suisses ; il s’agit d’un choix de valeur qui revient aux autorités législatives (ATF 146 V 378 consid 4.5).

11.         En l'espèce, il s'agit d’établir à quelle date les rapports de travail ont pris fin, afin de déterminer si le recourant remplit la durée minimale de cotisation au sens de l’art. 13 LACI (y compris les périodes assimilées au sens de l’art. 13 al. 2 LACI).

11.1 Pour l’intimée, selon son argumentation principale, les rapports de travail ont pris fin au 31 mars 2019, conformément à la résiliation du contrat de travail du 19 décembre 2018. En effet, cette résiliation n’ayant pas été contestée par-devant un tribunal, elle n’a jamais été annulée judiciairement. Partant, la caisse ne pouvant se substituer à l’employeur ou au juge prud’hommes et annuler la résiliation elle-même, celle-ci doit être considérée comme valable.

11.2 Le recourant considère, à cet égard, qu’une résiliation donnée en temps inopportun est nulle et conséquemment dépourvue, d’office, de tout effet juridique.

Il est clair et au demeurant admis par les parties que la résiliation du 19 décembre 2018 est bien intervenue en temps inopportun au sens de l’art. 14 al. 6 iii CCT-MTMB. Or, la chambre de céans rappelle que, conformément à l’art. 336c al. 2 ab initio CO, la conséquence d’une telle irrégularité est bien la nullité, laquelle peut être invoquée en tout temps, par quiconque dispose d’un intérêt digne de protection. Elle doit en outre être examinée d’office par l’autorité ou le juge.

11.3 Le recourant s’est prévalu de la nullité de la résiliation du 19 décembre 2018 directement auprès de son employeur par pli du 15 janvier 2019. Il l’a également signalée à l’intimée par courrier du 3 août 2020, soit avant même sa décision initiale. Contrairement à ce que soutient l’intimée, s’agissant d’un cas évident de nullité du congé, on ne saurait exiger du recourant qu’il intente une action en constatation de cette nullité par-devant la juridiction civile, ce d’autant moins qu’il n’a, semble-t-il, aucune prétention à faire valoir contre son employeur à ce titre. Cette résiliation nulle ex tunc ne déploie ainsi aucun effet juridique.

12.         Au vu de ces éléments, les rapports de travail ont donc perduré au-delà du 31 mars 2019. L’employeur n’ayant pas procédé activement à une nouvelle résiliation par la suite, c’est à juste titre que les parties se fondent toutes deux sur l’art. 14 al. 6 iii in fine CCT-MTMB pour déterminer la date de fin des rapports de travail. Elles divergent cependant quant à la conclusion qu’il convient d’en tirer.

12.1 Dans son raisonnement subsidiaire, l’intimée plaide en effet que les rapports de travail ont pris fin automatiquement au 31 mai 2019 par application de la CCT-MTMB. La protection contre le licenciement de l’art. 14 al. 6 iii de la CCT-MTMB étant limitée à 720 jours depuis le début de l’incapacité, elle s’est terminée le 20 mars 2019. Dès le lendemain, le contrat pouvait donc être résilié moyennant un préavis de deux mois pour la fin d’un mois (art. 14 al. 3 CCT-MTMB), soit pour le 31 mai 2019. Une telle résiliation intervenait même automatiquement, vu la formulation de l’art. 14. al. 6 iii de la CCT-MTMB.

12.2 Le recourant soutient pour sa part, également sur la base de l’art. 14 al. 6 iii in fine CCT-MTMB, que les rapports de travail se sont terminés au 31 mai 2020. En effet, la résiliation du 19 décembre 2018 pour le 31 mars 2019 étant nulle et l’employeur s’étant abstenu de résilier valablement le contrat de travail au terme de la période de protection de 720 jours, la relation professionnelle a pris fin d’office à l’épuisement du droit aux indemnités journalières de la SUVA, soit au 31 mai 2020.

13.         La différence entre ces deux lectures résulte de la formulation peu claire de l’art. 14 al. 6 iii in fine CCT-MTMB. Il est en particulier impossible de déterminer avec certitude, sur la base du texte seul, si l’expression « dans cette hypothèse » de la deuxième phrase renvoie bien à l’ensemble de la phrase précédente (qui prévoit une protection contre le licenciement durant au maximum 720 jours, pour autant que des indemnités journalières soient versées relativement à la même période, les deux conditions étant ainsi cumulatives) ou uniquement au fait que des indemnités journalières continuent à être versées par l’assureur maladie ou accident (indépendamment d’une durée maximale).

L’absence de clarté du texte s’opposant donc à une interprétation littérale de la disposition en question, il convient de recourir aux autres méthodes d'interprétation.

À cet égard et même en l’absence de travaux préparatoires accessibles, il est possible d’identifier le but de la norme, qui consiste dans une meilleure protection des travailleurs contre le licenciement en cas d’incapacité de travail durable. De fait, en stipulant une impossibilité de licencier durant 720 jours en cas d’incapacité de travail, la CCT-MTMB améliore sensiblement la protection légale de l’art. 336c CO qui prévoit une interdiction de licencier maximale de 180 jours (uniquement dès la sixième année de service) et réalise donc largement ce but.

Sous l’angle systématique, la limite de la protection contre le licenciement à un nombre de jours déterminés, en l’occurrence 720, suit la logique instaurée par le législateur à l’art. 336c CO (tout en étendant la durée de protection), relatif à la même problématique.

14.         Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejoindre la lecture de l’art. 14 al. 6 iii CCT-MTMB faite par l’intimée, à savoir que la protection instaurée par cette disposition contre le licenciement en cas d’incapacité de travail se limite à 720 jours et que, conséquemment, le contrat prend fin d’office, au plus tôt le 721ème jour suivant le début de l’incapacité, soit, en l’espèce, le 21 mars 2019, ou, au plus tard le 31 mai 2019, s’il convient de considérer que le 721ème jour d’incapacité marque non pas la date de fin du contrat, mais plutôt la date du début du préavis de résiliation de deux mois de l’art. 14 al 3 CCT-MTMB.

À cet égard, la chambre de céans relève qu’à nouveau, l’art. 14 al. 6 iii CCT-MTMB est peu clair quant à ce qu’il faut entendre par « les rapports de travail prendront fin d’office ». Cette question peut cependant demeurer ouverte, dans la mesure où elle n’a pas d’incidence sur le sort du litige. Comme cela ressort des calculs, non contestés et au demeurant exacts de l’intimée, même en prenant en compte l’option la plus favorable au recourant, soit une résiliation d’office le 21 mars 2019 pour le 31 mai 2019, la période de cotisation assimilée pendant le délai-cadre de cotisation est de 10.793 mois, soit une période inférieure à douze mois et donc insuffisante au regard de l’art. 13 LACI, dont les conditions ne sont dès lors pas réunies.

15.         C’est ainsi à juste titre que l’intimée a fondé le droit du recourant à l’indemnité chômage sur la base de l’art. 14 al. 1 let. b LACI et l’a calculée sur un montant forfaitaire, conformément à l’art. 41 al. 1 let. c OACI.

16.         Partant, le recours est rejeté.

17.         Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le